1. Attention à bien vérifier régulièrement que votre cocontractant s’acquitte de ses obligations de déclaration et de paiement des cotisations sociales, en vous assurant de la validité des attestations de vigilance fournies.
2. Il est recommandé de demander et de conserver tous les documents nécessaires pour prouver que vous avez satisfait à l’obligation de vigilance, notamment les attestations de fourniture des déclarations sociales, les documents d’identification de votre cocontractant, et les attestations de sécurité sociale.
3. Veillez à contrôler l’authenticité des documents fournis par votre cocontractant en vérifiant le numéro de sécurité figurant sur les attestations de vigilance, afin de vous prémunir contre tout risque de travail dissimulé et de solidarité financière.
La SARL [6] a confié des travaux à la SARL [5] dans le cadre de contrats de sous-traitance. Suite à un procès-verbal de travail dissimulé dressé à l’encontre de la SARL [5], l’URSSAF a mis en oeuvre la solidarité financière et réclamé un redressement de 110 863 euros à la SARL [6]. Cette dernière a contesté la décision de l’URSSAF devant la commission de recours amiable, puis devant le tribunal judiciaire de Bobigny. La SARL [6] soutient avoir respecté ses obligations et demande l’annulation du redressement. L’URSSAF maintient sa position et demande le paiement de la somme réclamée. L’affaire a été mise en délibéré pour le 27 février 2024.
Sur l’obligation de vigilance
Aux termes de l’article L. 8222-1 du code du travail, toute personne doit vérifier régulièrement que son cocontractant s’acquitte de ses obligations en matière de déclarations sociales et de paiement des cotisations. La SARL [6] n’ayant pas respecté cette obligation, l’URSSAF a mis en œuvre la solidarité financière à son encontre pour trois périodes contestées.
Sur le montant du redressement
En vertu de l’article L. 243-7-7 du code de la sécurité sociale, le montant du redressement des cotisations peut être majoré en cas de travail dissimulé. La SARL [6] conteste les sommes qui lui sont réclamées, mais l’URSSAF a justifié ces montants en fonction du chiffre d’affaires réalisé par le sous-traitant. La contestation de la SARL [6] est donc rejetée.
Sur les mesures accessoires
Les dépens seront mis à la charge de la SARL [6], qui succombe dans le litige. Sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile est rejetée. L’exécution provisoire sera ordonnée conformément aux dispositions du code de la sécurité sociale.
– La SARL [6] est condamnée à payer à l’URSSAF Ile de France la somme de 110 863 euros
– Cette somme se compose de 79 188 euros de cotisations et 31 675 euros de majorations de redressement
– Les dépens sont mis à la charge de la SARL [6]
– Les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile sont rejetées
Réglementation applicable
– Code du travail
– Code de la sécurité sociale
Article L. 8222-1 du code du travail:
« toute personne vérifie lors de la conclusion d’un contrat dont l’objet porte sur une obligation d’un montant minimum en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce, et périodiquement jusqu’à la fin de l’exécution du contrat, que son cocontractant s’acquitte :
1° des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 ; […]”
Article L. 8222-2 du code du travail:
“toute personne qui méconnaît les dispositions de l’article L. 8222-1, ainsi que toute personne condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé, est tenue solidairement avec celui qui a fait l’objet d’un procès-verbal pour délit de travail dissimulé :
1° Au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dus par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale ; […]”
Article R. 8222-1 du code du travail:
“les vérifications à la charge de la personne qui conclut un contrat, prévues à l’article L. 8222-1, sont obligatoires pour toute opération d’un montant au moins égal à 5 000 euros hors taxes.”
Article D. 8222-5 du code du travail:
“la personne qui contracte, lorsqu’elle n’est pas un particulier répondant aux conditions fixées par l’article D. 8222-4, est considérée comme ayant procédé aux vérifications imposées par l’article L. 8222-1 si elle se fait remettre par son cocontractant, lors de la conclusion et tous les six mois jusqu’à la fin de son exécution :
1° Une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale prévue à l’article L. 243-15 émanant de l’organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations et des contributions datant de moins de six mois dont elle s’assure de l’authenticité auprès de l’organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale.
