L’agrément des sous-traitants et l’action directe

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S’agissant de l’action directe du sous-traitant contre le maître de l’ouvrage, la société Projedis n’a pas fait accepter la société Eos System, ni agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance conclu avec cette dernière, par la société Bella Vita. Les conditions de mise en ‘uvre de l’action directe ne sont donc pas réunies.

Néanmoins, le maître de l’ouvrage était nécessairement avisé de la présence du sous-traitant sur le chantier, puisqu’il a signé le  » constat de réception de travaux  » établi le 4 septembre 2019 par la société Eos System, sur un document à son entête, au titre du contrat de sous-traitance conclu avec la société Projedis le 7 mars 2019. La société Bella Vita, profitant de la présence de la société Eos System sur le chantier, a d’ailleurs passé commande directement auprès de cette dernière de travaux de climatisation du local glace suivant devis accepté le 13 août 2019 (cf pièce n°17 de l’intimée). Ces prestations ont été réceptionnées sans réserve par le maître de l’ouvrage suivant  » constat de réception des travaux  » du 19 août 2019 et intégralement réglées par chèque le 21 août 2019.

En conséquence, c’est à juste titre que le tribunal a considéré que la société Bella Vita, en ne mettant pas l’entrepreneur principal en demeure de s’acquitter des obligations lui incombant en application de l’article 3 de la loi du 31 décembre 1975, a engagé sa responsabilité quasi-délictuelle.

Cette faute est à l’origine d’un préjudice consistant en la perte de chance pour la société EOS System de bénéficier de l’action directe, alors qu’il n’est pas démontré que le contrat de sous-traitance n’aurait pas permis l’acceptation du sous-traitant et l’agrément de ses conditions de paiement.

Pour rappel, l’article 3 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance dispose que :

 » L’entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l’ouvrage ; l’entrepreneur principal est tenu de communiquer le ou les contrats de sous-traitance au maître de l’ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande.

Lorsque le sous-traitant n’aura pas été accepté ni les conditions de paiement agréées par le maître de l’ouvrage dans les conditions prévues à l’alinéa précédent, l’entrepreneur principal sera néanmoins tenu envers le sous-traitant mais ne pourra invoquer le contrat de sous-traitance à l’encontre du sous-traitant.  »

Aux termes de l’article 12-1 de la même loi :

 » Le sous-traitant a une action directe contre le maître de l’ouvrage si l’entrepreneur principal ne paie pas, un mois après en avoir été mis en demeure, les sommes qui sont dues en vertu du contrat de sous-traitance ; copie de cette mise en demeure est adressée au maître de l’ouvrage ».

L’article 13 ajoute que :

 » L’action directe ne peut viser que le paiement correspondant aux prestations prévues par le contrat de sous-traitance et dont le maître de l’ouvrage est effectivement bénéficiaire.

Les obligations du maître de l’ouvrage sont limitées à ce qu’il doit encore à l’entrepreneur principal à la date de la réception de la copie de la mise en demeure prévue à l’article précédent ».

L’article 14-1 de la loi précitée prévoit encore que :

 » Pour les contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics :

– le maître de l’ouvrage doit, s’il a connaissance de la présence sur le chantier d’un sous-traitant n’ayant pas fait l’objet des obligations définies à l’article 3 ou à l’article 6, ainsi que celles définies à l’article 5, mettre l’entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s’acquitter de ces obligations. Ces dispositions s’appliquent aux marchés publics et privés ;

– si le sous-traitant accepté, dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l’ouvrage dans les conditions définies par Décret en Conseil d’Etat, ne bénéficie pas de la délégation de paiement, le maître de l’ouvrage doit exiger de l’entrepreneur principal qu’il justifie avoir fourni la caution « .

Enfin, l’article 1240 du code civil énonce que :  » Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer « .

Résumé de l’affaire

La société Bella Vita a fait appel à la société Projedis pour des travaux de rénovation de son restaurant, qui a sous-traité une partie des prestations à la société Eos System. Cette dernière n’ayant pas été intégralement payée, a assigné la société Projedis en justice pour obtenir le paiement de ses factures. Suite à la liquidation judiciaire de la société Projedis, la société Eos System a assigné le liquidateur en justice. Le tribunal de commerce de Versailles a condamné la société Bella Vita à payer à la société Eos System la somme due, ainsi que des dommages et intérêts. La société Bella Vita a interjeté appel de ce jugement, demandant sa mise hors de cause et des dommages et intérêts pour préjudice d’image. La société Eos System demande quant à elle la confirmation du jugement initial.

Les points essentiels

La position de la société Bella Vita

La société Bella Vita conteste sa responsabilité en tant que maître de l’ouvrage dans le litige entre la société Projedis et la société Eos System. Elle affirme ne pas avoir été informée de l’intervention de la société Eos System et ne pas avoir validé les prestations impayées. De plus, elle soutient ne pas avoir accepté expressément les conditions de paiement proposées par la société Eos System.

La position de la société Eos System

La société Eos System réclame le paiement des sommes dues par la société Projedis pour les travaux réalisés. Elle considère que la société Bella Vita a engagé sa responsabilité en ne mettant pas en demeure l’entreprise générale de respecter ses obligations envers le sous-traitant. Elle demande également des dommages et intérêts pour résistance abusive.

Sur la demande en paiement et la fixation au passif

Les articles de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance sont examinés pour déterminer les obligations des parties. Les contrats de sous-traitance entre la société Projedis et la société Eos System sont détaillés, ainsi que les factures impayées. La société Eos System a droit au paiement des sommes dues et sa créance est fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société Projedis.

Sur les demandes de dommages et intérêts

La société Eos System demande des dommages et intérêts pour résistance abusive, tandis que la société Bella Vita réclame des dommages pour préjudice d’image. Les demandes sont examinées et certaines sont rejetées faute de preuves suffisantes.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Le jugement est confirmé en ce qui concerne les dépens et l’article 700 du code de procédure civile. La société Bella Vita est condamnée aux dépens d’appel et aux frais irrépétibles exposés par la société Eos System.

Les montants alloués dans cette affaire: – Somme allouée à la société EOS System : 22.500 € à titre de dommages et intérêts
– Intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2022
– Somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– Dépens d’appel

Réglementation applicable

– Article 3 de la loi du 31 décembre 1975
– Article 12-1 de la loi du 31 décembre 1975
– Article 13 de la loi du 31 décembre 1975
– Article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975
– Article 1240 du code civil

Article 3 de la loi du 31 décembre 1975:
 » L’entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l’ouvrage ; l’entrepreneur principal est tenu de communiquer le ou les contrats de sous-traitance au maître de l’ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande.
Lorsque le sous-traitant n’aura pas été accepté ni les conditions de paiement agréées par le maître de l’ouvrage dans les conditions prévues à l’alinéa précédent, l’entrepreneur principal sera néanmoins tenu envers le sous-traitant mais ne pourra invoquer le contrat de sous-traitance à l’encontre du sous-traitant.  »

Article 12-1 de la loi du 31 décembre 1975:
 » Le sous-traitant a une action directe contre le maître de l’ouvrage si l’entrepreneur principal ne paie pas, un mois après en avoir été mis en demeure, les sommes qui sont dues en vertu du contrat de sous-traitance ; copie de cette mise en demeure est adressée au maître de l’ouvrage ».

Article 13 de la loi du 31 décembre 1975:
 » L’action directe ne peut viser que le paiement correspondant aux prestations prévues par le contrat de sous-traitance et dont le maître de l’ouvrage est effectivement bénéficiaire.
Les obligations du maître de l’ouvrage sont limitées à ce qu’il doit encore à l’entrepreneur principal à la date de la réception de la copie de la mise en demeure prévue à l’article précédent ».

