Insertion de droit de réponse : l’identification de la société visée

Notez ce point juridique

Un titre de presse ne peut refuser l’insertion d’un droit de réponse que si les demanderesses ne sont pas titulaires de ce droit de réponse, ou que si le contenu du droit de réponse est contraire aux lois, aux bonnes mœurs, à l’intérêt légitime des tiers ou à l’honneur du journaliste, ou s’il portait sur un objet différent de celui traité dans l’article.

Pour être titulaire d’un droit de réponse, la personne physique ou morale doit être nommée dans l’article litigieux ou désignée et être aisément identifiable par les lecteurs du journal, et ce grâce à des éléments factuels suffisamment précis ou se rapportant à l’identité de la personne, ces éléments pouvant se trouver dans l’article, ou ressortir de son contexte immédiat.

Toutefois, si les personnes visées (notamment les sociétés) ne sont pas déterminables avec l’évidence requise en référé, l’action est vouée à l’échec.

Il résulte de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 que le directeur de la publication sera tenu d’insérer dans les trois jours de leur réception, les réponses de toute personne nommée ou désignée dans le journal ou écrit périodique quotidien sous peine de 3.750 euros d’amende sans préjudice des autres peines et dommages-intérêts auxquels l’article pourrait donner lieu. Il est précisé qu’en ce qui concerne les journaux ou écrits périodiques non quotidiens, le directeur de la publication, sous les mêmes sanctions, sera tenu d’insérer la réponse dans le numéro qui suivra le surlendemain de la réception. Il est indiqué que cette insertion devra être faite à la même place et en mêmes caractères que l’article qui l’aura provoquée, et sans aucune intercalation. Après des indications sur la longueur de la réponse, il est mentionné que la réponse sera toujours gratuite et ne sera exigible que dans l’édition ou les éditions où aura paru l’article.

Il résulte du texte sus-cité que le droit de réponse est un droit général et absolu, destiné à assurer la protection de la personnalité, mais que comme il constitue une limite à la liberté d’expression puisqu’il conduit un directeur de la publication à faire publier un texte contre sa volonté, il doit, en application de l’article 10 paragraphe 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, être strictement limité à ce qui est nécessaire la défense de cette personnalité. Ce droit de réponse ne peut par conséquent tendre à devenir une tribune libre pour défendre des thèses. Celui qui en use est seul juge de la teneur, de l’étendue, de l’utilité et de la forme de la réponse dont il requiert l’insertion. Le refus d’insérer ne se justifie que si la réponse est contraire aux lois, aux bonnes mœurs, à l’intérêt légitime des tiers ou à l’honneur du journaliste ou si elle porte sur un objet différent de celui qui a été traité dans l’article, étant rappelé que la réponse est indivisible et que le directeur de la publication ne peut en retrancher le moindre élément.

Résumé de l’affaire

L’affaire concerne une assignation en référé délivrée par la société SOMAREP et la société [R] à [F] [N], directeur de publication du journal Le Canard enchaîné, et à la société LES EDITIONS MARECHAL – LE CANARD ENCHAINE. Les demanderesses demandent la publication de leur droit de réponse à un article paru dans le journal, qui les met en cause pour des pratiques de racket sur des marchés d’Ile de France. Elles contestent les allégations de l’article et présentent des éléments pour prouver leur bonne gestion des marchés. En réponse, [F] [N] et la société LES EDITIONS MARECHAL – LE CANARD ENCHAINE demandent l’annulation de l’assignation et contestent la légitimité des demandes de droit de réponse. L’affaire a été mise en délibéré pour le 26 avril 2024.

Les points essentiels

Sur la régularité de l’assignation délivrée le 2 février 2024

Il est rappelé que les actions diligentées sur le fondement de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 doivent respecter les formalités de l’article 53 de la même loi pour garantir la liberté d’expression et d’information. L’assignation doit préciser le fait incriminé, indiquer le texte de loi applicable, comporter le texte de la réponse et individualiser clairement l’article ou les propos faisant l’objet de la demande de réponse.

Les défendeurs contestent la validité de l’assignation en raison de la confusion entre le groupe [R] Somarep et les sociétés le composant ayant envoyé des droits de réponse distincts. Les demanderesses soutiennent que l’assignation est régulière car elle vise le groupe [R] Somarep et non une société spécifique.

L’assignation introductive d’instance a été délivrée le 2 février 2024 et respecte les exigences de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881.

Il est conclu que l’assignation est régulière et que l’exception de nullité soulevée par les défendeurs est rejetée.

Sur la publication litigieuse

Les sociétés SOMAREP et [R] interviennent dans la gestion des marchés d’approvisionnement et sont présentées de manière critique dans un article du journal Le Canard enchaîné. Les droits de réponse envoyés n’ont pas été publiés par le directeur de publication.

Les demanderesses soutiennent que le refus d’insérer leur droit de réponse constitue un trouble manifestement illicite. Les défendeurs affirment que le refus était légitime car les sociétés n’étaient pas visées dans l’article et que les réponses portaient atteinte aux droits des tiers.

Il est rappelé que le juge des référés peut prescrire des mesures conservatoires pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Le droit de réponse doit être strictement limité à la défense de la personnalité et ne peut devenir une tribune libre.

Il est conclu que les demanderesses n’ont pas établi que le refus d’insertion de leur droit de réponse constitue un trouble manifestement illicite.