2° Lorsque l’immatriculation du cocontractant au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers est obligatoire ou lorsqu’il s’agit d’une profession réglementée, l’un des documents suivants :
a) Un extrait de l’inscription au registre du commerce et des sociétés (K ou K bis) ;
b) Une carte d’identification justifiant de l’inscription au répertoire des métiers ;
c) Un devis, un document publicitaire ou une correspondance professionnelle, à condition qu’y soient mentionnés le nom ou la dénomination sociale, l’adresse complète et le numéro d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ou à une liste ou un tableau d’un ordre professionnel, ou la référence de l’agrément délivré par l’autorité compétente ;
d) Un récépissé du dépôt de déclaration auprès d’un centre de formalités des entreprises pour les personnes en cours d’inscription.”
Article L. 243-15 du code de la sécurité sociale:
“toute personne vérifie, lors de la conclusion d’un contrat dont l’objet porte sur une obligation d’un montant minimal en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce, et périodiquement jusqu’à la fin de l’exécution du contrat, que son cocontractant est à jour de ses obligations de déclaration et de paiement auprès des organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-1 du présent code et L. 723-3 du code rural et de la pêche maritime.
Cette attestation est délivrée dès lors que la personne déclare ses revenus d’activité, acquitte les cotisations et contributions dues à leur date d’exigibilité et, le cas échéant, a souscrit et respecte un plan d’apurement des cotisations et contributions restant dues ou conteste leur montant par recours contentieux, à l’exception des recours faisant suite à une verbalisation pour travail dissimulé. L’entreprise de travail temporaire doit également justifier de l’obtention de la garantie financière prévue à l’article L. 1251-49 du code du travail.
[…]
Les modalités de délivrance de cette attestation ainsi que son contenu sont fixés par décret.[…]”
Article L. 243-7-7 du code de la sécurité sociale:
“I.- Le montant du redressement des cotisations et contributions sociales mis en recouvrement à l’issue d’un contrôle réalisé en application de l’article L. 243-7 ou dans le cadre de l’article L. 243-7-5 du présent code est majoré de 25 % en cas de constat de l’infraction définie aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail.
La majoration est portée à 40 % dans les cas mentionnés à l’article L. 8224-2 du code du travail. […]”
Article L. 243-7-5 du code de la sécurité sociale:
“les organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-4 peuvent procéder au redressement des cotisations et contributions dues sur la base des informations contenues dans les procès-verbaux de travail dissimulé qui leur sont transmis par les agents mentionnés à l’article L. 8271-1-2 du code du travail. Ces organismes mettent en recouvrement ces cotisations et contributions.”
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Me Emilie Gasté
– M. [C] [D]
– Maître Jean-Charles Mirande
Mots clefs associés
– Obligation de vigilance
– Contrat
– Montant minimum
– Travail dissimulé
– Impôts
– Cotisations
– Vérifications
– Attestation
– Déclarations sociales
– Paiement
– Registre du commerce
– Répertoire des métiers
– Sécurité sociale
– Numéro de sécurité
– Authenticité
– Redressement
– Majoration
– Infraction
– Procès-verbal
– Travail dissimulé
– Cotisations
– Contributions
– Dépens
– Exécution provisoire
– Obligation de vigilance: devoir de surveillance et de prévention des risques liés à une activité
– Contrat: accord entre deux parties qui établit des obligations et des droits pour chacune d’entre elles
– Montant minimum: somme minimale à payer ou à respecter
– Travail dissimulé: activité professionnelle non déclarée aux autorités compétentes
– Impôts: taxes prélevées par l’État sur les revenus et les biens des citoyens
– Cotisations: sommes versées régulièrement pour financer un régime de protection sociale
– Vérifications: contrôles effectués pour s’assurer de la conformité d’une situation ou d’une information
