La notion de « consommateur » doit être interprétée par référence à une définition finaliste, l’exclusion de la qualification de consommateur ne pouvant intervenir qu’aux termes d’une appréciation concrète des finalités de l’action entreprise dans le cadre du rapport contractuel en cause, indépendamment des compétences techniques de la personne dont on cherche à apprécier la qualité au regard de la directive 2011/83/UE du 25’octobre 2011
Reprenant la définition posée par la directive 2011/83/UE du 25’octobre 2011 portant sur les droits des consommateurs, la loi n° 214-344 du 17 mars 2014 a créé un article « préliminaire » dans le code de la consommation disposant qu’« Au sens du présent code, est considérée comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale. »
Cet article, désormais qualifié de « liminaire », a été modifié à plusieurs reprises, le consommateur étant désormais « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole », par opposition au professionnel désigné comme étant « toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel. »
M. [F] a confié des travaux de construction à la SARL Bas Livradois, qui a sous-traité une partie des travaux à la société SER. Des problèmes de non-finitions et de dommages ont été signalés par M. [F], qui a refusé de payer le solde des travaux. La SARL Bas Livradois a tenté de récupérer le paiement et a demandé une expertise judiciaire pour évaluer les dommages. Après plusieurs rebondissements, la SARL Bas Livradois a assigné M. [F] en justice pour obtenir le paiement du solde des travaux. M. [F] a soulevé une fin de non-recevoir basée sur la prescription de l’action. Le juge de la mise en état a déclaré recevable l’action en paiement de la SARL Bas Livradois et a condamné M. [F] à payer des frais. M. [F] a fait appel de cette décision et demande la confirmation de la fin de non-recevoir et des dommages-intérêts. La SARL Bas Livradois demande la confirmation de la décision initiale et la condamnation de M. [F] aux dépens et à des dommages-intérêts supplémentaires.
Sur le délai de prescription applicable à la demande en paiement de la facture n° 08/4946 émise le 31 août 2016 par la SARL Bas Livradois :
M. [F] considère que la demande en paiement présentée par la SARL Bas Livradois relève de la prescription biennale prévue par l’article L. 218-2 du code de la consommation, tandis que l’intimée estime que la prescription biennale n’est pas applicable en l’espèce. La notion de « consommateur » doit être interprétée par référence à une définition finaliste pour déterminer si M. [F] a agi à des fins professionnelles dans le cadre du contrat d’entreprise.
Sur l’acquisition de la prescription :
Le délai de prescription biennale a commencé à courir le 30 septembre 2016, date à laquelle les travaux auraient pu être réceptionnés. L’action en paiement initiée par la SARL Bas Livradois est prescrite, malgré les interruptions alléguées par l’intimée. L’assignation en référé et l’ordonnance de référé n’ont pas interrompu ou suspendu la prescription de l’action en paiement de la facture.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
L’ordonnance est infirmée sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile. La SARL Bas Livradois est condamnée aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à payer à M. [F] des frais irrépétibles de 3000 euros.
