Le salarié peut toujours intervenir à l’instance engagée par le syndicat et y mettre un terme à tout moment Cette faculté de substitution n’est ouverte que pour un nombre de cas dont la liste, si elle a été élargie, demeure limitée.
L’article 2132-3 du code du travail prévoit que les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice.
Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.
Il ressort également des termes de l’article L1247-1 du même code que les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise peuvent exercer en justice toutes les actions qui résultent du présent titre en faveur d’un salarié, sans avoir à justifier d’un mandat de l’intéressé.
Le salarié en est averti dans des conditions déterminées par voie réglementaire et ne doit pas s’y être opposé dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle l’organisation syndicale lui a notifié son intention.
L’affaire concerne Monsieur [CG] [YD], un ancien salarié d’EDF-GDF, qui a saisi le Conseil des Prud’hommes de Paris pour contester sa réintégration refusée par l’entreprise. Une transaction a été signée entre Monsieur [YD] et EDF en octobre 2012, prévoyant sa mise à la retraite avec diverses indemnités. Le Syndicat CFTC DEPT RA a saisi le Conseil des Prud’hommes de Paris en 2018, contestant la transaction et demandant des dommages et intérêts pour préjudice causé à l’intérêt collectif. La Cour d’appel de Paris s’est déclarée incompétente, renvoyant l’affaire au tribunal de grande instance de Lyon. Les sociétés EDF, ENEDIS, ENGIE et GRDF contestent les demandes du syndicat et de Monsieur [YD], arguant de l’irrecevabilité des demandes et de l’autorité de chose jugée de la transaction. ENGIE et GRDF demandent également des dommages et intérêts pour abus de droit de la part du syndicat CFTC DEPT RA. Le Syndicat CGT CNPE BUGEY, intervenant volontaire, n’a pas formulé de demandes et est réputé non comparant. L’affaire a été mise en délibéré pour le 07 février 2024.
DECISION SUR LES MOTIFS
Le Conseil de Monsieur [CG] [YD] n’a pas transmis son dossier de plaidoirie en temps voulu, ses pièces sont donc écartées des débats. Les demandes de » constater » et de » donner acte » ne sont pas recevables. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties.
LES EXCEPTIONS DE PROCEDURES
Les exceptions de procédure soulevées par les sociétés défenderesses sont irrecevables car relevant des attributions du juge de la mise en état. Le conseil de prud’hommes règle les différends par voie de conciliation et juge les litiges en cas d’échec de la conciliation.
LES FINS DE NON-RECEVOIR
Les demandes de la CFTC DEPT RA sont déclarées irrecevables en raison du défaut d’intérêt à agir et du défaut de qualité à agir. La requérante n’a pas démontré de lien de causalité entre les faits invoqués et les préjudices allégués.
DOMMAGES ET INTERETS POUR PROCEDURE ABUSIVE
Les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive sont rejetées. L’absence d’intérêt et de qualité à agir de la CFTC DEPT RA ne démontre pas un abus du droit d’agir.
AUTRES DEMANDES
Le syndicat CFTC DEPT RA est condamné aux dépens de la procédure. Il devra également verser des sommes aux sociétés défenderesses au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– Syndicat CFTC DEPT RA : condamné aux entiers dépens de l’instance
– Syndicat CFTC DEPT RA : condamné à verser 2000 euros à la société ENGIE au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– Syndicat CFTC DEPT RA : condamné à verser 2000 euros à la société GRDF au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– Syndicat CFTC DEPT RA : condamné à verser 2000 euros à la société EDF au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– Syndicat CFTC DEPT RA : condamné à verser 2000 euros à la société ENEDIS au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Réglementation applicable
– Code de procédure civile
– Code du travail
– Code civil
Article 768 du code de procédure civile:
Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties.
Article 73 du code de procédure civile:
Constitue une exception de procédure, tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours.
Article L1411-1 du code du travail:
Le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n’a pas abouti.
Article 101 du code de procédure civile:
S’il existe entre des affaires portées devant deux juridictions distinctes un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble, il peut être demandé à l’une de ces juridictions de se dessaisir et de renvoyer en l’état la connaissance de l’affaire à l’autre juridiction.
Article 789 du code de procédure civile:
Le juge de la mise en état, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, est jusqu’à son dessaisissement seul compétent à l’exclusion de toute autre formation de jugement pour statuer sur les exceptions de procédure et sur les incidents mettant fin à l’instance.
