Le salarié qui créé sa société pendant un congé maladie s’expose au remboursement de toutes ses indemnités de sécurité sociale. Ce dernier doit obtenir l’autorisation du médecin et de son empployeur pour exercer des activités pendant ses arrêts de travail.
L’article L.321-1 du code de la sécurité sociale prévoit que l’assurance maladie assure le versement d’indemnités journalières à l’assuré qui se trouve dans l’incapacité physique constatée par le médecin, de continuer ou de reprendre le travail. L’article L.323-6 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 22 décembre 2010 au 25 décembre 2016, dispose que : ‘Le service de l’indemnité journalière est subordonné à l’obligation pour le bénéficiaire :
1° D’observer les prescriptions du praticien ;
2° De se soumettre aux contrôles organisés par le service du contrôle médical prévus à l’article L. 315-2 ;
3° De respecter les heures de sorties autorisées par le praticien selon des règles et des modalités prévues par décret en Conseil d’Etat après avis de la Haute Autorité de santé ;
4° De s’abstenir de toute activité non autorisée.
En cas d’inobservation volontaire de ces obligations, le bénéficiaire restitue à la caisse les indemnités versées correspondantes.
En outre, si l’activité mentionnée au 4° a donné lieu à une rémunération, à des revenus professionnels ou à des gains, il peut être prononcé une sanction financière dans les conditions prévues à l’article L. 162-1-14.
En cas de recours formé contre les décisions de la caisse, les juridictions visées à l’article L. 142-2 contrôlent l’adéquation du montant de la sanction prononcée par la caisse à l’importance de l’infraction commise par l’assuré.’
L’affaire concerne un litige entre une assurée et la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône. L’assurée conteste une notification d’indu d’un montant de 12.216,47 euros, ainsi que les décisions de rejet de la commission de recours amiable. Elle invoque plusieurs arguments pour demander l’annulation de la notification d’indu, notamment le non-respect du délai de mise en demeure, l’absence de justification de la qualité de l’auteur de la notification, et le non-respect du contradictoire lors de l’enquête menée par la caisse.
L’assurée affirme n’avoir pas exercé d’activité non autorisée pendant ses arrêts de travail, se basant sur des ordonnances médicales et certificats médicaux. Elle conteste également le montant réclamé par la caisse, estimant que seules les indemnités journalières versées pendant certaines périodes doivent être restituées.
De son côté, la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône soutient la régularité de la procédure de contrôle et affirme que l’assurée a bien exercé des activités non autorisées pendant ses arrêts de travail, justifiant ainsi la répétition des indemnités journalières versées. Elle se réfère à la jurisprudence pour appuyer sa position.
Le tribunal devra donc trancher sur la validité de la notification d’indu, la régularité de la procédure de contrôle, et le montant des indemnités journalières à restituer.
Sur l’absence de mise en demeure
Les premiers juges ont confirmé que la caisse n’était pas tenue à l’envoi d’une mise en demeure pour réclamer le paiement de l’indu, et pouvait procéder par voie de demande reconventionnelle. Le tribunal est tenu de se prononcer sur le bien-fondé de l’indu, peu importe la délivrance d’une mise en demeure.
Sur l’absence de délégation de pouvoir du signataire de la notification de l’indu
Peu importe l’identité du signataire de la notification, tant que l’appelante ne peut se méprendre sur l’origine de la notification qui lui a été adressée. Le jugement qui a rejeté ce moyen de nullité sera confirmé.
Sur l’assermentation de l’agent enquêteur
Les premiers juges ont rejeté le moyen de nullité concernant l’assermentation de l’agent enquêteur, car celui-ci était dûment assermenté et agréé pour mener des vérifications ou contrôles concernant l’attribution de prestations. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur le respect du principe du contradictoire
Les premiers juges ont considéré qu’il n’y avait pas d’atteinte au principe du contradictoire, car la personne concernée a été informée de la nature des contrôles et a eu l’opportunité de présenter ses observations. Le jugement sera confirmé sur ce point également.
Sur le bien-fondé de l’indu réclamé
La caisse était bien-fondée à réclamer les indemnités journalières indûment versées, car l’assurée a exercé des activités non autorisées pendant ses arrêts de travail. La restitution des indemnités relève du régime de la répétition de l’indu et n’a pas à être assimilée à une sanction. Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les frais et dépens
L’appelante sera condamnée au paiement des dépens de l’appel et à verser une somme de 1.000 euros à la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône en application de l’article 700 du code de procédure civile. Sa demande sera rejetée.