– La SARL Bas Livradois est condamnée aux dépens de première instance et d’appel
– La SARL Bas Livradois doit payer à M. [W] [F] la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel
Réglementation applicable
– Code de la consommation
– Code civil
– Code de procédure civile
Article L. 218-2 du code de la consommation:
« L’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. »
Article 2224 du code civil:
« Le délai de prescription des actions personnelles ou mobilières court à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »
Article 700 du code de procédure civile:
« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Maître Thierry GESSET
– Maître Philippe BOISSIER
Mots clefs associés
– Prescription biennale
– Code de la consommation
– Consommateur
– Activité professionnelle
– SARL Bas Livradois
– Contrat d’entreprise
– Prescription de l’action en paiement
– Date d’achèvement des travaux
– Expertise judiciaire
– Interruption de la prescription
– Assignation en référé
– Ordonnance de référé
– Dépens et frais irrépétibles
– Article 700 du code de procédure civile
– Prescription biennale: délai de deux ans à partir duquel une action en justice n’est plus recevable
– Code de la consommation: recueil de lois et règlements régissant les relations entre les consommateurs et les professionnels
– Consommateur: personne physique ou morale qui acquiert des biens ou des services pour son usage personnel
– Activité professionnelle: ensemble des actions exercées dans le cadre d’une profession ou d’une entreprise
– SARL Bas Livradois: forme juridique de société à responsabilité limitée située dans la région du Livradois en France
– Contrat d’entreprise: accord entre un client et un prestataire de services pour la réalisation d’un travail spécifique
– Prescription de l’action en paiement: délai au-delà duquel une action en justice pour réclamer un paiement n’est plus possible
– Date d’achèvement des travaux: moment où les travaux prévus dans un contrat sont considérés comme terminés
– Expertise judiciaire: évaluation technique réalisée par un expert dans le cadre d’une procédure judiciaire
– Interruption de la prescription: acte qui met fin au délai de prescription d’une action en justice
– Assignation en référé: convocation à comparaître devant un juge en urgence pour une affaire spécifique
– Ordonnance de référé: décision provisoire rendue par un juge en référé pour régler une situation d’urgence
– Dépens et frais irrépétibles: frais engagés lors d’une procédure judiciaire qui ne peuvent être remboursés par la partie perdante
– Article 700 du code de procédure civile: disposition légale permettant au juge d’allouer une somme d’argent à la partie gagnante pour ses frais de justice.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL
DE RIOM
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Du 30 avril 2024
N° RG 23/01522 – N° Portalis DBVU-V-B7H-GCCN
-LB- Arrêt n° 192
[W] [F] / S.A.R.L. BAS LIVRADOIS
Ordonnance, origine Juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de CUSSET, décision attaquée en date du 20 Septembre 2023, enregistrée sous le n° 22/00837
Arrêt rendu le MARDI TRENTE AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
M. Philippe VALLEIX, Président
M. Daniel ACQUARONE, Conseiller
Mme Laurence BEDOS, Conseiller
En présence de :
Mme Marlène BERTHET, greffier lors de l’appel des causes et du prononcé
ENTRE :
M. [W] [F]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Maître Thierry GESSET, avocat au barreau de MONTLUCON
Timbre fiscal acquitté
APPELANT
ET :
S.A.R.L. BAS LIVRADOIS
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Maître Philippe BOISSIER de la SCP BOISSIER, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
INTIMEE
DÉBATS :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 29 février 2024, en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme BEDOS, rapporteur.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 30 avril 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. VALLEIX, président et par Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [W] [F] a entrepris des travaux de construction d’une maison d’habitation sur une parcelle de terrain lui appartenant située [Adresse 1] à [Localité 3] (Allier).
Il a confié divers travaux à la SARL Bas Livradois et notamment, suivant devis en date du 16 novembre 2015 émis pour un montant de 39’257,06 euros et accepté le 15 février 2016, des travaux de terrassement et d’aménagement des extérieurs de sa propriété.
La SARL Bas Livradois a sous-traité à la société SER la réalisation des enrobés du chemin d’accès, des bordures en béton et des caniveaux d’évacuation des eaux pluviales.
Les travaux ont été effectués en juin et juillet 2016 et n’ont pas été réceptionnés.
Par courriel du 3 août 2016, M. [F] s’est plaint auprès de la SAS Bas Livradois de certaines non-finitions et de dommages causés à sa propriété par la société SER à l’occasion des travaux.
La SAS Bas Livradois a émis le 31 août 2016 une facture n°08/4946 d’un montant total de 42’977,06 euros correspondant aux travaux décrits dans le devis du 16 novembre 2015 et à des travaux supplémentaires pour un montant de 3100 euros (apport de terre végétale , fourniture et pose de bordures P1), réclamant le paiement de la somme de 30’977, 06 euros après déduction de l’acompte de 12’000 euros versé par M. [F].