Article 123 du code de procédure civile:
Les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.
Article 122 du code de procédure civile:
Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Article 31 du code de procédure civile:
L’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
Article 32 du code de procédure civile:
Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.
Article 2132-3 du code du travail:
Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
Article 1240 du code civil:
Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Me Pierre PALIX
– Me Isabelle ROSTAING-TAYARD
– Maître Jean-marc BRET
Mots clefs associés
– Motifs de la décision
– Conseil de Monsieur [CG] [YD]
– Dossier de plaidoirie
– Audience de plaidoirie
– Exceptions de procédures
– Article 768 du code de procédure civile
– Article L1411-1 du code du travail
– Article 101 du code de procédure civile
– Exceptions de procédure
– Fins de non-recevoir
– Motifs de la décision: Raisons ou arguments sur lesquels une décision judiciaire est fondée.
– Conseil de Monsieur [CG] [YD]: Avocat ou représentant légal de la partie nommée.
– Dossier de plaidoirie: Ensemble des documents et arguments présentés par une partie lors d’une plaidoirie.
– Audience de plaidoirie: Séance au cours de laquelle les parties présentent leurs arguments devant le tribunal.
– Exceptions de procédures: Moyens soulevés par une partie pour contester la régularité de la procédure.
– Article 768 du code de procédure civile: Article du code de procédure civile français traitant des exceptions de procédure.
– Article L1411-1 du code du travail: Article du code du travail français concernant les fins de non-recevoir.
– Article 101 du code de procédure civile: Article du code de procédure civile français traitant des exceptions de procédure.
– Exceptions de procédure: Moyens soulevés par une partie pour contester la régularité de la procédure.
– Fins de non-recevoir: Moyens soulevés par une partie pour contester la recevabilité d’une demande ou d’une action en justice.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON
Chambre 9 cab 09 F
NUMÉRO DE R.G. : N° RG 18/09420 – N° Portalis DB2H-W-B7C-S7OQ
N° de minute :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Jugement du :
07 Février 2024
Affaire :
Syndicat CFTC DEPT RA, Syndicat CGT CNPE BUGEY
C/
M. [CG] [YD], S.A. EDF, S.A. ENEDIS, S.A. ENGIE, Société GRDF
le:
EXECUTOIRE+COPIE
la SELARL ALAGY BRET ET ASSOCIES – 11
Me Pierre PALIX – 481
Me Isabelle ROSTAING-TAYARD – 1919
LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, en son audience de la
Chambre 9 cab 09 F du 07 Février 2024, le jugement réputé contradictoire suivant, après que l’instruction eût été clôturée le 09 Mai 2023,
Après rapport de Lise-Marie MILLIERE, Vice-présidente, et après que la cause eût été débattue à l’audience publique du 06 Décembre 2023, devant :
Président : Lise-Marie MILLIERE, Vice-présidente
Assesseurs :Joëlle TARRISSE, Juge
Assistés de Danièle TIXIER, Greffière présente lors des débats
Julie MAMI, Greffière présente lors des délibérés
et après qu’il en eût été délibéré par les magistrats ayant assisté aux débats, dans l’affaire opposant :
DEMANDERESSES
Syndicat CFTC DEPT RA, domiciliée : chez Monsieur [SE], dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Pierre PALIX, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 481
Syndicat CGT CNPE BUGEY, domiciliée : chez EDF BUGEY, dont le siège social est sis [Adresse 6]
non comparante
DEFENDEURS
Monsieur [CG] [YD], demeurant [Adresse 5]
représenté par Me Isabelle ROSTAING-TAYARD, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 1919
S.A. EDF, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Maître Jean-marc BRET de la SELARL ALAGY BRET ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, vestiaire : 11
S.A. ENEDIS, dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Maître Jean-marc BRET de la SELARL ALAGY BRET ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, vestiaire : 11
S.A. ENGIE, dont le siège social est [Adresse 8]
représentée par Maître Jean-marc BRET de la SELARL ALAGY BRET ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, vestiaire : 11
Société GRDF, dont le siège social est sis [Adresse 4]
représentée par Maître Jean-marc BRET de la SELARL ALAGY BRET ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, vestiaire : 11
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [CG] [YD] est entré au service d’EDF-GDF en octobre 1971.
