L’action en responsabilité contre le dirigeant

Notez ce point juridique

La prescription de l’action en responsabilité formée contre le dirigeant commence à courir à compter du fait dommageable. Il n’en est autrement qu’en cas de dissimulation.

La dissimulation implique un comportement intentionnel. S’il y a eu volonté de dissimulation, la révélation s’apprécie à l’égard de la personne qui exerce l’action.

Il y a donc lieu, dans chaque cas, de rechercher la date à laquelle le demandeur à l’action en nullité, qui sera la société elle-même ou un actionnaire agissant à titre individuel, aura eu une connaissance suffisante de la convention dissimulée.

Les règles de prescription des actions en responsabilité formées contre les dirigeants des sociétés par actions simplifiées sont les mêmes que celles afférentes à la responsabilité des dirigeants de sociétés anonymes :

Article L227-8 du code de commerce : Les règles fixant la responsabilité des membres du conseil d’administration et du directoire des sociétés anonymes sont applicables au président et aux dirigeants de la société par actions simplifiée.

Article L. 225-254 : L’action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu’individuelle, se prescrit par trois ans, à compter du fait dommageable ou s’il a été dissimulé, de sa révélation. Toutefois, lorsque le fait est qualifié crime, l’action se prescrit par dix ans.


La société Storti France a été confrontée à un redressement de l’URSSAF en raison de travail dissimulé de la part du fils du directeur général, M. [G] [N]. Un protocole transactionnel a été signé entre la société Storti et le liquidateur de M. [G] [N], réduisant l’impact du redressement. Par la suite, la société Storti a assigné en justice le directeur général, M. [F] [N], pour fautes de gestion. Le tribunal de commerce de Rennes a condamné M. [F] [N] à payer à la société Storti la somme de 54.852,50 euros. M. [F] [N] a interjeté appel et demande à la cour de débouter la société Storti de ses demandes. La société Storti, de son côté, demande à la cour de confirmer le jugement initial et de condamner M. [F] [N] à verser une somme supplémentaire sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur la prescription :

Le jugement a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription. Même si M. [F] [N] ne demande, à ce titre, que le rejet des demandes, il convient d’analyser son invocation de la prescription comme une fin de non recevoir devant conduire à l’irrecevabilité de l’action en responsabilité.

Les règles de prescription des actions en responsabilité formées contre les dirigeants des sociétés par actions simplifiées sont les mêmes que celles afférentes à la responsabilité des dirigeants de sociétés anonymes.

Article L227-8 du code de commerce :

Les règles fixant la responsabilité des membres du conseil d’administration et du directoire des sociétés anonymes sont applicables au président et aux dirigeants de la société par actions simplifiée.

Article L. 225-254 :

L’action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu’individuelle, se prescrit par trois ans, à compter du fait dommageable ou s’il a été dissimulé, de sa révélation. Toutefois, lorsque le fait est qualifié crime, l’action se prescrit par dix ans.

Le principe est donc que la prescription de l’action en responsabilité formée contre le dirigeant commence à courir à compter du fait dommageable. Il n’en est autrement qu’en cas de dissimulation.

La dissimulation implique un comportement intentionnel. S’il y a eu volonté de dissimulation, la révélation s’apprécie à l’égard de la personne qui exerce l’action.

Il y aura donc lieu, le cas échéant, de rechercher la date à laquelle le demandeur à l’action en nullité, qui sera la société elle-même ou un actionnaire agissant à titre individuel, aura eu une connaissance suffisante de la convention dissimulée.

En l’espèce, c’est la société Sorti qui exerce l’action. C’est à son seul égard que l’existence d’une dissimulation doit donc être appréciée.

La société Storti fait reproche à M. [F] [N] de ne pas avoir respecté les obligations de vigilance qui pesait sur la société Storti alors qu’elle confiait des travaux de sous traitance à M. [G] [N].

La société Storti a fait l’objet d’une condamnation à prendre en charge les charges sociales de M. [G] [N] au titre de la période allant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2018.

Toute personne qui conclut un contrat ayant pour objet la fourniture d’une prestation doit vérifier que son contractant exerce une activité déclarée auprès des services sociaux.