De nombreux échanges sont intervenus entre les parties au cours desquels M. [F] a dénoncé les non-finitions et non-conformités affectant les travaux et renouvelé ses doléances quant aux dommages causés à sa propriété, communiquant des devis dans la perspective de la prise en charge des travaux de réparation, la société Bas Livradois tentant quant à elle d’obtenir l’intervention de son sous-traitant pour assumer le coût des travaux et étant parallèlement relancée par ce dernier pour le règlement de ses propres factures.
Par courriers adressés en recommandé avec accusé de réception les 20 octobre 2016 et 8 novembre 2016, la SARL Bas Livradois a mis en demeure M. [F] de s’acquitter de la somme de 30’977,06 euro au titre du solde du chantier.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 20 juillet 2017, M. [F] a constaté « la défaillance [de la SARL Bas Livradois] et [son] abandon du chantier », annonçant en outre déduire du solde du chantier les factures destinées à la reprise et à la finition des travaux.
Par actes des 3 et 5 avril 2018, la SARL Bas Livradois a fait assigner devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Cusset M. [F] et la société SER pour obtenir :
-la condamnation de M. [F] au paiement de la somme de 27’257,06 euros à titre d’indemnité provisionnelle à valoir sur le règlement de la facture du 31 août 2016 d’un montant de 39’257,06 euros,
– l’organisation d’une mesure d’expertise judiciaire avec pour mission pour l’expert :
-de vérifier si les travaux réalisés tant par la SARL Bas Livradois que par la société SER pouvaient avoir causé des dommages compte tenu « des contestations relatives aux travaux réalisés et aux désordres invoqués »,
-de dire si les travaux pouvaient être réceptionnés, le cas échéant avec réserves, et qu’il soit proposé, dans l’affirmative, une ou plusieurs dates de réception,
-de donner son avis sur les responsabilités encourues, de dire si les désordres avaient été réparés, et dans l’affirmative, à quelle date et pour quel coût,
-de faire les comptes entre les parties en distinguant d’une part le coût des travaux initiaux, ceux des travaux supplémentaires, le coût des éventuels travaux de reprise et les éventuels préjudices subis.
Par ordonnance du 27 juin 2018, le juge des référés a rejeté la demande de condamnation de M. [F] au paiement d’une indemnité provisionnelle, débouté la société SER de sa demande reconventionnelle de provision formée à l’encontre de la SARL Bas Livradois et ordonné l’expertise sollicitée aux frais avancés par cette dernière.
L’expert, M. [E], après avoir déposé une note n°1 le 30 janvier 2019 et une note n°2 le 21 juin 2019 a déposé le 25 septembre 2020 un rapport « en l’état », en l’absence de production des pièces réclamées à M. [F] et de versement par la SARL Bas Livradois de la consignation supplémentaire demandée compte tenu de l’allégation de nouveaux désordres (apparition en 2018 de micro-fissures et fissures) . Il ressort de ces documents que l’expert n’a pu vérifier la réalité des dommages éventuellement provoqués par les travaux, dans la mesure où M. [F] a indiqué les avoir fait réparer en partie et avoir en outre été indemnisé par son assureur à la faveur d’un sinistre dû à la grêle. L’expert n’a par ailleurs pu se prononcer sur les désordres allégués s’agissant du sous-sol, considérant que des informations supplémentaires étaient nécessaires quant à la destination réelle de celui-ci, initialement prévu pour abriter un vide sanitaire et en définitive affecté à des pièces aménagées.
Par acte d’huissier en date du 11 août 2022, la SARL Bas Livradois a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Cusset M. [F] pour obtenir le prononcé de la réception sans réserves de l’ensemble des travaux, la condamnation du défendeur au paiement des sommes de 27’877,06 euros au titre du devis accepté et de 3100 euros au titre des travaux supplémentaires d’apport de terre végétale et de fourniture et pose de bordures .