A partir de 1978, il a eu de manière continue la qualité de délégué syndical, obtenant ensuite un mandat de défenseur syndical et enfin un mandat de conseil du salarié renouvelé le 1er octobre 2012.
Reprochant à la société EDF d’avoir refusé sa réintégration dans son emploi et sa région d’origine, Monsieur [YD] a saisi, le 29 mai 2012, le Juge des Référés du Conseil des Prud’hommes de PARIS d’une demande de réintégration au Centre Nucléaire de Production d’Electricité du BUGEY sous astreinte définitive de 150 euros par jour de retard dans un poste de quart et à la conduite nucléaire, assorti de la rémunération subséquente.
Une transaction a été signée entre Monsieur [YD] et la société EDF le 02 octobre 2012, la Cour d’appel de Paris ayant pris acte du désistement du demandeur le 29 novembre 2012.
Cette transaction prévoyait qu’il s’engageait, à compter du 31 décembre 2012, à partir à la retraite dans le cadre d’une demande d’inactivité, bénéficiant du paiement des salaires destinés à un rattrapage de carrière de 2009 à 2012, d’une indemnité de départ à la retraite d’un montant de 24 774.35 euros ainsi que d’une indemnité forfaitaire transactionnelle et définitive d’un montant de 125 225.65 euros nets.
Sa retraite a pris effet le 1er janvier 2013.
Considérant que les conditions de la rupture du contrat de travail de Monsieur [CG] [YD] causaient un préjudice direct à ses adhérents et notamment à ceux qu’il était en train de défendre, le Syndicat CFTC DEPT RA a saisi par requête, le 02 juillet 2018, le Conseil des Prud’hommes de PARIS, statuant en référé, de demandes dirigées à l’encontre de Monsieur [YD] et des Sociétés EDF, ENEDIS, ENGIE et GRDF.
Le Syndicat CGT CNPE BUGEY est intervenu volontairement à l’instance.
Par une ordonnance de référé, rendue le 08 août 2018, confirmée par la Cour d’appel de PARIS le 27 juin 2019, le Conseil des Prud’hommes de PARIS s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de LYON, devenu tribunal judiciaire.
****
Le syndicat CFTC DEPT RA sollicite, au terme de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 1er septembre 2021, de :
-Dire et juger recevable et fondé le recours du syndicat CFTC DEPT RA concernant la rupture du contrat de travail organisée par la transaction entre le salarié protégé [CG] [YD] et son employeur EDF, qui porte un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession,
-Constater l’intérêt à agir du syndicat pour les salariés qu’il substitue,
-Dire et juger nulle la transaction conclue entre EDF et Monsieur [YD],
-Déclarer la rupture du contrat de travail nulle,
-Condamner solidairement les sociétés ENGIE SA et GRDF SA à verser au syndicat CFTC DPT RA 15 000 euros de dommages et intérêts,
-Condamner Monsieur [YD] à 2500 euros pour préjudice causé à l’intérêt collectif au profit du syndicat et pour chaque salarié substitué,
-Condamner solidairement les sociétés ENGIES SA et GRDF SA à verser au syndicat CFTC DPT RA 2500 euros pour préjudice causé à l’intérêt collectif au profit du syndicat et pour chaque salarié substitué,
-Condamner solidairement les sociétés ENGIE SA et GRDF SA à verser au syndicat CFTC DPT RA à payer à Monsieur [YD] les rémunérations annuelles globales avec le complément conduite nucléaire et les indemnités de service continu, l’intéressement, la participation, la rémunération variable, RPCC, RDCIC, les congés annuels depuis le 1er janvier 2013 avec les intérêts légaux, sous astreinte de 100 euros par jour, le tribunal se réservant le droit de liquider l’astreinte,
-Condamner solidairement les sociétés ENGIE SA et GRDF SA à verser au syndicat CFTC DPT RA à respecter la loi sur la participation et attribuer à chaque salarié substitué une provision de 5000 euros par an sur les cinq dernières années au titre de la discrimination de rémunération,
-Condamner EDF à l’attribution du tarif agent aux deux salariés Madame [ZX] [R] [U] et Monsieur [CG] [YD] avec l’attribution à titre de provision de 4000 euros sur la rectification des factures antérieures,
-Ordonner aux sociétés ENGIE SA et GRDF SA à verser au syndicat CFTC DEPT RA aux employeurs de transmettre les fiches carrières et les déclarations annuelles des salaires,
Des détachés syndicaux Madame [C] [Z], Monsieur [S] [H], Monsieur [CG] [P], Monsieur [I] [ZO], Monsieur [HT] [EB],
-Pour Monsieur [G] [F] [K] Ordonner à EDF de transmettre les fiches carrières et les DADS de Monsieur [J] [M], Monsieur [SN] [Y], et Monsieur [UH] [O],
-Pour Madame [A] Ordonner à EDF de produire également la fiche carrière C01 de Monsieur [D] [L], à la faculté d'[Localité 7], organisée en partenariat avec EDF en 1992 et 1993,
-Pour Monsieur [CH] Ordonner la transmission des DADS de Monsieur [W] [X], Monsieur [T] [B], Monsieur [CG] [XU],
-Pour Monsieur [E] Ordonner la transmission des fiches carrière C01 de ses comparants sur son unité avec les DADS,
-Condamner solidairement les sociétés ENGIE SA et GRDF SA à verser au syndicat CFTC DEPT RA 2000 euros au titre de l’article 700,
-Condamner les défendeurs aux entiers dépens.