– Attestation: document officiel qui certifie la véracité d’une information ou d’un fait
– Déclarations sociales: formalités administratives permettant de déclarer les salaires et les cotisations sociales
– Paiement: action de verser une somme d’argent en échange d’un bien ou d’un service
– Registre du commerce: répertoire des entreprises commerciales enregistrées auprès des autorités compétentes
– Répertoire des métiers: liste des artisans et des entreprises artisanales enregistrées auprès des autorités compétentes
– Sécurité sociale: système de protection sociale assurant la prise en charge des dépenses de santé et la garantie des revenus en cas de difficulté
– Numéro de sécurité: identifiant personnel permettant d’accéder aux services de la sécurité sociale
– Authenticité: caractère de ce qui est authentique, vrai et conforme à la réalité
– Redressement: action de corriger une situation financière ou administrative en cas d’erreur ou d’irrégularité
– Majoration: augmentation d’une somme due en cas de retard ou de non-respect des obligations
– Infraction: violation d’une loi ou d’une règle entraînant des sanctions
– Procès-verbal: document officiel rédigé par un agent constatant une infraction ou un événement
– Travail dissimulé: activité professionnelle non déclarée aux autorités compétentes
– Cotisations: sommes versées régulièrement pour financer un régime de protection sociale
– Contributions: sommes versées pour financer un service public ou une prestation sociale
– Dépens: dépenses engagées dans le cadre d’une activité professionnelle ou d’une procédure judiciaire
– Exécution provisoire: mise en œuvre d’une décision judiciaire avant qu’elle ne soit définitivement confirmée
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BOBIGNY
JUGEMENT CONTENTIEUX DU 27 FEVRIER 2024
Serv. contentieux social
Affaire : N° RG 23/00630 – N° Portalis DB3S-W-B7H-XVFK
N° de MINUTE : 24/00451
DEMANDEUR
S.A.R.L. [6]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Emilie Gasté, du cabinet Mirande associés, avocat au barreau de Paris, C 2143
DEFENDEUR
URSSAF ILE DE FRANCE
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par M. [C] [D]
COMPOSITION DU TRIBUNAL
DÉBATS
Audience publique du 08 Janvier 2024.
Madame Pauline JOLIVET, Présidente, assistée de Madame Muriel ESKINAZI et Madame Catherine DECLERCQ, assesseurs, et de Madame Christelle AMICE, Greffier.
Lors du délibéré :
Présidente : Pauline JOLIVET, Première vice-présidente adjointe
Assesseur : Muriel ESKINAZI, Assesseur salarié
Assesseur : Catherine DECLERCQ, Assesseur non salarié
JUGEMENT
Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Pauline JOLIVET, Première vice-présidente adjointe, assistée de Christelle AMICE, Greffier.
Transmis par RPVA à : Me Emilie GASTE, Maître Jean-charles MIRANDE de l’ASSOCIATION MIRANDE ASSOCIES
Tribunal judiciaire de Bobigny
Service du contentieux social
Affaire : N° RG 23/00630 – N° Portalis DB3S-W-B7H-XVFK
Jugement du 27 FEVRIER 2024
FAITS ET PROCÉDURE
La société à responsabilité limitée (SARL) [6] qui exerce une activité de construction et rénovation dans le secteur du bâtiment et des travaux publics a confié des travaux à la SARL [5] ([5]) dans le cadre de contrats cadres de sous-traitance le premier signé le 31 mars 2017, le deuxième signé le 2 janvier 2018 valable jusqu’au 31 décembre 2018, le troisième signé le 4 janvier 2019, valable jusqu’au 31 décembre 2019.
Le 19 mai 2021, un procès-verbal relevant le travail dissimulé était dressé à l’encontre de la SARL [5] par deux inspectrices de l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) d’Ile de France.
Par lettre du 8 décembre 2021, l’URSSAF Ile de France a informé la SARL [6] de la mise en oeuvre de la solidarité financière en application des dispositions des articles L. 8222-1 et L. 8222-2 du code du travail et lui a transmis une lettre d’observations détaillant les motifs de la mise en oeuvre de la solidarité pour un montant total de 212 722 euros, somme correspondant au prorata des sommes dues au regard du chiffre d’affaires réalisé avec la SARL [5] pour les années 2017 à 2019.