Par conclusions d’incident signifiées le 23 juin 2023 , M. [F] a saisi le juge de la mise en état d’une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action.
Par ordonnance du 20 septembre 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Cusset a statué en ces termes :
-Déclarons recevable l’action en paiement introduite par la SAS Bas Livradois à l’encontre de M. [W] [F] ;
-Condamnons M. [W] [F] aux dépens de l’incident ;
-Déboutons M. [W] [F] de sa demande relative aux dépens ;
-Condamnons M. [W] [F] au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Déboutons M. [W] [F] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Renvoyons à l’audience de mise en état physique du 8 novembre 2023 ;
-Donnons avis de fixation à maître Thierry Gesset jusqu’au 3 novembre 2023.
M. [F] a relevé appel de cette décision par déclaration électronique enregistrée au greffe de la cour le 2 octobre 2023.
Vu les conclusions en date du 2 novembre 2023 aux termes desquelles M. [F] présente à la cour les demandes suivantes :
« Dire M. [W] [F] recevable et bien fondé, par conséquent,
Réformer dans toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 23 septembre 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Cusset,
Statuant à nouveau,
-Déclarer irrecevable l’action en paiement au titre de la facture du 31 août 2016 entreprise par la société Bas Livradois à l’encontre de M. [F] car prescrite ;
-Condamner la société Bas Livradois à verser à M. [F] la somme de 4800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Condamner la société Bas Livradois aux entiers dépens dont distraction au profit de maître Gesset en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Vu les conclusions en date du 1er décembre 2023 aux termes desquelles la SAS Bas Livradois demande à la cour de :
-Confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance de mise en état du 20 septembre 2023 ;
-Débouter M. [F] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
-Le condamner aux dépens de la procédure d’appel et au paiement d’une indemnité complémentaire de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées pour l’exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
-Sur le délai de prescription applicable à la demande en paiement de la facture n° 08/4946 émise le 31 août 2016 par la SARL Bas Livradois :
M. [F] considère que la demande en paiement présentée par la SARL Bas Livradois relève de la prescription biennale prévue par l’article L. 218-2 du code de la consommation, étant précisé qu’en réalité au regard de la date d’acceptation du devis, soit le 15 février 2016, le contrat est soumis à l’ancien article L137-2 du même code, qui dispose : « L’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. »
L’intimée estime quant à elle que la prescription biennale prévue par le code de la consommation n’est pas applicable en l’espèce soutenant que M. [F] ne peut être considéré dans le cadre du rapport contractuel concerné par le litige comme un consommateur au sens du code de la consommation mais doit être regardé comme professionnel.
Reprenant la définition posée par la directive 2011/83/UE du 25’octobre 2011 portant sur les droits des consommateurs, la loi n° 214-344 du 17 mars 2014 a créé un article « préliminaire » dans le code de la consommation disposant qu’« Au sens du présent code, est considérée comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale. »
Cet article, désormais qualifié de « liminaire », a été modifié à plusieurs reprises, le consommateur étant désormais « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole », par opposition au professionnel désigné comme étant « toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel. »
Il est constant que la notion de « consommateur » doit être interprétée par référence à une définition finaliste, l’exclusion de la qualification de consommateur ne pouvant intervenir qu’aux termes d’une appréciation concrète des finalités de l’action entreprise dans le cadre du rapport contractuel en cause, indépendamment des compétences techniques de la personne dont on cherche à apprécier la qualité au regard des dispositions rappelées.
Il convient en conséquence en l’occurrence d’apprécier si M. [F], dans le cadre de la conclusion du contrat d’entreprise avec la SARL Bas Livradois, a agi à des fins entrant dans le cadre de son activité professionnelle.
Il n’est pas contesté que M. [F] a entrepris des travaux de construction d’une maison individuelle destinée à son habitation principale, pour répondre ainsi à des besoins personnels.