– Mme [N] est condamnée à payer à la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône la somme de 1.000 euros à titre de frais irrépétibles
– Mme [N] est déboutée de sa demande en frais irrépétibles
– Mme [N] est condamnée à payer les dépens de l’appel
Réglementation applicable
– Code de la sécurité sociale
– Code de procédure civile
Article R.133-9-2 du code de la sécurité sociale:
‘L’action en recouvrement de prestations indues s’ouvre par l’envoi au débiteur par le directeur de l’organisme compétent d’une notification de payer le montant réclamé par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception. Cette lettre précise le motif, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements donnant lieu à répétition. Elle mentionne l’existence d’un délai de deux mois imparti au débiteur pour s’acquitter des sommes réclamées et les modalités selon lesquelles les indus de prestations pourront être récupérés, le cas échéant, par retenues sur les prestations à venir. Elle indique les voies et délais de recours ainsi que les conditions dans lesquelles le débiteur peut, dans le délai mentionné au deuxième alinéa de l’article R. 142-1, présenter ses observations écrites ou orales.
Article R.133-9-1 du code de la sécurité sociale:
L’action en recouvrement de prestations indues s’ouvre par l’envoi au débiteur par le directeur de l’organisme compétent d’une notification de payer le montant réclamé.
Article L.216-6 du code de la sécurité sociale:
La caisse primaire d’assurance maladie peut confier à des agents agréés et assermentés le soin de procéder à toutes vérifications ou contrôle concernant l’attribution de prestations.
Article L.114-19 du code de la sécurité sociale:
Le droit de communication permet d’obtenir, sans que s’y oppose le secret professionnel, les documents et informations nécessaires aux agents des organismes chargés de la gestion d’un régime obligatoire de sécurité sociale pour contrôler la sincérité et l’exactitude des déclarations souscrites ou l’authenticité des pièces produites en vue de l’attribution et du paiement des prestations servies par lesdits organismes.
Article L.321-1 du code de la sécurité sociale:
L’assurance maladie assure le versement d’indemnités journalières à l’assuré qui se trouve dans l’incapacité physique constatée par le médecin, de continuer ou de reprendre le travail.
Article 696 du code de procédure civile:
L’appelante, succombant à l’instance, elle sera condamnée au paiement des dépens de l’appel.
Article 700 du code de procédure civile:
En application de l’article 700 suivant, elle sera également condamnée à payer à la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône une somme qu’il est équitable de fixer à 1.000 euros.
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Me Thibault PINATEL
– Me Nicolas ROBINE
Mots clefs associés
– Motifs de la décision
– Absence de mise en demeure
– Délai de forclusion
– Notification de payer le montant réclamé
– Mise en demeure de payer
– Délégation de pouvoir du signataire
– Identité du signataire
– Assermentation de l’agent enquêteur
– Contrôle médical
– Respect du contradictoire
– Droit de communication
– Indu réclamé
– Obligations du bénéficiaire
– Activités non autorisées
– Restitution des indemnités journalières
– Sanction financière
– Inadéquation de la sanction
– Frais et dépens
– Article 700 du code de procédure civile
– Motifs de la décision: Raisons justifiant la décision prise
– Absence de mise en demeure: Absence de notification formelle demandant le paiement d’une somme due
– Délai de forclusion: Délai au-delà duquel une action n’est plus recevable
– Notification de payer le montant réclamé: Notification demandant le paiement de la somme réclamée
– Mise en demeure de payer: Notification formelle demandant le paiement d’une somme due
– Délégation de pouvoir du signataire: Autorisation donnée à une personne pour signer en son nom
– Identité du signataire: Nom de la personne ayant signé le document
– Assermentation de l’agent enquêteur: Serment prêté par l’agent enquêteur pour garantir la véracité de ses déclarations
– Contrôle médical: Examen médical effectué pour vérifier l’état de santé d’une personne
– Respect du contradictoire: Respect du principe selon lequel les parties doivent être entendues de manière équitable
– Droit de communication: Droit d’accéder à des informations ou documents
– Indu réclamé: Somme réclamée à tort
– Obligations du bénéficiaire: Devoirs à respecter par la personne bénéficiaire
– Activités non autorisées: Activités interdites
– Restitution des indemnités journalières: Remboursement des sommes perçues à titre d’indemnités journalières
– Sanction financière: Amende ou pénalité financière
– Inadéquation de la sanction: Manque d’adéquation entre la sanction et l’infraction commise
– Frais et dépens: Coûts et dépenses liés à une procédure
– Article 700 du code de procédure civile: Article du code de procédure civile français concernant les frais de justice à la charge de la partie perdante
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-8a
ARRÊT AU FOND
DU 18 AVRIL 2024
N°2024/7
Rôle N° RG 22/06775 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJL4E
[Y] [N]
C/
CPAM DES BDR
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
– Me Thibault PINATEL
– CPAM des BdR
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 11 Avril 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 17/07668.