Sur la demande de dommages et intérêts présentée par [F] [N]

La demande de dommages et intérêts présentée par [F] [N] est rejetée car les demanderesses n’ont pas abusé de leur droit d’agir en justice.

Les sociétés SOMAREP et [R] sont condamnées à verser des sommes en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Les montants alloués dans cette affaire: – [F] [N] et la société LES EDITIONS MARECHAL – LE CANARD ENCHAINE : 1.000 euros chacun
– SOCIETE DES MARCHES DE LA REGION PARISIENNE – SOMAREP et la société [R] : dépens

Réglementation applicable

– Article 13 de la loi du 29 juillet 1881
– Article 53 de la loi du 29 juillet 1881
– Article 835 du code de procédure civile
– Article 32-1 du code de procédure civile
– Article 700 du code de procédure civile

Texte de l’Article 13 de la loi du 29 juillet 1881:
Le directeur de la publication sera tenu d’insérer dans les trois jours de leur réception, les réponses de toute personne nommée ou désignée dans le journal ou écrit périodique quotidien sous peine de 3.750 euros d’amende sans préjudice des autres peines et dommages-intérêts auxquels l’article pourrait donner lieu. En ce qui concerne les journaux ou écrits périodiques non quotidiens, le directeur de la publication, sous les mêmes sanctions, sera tenu d’insérer la réponse dans le numéro qui suivra le surlendemain de la réception. Cette insertion devra être faite à la même place et en mêmes caractères que l’article qui l’aura provoquée, et sans aucune intercalation. La réponse sera toujours gratuite et ne sera exigible que dans l’édition ou les éditions où aura paru l’article.

Texte de l’Article 53 de la loi du 29 juillet 1881:
La citation, à laquelle est assimilée l’assignation introductive d’instance, précisera et qualifiera le fait incriminé, qu’elle indiquera le texte de loi applicable à la poursuite. A ce titre, s’agissant d’une action fondée sur le refus d’insertion d’un droit de réponse, l’assignation devra comporter le texte de la réponse et individualiser sans équivoque l’article ou les propos faisant l’objet d’une demande de réponse. Elle contiendra de même élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie et sera notifiée tant au défendeur qu’au ministère public, et ce avant la première comparution des parties devant le juge. Il est précisé que ces formalités doivent être observées à peine de nullité de l’acte introductif d’instance.

Texte de l’Article 835 du code de procédure civile:
Le juge des référés peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Texte de l’Article 32-1 du code de procédure civile:
Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10.000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

Texte de l’Article 700 du code de procédure civile:
Les sociétés SOMAREP et [R] seront condamnées in solidum à verser à [F] [N] et à la société LES EDITIONS MARECHAL – LE CANARD ENCHAINE la somme de 1.000 euros chacun en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Gilles GOLDNADEL, avocat au barreau de PARIS – #C1773
– Me Antoine COMTE, avocat au barreau de PARIS – #A0638

Mots clefs associés & définitions

– Motifs
– Assignation
– Loi du 29 juillet 1881
– Droit de réponse
– Liberté d’expression
– Convention européenne des droits de l’homme
– Nullité
– Sociétés SOMAREP et [R]
– Groupe [R] Somarep
– Directeur de publication
– Article de presse
– Refus d’insertion
– Trouble manifestement illicite
– Contestation sérieuse
– Mesures conservatoires
– Code de procédure civile
– Amende
– Dommages et intérêts
– Abus de droit
– Equité
– Dépens
– Motifs: Raisons ou justifications qui expliquent une décision ou une action.
– Assignation: Acte par lequel une personne est convoquée à comparaître devant un tribunal.
– Loi du 29 juillet 1881: Loi française sur la liberté de la presse.
– Droit de réponse: Droit pour une personne mise en cause dans un article de presse de répondre à ces accusations.
– Liberté d’expression: Droit fondamental permettant à chacun de s’exprimer librement.
– Convention européenne des droits de l’homme: Traité international protégeant les droits de l’homme en Europe.
– Nullité: Annulation d’un acte juridique en raison d’un vice de forme ou de fond.
– Sociétés SOMAREP et [R]: Entreprises impliquées dans un litige ou une affaire.
– Groupe [R] Somarep: Ensemble des sociétés appartenant au groupe [R].
– Directeur de publication: Personne responsable du contenu d’un média.
– Article de presse: Texte publié dans un journal ou un magazine.
– Refus d’insertion: Rejet d’un contenu publicitaire ou éditorial par un média.
– Trouble manifestement illicite: Situation clairement contraire à la loi et susceptible de causer un préjudice.
– Contestation sérieuse: Argumentation solide remettant en cause une décision ou une action.
– Mesures conservatoires: Décisions prises pour protéger les intérêts des parties en attendant une décision définitive.
– Code de procédure civile: Ensemble des règles régissant la procédure judiciaire en matière civile.
– Amende: Sanction pécuniaire imposée par un tribunal.
– Dommages et intérêts: Somme d’argent versée à une personne pour compenser un préjudice subi.
– Abus de droit: Utilisation d’un droit de manière excessive ou contraire à son but initial.
– Equité: Principe de justice et d’équité dans les décisions judiciaires.
– Dépens: Frais engagés lors d’une procédure judiciaire et pouvant être mis à la charge de la partie perdante.

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