La SARL Bas Livradois soutient cependant qu’au-delà de cette finalité personnelle, M. [F] a également poursuivi dans le cadre de l’opération de construction une finalité professionnelle puisqu’il exercerait selon elle son activité professionnelle dans les locaux construits.
Au soutien de cette argumentation, elle souligne d’une part que l’adresse de la maison d’habitation de M. [F] est également celle correspondant au siège social de nombreuses sociétés dont il est le gérant mais également d’une société, la SAS Bourbonnaise de Carrelage, dont le représentant légal est une autre société, la SARL Freciloma dont il est le gérant, tandis que les fonctions de président sont confiées un certain M. [B], d’autre part que M. [F] exerce effectivement son activité professionnelle commerciale dans les locaux construits, ce qui ressortirait notamment du fait que la SAS Bourbonnaise de Carrelage diffuse des supports publicitaires proposant l’établissement de devis et mentionnant l’adresse de la maison d’habitation de M. [F], [Adresse 1] à [Localité 3].
Toutefois, ces éléments sont insuffisants pour caractériser la finalité professionnelle de l’opération de construction immobilière entreprise, qui ne peut se déduire de la seule domiciliation des sociétés à l’adresse de la résidence principale de M. [F], alors qu’il n’est nullement établi par ailleurs que l’immeuble ait été édifié dans la perspective de son exploitation lucrative.
La SARL Bas Livradois ne démontre en effet ni que la maison de M. [F] abriterait des locaux commerciaux, qui par exemple seraient loués ou dans lesquels seraient accueillis des clients ou encore stockées des marchandises ou entreposé du matériel en rapport avec son activité professionnelle, étant observé que si l’imprimé publicitaire diffusé par la SAS Bourbonnaise de Carrelage auquel fait référence l’intimée mentionne l’adresse de la résidence de M. [F], l’invitation à faire établir un devis sur le même document renvoie au site en ligne « viteundevis.com » et n’évoque pas la possibilité d’un déplacement du client intéressé dans des locaux.
Il sera observé encore que si un doute subsiste au terme des opérations d’expertise sur la destination du sous-sol de la maison, initialement prévu pour abriter le vide sanitaire et qui en définitive a été aménagé en espace habitable, il n’est pas démontré que ces lieux soient consacrés à l’exploitation par M. [F] de l’activité des différentes sociétés dont il est le gérant.
En l’absence de preuve que M. [F], en entreprenant une opération de construction immobilière, a agi à des fins entrant dans le cadre de son activité professionnelle, il doit être considéré que l’action en paiement initiée par la SARL Bas Livradois est soumise à la prescription biennale prévue par l’article L137-2 ancien du code de la consommation.
-Sur l’acquisition de la prescription :
Aux termes de l’article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation, « L’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. »
Il résulte de l’article 2224 du code civil que le délai de prescription des actions personnelles ou mobilières court à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Il est constant qu’en application de ces dispositions, l’action en paiement de factures formée par un professionnel à l’encontre d’un consommateur, soumise à la prescription biennale, se prescrit à compter de la date de la connaissance par le créancier des faits lui permettant d’agir, laquelle est caractérisée, hormis les cas où le contrat ou la loi en disposent autrement, par l’achèvement des travaux ou l’exécution des prestations, cette circonstance rendant sa créance exigible [Cass., Com., 26 février 2020, pourvoi n°18-25.036 ; Cass. 1re Civ., 1er mars 2023, pourvoi n° 21-23.176], sauf à retenir comme point de départ la date d’établissement de la facture dans le cas où l’application de la jurisprudence nouvelle aurait pour effet d’affecter irrémédiablement la situation des parties ayant agi de bonne foi en se conformant à l’état du droit applicable à la date de leur action.
