Saisie de documents informatiques : l’inépuisable article 145 du code de procédure civile

Notez ce point juridique

Au regard du risque d’effacement des preuves lié à leur nature informatique et face à une volonté d’une société de dissimuler l’identité d’un distributeur, le recours à l’article 145 du CPC est justifié (en ce qu’il déroge au principe du contradictoire).

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime avant tout procès de conserver ou d’établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

L’article 145 du code de procédure civile suppose l’existence d’un motif légitime, c’est-à-dire un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, dont l’objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui. Elle doit être pertinente et utile.

Ainsi si le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer l’existence des faits qu’il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d’éléments rendant crédibles ces suppositions et démontrer que le litige potentiel n’est manifestement pas voué à l’échec, la mesure devant être de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur. De plus, si le demandeur dispose d’ores et déjà de moyens de preuve suffisants pour conserver ou établir la preuve des faits litigieux, la mesure d’instruction demandée est dépourvue de toute utilité et doit être rejetée. Enfin, ni l’urgence, ni l’absence de contestation sérieuse ne sont des conditions d’application de ce texte.

L’article 493 du code de procédure civile dispose lui que l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse.

Le juge doit donc rechercher également si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe du contradictoire. Les circonstances justifiant cette dérogation doivent être caractérisées dans la requête ou l’ordonnance qui y fait droit.

Enfin il résulte des articles 497 et 561 du code de procédure civile que la cour d’appel, saisie de l’appel d’une ordonnance de référé statuant sur une demande en rétractation d’une ordonnance sur requête, est investie des attributions du juge qui l’a rendue devant lequel le contradictoire est rétabli. Cette voie de contestation n’étant que le prolongement de la procédure antérieure, le juge doit apprécier l’existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête, à la lumière des éléments de preuve produits à l’appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui.

Résumé de l’affaire

L’affaire concerne un litige entre la société FLOWSERVE CORPORATION et la société SAP FRANCE SOCIETE D’APPROVISIONNEMENT DES PETROLIERS concernant des certificats falsifiés utilisés dans le cadre d’appels d’offres émis par la société SONATRACH en Algérie. Suite à une décision de justice, des mesures ont été prises pour rechercher et conserver des correspondances électroniques entre les deux sociétés. Après un recours en référé, le juge a maintenu les mesures prises et a rejeté les demandes de dommages-intérêts. Les deux sociétés ont fait appel de cette décision. La société SAP FRANCE demande la rétractation de l’ordonnance initiale et des dommages-intérêts, tandis que la société FLOWSERVE demande la confirmation de la décision du juge des référés. L’affaire est en attente de jugement de la cour d’appel.

Les points essentiels

Sur la recevabilité et le bien-fondé de la requête de la société FLOWSERVE CORPORATION

La société FLOWSERVE CORPORATION a demandé une mesure d’instruction in futurum au président de la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Metz en vertu de l’article 145 du code de procédure civile. Cette mesure vise à conserver ou établir la preuve de faits pouvant influencer l’issue d’un litige, sous certaines conditions.

Sur la recevabilité de la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

La société SAP FRANCE SOCIETE D’APPROVISIONNEMENT DES PETROLIERS a présenté une demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, qui a été déclarée irrecevable. Cette demande était hors du cadre de l’instance en rétractation d’une ordonnance sur requête.

Sur la demande de communication ou la production à la société FLOWSERVE CORPORATION des éléments recueillis en séquestre

La société FLOWSERVE CORPORATION a demandé la communication des éléments recueillis en séquestre par un huissier mandaté. Cette demande était recevable et le juge des référés est compétent pour statuer sur la levée totale ou partielle de la mesure de séquestre.

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

La société SAP FRANCE SOCIETE D’APPROVISIONNEMENT DES PETROLIERS a été condamnée aux dépens de première instance et d’appel, et sa demande d’application de l’article 700 du code de procédure civile a été rejetée. La société FLOWSERVE CORPORATION n’a pas bénéficié de cette indemnité.

Les montants alloués dans cette affaire: – La société SAP FRANCE SOCIETE D’APPROVISIONNEMENT DES PETROLIERS est condamnée aux dépens de l’instance
– La société SAP FRANCE SOCIETE D’APPROVISIONNEMENT DES PETROLIERS est condamnée aux dépens de l’appel

Réglementation applicable

– Article 145 du code de procédure civile
– Article 493 du code de procédure civile
– Article 497 du code de procédure civile
– Article 561 du code de procédure civile
– Article R 153-1 du code de commerce
– Article 700 du code de procédure civile

Texte de l’article 145 du code de procédure civile:
« S’il existe un motif légitime avant tout procès de conserver ou d’établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé. »

Texte de l’article 493 du code de procédure civile:
« L’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse. »

Texte de l’article 497 du code de procédure civile:
« La cour d’appel, saisie de l’appel d’une ordonnance de référé statuant sur une demande en rétractation d’une ordonnance sur requête, est investie des attributions du juge qui l’a rendue devant lequel le contradictoire est rétabli. »

Texte de l’article 561 du code de procédure civile:
« La cour d’appel, saisie de l’appel d’une ordonnance de référé statuant sur une demande en rétractation d’une ordonnance sur requête, est investie des attributions du juge qui l’a rendue devant lequel le contradictoire est rétabli. »

Texte de l’article R 153-1 du code de commerce:
« Le juge saisi en référé d’une demande de modification ou de rétractation de l’ordonnance est compétent pour statuer sur la levée totale ou partielle de la mesure de séquestre dans les conditions prévues par les articles R 153-3 à R 153-10. »

Texte de l’article 700 du code de procédure civile:
« L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu’à hauteur d’appel au profit de la société FLOWSERVE CORPORATION. »

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Stéphane FARAVARI
– Maître Frédéric JEANNIN
– Me François RIGO
– Maîtres Fabrice Hercot
– Fanny Callède

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