Après avoir sollicité le bénéfice du délai de 60 jours, la SARL [6] adressait ses observations en réponse par lettre du 3 février 2022.
Par lettre du 31 mai 2022, reçue le 2 juin, l’URSSAF a répondu aux observations du cotisant et a ramené le montant du redressement à 110 863 euros, soit 79 188 euros de cotisations et 31 675 euros de majorations.
La société répondait par lettre du 18 juillet 2022.
L’URSSAF répondait le 2 août 2022, confirmant le redressement à hauteur de 110 863 euros.
Par lettre recommandée du 11 octobre 2022, l’URSSAF Ile de France a mis en demeure la SARL [6] de payer la somme de 110 863 euros.
Par lettre du 8 décembre 2022, la SARL [6] saisissait la commission de recours amiable qui, dans sa séance du 6 février 2023, rejetait sa requête, décision transmise par lettre du 16 février 2023.
Par requête reçue le 4 avril 2023 au greffe du service du contentieux social du tribunal judiciaire de Bobigny, la SARL [6] a saisi le tribunal d’une contestation de la décision de la commission de recours amiable.
A défaut de conciliation, l’affaire a été appelée à l’audience du 4 septembre 2023. Elle a fait l’objet de deux renvois à la demande des parties. Elle a été appelée et retenue à l’audience du 8 janvier 2024, date à laquelle les parties, présentes ou représentées, ont été entendues en leurs observations.
Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience, la SARL [6], représentée par son conseil, demande au tribunal de :
– annuler la mise en demeure du 11 octobre 2022 et la décision de la commission de recours amiable,
– décharger la société de tout rappel de cotisations,
– condamner l’URSSAF à lui verser la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir qu’elle a procédé aux vérifications utiles au moment de la conclusion des contrats puis tout au long de la relation contractuelle.
Elle soutient notamment qu’elle dispose :
– d’une attestation du 19 octobre 2017 pour la période du 3ème trimestre 2017 et que le redressement doit donc être annulé pour les mois de juillet à septembre 2017 ;
– d’une attestation du 19 décembre 2018 qui couvre la période du 1er décembre 2018 au 31 mai 2019.
Elle fait valoir qu’elle n’avait aucune raison de douter de la sincérité des attestations du 16 septembre 2019 et du 7 avril 2020.
Elle ajoute que la SARL [5] a été agréée par les maîtres d’ouvrage Régie immobilière de la ville de [Localité 7] ou Vilogia, bailleur social, dans le cadre de marchés publics et s’étonne que la solidarité financière n’ait pas été mise en cause pour ces derniers alors même que la société [5] a reçu des paiements directs de ces derniers. Elle estime qu’il y a là une atteinte au principe d’égalité.
Elle soutient enfin que l’URSSAF ne justifie pas des montants réclamés, qu’il lui appartient de communiquer les salaires reconstitués relatifs aux seules périodes litigieuses. Elle estime que la masse salariale reconstituée est sans rapport avec la main d’oeuvre nécessaire à la réalisation des travaux confiés à la société sous-traitante. Elle soutient que cette absence de précisions et de justifications constitue une atteinte aux droits de la défense et à la loyauté des débats.
Elle fait enfin valoir que sa situation financière est actuellement fortement obérée.
Par conclusions en réplique, déposées et soutenues oralement à l’audience, l’URSSAF Ile-de-France, régulièrement représentée, demande au tribunal de :
– dire et juger bien fondé le redressement opéré,
– confirmer la décision de la commission de recours amiable,
– condamner la société au paiement de la somme de 110 863 euros,
– la débouter de l’ensemble de ses demandes,
– la condamner à lui verser la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que les faits de travail dissimulé à l’encontre de la société co-contractante sont avérés et qu’elle a procédé à la taxation forfaitaire de l’assiette conformément aux textes applicables.
Elle rappelle que le co contractant doit fournir une attestation émanant de l’URSSAF au moment de la conclusion du contrat et tous les six mois jusqu’à la fin de son exécution et qu’il lui appartient de vérifier les informations contenues dans cette attestation. Elle indique que la société ne démontre pas avoir rempli ces obligations pour les périodes redressées et détaille dans ses écritures le calcul des sommes réclamées.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, le tribunal, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux écritures de celles-ci.