Article L8222-1 du code du travail :

Toute personne vérifie lors de la conclusion d’un contrat dont l’objet porte sur une obligation d’un montant minimum en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce, et périodiquement jusqu’à la fin de l’exécution du contrat, que son cocontractant s’acquitte :

1° des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 ;

2° de l’une seulement des formalités mentionnées au 1°, dans le cas d’un contrat conclu par un particulier pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin, de ses ascendants ou descendants.

Les modalités selon lesquelles sont opérées les vérifications imposées par le présent article sont précisées par décret.

La personne qui recourt à la prestation est réputée avoir procédé aux vérifications requises lorsqu’elle se fait remettre certaines pièces par son contractant tous les six mois et jusqu’à la fin de l’exécution du contrat.

Article D8222-5 du code du travail (Rédaction en vigueur du 1er janvier 2012 au 1er janvier 2023) :

La personne qui contracte, lorsqu’elle n’est pas un particulier répondant aux conditions fixées par l’article D. 8222-4, est considérée comme ayant procédé aux vérifications imposées par l’article L. 8222-1 si elle se fait remettre par son cocontractant, lors de la conclusion et tous les six mois jusqu’à la fin de son exécution :

1° Une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale prévue à l’article L. 243-15 émanant de l’organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations et des contributions datant de moins de six mois dont elle s’assure de l’authenticité auprès de l’organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale.
2° Lorsque l’immatriculation du cocontractant au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers est obligatoire ou lorsqu’il s’agit d’une profession réglementée, l’un des documents suivants :
a) Un extrait de l’inscription au registre du commerce et des sociétés (K ou K bis) ;
b) Une carte d’identification justifiant de l’inscription au répertoire des métiers ;
c) Un devis, un document publicitaire ou une correspondance professionnelle, à condition qu’y soient mentionnés le nom ou la dénomination sociale, l’adresse complète et le numéro d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ou à une liste ou un tableau d’un ordre professionnel, ou la référence de l’agrément délivré par l’autorité compétente ;
d) Un récépissé du dépôt de déclaration auprès d’un centre de formalités des entreprises pour les personnes en cours d’inscription.

En cas de méconnaissance de ses obligations, le donneur d’ordre est tenu solidairement avec son contractant des conséquences fiscales et sociales d’un travail dissimulé imputé à ce dernier.

Article L8222-2 du code du travail :

Toute personne qui méconnaît les dispositions de l’article L. 8222-1, ainsi que toute personne condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé, est tenue solidairement avec celui qui a fait l’objet d’un procès-verbal pour délit de travail dissimulé :

1° Au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dus par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale ;

2° Le cas échéant, au remboursement des sommes correspondant au montant des aides publiques dont il a bénéficié ;

3° Au paiement des rémunérations, indemnités et charges dues par lui à raison de l’emploi de salariés n’ayant pas fait l’objet de l’une des formalités prévues aux articles L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche et L. 3243-2, relatif à la délivrance du bulletin de paie.

M. [F] [N] reconnaît ne pas avoir demandé ces pièces à M. [G] [N] pour les années 2015 à 2018 inclues.

Le fait que M. [F] [N] ait ou non eu connaissance de la réglementation applicable sur ce point est sans effet sur la caractérisation de la faute qu’il a éventuellement commise en n’y procédant pas.

Une négligence fautive, à la supposer même intentionnelle, ne constitue cependant pas un acte de dissimulation. L’absence d’information de la société Storti de ce que la législation n’était pas respectée sur ce point ne constitue pas un acte volontaire de dissimulation. La société Storti ne se prévaut d’aucun acte pouvant caractériser une dissimulation volontaire.

Le délai de prescription a donc commencé à courir à compter de chacun des faits pouvant constituer une faute.

Les contrats avec M. [G] [N] ont été signés le 3 juin 2014. La société Storti se devait donc de se faire remettre certaines pièces par ce dernier, lors de la conclusion et tous les six mois jusqu’à la fin de son exécution. Parmi ces pièces figurent une attestation émanant de l’organisme de protection sociale datant de moins de six mois.

La société Storti aurait donc du se faire remettre ces pièces le 3 juin 2014 puis tous les six mois, soit jusqu’aux 3 juin 2018 et 3 décembre 2018.

