L’associé non gérant, qui a nécessairement connaissance des comptes lors de leur approbation, n’a dès lors aucun intérêt à solliciter que les comptes soient déposés sans confidentialité.
En application des dispositions de l’article L. 232-22 du code de commerce, les sociétés à responsabilité limitée sont tenues de déposer chaque année au greffe du tribunal de commerce différents documents relatifs aux comptes annuels. L’associé non gérant, qui a nécessairement connaissance des comptes lors de leur approbation, n’a dès lors aucun intérêt à solliciter que les comptes soient déposés sans confidentialité. L’article L. 123-5-1 du code de commerce précise que : « A la demande de tout intéressé ou du ministère public, le président du tribunal, statuant en référé, peut enjoindre sous astreinte au dirigeant de toute personne morale de procéder au dépôt des pièces et actes au registre du commerce et des sociétés auquel celle-ci est tenue par des dispositions législatives ou réglementaires. Le président peut, dans les mêmes conditions et à cette même fin, désigner un mandataire chargé d’effectuer ces formalités. » Selon les dispositions de l’article L. 232-25 alinéa 1er du code de commerce, lors du dépôt prévu au I des articles L. 232-21 à L. 232-23, les sociétés répondant à la définition des micro-entreprises peuvent déclarer que les comptes annuels qu’elles déposent ne seront pas rendus publics. L’usage de ce texte permet à une entreprise de conserver la confidentialité de ses comptes, vis-à-vis des concurrents, des clients, des fournisseurs ou encore de ses salariés. |
→ Résumé de l’affaireLe litige oppose les frères associés de la société Le Neptune, M. [W] [F] et M. [O] [F], concernant la communication des comptes annuels de la société. M. [O] [F] a demandé la communication des comptes annuels des cinq dernières années, restée sans réponse, et a ensuite saisi le tribunal de commerce pour obtenir l’approbation des comptes et des assemblées générales. Le tribunal a partiellement accédé à ses demandes en condamnant M. [W] [F] à payer une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile. M. [O] [F] a interjeté appel de cette décision et demande à la cour d’ordonner la communication des comptes annuels, la convocation des assemblées générales, la désignation d’experts pour examiner la gestion de la société, et le paiement de dommages et intérêts. De leur côté, M. [W] [F] et la société Le Neptune contestent les demandes de M. [O] [F] et demandent le rejet de ses demandes, ainsi que sa condamnation aux dépens.
|
→ Les points essentielsSur la demande d’injonction de dépôt des comptes annuels :En application des dispositions de l’article L. 232-22 du code de commerce, les sociétés à responsabilité limitée sont tenues de déposer chaque année au greffe du tribunal de commerce différents documents relatifs aux comptes annuels. L’article L. 123-5-1 du code de commerce précise que : « A la demande de tout intéressé ou du ministère public, le président du tribunal, statuant en référé, peut enjoindre sous astreinte au dirigeant de toute personne morale de procéder au dépôt des pièces et actes au registre du commerce et des sociétés auquel celle-ci est tenue par des dispositions législatives ou réglementaires. Le président peut, dans les mêmes conditions et à cette même fin, désigner un mandataire chargé d’effectuer ces formalités. » Les intimés justifient que leur conseil a adressé les comptes annuels relatifs aux années 2017 à 2021 au greffe du tribunal de commerce de Pontoise pour qu’ils y soient déposés selon courrier en date du 29 novembre 2022. Ils versent par ailleurs en pièces n° 7 à 11 les récépissés de dépôt, émanant du greffe du tribunal de commerce, des documents comptables relatifs aux exercices clos les 31/12/2017, 31/12/2018, 31/12/2019, 31/12/2020 et 31/12/2021. Selon les dispositions de l’article L. 232-25 alinéa 1er du code de commerce, lors du dépôt prévu au I des articles L. 232-21 à L. 232-23, les sociétés répondant à la définition des micro-entreprises peuvent déclarer que les comptes annuels qu’elles déposent ne seront pas rendus publics. L’usage de ce texte permet à une entreprise de conserver la confidentialité de ses comptes, vis-à-vis des concurrents, des clients, des fournisseurs ou encore de ses salariés. L’associé non gérant, qui a nécessairement connaissance des comptes lors de leur approbation, n’a dès lors aucun intérêt à solliciter que les comptes soient déposés sans confidentialité. Par ailleurs, à considérer même que l’attitude de M. [W] [F], gérant de la société, soit critiquable dans le déroulé des faits ayant finalement donné lieu au dépôt des comptes litigieux, cela ne saurait juridiquement être analysé, ainsi que le sollicite l’appelant, « comme un refus formel de communiquer les comptes annuels aux associés ». En conséquence, le dépôt des comptes sur les