APPELANTE
Madame [Y] [N], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Thibault PINATEL de la SCP BOLLET & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Nicolas ROBINE, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
CPAM DES BDR, demeurant [Adresse 2]
non comparante, dispensée en application des dispositions de l’article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d’être représentée à l’audience
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Mars 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente de chambre
Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller
Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Avril 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Avril 2024
Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Alors qu’elle était salariée de la caisse fédérale Méditerranéenne du crédit Mutuel depuis le mois de septembre 2015, Mme [N] a été admise au bénéfice des indemnités journalières au titre du risque maladie à compter du 1er décembre 2015 sur le fondement de nombreux arrêts de travail sur la période courant de 2015 à 2017.
La caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône a effectué un contrôle a posteriori du paiement des prestations en espèce, dans le cadre duquel il a été constaté que Mme [N] a participé à la création d’une société, la SAS [3], dont les statuts ont été déposés le 29 janvier 2016 et pour laquelle elle a réalisé des actes.
Par courrier daté du 28 juillet 2017, la caisse primaire d’assurance maladie lui a notifié un indu d’indemnité journalières perçues entre le 29 janvier 2016 et le 6 avril 2017à hauteur de 12.216,47 euros suite à l’exercice d’une activité non autorisée et non rémunérée pendant un arrêt de travail.
Par courrier en date du 3 octobre 2017, Mme [N] a formé un recours devant la commission de recours amiable qui, dans sa séance du 10 janvier 2019, l’a rejeté.
Entre temps, par requête expédiée le 27 décembre 2017, Mme [N] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône de son recours.
Par jugement rendu le 11 avril 2022, le tribunal devenu, pôle social du tribunal judiciaire de Marseille, a :
– débouté Mme [N] de l’ensemble de ses demandes,
– confirmé la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable saisie le 3 octobre 2017,
– confirmé la décision explicite de rejet de la commission de recours amiable rendue le 10 janvier 2019,
– condamné Mme [N] à payer à la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône la somme de 12.216,47 euros au titre de l’indu d’indemnités journalières versées à tort pour la période du 29 janvier 2016 au 6 avril 2017,
– laissé les dépens à la charge de Mme [N].
Par courrier recommandé expédié le 9 mai 2022, Mme [N] a interjeté appel du jugement.
A l’audience du 5 mars 2024, l’appelante reprend oralement les conclusions déposées et visées par le greffe le jour même. Elle demande à la cour de :
– infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
– annuler la notification d’indu délivrée par la caisse primaire d’assurance maladie pour un montant de 12.216,47 euros,
– annuler les décisions implicite et explicite de rejet de la commission de recours amiable,
– condamner la caisse primaire d’assurance maladie à lui verser la somme de 3.000 euros à titre de frais irrépétibles.
Au soutien de ses prétentions, elle fait d’abord valoir que la notification d’indu n’ayant pas été suivie d’une mise en demeure dans le délai d’un mois de la part de la caisse, conformément aux dispositions de l’article R.133-9-2 du code de la sécurité sociale, elle doit être annulée. Subsidiairement, elle considère que la notification d’indu encourt l’annulation à défaut pour la caisse de ne pas justifier de la qualité ou d’une délégation de pouvoir permettant de justifier que son auteur l’ait signé en lieu et place du directeur de la caisse.
Elle fait ensuite valoir que la notification de l’indu encourt l’annulation faute pour la caisse de justifier d’une quelconque délégation de pouvoir à M. [T] ayant diligenté les opérations de contrôle sous l’autorité du directeur de la caisse.