La société Storti a assigné M. [F] [N] en paiement de dommages-intérêts au titre des fautes de gestion alléguées le 16 juin 2022, soit plus de trois années après le dernier manquement qui pourrait lui être reproché. Son action est donc prescrite. Son action s’en trouve irrecevable.

Le jugement sera infirmé.

Sur les frais et dépens :

Il y a lieu de condamner la société Storti France aux dépens de première instance et d’appel et de rejeter les demandes formées au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

– La société Storti France est condamnée aux dépens de première instance et d’appel


Réglementation applicable

– Article L227-8 du code de commerce
– Article L. 225-254 du code de commerce
– Article L8222-1 du code du travail
– Article D8222-5 du code du travail
– Article L8222-2 du code du travail
– Article 700 du code de procédure civile

Article L227-8 du code de commerce:

Les règles fixant la responsabilité des membres du conseil d’administration et du directoire des sociétés anonymes sont applicables au président et aux dirigeants de la société par actions simplifiée.

Article L. 225-254 du code de commerce:

L’action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu’individuelle, se prescrit par trois ans, à compter du fait dommageable ou s’il a été dissimulé, de sa révélation. Toutefois, lorsque le fait est qualifié crime, l’action se prescrit par dix ans.

Article L8222-1 du code du travail:

Toute personne vérifie lors de la conclusion d’un contrat dont l’objet porte sur une obligation d’un montant minimum en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce, et périodiquement jusqu’à la fin de l’exécution du contrat, que son cocontractant s’acquitte des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5.

Article D8222-5 du code du travail:

La personne qui contracte, lorsqu’elle n’est pas un particulier répondant aux conditions fixées par l’article D. 8222-4, est considérée comme ayant procédé aux vérifications imposées par l’article L. 8222-1 si elle se fait remettre par son cocontractant, lors de la conclusion et tous les six mois jusqu’à la fin de son exécution, une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale.

Article L8222-2 du code du travail:

Toute personne qui méconnaît les dispositions de l’article L. 8222-1, ainsi que toute personne condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé, est tenue solidairement avec celui qui a fait l’objet d’un procès-verbal pour délit de travail dissimulé au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dus par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale.

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Me Jean-Briac JUNCKER
– Me Aurélie GRENARD
– Me Jean-David CHAUDET
– Me Fleur BARON

Mots clefs associés

– Prescription
– Responsabilité des dirigeants
– Société par actions simplifiée
– Code de commerce
– Action en responsabilité
– Dissimulation
– Obligations de vigilance
– Charges sociales
– Contrat de prestation
– Vérifications
– Travail dissimulé
– Faute de gestion
– Dommages-intérêts
– Frais et dépens
– Irrecevabilité
– Jugement

– Prescription: délai légal au-delà duquel une action en justice ne peut plus être engagée
– Responsabilité des dirigeants: obligation pour les dirigeants d’une entreprise de répondre de leurs actes devant la justice
– Société par actions simplifiée: forme de société commerciale simplifiée, avec un capital social divisé en actions
– Code de commerce: recueil de lois régissant les relations commerciales entre les entreprises
– Action en responsabilité: action en justice visant à engager la responsabilité d’une personne pour un préjudice causé à autrui
– Dissimulation: fait de cacher ou de dissimuler des informations importantes
– Obligations de vigilance: devoir de surveillance et de contrôle imposé par la loi à certaines entreprises
– Charges sociales: cotisations versées par les employeurs et les salariés pour financer la protection sociale
– Contrat de prestation: accord entre deux parties pour la réalisation d’une prestation de service
– Vérifications: contrôles effectués pour s’assurer de la conformité ou de la véracité de certaines informations
– Travail dissimulé: pratique illégale consistant à ne pas déclarer un travailleur ou à ne pas payer les cotisations sociales
– Faute de gestion: erreur commise par un dirigeant dans la gestion de l’entreprise
– Dommages-intérêts: somme d’argent versée à une personne pour compenser un préjudice subi
– Frais et dépens: frais engagés lors d’une procédure judiciaire et qui peuvent être remboursés par la partie perdante
– Irrecevabilité: caractère d’une demande ou d’une action en justice qui ne peut être admise
– Jugement: décision rendue par un tribunal à l’issue d’un procès

