Une compagnie d’assurances ne peut, sans se contredire, invoquer à la fois une déchéance de garantie, qui implique que son obligation de règlement existe, et une absence de preuve de son obligation de couverture du sinistre.
Si, conformément à l’article 1315 du code civil, devenu l’article 1353 alinéa 1 depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, il appartient d’abord à l’assuré d’établir l’existence du sinistre, objet du contrat, donc de prouver que les circonstances et les conséquences rentrent dans le champ de la garantie et, le cas échéant, que la ou les conditions de cette garantie sont réunies, c’est à l’assureur, qui entend ensuite s’exonérer de son obligation de garantie, de rapporter la preuve, conformément à l’alinéa 2 du même article, de ce que le sinistre tombe sous le coup d’une clause d’exclusions de risque ou d’une clause de déchéance du droit à indemnisation. La déchéance de garantie est une sanction exclusivement contractuelle, qui doit être nécessairement être prévue par une clause du contrat. Elle sanctionne l’inexécution par l’assuré d’une obligation contractuelle qui lui incombe postérieurement au sinistre. Elle prive l’assuré de la possibilité de se prévaloir de l’obligation de règlement incombant à l’assureur. Une clause d’un contrat d’assurance n’est opposable à l’assuré que si elle a été portée à sa connaissance au moment de l’adhésion à la police ou, tout au moins, antérieurement au sinistre. Cette connaissance peut résulter de l’insertion dans les conditions particulières signées par l’assuré d’une clause de renvoi aux conditions générales, dès lors que ce renvoi est suffisamment précis pour identifier le document qu’il vise. Une telle clause dispense l’assureur de produire un exemplaire des conditions générales signé par l’assuré. La charge d’une telle preuve incombe à l’assureur. Si le renvoi est fait à un document contenant une clause devant être rédigée en caractères très apparents, comme une clause de déchéance de garantie, la clause de renvoi n’a en revanche pas l’obligation d’être elle-même obligatoirement rédigée selon un tel formalisme. A défaut de produire une preuve datant de la souscription du contrat, l’assureur peut se prévaloir d’une preuve ultérieure à condition que celle-ci soit antérieure à la réalisation du sinistre. L’assureur peut donc se prévaloir d’une preuve de remise des conditions générales à l’occasion d’un avenant ou d’un commencement de preuve écrite. Un document qui ne comporte lui-même aucune clause de renvoi aux conditions générales du contrat. Il vise exclusivement le rappel légal de la nullité du contrat encourue en cas de fausse déclaration par le preneur d’assurance lors de la souscription du contrat sur le risque à assurer. Une telle mention ne concerne pas la fausse déclaration sur le sinistre. En l’absence de preuve de l’existence d’une clause contractuelle prévoyant une telle sanction, la déchéance du droit à indemnité ne peut être prononcée à l’encontre d’un assuré. L’invocation de l’obligation de loyauté, qui résulte de celle de bonne foi contractuelle, ne permet pas de suppléer l’absence d’une telle clause spécifique. Pour autant, l’invocation d’un tel adage pour neutraliser l’efficacité de la déclaration de sinistre elle-même conduit également à contourner la prohibition de toute déchéance du droit à garantie lorsqu’il n’est pas établi que le contrat prévoit une telle sanction. Elle repose en effet sur l’allégation d’une fraude dans la déclaration de sinistre, dont la sanction ne peut être que la déchéance de garantie. |
→ Résumé de l’affaireL’affaire concerne un litige entre Mme [F] et M. [S] d’une part, la Macif et Swisslife d’autre part, suite au vol et à l’incendie d’un véhicule BMW X5 financé par un contrat de location avec option d’achat. La Macif a refusé la prise en charge du sinistre en raison d’une déchéance de garantie, ce qui a conduit à des poursuites pénales pour tentative d’escroquerie contre M. [S]. Après plusieurs jugements, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel d’Amiens et renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Douai. Les parties ont formulé des demandes contradictoires, notamment sur la validité de la clause de déchéance de garantie, la connaissance des conditions générales du contrat par M. [S], et la responsabilité de Swisslife dans l’indemnisation du sinistre. La décision finale reviendra à la cour d’appel de Douai.