En l’espèce, il n’est pas sollicité la prise en considération de la date d’établissement de la facture comme point de départ du délai de prescription, M. [F] estimant que la date d’achèvement des travaux peut être fixée à la date à laquelle ceux-ci auraient pu être réceptionnés selon l’expert, la SARL Bas Livradois semblant considérer quant à elle que le délai n’a jamais couru alors que l’objet de l’action au fond est précisément de fixer la date de réception des travaux, de sorte que le contrat d’entreprise serait toujours en cours dans la mesure où les réserves n’ont pas été levées.
Il ressort des explications développées dans la note n°1 établie par l’expert judiciaire le 30 janvier 2019 que les travaux litigieux étaient tous réalisés au mois de septembre 2016, à l’exception d’une toute petite partie de la grille de caniveau, de sorte que les travaux auraient pu être réceptionnés, avec des réserves correspondant aux doléances de M. [F], à partir du mois suivant l’édition de la facture, soit au cours du mois de septembre 2016.
Il sera retenu en conséquence que le délai de la prescription biennale a commencé à courir le 30 septembre 2016.
La SARL Bas Livradois soutient qu’en toute hypothèse la prescription a été interrompue par la délivrance de l’assignation en référé à M. [F] le 3 avril 2018, puis que le cours de la prescription a été suspendu à la suite de l’ordonnance de référé rendue le 27 juin 2018, ce jusqu’au dépôt du rapport d’expertise le 25 septembre 2020.
Toutefois, si la prescription a été interrompue par l’action en référé-provision initiée par la SARL Bas Livradois par acte du 3 avril 2018, cette interruption est non avenue s’agissant de l’action en paiement, ce en application de l’article 2243 du code civil, alors que la demande de provision a été rejetée.
Par ailleurs, une assignation en justice ne peut interrompre la prescription qu’en ce qui concerne le droit que son auteur entend exercer, de sorte que la demande d’expertise également formulée par la SARL Bas Livradois aux termes de l’assignation en référé du 3 avril 2018 ne peut avoir interrompu la prescription quant à l’action en paiement de la facture alors que cette mesure d’instruction était sollicitée avant tout procès dans la perspective d’anticiper la demande indemnitaire que pouvait présenter M. [F] au titre des dommages, non finitions et non-conformités dénoncés par ce dernier, soit à titre principal dans le cadre d’une action en responsabilité, soit à titre reconventionnel, par voie de demande en compensation.
Pour les mêmes raisons, il ne peut être considéré que le cours de prescription de l’action en paiement a été suspendu par l’ordonnance du 27 juin 2018.
Il sera observé qu’en toute hypothèse si, comme le soutient la SARL Bas Livradois, l’assignation en référé du 3 avril 2018 avait interrompu la prescription, faisant alors courir un nouveau délai de deux ans, la suspension du cours de la prescription intervenue par l’ordonnance de référé du 27 juin 2018 n’aurait pas effacé le délai déjà couru entre ces deux dates, soit 85 jours, de sorte que le délai restant à courir à compter du 25 septembre 2020, soit 645 jours, expirait au plus tard le 5 juillet 2022, alors que l’assignation au fond n’a été délivrée que le 11 août 2022.
Il résulte de ces explications que l’action en paiement initiée par la SARL Bas Livradois est prescrite, contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, de sorte que l’ordonnance doit être infirmée.
– Sur les dépens et les frais irrépétibles :
L’ordonnance sera infirmée sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile. La SARL Bas Livradois sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et condamnée à payer à M. [F] la somme de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance que pour les besoins de la procédure d’appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme l’ordonnance en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,
Déclare irrecevable comme prescrite l’action en paiement engagé par la SARL Bas Livradois par assignation du 11 août 2022 à l’encontre de M. [W] [F] ;
Condamne la SARL Bas Livradois aux dépens de première instance et d’appel ;
Condamne la SARL Bas Livradois à payer à M. [W] [F] la somme de 3000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu’en appel.
Le greffier Le président