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°146

N° RG 23/02099 – N° Portalis DBVL-V-B7H-TU4D

M. [F] [N]

C/

S.A.S.U. STORTI FRANCE

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me GRENARD

Me CHAUDET

Copie certifiée conforme délivrée

le :

à : TC de RENNES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 02 AVRIL 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre, rapporteur

Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Frédérique HABARE, lors des débats et Madame Julie ROUET lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 06 Février 2024

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 02 Avril 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [F] [N]

né le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Jean-Briac JUNCKER substituant Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

S.A.S.U. STORTI FRANCE

immatriculée au RCS de RENNES sous le n° 510.648.918, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Fleur BARON, Plaidant, avocat au barreau de LYON

FAITS ET PROCEDURE :

La société par actions simplifiée à associé unique Storti France (la société Storti) est une filiale de la société de droit italien Storti SPA qui en est la présidente.

Le 15 juin 2011, M. [F] [N] a été nommé directeur général de la société Storti France. Il a démissionné de ses fonctions le 30 juin 2020.

Le 3 juin 2014, M. [F] [N], en sa qualité de directeur général de la société Storti, a signé un contrat d’agent commercial et un contrat de service technique après-vente avec son fils M. [G] [N].

M. [G] [N] a alors régulièrement facturé à la société Storti des commissions sur la vente des machines de marque Storti et des frais d’intervention pour la mise en route et la réparation de ces machines.

Le 18 décembre 2019, l’URSSAF de Bretagne (l’URSSAF) a adressé à la société Storti une lettre d’observations mettant en oeuvre la solidarité financière sur le fondement des dispositions des articles L822-1 et suivants du code du travail invoquant un travail dissimulé de la part de M. [G] [N] et une absence de vérification par la société Storti de la régularité de la situation de M. [G] [N].

Le 30 septembre 2020, l’URSAFF a adressé à la société Storti une seconde lettre d’observations, annulant et remplaçant la première, pour tenir compte de la prescription au titre de l’année 2014, et maintenant le redressement au titre de la solidarité financière en raison du défaut de vigilance sur les années 2015 à 2018.

Le 20 novembre 2020, l’URSSAF a rejeté les dernières contestations formulées par la société Storti et l’a informée qu’elle maintenait le redressement à hauteur de 51.685 euros. Le 16 février 2021, l’URSSAF a mis en demeure la société Storti de payer cette somme outre celle de 10.608 euros au titre des majorations de retard.

Par reconnaissance de dette 29 avril 2020, M. [G] [N] s’est engagé à relever et garantir la société Storti de toutes les sommes dont cette dernière devrait s’acquitter auprès de l’URSSAF au titre des faits énoncés dans la lettre du 18 décembre 2019.

M. [G] [N] a été placé en liquidation judiciaire le 11 juin 2020, la société David-Goïc et associés étant désignée liquidateur.

Un protocole transactionnel a été signé entre la société Storti et le liquidateur, homologué par jugement du tribunal judiciaire de Rennes du 7 mars 2022.

En exécution de ce protocole, 50 % de la somme séquestrée correspondant aux commissions de vente restant dues à M. [G] [N] ont été versés à la société Storti, diminuant l’impact du redressement URSSAF à la somme de 54.852,50 euros.

Le 16 juin 2022, estimant que M. [F] [N] avait commis des fautes de gestion, la société Storti l’a assigné en paiement de dommages-intérêts.

Par jugement du 16 mars 2023, le tribunal de commerce de Rennes a :

– Déclaré recevable l’action en responsabilité engagée par la société Storti à l’encontre de M. [F] [N], car non prescrite,

– Condamné M. [F] [N] à payer à la société Storti France la somme de 54.852,50 euros,

– Débouté M. [F] [N] de sa demande de paiement de dommages et intérêts au titre de la perte de subrogation,

– Débouté M. [F] [N] de sa demande de communication sous astreinte des attestations et contrats d’assurance responsabilité civile,

– Condamné M. [F] [N] à payer à la société Storti France la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 et débouté la société Storti France du surplus de sa demande à ce titre,

– Débouté la société Storti France du surplus de ses demandes, fins et conclusions,

– Débouté M. [F] [N] du surplus de ses demandes, fins et conclusions,

– Condamné M. [F] [N] aux entiers dépens de l’instance en ce compris les dépens de la procédure d’injonction de payer.