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→ Les points essentielsMOTIFS DE LA DÉCISIONL’effet dévolutif de l’appel devant la cour de renvoi est exclusivement appréciée au regard de la saisine de la cour d’appel par la cassation prononcée par la Cour de cassation et de la déclaration d’appel initiale. S’agissant de l’étendue de la cassationLa mention « sauf sur ce point » ne renvoie pas à l’absence de mise hors de cause de la Macif et de Swisslife, laquelle n’a pas été prononcée au fond par la Cour de cassation, mais seulement au visa de l’article 625 du code de procédure civile dès lors que la présence de ces assureurs est nécessaire devant la cour de renvoi. En réalité, le point exclu de la cassation concerne la seule condamnation de Mme [F] à payer à la Macif la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts. En revanche, à l’égard de M. [S], la cassation est étendue à ce chef en considération de son lien de dépendance avec les chefs ayant été cassés sur son pourvoi. Si M. [S] a formé appel de tous les chefs du dispositif du jugement critiquéIl ne formule toutefois devant la cour de renvoi aucune demande de réformation du jugement en ce qu’il l’a également condamné à payer à la Macif une somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral. La présente cour de renvoi n’est ainsi saisie par M. [S] d’aucune demande de réformation de ce chef. Sur l’irrecevabilité de demandes nouvellesM. [S] demande de juger irrecevables les demandes de la Macif, « tendant à faire juger qu’il n’apporte pas la preuve de l’étendue de la garantie due par la Macif, ou encore que la déclaration de sinistre de M. [S] doit être considérée comme inopposable ». Il résulte des articles 624 et 631 à 633 du code de procédure civile que la cassation qui atteint un chef de dispositif n’en laisse rien subsister, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation, et que par l’effet de la cassation partielle intervenue, aucun des motifs de fait ou de droit ayant justifié la disposition annulée ne subsiste, de sorte que la cause et les parties sont remises de ce chef dans le même état où elles se trouvaient avant l’arrêt précédemment déféré. Sur le retrait de passages dans les conclusions de la MacifL’article 41 alinéa 4 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dispose que « ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux ». Ces dispositions, qui sont d’ordre public, trouvent leur fondement dans la sauvegarde des droits de la défense. Sur la garantie de la MacifSi, conformément à l’article 1315 du code civil, devenu l’article 1353 alinéa 1 depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, il appartient d’abord à l’assuré d’établir l’existence du sinistre, objet du contrat, donc de prouver que les circonstances et les conséquences rentrent dans le champ de la garantie et, le cas échéant, que la ou les conditions de cette garantie sont réunies, c’est à l’assureur, qui entend ensuite s’exonérer de son obligation de garantie, de rapporter la preuve, conformément à l’alinéa 2 du même article, de ce que le sinistre tombe sous le coup d’une clause d’exclusions de risque ou d’une clause de déchéance du droit à indemnisation. Sur l’absence de preuve des conditions de garantie par M. [S]La Macif invoque « incidemment » l’absence de production par M. [S] d’un document contractuel qui permettrait de « déterminer l’étendue de sa couverture du litige, et partant de sa demande indemnitaire », pour prétendre que le rejet des demandes indemnitaires formées à son encontre s’impose. Les montants alloués dans cette affaire: – La Macif est condamnée à payer à M. [S] la somme de 72 994,50 euros
– La Macif est condamnée à payer à M. [S] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile – Les dépens de première instance et d’appel sont à la charge de la Macif – La distraction des dépens est autorisée au profit de l’avocat de M. [S] |
→ Réglementation applicable– Code des assurances
– Code de procédure civile – Code civil Article L. 112-2 du code des assurances: Article L. 122-4 du code des assurances: Article 700 du code de procédure civile: Article 16 du code de procédure civile: Article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse: Article 1134 du code civil: Article 1382 du code civil: Article 1134 et 1382 du code civil: |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier:
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→ Mots clefs associés & définitions– Litige
– Contrat de location avec option d’achat – Vol de véhicule – Assurance Macif – Assurance Swisslife – Jugement du tribunal de grande instance de Senlis – Appel – Arrêt de la cour d’appel d’Amiens – Pourvoi en cassation – Arrêt de la Cour de cassation – Demande de renvoi – Prétentions des parties – Moyens des parties – Clause de déchéance de garantie – Fausse déclaration – Indemnisation – Dommages-intérêts – Fraude – Nullité du contrat – Conclusions des parties – Diffamation – Dépens – Article 700 du code de procédure civile – Contrat d’assurance – Contrat de location – Expertise – Enquête – Circonstances du vol – Franchise – Capitalisation des intérêts – Condamnation aux dépens – Condamnation solidaire – Litige: conflit entre deux parties qui peut être résolu par la justice
– Contrat de location avec option d’achat: contrat permettant de louer un bien avec la possibilité de l’acheter à la fin de la période de location – Vol de véhicule: acte criminel consistant à dérober un véhicule – Assurance Macif: compagnie d’assurance française – Assurance Swisslife: compagnie d’assurance suisse – Jugement du tribunal de grande instance de Senlis: décision rendue par le tribunal de grande instance de Senlis – Appel: recours permettant de contester une décision de justice – Arrêt de la cour d’appel d’Amiens: décision rendue par la cour d’appel d’Amiens – Pourvoi en cassation: recours devant la Cour de cassation pour contester une décision de justice – Arrêt de la Cour de cassation: décision rendue par la Cour de cassation – Demande de renvoi: demande de report d’une audience – Prétentions des parties: revendications des parties dans un litige – Moyens des parties: arguments avancés par les parties dans un litige – Clause de déchéance de garantie: clause prévoyant la perte de garantie en cas de non-respect des conditions du contrat – Fausse déclaration: déclaration mensongère – Indemnisation: compensation financière pour un préjudice subi – Dommages-intérêts: compensation financière pour un préjudice moral ou matériel – Fraude: acte de tromperie ou de manipulation – Nullité du contrat: annulation d’un contrat pour non-respect des conditions légales – Conclusions des parties: arguments finaux des parties dans un litige – Diffamation: acte de porter atteinte à la réputation de quelqu’un – Dépens: frais de justice à la charge des parties – Article 700 du code de procédure civile: article permettant de demander le remboursement des frais de justice – Contrat d’assurance: contrat garantissant une protection en cas de sinistre – Contrat de location: contrat de location d’un bien – Expertise: évaluation technique d’un bien ou d’une situation – Enquête: recherche d’informations pour résoudre un litige – Circonstances du vol: éléments entourant le vol d’un véhicule – Franchise: montant à la charge de l’assuré en cas de sinistre – Capitalisation des intérêts: calcul des intérêts sur les intérêts déjà accumulés – Condamnation aux dépens: obligation de payer les frais de justice – Condamnation solidaire: responsabilité partagée entre plusieurs parties |