S’agissant de la demande de nullité de la requête introductive d’instance soulevée par les défendeurs, la CFTC DEPT RA soutient que ses statuts prévoient expressément que son Président peut entamer tout action ayant trait à l’intérêt collectif que le syndicat défend, sans avoir à se faire mandater.
S’agissant de l’irrecevabilité de ses demandes, le syndicat considère avoir qualité pour agir par le principe de substitution, n’ayant aucune obligation d’avertir par écrit les salariés pour lesquels il agit.
Il affirme être un syndicat représentatif chez EDF et ENEDIS.
S’agissant de l’intérêt à agir, il rappelle que les syndicats ont la faculté d’agir en substitution de l’action individuelle d’un salarié pour défendre l’application d’une convention collective, l’intérêt collectif pouvant être matériel, moral, direct ou indirect. Or, en l’espèce, il considère que son intérêt est direct, de ne pas voir disparaître ses représentants par la conclusion de transactions, sans le contrôle de la DDTE.
Il soutient de même avoir intérêt à agir en substitution des salariés, qui sont affectés par l’absence de continuité dans la poursuite de leur action judiciaire initiée par le salarié protégé, qui a mis fin à son mandat par une transaction illicite.
Il souligne avoir le droit d’agir pour une atteinte à l’ordre public constituant en l’espèce un trouble manifestement illicite. Il fait valoir que s’il n’est pas interdit de transiger avec un salarié protégé, la transaction ne permet pas de contourner la protection légale d’ordre légal propre aux salariés protégés, ces derniers ne pouvant pas davantage renoncer à cette protection.
Or, il soutient qu’est atteinte d’une nullité absolue d’ordre public toute transaction conclue entre l’employeur et le salarié protégé avant la notification de son licenciement devant être prononcé après l’autorisation de l’autorité administrative, la transaction, mode de résolution des litiges, n’étant pas un mode de rupture du contrat.
Il considère enfin qu’il justifie d’un intérêt à agir dans le cadre d’une action née d’une convention, d’un accord collectif et du statut des IEG (industries électriques et gazières).
A ce titre, il relève que les syndicats peuvent agir aux fins de faire juger que l’absence d’évaluation aux entretiens annuels des salariés est une atteinte à la loi et aux accords d’entreprise, les salariés visés dans ses demandes n’en ayant pas eu pendant des années.
Il conclut que l’entrave à l’exercice par le salarié d’un mandat syndical » porte nécessairement atteinte à l’intérêt collectif de la profession « .
Concernant l’irrecevabilité pour autorité de chose jugée, il fait valoir qu’il n’y a aucune difficulté, la règle de l’unicité de l’instance ayant été abrogée en mai 2016. Selon lui, elle ne s’applique donc pas lorsque le fondement des prétentions nouvelles est né ou ne s’est révélé que postérieurement à la clôture des débats, Monsieur [YD] invoquant en l’espèce des faits postérieurs à l’achèvement de la précédente instance, à savoir des faits antérieurs à sa mise en retraite.