L’affaire a été mise en délibéré au 27 février 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l’obligation de vigilance
Aux termes de l’article L. 8222-1 du code du travail, « toute personne vérifie lors de la conclusion d’un contrat dont l’objet porte sur une obligation d’un montant minimum en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce, et périodiquement jusqu’à la fin de l’exécution du contrat, que son cocontractant s’acquitte :
1° des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 ; […]”
Aux termes de l’article L. 8222-2 du même code : “toute personne qui méconnaît les dispositions de l’article L. 8222-1, ainsi que toute personne condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé, est tenue solidairement avec celui qui a fait l’objet d’un procès-verbal pour délit de travail dissimulé :
1° Au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dus par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale ; […]”
Aux termes de l’article R. 8222-1 du même code, “les vérifications à la charge de la personne qui conclut un contrat, prévues à l’article L. 8222-1, sont obligatoires pour toute opération d’un montant au moins égal à 5 000 euros hors taxes.”
Aux termes de l’article D. 8222-5 du même code, dans sa version applicable au litige, “la personne qui contracte, lorsqu’elle n’est pas un particulier répondant aux conditions fixées par l’article D. 8222-4, est considérée comme ayant procédé aux vérifications imposées par l’article L. 8222-1 si elle se fait remettre par son cocontractant, lors de la conclusion et tous les six mois jusqu’à la fin de son exécution :
1° Une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale prévue à l’article L. 243-15 émanant de l’organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations et des contributions datant de moins de six mois dont elle s’assure de l’authenticité auprès de l’organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale.
2° Lorsque l’immatriculation du cocontractant au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers est obligatoire ou lorsqu’il s’agit d’une profession réglementée, l’un des documents suivants :
a) Un extrait de l’inscription au registre du commerce et des sociétés (K ou K bis) ;
b) Une carte d’identification justifiant de l’inscription au répertoire des métiers ;
c) Un devis, un document publicitaire ou une correspondance professionnelle, à condition qu’y soient mentionnés le nom ou la dénomination sociale, l’adresse complète et le numéro d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ou à une liste ou un tableau d’un ordre professionnel, ou la référence de l’agrément délivré par l’autorité compétente ;
d) Un récépissé du dépôt de déclaration auprès d’un centre de formalités des entreprises pour les personnes en cours d’inscription.”
Aux termes de l’article L. 243-15 du code de la sécurité sociale, “toute personne vérifie, lors de la conclusion d’un contrat dont l’objet porte sur une obligation d’un montant minimal en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce, et périodiquement jusqu’à la fin de l’exécution du contrat, que son cocontractant est à jour de ses obligations de déclaration et de paiement auprès des organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-1 du présent code et L. 723-3 du code rural et de la pêche maritime.
Cette attestation est délivrée dès lors que la personne déclare ses revenus d’activité, acquitte les cotisations et contributions dues à leur date d’exigibilité et, le cas échéant, a souscrit et respecte un plan d’apurement des cotisations et contributions restant dues ou conteste leur montant par recours contentieux, à l’exception des recours faisant suite à une verbalisation pour travail dissimulé. L’entreprise de travail temporaire doit également justifier de l’obtention de la garantie financière prévue à l’article L. 1251-49 du code du travail.
[…]
Les modalités de délivrance de cette attestation ainsi que son contenu sont fixés par décret.[…]”
Aux termes du dernier alinéa de l’article D. 243-15 du code de la sécurité sociale, “l’attestation est sécurisée par un dispositif d’authentification délivré par l’organisme chargé du recouvrement des cotisations et contributions sociales. Le donneur d’ordre vérifie l’exactitude des informations figurant dans l’attestation transmise par son cocontractant par voie dématérialisée ou sur demande directement auprès de cet organisme au moyen d’un numéro de sécurité.”