Enfin, elle fait valoir que la notification de l’indu est irrégulière dès lors que l’agent enquêteur s’est livré à une enquête sans respecter le principe du contradictoire, la convocation ne faisant pas mention de ses droits, la caisse ne justifiant lui avoir communiqué les éléments sur le fondement desquels les investigations ont été menées et la caisse ne lui ayant pas permis d’être assisté lors de l’audition ayant donné lieu à procès-verbal.
Elle se fonde sur des ordonnances médicales et certificats médicaux pour démontrer le bien-fondé des arrêts de travail et la gravité des pathologies dont elle souffre, ainsi que sur le fait qu’il n’a pas été établi qu’elle avait perçu des rémunérations en contrepartie de son activité au sein de la société [3], et qu’elle n’y avait réalisé que des formalités pour démontrer que la notification de l’indu est en inadéquation avec les ‘fautes’ qui lui sont imputées.
Elle considère qu’elle n’a occupé aucune fonction de gestion ni pris aucune part dans l’activité de la société et qu’elle n’a perçu aucune rémunération au titre de l’activité non autorisée qui lui est reprochée, elle ajoute que la sortie du département le 22 mai 2016, liée à l’activité de la société ne saurait caractériser une activité non autorisée dès lors qu’elle a eu lieu pendant les heures de sortie autorisée, et surtout alors qu’elle n’était pas en arrêt de travail, de sorte que la caisse a privé sa décision de fondement.
Enfin, elle fait valoir que s’il était retenu l’exercice d’une activité non autorisée de sa part, il ne peut lui être valablement réclamé que les indemnités journalières versées pendant l’arrêt de travail concerné. Elle en déduit que l’activité de dépôt des statuts de la société le 29 janvier 2016, intervenue pendant l’arrêt de travail du 26 janvier au 7 février 2016, justifie la répétition des seules indemnités journalières versées entre le 29 janvier et le 7 février 2016 et que l’activité non autorisée de sortie hors département du 22 mai 2016 étant intervenue entre deux arrêts de travail du 18 avril au 1er mai 2016 pour l’un et du 4 juin au 4 juillet 2016 pour l’autre, elle ne justifie aucune répétition d’indu d’indemnités journalières, ou, tout au plus, la répétition des indemnités journalières versées du 22 mai au 4 juin 2016.
La caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône, dispensée de comparaître, se réfère aux conclusions datées du 19 février 2024 et communiquées à la partie adverse par mail du 20 février suivant. Elle demande à la cour de :
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
– condamner l’appelante à lui verser la somme de 2.000 euros à titre de frais irrépétibles.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que Mme [N] ayant pris l’initiative, dès la notification de l’indu, de saisir la commission de recours amiable puis de former un recours devant la juridiction, il ne peut être reproché à l’organisme social de ne pas lui avoir notifié une mise en demeure. Elle se fonde sur la jurisprudence de la Cour de cassation qui rappelle que le tribunal saisi d’un recours contre la décision de la commission de recours amiable est tenu de se prononcer sur le bien-fondé de l’indu peu important l’absence de délivrance par la caisse d’une mise en demeure (Ccass Civ 2ème 15 décembre 2016 n° 15-28.915; Ccass 28 novembre 2019 n°18-23.841; Ccass 4 avril 2019 n°18-12.903).
Elle indique que la notification d’un indu, qui se distingue d’une mise en demeure, n’a pas à être signée par le directeur ou un agent titulaire d’une délégation de pouvoir de celui-ci. Elle ajoute qu’elle verse aux débats le pouvoir de M. [G], signataire de la notification.
Elle argue de l’agrément et l’assermentation de M. [T] ayant diligenté les opérations de contrôle, de la convocation de l’assurée à une audition et le procès-verbal d’audition signé à l’issue, pour faire valoir que l’assurée a été informée de la teneur du contrôle et établir le respect du contradictoire, aux fins de démontrer que la procédure est régulière.