S’agissant de la communication de pièces, il évoque, sur le fondement des articles R 1455-5 du code du travail et 145 du code de procédure civile, la compétence du juge des référés prud’homal s’agissant de mesures de remise en état après des violations de règlement d’ordre public.
Concernant sa demande d’annulation de la transaction conclue par Monsieur [YD], il reproche à EDF la méthode utilisée, consistant selon le requérant à faire signer une transaction immédiatement sous séquestre, afin de contourner les règles d’ordre public et de priver le salarié de sa liberté de consentement. Pourtant, il rappelle que celui-ci ne peut pas légalement par avance renoncer aux droits qu’il tient de son licenciement, en application de l’article L1231-4 du code du travail.
Il affirme également que Monsieur [YD] n’a jamais eu accès à la transaction, celle-ci ayant immédiatement été mise sous séquestre par les avocats.
Il considère qu’il y a eu vice du consentement, à savoir des violences psychologiques et financières à l’égard de Monsieur [YD]. Il rappelle que celui-ci était en surendettement du fait qu’EDF refusait de lui rembourser ses frais de déplacement et d’hébergement de plus de 40 000 euros, qu’il n’avait plus de domicile fixe, en plus de sa suppression de salaire depuis le 14 mai précédent, celle-ci étant pourtant interdite selon l’article L1331-2 du code du travail.
Il retient également que la nullité est encourue du fait du harcèlement qu’il a subi.
Il en déduit qu’il n’y donc pas pu avoir de concessions réciproques.
Il conclut que le salarié ne peut pas, dans un même document, renoncer à exercer les droits qu’il pourrait revendiquer au titre de l’exécution du contrat de travail, de sorte qu’il reste libre de saisir Le Conseil des Prud’hommes.
Répondant aux moyens formés par les sociétés défenderesses, il conclut que la mise à la retraite est un mode de rupture du contrat de travail équivalent au licenciement.
Il rappelle que Monsieur [YD] avait subi un accident du travail le 15 mai 2012, de sorte que la transaction signée entre l’arrêt initial de travail et la réception de la lettre de fin de contrat, parce que prononcées pendant une période de suspension du contrat, est nulle, en application des articles L1226-9 et suivants du code du travail.
A ce titre, le syndicat soutient que Monsieur [YD] n’a reçu aucun courrier recommandé pour l’informer du classement de son dossier et de la possibilité de saisir le médecin conseil des IEG en cas de désaccord, ce qui démontre la volonté d’EDF de ne pas le reclasser.
Selon lui, la nullité est de nullité absolue puisque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l’intérêt général, en application de l’article 1179 du code civil, rappelant à ce titre que tout syndicat victime d’une mesure prise contrairement aux dispositions de l’article L2141-5 du code du travail peut en demander l’annulation.
Concernant la discrimination dont il soutient qu’ont été victimes les autres salariés, il rappelle qu’ils ont été privés d’entretiens annuels, pour le moins de l’entretien professionnel, en infraction avec l’accord de branche des IEG.
De même, il reproche à l’employeur EDF d’avoir refusé de respecter l’article 28 du statut des IEG sur l’avantage en nature qu’est le tarif particulier appliqué aux agents des IEG sur le prix de l’électricité défini à la circulaire PERS 161 dénommée Tarif Agent.
Enfin, concernant la participation, il affirme que Monsieur [N] en a perçu une en 2017, sans pouvoir en connaitre le calcul, les autres salariés n’ayant rien perçu, alors qu’elle est d’ordre public absolu, une dérogation ne pouvant intervenir qu’avec l’autorisation expresse de la loi.
****
Monsieur [CG] [YD], dans ses dernières conclusions communiquées par RPVA le 16 mai 2022, demande de :
-Dire que la transaction n’a pas l’autorité de la chose jugée,
-Constater que la transaction entre le salarié et l’employeur est atteinte d’une nullité d’ordre public,
-Condamner EDF pour sanction financière illicite par la suspension de son contrat et de la rémunération associée,
-Condamner EDF à la nullité de la suppression du salaire du 14 mai 2012 (avec effet rétroactif au 2 mai 2012) du fait de l’inobservation manifeste des dispositions réglementaires PERS 212, PERS 946 et PERS 846, lesquelles ont un caractère obligatoire et intéressant sa carrière pour favoriser l’emploi et son évolution de carrière,
-Condamner EDF pour pression économique afin d’obtenir la rupture du contrat,
-Condamner EDF à la nullité de la suppression du salaire du 14 mai 2012 (avec effet rétroactif au 2 mai 2012) du fait de l’inobservation manifeste des dispositions réglementaires PERS 212, PERS 946 et PERS 846, lesquelles ont un caractère obligatoire et intéressant sa carrière pour favoriser l’emploi et son évolution de carrière,
-Condamner EDF pour nullité absolue d’ordre public de la transaction du fait d’une discrimination syndicale,
-Condamner EDF pour discrimination liée à l’âge,
-Condamner EDF suite à la rupture du contrat de travail du salarié déclaré inapte à son emploi à la suite d’un accident du travail.