exercices 2017 à 2021 ayant été régularisé par le gérant de la société Le Neptune, l’appelant doit être débouté de sa demande à cette fin, laquelle est devenue sans objet. Sur la demande d’injonction de communication des comptes annuels :L’article L. 223-26 du code de commerce dispose que : « Le rapport de gestion, l’inventaire et les comptes annuels établis par les gérants, sont soumis à l’approbation des associés réunis en assemblée, dans le délai de six mois à compter de la clôture de l’exercice sous réserve de prolongation de ce délai par décision de justice. Si l’assemblée des associés n’a pas été réunie dans ce délai, le ministère public ou toute personne intéressée peut saisir le président du tribunal compétent statuant en référé afin d’enjoindre, le cas échéant sous astreinte, aux gérants de convoquer cette assemblée ou de désigner un mandataire pour y procéder. Les documents visés à l’alinéa précédent, le texte des résolutions proposées ainsi que le cas échéant, le rapport des commissaires aux comptes, les comptes consolidés et le rapport sur la gestion du groupe sont communiqués aux associés dans les conditions et délais déterminés par décret en Conseil d’Etat. Toute délibération, prise en violation des dispositions du présent alinéa et du décret pris pour son application, peut être annulée. A compter de la communication prévue à l’alinéa précédent, tout associé a la faculté de poser par écrit des questions auxquelles le gérant est tenu de répondre au cours de l’assemblée. L’associé peut, en outre, et à toute époque, obtenir communication, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, des documents sociaux déterminés par ledit décret et concernant les trois derniers exercices. Toute clause contraire aux dispositions du présent article et du décret pris pour son application, est réputée non écrite. Le I de l’article L. 225-100-1 s’applique au rapport de gestion. Le cas échéant, le II de l’article L. 225-100-1 s’applique au rapport consolidé de gestion. » Au cas présent, il est désormais avéré que les comptes des années 2017 à 2021 sont versés aux débats en pièces 1 à 5 par les intimés. Il en découle que nonobstant cette communication à l’évidence tardive, celle-ci est néanmoins désormais faite, de sorte qu’il n’y a pas lieu à enjoindre au gérant de la société Le Neptune de le faire, l’appelant ne démontrant pas quelle pourrait être l’utilité de prononcer une injonction concernant les seules annexes prétendument manquantes. Il est donc inutile d’examiner les griefs soulevés par M. [O] [F] quant à l’absence de diligences de M. [W] [F], en sa qualité de gérant. En outre, il convient de souligner que comme ce dernier le relève, ce n’est que par lettre en date du 17 mars 2022 que M. [O] [F] s’est enquis d’obtenir cette communication, de sorte qu’il mal venu de reprocher à son frère des manques de diligences, s’étant lui-même désintéressé, avant cette date, du fonctionnement de la société. Sur la demande d’injonction de convoquer une assemblée générale : L’article L. 223-26 reproduit ci-dessus est là-encore applicable. Si concernant les assemblées générales de la société Le Neptune il est patent que le gérant a été négligent durant plusieurs années, il n’en demeure pas moins que désormais, leur tenue pour les exercices 2018 à 2021 a été régularisée comme cela ressort du procès-verbal de constat de Maître [H] [J], huissier de justice missionné par décision de justice, établi le 22 novembre 2022. M. [O] [F] soulève de multiples irrégularités quant à la tenue de ces assemblées générales. Toutefois, il convient de relever que d’une part, il n’a pas usé de son droit à l’information lorsqu’il a reçu les convocations et que d’autre part, il n’a engagé aucune action en justice aux fins de voir prononcer leur nullité, de sorte qu’il n’est pas démontré la nécessité ni l’utilité de faire reconvoquer ces assemblées générales en ce compris celle destinée à statuer sur l’exercice 2017 puisque les documents juridiques et fiscaux le concernant sont versés aux débats et qu’il est seulement allégué, sans être démontré, qu’il s’agirait de faux. En conséquence de tout ce qui précède, l’ordonnance querellée sera confirmée en ce qu’elle a débouté M. [O] [F] de ses demandes d’injonctions. Sur la demande d’ordonner une expertise de gestion :Les deux premiers alinéas de l’article L. 223-37 du code de commerce dispose que : ‘Un ou plusieurs associés représentant au moins le dixième du capital social peuvent, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, demander en justice la désignation d’un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion. Le ministère public et le comité d’entreprise sont habilités à agir aux mêmes fins..’ La fonction de l’expertise de gestion, qui demeure une mesure exceptionnelle, est d’assurer l’information de l’actionnaire minoritaire qui n’aurait pas nécessairement été en mesure d’apprécier l’impact des opérations litigieuses sur l’intérêt social. Il s’agit d’une mesure dérogatoire aux règles de fonctionnement d’une société, permettant d’imposer une analyse de ce fonctionnement par un tiers à la société, de sorte que les textes qui prévoient la possibilité du recours à une telle expertise sont d’interprétation stricte. Par ailleurs, il est constant que les actes gestions sont ceux qui relèvent de la compétence des dirigeants sociaux, individuellement ou collégialement, ou du représentant légal de la société, et qu’en sont exclues les décisions qui relèvent de la compétence légale de l’assemblée générale des associés. Ainsi, dès lors que les griefs de M. [O] [F] portent essentiellement sur des décisions relevant de la compétence des assemblées générales, comme tel est le cas en particulier de la fixation de la rémunération du gérant ou de la reconstitution des capitaux propres de la société, le sérieux de la demande de l’appelant n’est pas démontré. Il sera en outre relevé que si le paiement des frais irrépétibles de première instance auxquels M. [W] [F] a été condamné à titre personnel, par le biais d’un chèque tiré sur le compte de la société Le Neptune, apparaît en effet comme étant une opération irrégulière, cette irrégularité est désormais purgée puisque l’expert-comptable de la société atteste que le montant litigieux sera imputé au compte courant d’associé de M. [W] [F]. En conséquence, l’ordonnance dont appel sera confirmée en ce qu’elle a débouté M. [O] [F] de sa demande d’expertise de gestion. Sur la demande de provision sur dommages et intérêts :Aux termes de l’article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce, statuant en référé, peut dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier. En application de ce texte, le montant de la provision qui peut être allouée en référé n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée. L’article 1240 du code civil dispose quant à lui que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Aux termes de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à celui que se prétend victime de prouver l’existence d’une faute, un dommage et du lien de causalité entre eux. Or s’il résulte des éléments du dossier que M. [W] [F] a été négligent, en particulier concernant la tenue des assemblées générales, le préjudice qui en aurait découlé pour M. [O] [F] n’est pas caractérisé, celui-ci s’étant désintéressé du fonctionnement de la société jusqu’au mois de mars 2022 comme il a été ci-dessus indiqué. Les lacunes quant à l’obligation de reconstitution des capitaux propres, avant que les comptes de la société ne redeviennent bénéficiaires du fait de l’abandon de créance de M. [N] [F], ne sont quant à elle pas susceptibles de causer un préjudice personnel à un associé, seul l’intérêt social étant en cause. S’agissant de la rémunération, au demeurant d’un faible montant, du gérant, il ressort de l’article 17 des statuts de la société que celle-ci doit être arrêtée par décision collective des associés, tandis que M. [W] [F] démontre que tel a été le cas aux termes de l’assemblée générale mixte des associés tenue le 14 juin 1995, sans remise en cause ultérieure. Nulle faute n’est donc démontrée à ce titre. M. [O] [F] doit donc être débouté de sa demande provisionnelle de dommages et intérêts. Sur les demandes accessoires : L’ordonnance querellée, qui a retenu que la tenue de l’assemblée générale du 21 novembre 2022 et la production des rapports de gestion portant sur les exercices 2018 à 2021 avaient été rendus possibles grâce à l’assignation en justice délivrée à la demande de M. [O] [F], sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance. Pour les mêmes raisons, alors que notamment le dépôt au greffe des comptes de la société Le Neptune a été enregistré postérieurement à l’audience devant le premier juge, il sera dit que les intimés ne sauraient prétendre à l’allocation de frais irrépétibles. M. [W] [F] devra en outre supporter les dépens d’appel tels que limitativement énumérés par l’aritcle 695 du code de procédure civile. L’équité commande en revanche de débouter toutes les parties de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Les montants alloués dans cette affaire:
|
→ Réglementation applicable– Code de commerce
– Code de procédure civile Article L. 232-22 du code de commerce: Article L. 123-5-1 du code de commerce: Article L. 223-42 du code de commerce: Article L. 223-37 du code de commerce: Article 873 alinéa 2 du code de procédure civile: Article 1240 du code civil: Article 9 du code de procédure civile: Article 695 du code de procédure civile: |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Jérémy DUCLOS, avocat au barreau de VERSAILLES
– Me Jean-louis ROCHE, avocat au barreau de VERSAILLES – Me Amèle BENTAHAR, avocat au barreau de PARIS – Me Jehane MAHDAR |