Sur le fond, elle fait valoir qu’il ressort des opérations de contrôle que Mme [N] a exercé des actes de gestion et des activités de promotion publicitaire pour la société dont elle est la présidente pendant ses arrêts de travail, sans que ces activités aient été autorisées par le médecin, de sorte qu’elle ne s’est pas abstenue de toute activité non autorisée au sens de l’article L.323-6 du code de la sécurité sociale, et qu’elle doit restituer les indemnitées versées correspondantes. Elle ajoute que le fait d’être sortie hors de la circonscription de la caisse pendant un arrêt de travail, le 22 mai 2016, pour assurer une promotion de la société à [Localité 4] sans autorisation préalable du médecin, ayant rendu impossible le contrôle du service médical contrairement à l’obligation faite au bénéficiaire des indemnités journalières de se soumettre à ces contrôles, justifie la répétition des indemnités journalières versées sur cette période.
Elle se fonde sur la jurisprudence (Ccass 2ème civ 28 mai 2020 n°19-12.962) pour démontrer qu’il n’y a pas lieu de limiter le montant des indemnités journalières à restituer. Elle explique que l’exercice par l’assuré d’une activité non autorisée faisant disparaître l’une des conditions d’attribution ou de maintien des indemnités journalières, la caisse est en droit d’en réclamer la restitution depuis la date du manquement, soit en l’espèce à compter du 29 janvier 2016, date du premier manquement.
Il convient de se reporter aux écritures auxquelles se sont référées les parties à l’audience pour un plus ample exposé du litige.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l’absence de mise en demeure
Aux termes de l’article R.133-9-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 10 septembre 2012 au 25 mars 2021, applicable à la notification d’indu contestée du 28 juillet 2017 :
‘L’action en recouvrement de prestations indues s’ouvre par l’envoi au débiteur par le directeur de l’organisme compétent d’une notification de payer le montant réclamé par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception. Cette lettre précise le motif, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements donnant lieu à répétition. Elle mentionne l’existence d’un délai de deux mois imparti au débiteur pour s’acquitter des sommes réclamées et les modalités selon lesquelles les indus de prestations pourront être récupérés, le cas échéant, par retenues sur les prestations à venir. Elle indique les voies et délais de recours ainsi que les conditions dans lesquelles le débiteur peut, dans le délai mentionné au deuxième alinéa de l’article R. 142-1, présenter ses observations écrites ou orales.
A l’expiration du délai de forclusion prévu à l’article R. 142-1 ou après notification de la décision de la commission instituée à ce même article, le directeur de l’organisme créancier compétent, en cas de refus du débiteur de payer, lui adresse par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception une mise en demeure de payer dans le délai d’un mois qui comporte le motif, la nature et le montant des sommes demeurant réclamées, la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement, les voies et délais de recours et le motif qui, le cas échéant, a conduit à rejeter totalement ou partiellement les observations présentées.’
Comme l’ont pertinemment rappelé les premiers juges, à l’instar de la caisse dans ses conclusions, il est constant que le tribunal saisi d’un recours contre une décision de la commission de recours amiable, est tenu de se prononcer sur le bien-fondé de l’indu, peu important la délivrance par la caisse d’une mise en demeure.
En outre, l’envoi de la mise en demeure est subordonnée à l’expiration du délai de forclusion prévu à l’article R.142-1 ou à la notification de la décision de la commission de recours amiable.
Or, en l’espèce, le tribunal a été saisi par requête expédiée le 27 décembre 2017, avant même que la commission de recours amiable saisie le 3 octobre 2017 ait rendu sa décision le 10 janvier 2019.
Il s’en suit que c’est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la caisse n’était pas tenue à l’envoi d’une mise en demeure pour réclamer le paiement de l’indu, et pouvait procéder par voie de demande reconventionnelle.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur l’absence de délégation de pouvoir du signataire de la notification de l’indu
L’article R.133-9-1 du code de la sécurité sociale susvisé prévoit que l’action en recouvrement de prestations indues s’ouvre par l’envoi au débiteur par le directeur de l’organisme compétent d’une notification de payer le montant réclamé.
En l’espèce, il ressort de la notification d’indu litigieuse du 28 juillet 2017, qu’elle a été signée pour le directeur général et par délégation au sous-directeur du contrôle contentieux, M. [G].
La caisse produit une délégation de pouvoir signer des courriers par lesquels la caisse notifie un indu ou une mise en demeure, du directeur général de la caisse, M. [O], à M. [G], sous-directeur du contrôle contentieux, en date du 1er septembre 2018, soit postérieurement à la notification de l’indu.