Pour être considéré comme ayant satisfait l’obligation de vigilance prévue par les textes précités, le donneur d’ordre doit avoir obtenu tous les documents énumérés à l’article D. 8222-5 précité, datés de moins de six mois au jour de la conclusion du contrat.
En l’espèce, la SARL [6] a conclu plusieurs contrats de sous-traitance avec la SARL [5], le premier signé le 31 mars 2017, le deuxième signé le 2 janvier 2018 valable jusqu’au 31 décembre 2018, le troisième signé le 4 janvier 2019, valable jusqu’au 31 décembre 2019.
Pour l’année 2017 :
Figure au dossier une attestation délivrée par l’URSSAF à la SARL [5] le 10 mars 2017 au titre du 4ème trimestre 2016, valable donc du 1er janvier au 30 juin 2016. Est également produite une attestation du 19 octobre 2017 au titre du 3ème trimestre 2017 ce qui signifie qu’elle est valable à compter du 1er octobre 2017 pour six mois, soit jusqu’au 31 mars 2018. Conformément à ce qu’a retenu l’URSSAF, la SARL [6] ne justifie pas avoir en sa possession une attestation de vigilance couvrant les mois de juillet à septembre 2017.
Pour l’année 2018 :
Figure au dossier une attestation délivrée le 19 décembre 2018 au titre du mois de novembre 2018, valable donc à compter du 1er décembre 2018. La période du 1er avril 2018 au 30 novembre 2018 n’est donc pas couverte, conformément à ce qu’a retenu l’URSSAF puisque l’attestation du 19 octobre 2017 ne couvre plus et celle du 19 décembre 2018 ne couvre pas.
La SARL [6] ne justifie donc pas avoir en sa possession une attestation de vigilance couvrant les mois d’avril à novembre 2018.
Pour l’année 2019 :
La SARL [6] fait valoir qu’elle n’avait aucune raison de douter de la sincérité des documents transmis en date du 16 septembre 2019 et du 7 avril 2020.
Il résulte des dispositions précitées, notamment de celles de l’article D. 243-15 que les attestations délivrées par l’URSSAF comportent un numéro de sécurité. Pour justifier avoir procédé aux vérifications nécessaires, il appartient au donneur d’ordre de contrôler l’attestation remise par son co contractant au moyen du code de sécurité figurant sur celle-ci.
Les attestations du 16 septembre 2019 et 7 avril 2020 ne sont pas authentiques ainsi que l’a relevé l’URSSAF.
La défense de la SARL [6] qui consiste à dire qu’aucun élément ne lui permettait de douter de l’authenticité de ces documents n’est pas recevable dès lors que les dispositions précitées font peser sur le donneur ordre une obligation de s’assurer de l’authenticité des documents fournis.
Par ailleurs, le moyen tiré du fait que d’autres co contractants auraient manqué à leur obligation de vigilance n’est pas de nature à dégager la société de sa responsabilité.
Au surplus, la société n’établit pas que la RIVP ou VILOGIA auraient manqué à leur obligation de vigilance dès lors que les contrats conclus entre ces structures et la SARL [5] ne sont pas versées au débat. Le moyen tiré d’une rupture d’égalité ne peut donc prospérer.
Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que c’est à bon droit que l’URSSAF a mis en oeuvre la solidarité financière du donneur d’ordre à l’encontre de la SARL [6] pour les trois périodes contestées.
La contestation de la SARL [6] doit être rejetée.
Sur le montant du redressement
Aux termes de l’article L. 243-7-7 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, “I.- Le montant du redressement des cotisations et contributions sociales mis en recouvrement à l’issue d’un contrôle réalisé en application de l’article L. 243-7 ou dans le cadre de l’article L. 243-7-5 du présent code est majoré de 25 % en cas de constat de l’infraction définie aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail.
La majoration est portée à 40 % dans les cas mentionnés à l’article L. 8224-2 du code du travail. […]”
L’article L. 243-7-5 du même code dispose “les organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-4 peuvent procéder au redressement des cotisations et contributions dues sur la base des informations contenues dans les procès-verbaux de travail dissimulé qui leur sont transmis par les agents mentionnés à l’article L. 8271-1-2 du code du travail. Ces organismes mettent en recouvrement ces cotisations et contributions.”