Article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975:
 » Pour les contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics :
– le maître de l’ouvrage doit, s’il a connaissance de la présence sur le chantier d’un sous-traitant n’ayant pas fait l’objet des obligations définies à l’article 3 ou à l’article 6, ainsi que celles définies à l’article 5, mettre l’entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s’acquitter de ces obligations. Ces dispositions s’appliquent aux marchés publics et privés ;
– si le sous-traitant accepté, dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l’ouvrage dans les conditions définies par Décret en Conseil d’Etat, ne bénéficie pas de la délégation de paiement, le maître de l’ouvrage doit exiger de l’entrepreneur principal qu’il justifie avoir fourni la caution « .

Article 1240 du code civil:
« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Dan ZERHAT
– Me Sophie POULAIN
– Me Dimitri DEBORD
– Me Guillaume BARDON
– Maître [I] [M]

Mots clefs associés & définitions

– Société Bella Vita
– Société Projedis
– Société Eos System
– Action directe
– Maître de l’ouvrage
– Contrat de sous-traitance
– Responsabilité
– Paiement échelonné
– Mise en demeure
– Liquidation judiciaire
– Dommages et intérêts
– Préjudice d’image
– Procédure abusive
– Loi du 31 décembre 1975
– Contrats de sous-traitance
– Factures impayées
– Réception des travaux
– Action directe du sous-traitant
– Responsabilité quasi-délictuelle
– Faute
– Perte de chance
– Intérêts légaux
– Capitalisation
– Résistance abusive
– Dépens
– Article 700 du code de procédure civile
– Société Bella Vita: entreprise spécialisée dans le secteur de la construction
– Société Projedis: entreprise de gestion de projets
– Société Eos System: entreprise spécialisée dans les systèmes informatiques
– Action directe: possibilité pour un sous-traitant de poursuivre directement le maître de l’ouvrage en cas de non-paiement par l’entrepreneur principal
– Maître de l’ouvrage: personne physique ou morale pour qui sont réalisés des travaux de construction
– Contrat de sous-traitance: contrat par lequel un entrepreneur confie une partie de ses travaux à un sous-traitant
– Responsabilité: obligation de répondre des conséquences de ses actes ou de ses manquements
– Paiement échelonné: paiement fractionné d’une somme due sur plusieurs échéances
– Mise en demeure: acte par lequel une personne demande à une autre de remplir une obligation dans un délai donné
– Liquidation judiciaire: procédure de cessation de paiement d’une entreprise aboutissant à sa liquidation
– Dommages et intérêts: réparation financière d’un préjudice subi
– Préjudice d’image: atteinte à la réputation d’une personne ou d’une entreprise
– Procédure abusive: action judiciaire intentée de manière malveillante ou dilatoire
– Loi du 31 décembre 1975: loi régissant les contrats de sous-traitance dans le secteur de la construction
– Factures impayées: sommes dues par un client et non réglées dans les délais convenus
– Réception des travaux: acte par lequel le maître de l’ouvrage accepte les travaux réalisés par l’entrepreneur
– Action directe du sous-traitant: possibilité pour un sous-traitant de poursuivre directement le maître de l’ouvrage en cas de non-paiement par l’entrepreneur principal
– Responsabilité quasi-délictuelle: responsabilité engagée en l’absence de contrat, mais en raison d’un lien de proximité entre les parties
– Faute: manquement à une obligation légale ou contractuelle
– Perte de chance: préjudice consistant en la perte d’une opportunité ou d’une possibilité
– Intérêts légaux: taux d’intérêt fixé par la loi en cas de retard de paiement
– Capitalisation: calcul des intérêts sur les intérêts dus
– Résistance abusive: refus injustifié de s’exécuter à une décision de justice
– Dépens: frais engagés dans le cadre d’une procédure judiciaire
– Article 700 du code de procédure civile: disposition permettant au juge d’allouer une somme à titre de frais de justice à la partie gagnante.

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