Néanmoins, il importe peu l’identité du signataire de la notification dès lors que l’appelante ne justifie d’aucun grief puisqu’elle ne pouvait se méprendre sur l’origine de la notification qui lui a été adressée, comportant en entête, le nom et le logo de la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône, rendant clairement identifiable son auteur.
Le jugement qui a rejeté ce moyen de nullité sera confirmé sur ce point également.
Sur l’assermentation de l’agent enquêteur
Il résulte de la combinaison des dispositions de l’article L.216-6 dans sa version antérieur au 20 décembre 2005 et de l’article L.243-7 du code de la sécurité sociale, que la caisse primaire d’assurance maladie peut confier à des agents agréés et assermentés le soin de procéder à toutes vérifications ou contrôle concernant l’attribution de prestations.
En l’espèce, il ressort du rapport d’enquête administrative concernant Mme [N], en date du 13 juillet 2017, qu’elle a été diligentée par M. [J] [T].
La caisse produit la carte d’identité professionnelle d’agent de contrôle assermenté de [J] [T] attestant d’une prestation de serment le 9 octobre 2012 et un agrément daté du 14 avril 2013, ainsi qu’une copie de la décision d’agrément et un extrait de minute du greffe du tribunal d’instance de Marseille portant mention de la prestation de serment. Il est également produit la délégation de signature du directeur général à M. [J] [T] pour exercer l’emploi d’inspecteur chargé d’enquêtes à compter du 1er décembre 2016.
C’est donc à bon droit que les premiers ont rejeté ce moyen de nullité et le jugement sera une nouvelle fois, confirmé sur ce point.
Sur le respect du principe du contradictoire
L’article L.114-19 du code de la sécurité sociale prévoit que le droit de communication permet d’obtenir, sans que s’y oppose le secret professionnel, les documents et informations nécessaires aux agents des organismes chargés de la gestion d’un régime obligatoire de sécurité sociale pour contrôler la sincérité et l’exactitude des déclarations souscrites ou l’authenticité des pièces produites en vue de l’attribution et du paiement des prestations servies par lesdits organismes.
L’article L.144-21 suivant dispose que : ‘L’organisme ayant usé du droit de communication en application de l’article L. 114-19 est tenu d’informer la personne physique ou morale à l’encontre de laquelle est prise la décision de supprimer le service d’une prestation ou de mettre des sommes en recouvrement, de la teneur et de l’origine des informations et documents obtenus auprès de tiers sur lesquels il s’est fondé pour prendre cette décision. Il communique, avant la mise en recouvrement ou la suppression du service de la prestation, une copie des documents susmentionnés à la personne qui en fait la demande.’
En l’espèce, il ressort de la convocation adressée à Mme [N] par courrier de l’agent chargé du contrôle en date du 22 juin 2017, qu’elle précise son objet en ces termes : ‘recueillir des informations complémentaires au sujet de vos indemnisations maladie entre 2015 et ce jour’, ainsi que le service investigation de la caisse primaire d’assurance maladie devant lequel elle est convoquée.
En outre, il résulte du procès-verbal d’audition signé par Mme [N], qu’il lui a été rappelé en préliminaire, qu’elle était reçue afin de répondre à des questions relatives à ses arrêts de travail sur la période comprise entre mars 2015 at avril 2017 et il résulte du rapport d’enquête administrative qu’elle a été interrogée sur les éléments ayant permis à la caisse de prendre sa décision.
De surcroît, il résulte de la notification d’indû qu’il a été indiqué à l’assurée qu’elle disposait de deux mois pour présenter ses observations écrites ou orales.
C’est donc à raison que les premiers juges n’ont pas retenu d’atteinte au principe du contradictoire.
Plus encore, Mme [N] ne justifie pas avoir fait la demande de copie des documents obtenus auprès de tiers par la caisse, à laquelle celle-ci n’aurait pas répondu.
C’est donc à juste titre que les premiers juges ont rejeté ce nouveau moyen de nullité.
Le jugement sera confirmé sur ce point également.
Sur le bien-fondé de l’indu réclamé
L’article L.321-1 du code de la sécurité sociale prévoit que l’assurance maladie assure le versement d’indemnités journalières à l’assuré qui se trouve dans l’incapacité physique constatée par le médecin, de continuer ou de reprendre le travail. L’article L.323-6 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 22 décembre 2010 au 25 décembre 2016, dispose que : ‘Le service de l’indemnité journalière est subordonné à l’obligation pour le bénéficiaire :
1° D’observer les prescriptions du praticien ;
2° De se soumettre aux contrôles organisés par le service du contrôle médical prévus à l’article L. 315-2 ;
3° De respecter les heures de sorties autorisées par le praticien selon des règles et des modalités prévues par décret en Conseil d’Etat après avis de la Haute Autorité de santé ;
4° De s’abstenir de toute activité non autorisée.
