Injonction en référé de déposer les comptes d’une société

Notez ce point juridique

1. Attention à bien critiquer expressément ou implicitement les chefs de jugement que vous souhaitez contester en appel, conformément à l’article 562 du code de procédure civile.

2. Il est recommandé de saisir la cour de manière claire et précise en formulant une demande en interprétation conforme à l’article 461 du code de procédure civile.

3. Il est conseillé de respecter les termes de la requête en interprétation et de ne pas dépasser le cadre de l’interprétation de la décision initiale du juge, afin d’éviter toute contestation ultérieure.

Résumé de l’affaire

L’affaire concerne un litige entre MM. [L] et la société Entreprise de Presse Le Media (EDPLM) d’une part, et M. [G] en tant que président de la société [G] d’autre part. Les demandeurs ont assigné M. [G] en référé pour obtenir le dépôt des comptes annuels et des procès-verbaux de décisions de l’associé unique de la société [G] pour les exercices 2015 à 2019. Après une série d’ordonnances et de jugements, un différend persiste quant à l’interprétation de l’obligation de dépôt imposée à M. [G]. Les parties ont fait appel de la décision du juge des référés du tribunal de commerce de Paris, et demandent respectivement l’annulation de la requête introductive d’instance et la confirmation de la décision initiale.

Les points essentiels

Sur la saisine de la cour de la demande en nullité de la requête introductive d’instance

Aux termes de leur déclaration d’appel, MM. [L] ont formé appel de l’ordonnance entreprise dans les termes suivants :

‘Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués.

L’objet de l’appel est de solliciter l’infirmation de l’ordonnance du 25 novembre 2022, en ce qu’elle a jugé que l’ordonnance du 15 janvier 2021 n’exclut pas le recours par le déposant aux dispositions de l’article L.232-25 du code de commerce et de solliciter sa confirmation pour le surplus.’

Ce faisant, les appelants ne critiquent pas l’ordonnance en ce qu’elle dit M. [G] recevable en sa demande d’interprétation de l’ordonnance du 15 janvier 2021 (premier chef du dispositif). Ils ne la critiquent pas non plus en ce qu’elle a omis de statuer sur leur demande tendant à l’annulation pour vice de forme de la requête en interprétation.

Il s’en suit qu’en application de l’article 562 du code de procédure civile, aux termes duquel l’appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément ou implictement et de ceux qui en dépendent, la cour n’est pas saisie de la demande d’annulation de la requête en interprétation.

Sur le bien fondé de la requête en interprétation

Le premier juge a été saisi, sur le fondement de l’article 461 du code de procédure civile, d’une requête en interprétation de son ordonnance de référé rendue le 15 janvier 2021.

Selon ce texte, il appartient à tout juge d’interpréter sa décision si elle n’est pas frappée d’appel.

Le premier juge a interprété sa décision en ce sens que l’obligation de dépôt qui a été mise à la charge de M. [G] par l’ordonnance de référé du 15 janvier 2021, qui est conforme à la demande qui avait été formulée par les requérants, n’exclut pas le recours par le déposant aux dispositions de l’article L.232-25 du code de commerce.

Pour rappel, ce texte prévoit que lors du dépôt de leurs comptes annuels au greffe du tribunal de commerce, les sociétés répondant à la définition des micro-entreprises peuvent déclarer que les comptes annuels qu’elles déposent ne seront pas rendus publics.

Il ressort des termes de l’assignation que le juge des référés a été saisi par MM. [L] et la société EDPLM d’une simple demande de dépôt des comptes annuels de la société [G] et des procès-verbaux de décisions de son associé unique. Les requérants n’ont pas formulé de demande de dépôt et de publication. La question de la publication des documents à déposer n’a pas été débattue dans le cadre de cette instance.

L’article L.123-5-1 du code de commerce prévoit d’ailleurs que : ‘A la demande de tout intéressé ou du ministère public, le président du tribunal, statuant en référé, peut enjoindre sous astreinte au dirigeant de toute personne morale de procéder au dépôt des pièces et actes au registre du commerce et des sociétés auquel celle-ci est tenue par des dispositions législatives ou réglementaires.’ (souligné par la cour)

C’est donc à juste titre que le premier juge a considéré que conformément à la demande dont il avait été saisi, le juge des référés, dans son ordonnance du 15 janvier 2021, a seulement enjoint M. [G] de déposer au greffe du tribunal de commerce les comptes annuels et procès-verbaux de l’associé unique de sa société, sans autre obligation.

En précisant que l’ordonnance du 15 janvier 2021 n’exclut pas le recours par le déposant aux dispositions de l’article L.232-25 du code de commerce, le premier juge n’a fait qu’interpréter son ordonnance du 15 janvier 2021 sans statuer ultra petita contrairement à ce que soutiennent les intimés, même si la formulation peut laisser croire qu’il a été porté un début d’appréciation sur le bien fondé de la déclaration de confidentialité que M. [G] a effectuée, sur le fondement de l’article L.232-25 de code de commerce en déposant ses comptes annuels en exécution de l’ordonnance du 15 janvier 2021. La lecture des motifs de la décision du premier juge permet cependant de s’assurer que tel n’est pas le cas, le premier juge ayant au contraire expressément précisé qu’il n’appartient pas au juge des référés statuant sur l’interprétation de son ordonnance du 15 janvier 2021 de se prononcer sur le moyen tiré de l’éligibilité de la société [G] à la déclaration de confidentialité de ses comptes.

Il n’appartient pas plus à la cour, elle aussi saisie dans le strict cadre d’une requête en interprétation, d’apprécier si la société [G] est fondée à prétendre à cette déclaration de confidentialité, les développements des intimés sur ce point étant inopérants.

La cour confirmera ainsi l’ordonnance entreprise, sauf à reformuler la phrase de son dispositif: ‘ Disons que notre ordonnance n’exclut pas le recours par le déposant aux dispositions de l’article L. 232-25 du code de commerce’, par la formulation suivante : ‘Disons que l’ordonnance du 15 janvier 2021 n’impose pas d’autre obligation à M. [G] que celle de procéder au dépôt des comptes annuels de sa société et des procès-verbaux des décisions de l’associé unique’.

Le premier juge a exactement statué sur les dépens de première instance.

Perdant en appel, MM. [L] seront condamnés aux dépens de la présente instance.

L’équité et la situation économique des parties commandent d’exclure l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Les montants alloués dans cette affaire:

Réglementation applicable

– Code de procédure civile
– Code de commerce

Article 562 du code de procédure civile:
« La cour n’est pas saisie de la demande d’annulation de la requête en interprétation. »

Article 461 du code de procédure civile:
« Il appartient à tout juge d’interpréter sa décision si elle n’est pas frappée d’appel. »

Article L.232-25 du code de commerce:
« Lors du dépôt de leurs comptes annuels au greffe du tribunal de commerce, les sociétés répondant à la définition des micro-entreprises peuvent déclarer que les comptes annuels qu’elles déposent ne seront pas rendus publics. »

Article L.123-5-1 du code de commerce:
« A la demande de tout intéressé ou du ministère public, le président du tribunal, statuant en référé, peut enjoindre sous astreinte au dirigeant de toute personne morale de procéder au dépôt des pièces et actes au registre du commerce et des sociétés auquel celle-ci est tenue par des dispositions législatives ou réglementaires. »

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Carole BAZZANELLA
– Me Audrey SCHWAB
– Me Patricia AUBIJOUX

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