M. [F] [N] a interjeté appel le 4 avril 2023.

Les dernières conclusions de M. [F] [N] sont en date du 19 juin 2023. Les dernières conclusions de la société Storti sont en date du 25 août 2023.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 janvier 2024.

PRETENTIONS ET MOYENS :

M. [F] [N] demande à la cour de :

A titre principal :

– Débouter la société Storti de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire :

– Condamner la société Storti au paiement de la somme de 54.852,50 euros à titre de dommages et intérêts,

– Ordonner la compensation de la créance de la société Storti avec la créance de M. [F] [N],

A titre très subsidiaire :

– Limiter le montant des dommages et intérêts mis à la charge de M. [F] [N] à la somme de 41.244,50 euros,

En tout état de cause :

– Réformer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné M. [F] [N] au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et en conséquence débouter la société Storti de toutes ses prétentions à ce titre,

– Condamner la société Storti au paiement de la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ainsi qu’au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile concernant les frais irrépétibles d’appel,

– Réformer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné M. [F] [N] aux dépens et en conséquence condamner la société Storti aux entiers dépens de première instance, de même qu’aux dépens d’appel.

La société Storti demande à la cour de :

– Confirmer le jugement dans toutes ses dispositions,

– Débouter M. [F] [N] de 1’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

Y ajoutant :

– Condamner M. [F] [N] à verser à la société Storti la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en sus de l’indemnité mise a sa charge en premiére instance, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

DISCUSSION :

Sur la prescription :

Le jugement a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription. Même si M. [F] [N] ne demande, à ce titre, que le rejet des demandes, il convient d’analyser son invocation de la prescription comme une fin de non recevoir devant conduire à l’irrecevabilité de l’action en responsabilité.

Les règles de prescription des actions en responsabilité formées contre les dirigeants des sociétés par actions simplifiées sont les mêmes que celles afférentes à la responsabilité des dirigeants de sociétés anonymes :

Article L227-8 du code de commerce :

Les règles fixant la responsabilité des membres du conseil d’administration et du directoire des sociétés anonymes sont applicables au président et aux dirigeants de la société par actions simplifiée.

Article L. 225-254 :

L’action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu’individuelle, se prescrit par trois ans, à compter du fait dommageable ou s’il a été dissimulé, de sa révélation. Toutefois, lorsque le fait est qualifié crime, l’action se prescrit par dix ans.

Le principe est donc que la prescription de l’action en responsabilité formée contre le dirigeant commence à courir à compter du fait dommageable. Il n’en est autrement qu’en cas de dissimulation.

La dissimulation implique un comportement intentionnel. S’il y a eu volonté de dissimulation, la révélation s’apprécie à l’égard de la personne qui exerce l’action.

Il y aura donc lieu, le cas échéant, de rechercher la date à laquelle le demandeur à l’action en nullité, qui sera la société elle-même ou un actionnaire agissant à titre individuel, aura eu une connaissance suffisante de la convention dissimulée.

En l’espèce, c’est la société Sorti qui exerce l’action. C’est à son seul égard que l’existence d’une dissimulation doit donc être appréciée.

La société Storti fait reproche à M. [F] [N] de ne pas avoir respecté les obligations de vigilance qui pesait sur la société Storti alors qu’elle confiait des travaux de sous traitance à M. [G] [N].

La société Storti a fait l’objet d’une condamnation à prendre en charge les charges sociales de M. [G] [N] au titre de la période allant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2018.

Toute personne qui conclut un contrat ayant pour objet la fourniture d’une prestation doit vérifier que son contractant exerce une activité déclarée auprès des services sociaux :

Article L8222-1 du code du travail :

Toute personne vérifie lors de la conclusion d’un contrat dont l’objet porte sur une obligation d’un montant minimum en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce, et périodiquement jusqu’à la fin de l’exécution du contrat, que son cocontractant s’acquitte :

1° des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 ;

2° de l’une seulement des formalités mentionnées au 1°, dans le cas d’un contrat conclu par un particulier pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin, de ses ascendants ou descendants.

Les modalités selon lesquelles sont opérées les vérifications imposées par le présent article sont précisées par décret.