En l’espèce, la SARL [6] soutient que les pièces mises à sa disposition ne lui permettent pas de comprendre les sommes mises à sa charge.
Dans le cadre de la présente procédure, le procès-verbal 0024/2021 relevant le travail dissimulé à l’encontre de la SARL [5] pour dissimulation d’emploi salarié est versé aux débats. Il indique qu’après convocation infructueuse du gérant, l’URSSAF a usé du droit de communication et a analysé les relevés bancaires de la société pour la période du 1er janvier 2017 au 31 janvier 2020. Elle a constaté un nombre important de virements à des personnes physiques compris entre 400 et 4000 euros dont la plupart ne figurent ni sur le fichier des déclarations préalables à l’embauche (DPAE) ni sur celui des déclarations sociales nominatives (DSN). L’organisme a donc retenu qu’il s’agissait de travail dissimulé. Le procès-verbal détaille les salaires reconstitués et expose qu’il “a été procédé à la taxation forfaitaire de l’assiette des cotisations sociales en application de l’article R. 243-59-4 du code de la sécurité sociale, calculée sur la base de la masse salariale brute reconstituée à partir des virements effectués à des personnes physiques” avec un tableau détaillé par année.
L’URSSAF produit également la lettre d’observations du 19 avril 2021 adressée à la SARL [5] qui comporte le détail des régularisations opérées.
La lettre d’observations du 8 décembre 2021 puis la réponses de l’inspectrice du recouvrement du 31 mai 2022 adressée à la SARL [6] détaillent l’analyse menée par l’URSSAF en fonction des factures payées par [6] à [5] sur les périodes non couvertes par une attestation de vigilance. Elles expliquent que le calcul des sommes dues par la SARL [6] est déterminé en fonction du chiffre d’affaires réalisé par le sous-traitant avec application d’un prorata en fonction du volume d’activité réalisé pour le compte de [6] sur les périodes concernées. Elles détaillent les factures sur lesquelles elle s’est fondée.
Les modalités de calcul sont expliquées dans les différents documents adressés à la SARL [6]. Elles résultent de l’application des textes précitées. Elles sont en outre détaillées dans les conclusions en réplique de l’URSSAF.
La SARL [6] ne formule aucune critique pertinente sur les montants qui lui sont réclamés et qui, contrairement à ce qu’elle soutient, sont justifiés par l’URSSAF.
Il convient donc de rejeter la contestation sur ce point.
Le fait que la situation financière de la SARL [6] soit fragile ne permet pas au tribunal de la décharger du paiement de sommes mises à sa charge conformément aux textes applicables.
Il convient en conséquence de débouter la société de l’ensemble de ses demandes et de faire droit à la demande reconventionnelle en paiement formulée par l’URSSAF.
Sur les mesures accessoires
Les dépens seront mis à la charge de la SARL [6] qui succombe en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.
Sa demande au titre de l’article 700 du même code ne peut qu’être rejetée.
Il n’y a pas lieu de faire droit à la demande au titre de cet article formulée par l’URSSAF.
L’exécution provisoire sera ordonnée en application des dispositions de l’article R. 142-10-6 du code de la sécurité sociale.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
Déboute la SARL [6] de l’ensemble de ses demandes ;
Condamne la SARL [6] à payer à l’URSSAF Ile de France la somme de 110 863 euros, soit 79 188 euros de cotisations et 31 675 euros de majorations de redressement, au titre de la solidarité financière en sa qualité de donneur d’ordre de la SARL [5] pour les périodes du 1er juillet au 30 septembre 2017, 1er avril au 31 décembre 2018 et 1er juin au 31 décembre 2019 ;
Met les dépens à la charge de la SARL [6] ;
Rejette les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Ordonne l’exécution provisoire ;
Rappelle que tout appel du présent jugement doit, à peine de forclusion, être interjeté dans le délai d’un mois à compter de sa notification.
Fait et mis à disposition au greffe, la Minute étant signée par :
La greffière La présidente
C. AMICEP. JOLIVET