En cas d’inobservation volontaire de ces obligations, le bénéficiaire restitue à la caisse les indemnités versées correspondantes.
En outre, si l’activité mentionnée au 4° a donné lieu à une rémunération, à des revenus professionnels ou à des gains, il peut être prononcé une sanction financière dans les conditions prévues à l’article L. 162-1-14.
En cas de recours formé contre les décisions de la caisse, les juridictions visées à l’article L. 142-2 contrôlent l’adéquation du montant de la sanction prononcée par la caisse à l’importance de l’infraction commise par l’assuré.’
En l’espèce, il résulte du rapport d’enquête administrative que Mme [N] a été indemnisée au titre de l’assurance maladie du 1er décembre 2015 au 6 avril 2017 à hauteur de 14.686,14 euros (dont 910,10 euros de CSG et 71,85 euros de RDS).
Plus particulièrement, il ressort de l’extrait de décompte des indemnités journalières versées par la caisse à l’assurée, que celle-ci a perçu 14 indemnités journalières sur la période du 16 au 29 mai 2016, de sorte qu’elle a bien été en arrêt maladie sur toute cette période, contrairement à ce qu’elle prétend dans ses conclusions.
Or, il ressort du procès-verbal d’audition de l’ intéressée en date du 5 juillet 2017 qu’elle admet être la présidente de la société [3] depuis sa création. Il résulte des statuts de la société que l’intéressée les a signés en date du 29 janvier 2016. Elle reconnait avoir signé les ouvertures de comptes en banques, avoir fait des apports et avoir été amenée à signer des offres de sponsors et des contrats dès la création de la société. Elle indique également avoir participé à la promotion des produits de la société, notamment en se déplaçant à [Localité 4] le 22 mai 2016.
Il n’est pas justifié, ni même invoqué par Mme [N], qu’elle ait sollicité et obtenu l’autorisation du médecin pour exercer ces activités pendant ces arrêts de travail.
Il s’en suit que l’intéressée a effectivement exercé des activités non autorisées à compter du 29 janvier 2016 et n’a pas permis le contrôle du service médical le 22 mai 2016 en sortant, sans y être autorisée, de la circonscription, contrairement aux obligations qui lui sont faîtes en contrepartie du versement des indemnités journalières.
Il importe peu que l’assurée n’ait pas été rémunérée pour exercer ses activités non autorisées.
Ainsi, sans qu’il soit remis en question, à aucun moment, la gravité des pathologies dont est atteinte l’assurée et le bien-fondé des arrêts maladie qui lui ont été prescrits, c’est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la caisse était bien-fondée à réclamer les indemnités journalières indûment versées du 29 mai 2016, date du premier manquement de l’assurée à ses obligations, au 6 avril 2017, date à laquelle l’assurée a cessé de bénéficier des indemnités journalières.
Enfin, comme l’ont pertinemment fait remarquer les premiers juges, la restitution des indemnités journalières relève du régime de la répétition de l’indu et n’a pas à être assimilée à une sanction, à l’instar de la pénalité qui aurait pu lui être infligée en sus, si l’assurée avait été rémunérée pour l’exercice des activités non autorisées pendant ses arrêts de travail. Il s’en suit que l’inadéquation de la sanction à l’importance de l’infraction n’a pas à être vérifiée et le moyen doit être rejeté.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les frais et dépens
L’appelante, succombant à l’instance, elle sera condamnée au paiement des dépens de l’appel en vertu de l’article 696 du code de procédure civile.
En application de l’article 700 suivant, elle sera également condamnée à payer à la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône une somme qu’il est équitable de fixer à 1.000 euros. Elle sera déboutée de sa demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par décision contradictoire,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Condamne Mme [N] à payer à la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône la somme de 1.000 euros à titre de frais irrépétibles,
Déboute Mme [N] de sa demande en frais irrépétibles,
Condamne Mme [N] à payer les dépens de l’appel.
Le greffier La présidente