La personne qui recourt à la prestation est réputée avoir procédé aux vérifications requises lorsqu’elle se fait remettre certaines pièces par son contractant tous les six mois et jusqu’à la fin de l’exécution du contrat :

Article D8222-5 du code du travail (Rédaction en vigueur du 1er janvier 2012 au 1er janvier 2023) :

La personne qui contracte, lorsqu’elle n’est pas un particulier répondant aux conditions fixées par l’article D. 8222-4, est considérée comme ayant procédé aux vérifications imposées par l’article L. 8222-1 si elle se fait remettre par son cocontractant, lors de la conclusion et tous les six mois jusqu’à la fin de son exécution :

1° Une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale prévue à l’article L. 243-15 émanant de l’organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations et des contributions datant de moins de six mois dont elle s’assure de l’authenticité auprès de l’organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale.
2° Lorsque l’immatriculation du cocontractant au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers est obligatoire ou lorsqu’il s’agit d’une profession réglementée, l’un des documents suivants :
a) Un extrait de l’inscription au registre du commerce et des sociétés (K ou K bis) ;
b) Une carte d’identification justifiant de l’inscription au répertoire des métiers ;
c) Un devis, un document publicitaire ou une correspondance professionnelle, à condition qu’y soient mentionnés le nom ou la dénomination sociale, l’adresse complète et le numéro d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ou à une liste ou un tableau d’un ordre professionnel, ou la référence de l’agrément délivré par l’autorité compétente ;
d) Un récépissé du dépôt de déclaration auprès d’un centre de formalités des entreprises pour les personnes en cours d’inscription.

En cas de méconnaissance de ses obligations, le donneur d’ordre est tenu solidairement avec son contractant des conséquences fiscales et sociales d’un travail dissimulé imputé à ce dernier :

Article L8222-2 du code du travail :

Toute personne qui méconnaît les dispositions de l’article L. 8222-1, ainsi que toute personne condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé, est tenue solidairement avec celui qui a fait l’objet d’un procès-verbal pour délit de travail dissimulé :

1° Au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dus par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale ;

2° Le cas échéant, au remboursement des sommes correspondant au montant des aides publiques dont il a bénéficié ;

3° Au paiement des rémunérations, indemnités et charges dues par lui à raison de l’emploi de salariés n’ayant pas fait l’objet de l’une des formalités prévues aux articles L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche et L. 3243-2, relatif à la délivrance du bulletin de paie.

M. [F] [N] reconnaît ne pas avoir demandé ces pièces à M. [G] [N] pour les années 2015 à 2018 inclues.

Le fait que M. [F] [N] ait ou non eu connaissance de la réglementation applicable sur ce point est sans effet sur la caractérisation de la faute qu’il a éventuellement commise en n’y procédant pas.

Une négligence fautive, à la supposer même intentionnelle, ne constitue cependant pas un acte de dissimulation. L’absence d’information de la société Storti de ce que la législation n’était pas respectée sur ce point ne constitue pas un acte volontaire de dissimulation. La société Storti ne se prévaut d’aucun acte pouvant caractériser une dissimulation volontaire.

Le délai de prescription a donc commencé à courir à compter de chacun des faits pouvant constituer une faute.

Les contrats avec M. [G] [N] ont été signés le 3 juin 2014. La société Storti se devait donc de se faire remettre certaines pièces par ce dernier, lors de la conclusion et tous les six mois jusqu’à la fin de son exécution. Parmi ces pièces figurent une attestation émanant de l’organisme de protection sociale datant de moins de six mois.

La société Storti aurait donc du se faire remettre ces pièces le 3 juin 2014 puis tous les six mois, soit jusqu’aux 3 juin 2018 et 3 décembre 2018.

La société Storti a assigné M. [F] [N] en paiement de dommages-intérêts au titre des fautes de gestion alléguées le 16 juin 2022, soit plus de trois années après le dernier manquement qui pourrait lui être reproché. Son action est donc prescrite. Son action s’en trouve irrecevable.

Le jugement sera infirmé.

Sur les frais et dépens :

Il y a lieu de condamner la société Storti France aux dépens de première instance et d’appel et de rejeter les demandes formées au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

– Infirme le jugement,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

– Déclare irrecevable comme prescrite l’action de la société Storti France,

– Rejette les autres demandes des parties,

– Condamne la société Storti France aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 

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