-Condamner EDF pour nullité de la transaction pour avoir imposé au salarié protégé l’engagement irrévocable de sa mise en retraite ; en conséquence le désistement d’instance et d’action exigé par la transaction est nul,
-Condamner EDF à reprendre le contrat liant les parties ; le contrat de travail n’ayant pas été régulièrement rompu et par conséquent se poursuit ; Monsieur [YD] retrouve son poste de Cadre d’Exploitation à la conduite nucléaire du CNPE DU BUGEY, le contrat ne sera interrompu que par une dénonciation régulière, non encore intervenue, ou par une décision de justice,
-Débouter les syndicats de leur demande de condamnation de Monsieur [YD] qui avait demandé antérieurement à leur saisine la nullité de la transaction qu’ils demandent également.
-Condamner EDF à l’article 700 du code civil à 1500€,
-Condamner EDF aux dépens.
S’agissant de l’autorité de chose jugée soulevée par EDF, Monsieur [YD] rappelle d’abord qu’il n’est pas à l’initiative de la présente instance, qu’il est l’un des intimés, les Prud’hommes s’étant d’ores et déjà déclarés incompétents au profit du TGI, notamment du fait que les syndicats se substituent aux autres salariés.
Il soulève d’abord la résolution de la transaction pour exécution partielle de ses obligations par l’employeur, sur le fondement de l’article 1184 du code civil.
Il rappelle qu’une transaction n’a pas l’autorité de chose jugée et peut être remise en cause devant le juge en cas de violation de son engagement par l’une des parties à l’accord. Selon lui, la Cour de cassation opère une distinction entre l’existence de la transaction et son exécution qui lui confère sa valeur d’autorité de chose jugée.
Or, il considère en l’espèce que la transaction n’a pas mis fin à tous les litiges antérieurs à la signature, n’étant jamais parvenue à rétablir le tarif agent qui lui avait été supprimé.
En outre, il considère qu’EDF doit être condamné pour sa mise en retraite, celle-ci étant nulle pour différents motifs :
-L’absence de remise au salarié d’un exemplaire de la transaction :
Il rappelle qu’elle ne se présume pas, que l’exemplaire qui revient au salarié doit lui être remis directement, pas à un tiers, afin de garantir son libre consentement en lui permettant d’exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause. Il souligne que la charge de la preuve d’une telle remise repose sur l’employeur.
-L’inexistence d’un avis préalable rendu par le médecin du travail concernant l’inaptitude du salarié qu’a déclarée l’employeur le 28 septembre 2012 ;
-L’interdiction de la rupture du contrat de travail pendant la période de suspension du contrat suite à l’accident du travail du 15 mai 2012 ;
-L’absence d’autorisation administration d’un salarié inapte suite à un accident du travail (article L1226-10 du code du travail) :
Il conclut que ni le médecin du travail, ni le médecin conseil d’EDF n’ont rédigé de rapport médical sur l’inaptitude.
Alors qu’il était en accident du travail depuis le 15 mai 2012, il a pourtant été déclaré en situation d’inaptitude au travail le 28 septembre 2012.
Or, il reproche à EDF d’avoir effectué cette déclaration d’inaptitude dans l’emploi sans l’informer de sa décision, constitutive dès lors d’un dol.
Il considère de même qu’il incombait à EDF d’organiser une visite médicale ou de reprendre le versement des salaires, ce qu’elle n’a pas fait.
-L’absence de consultation des délégués du personnel ;
Il rappelle de manière générale que la mise à la retraite est soumise à l’organisation d’un entretien préalable par l’employeur, le comité d’entreprise devant également être consulté si son mandat l’impose.
-L’absence de recherche d’un reclassement :
Il rappelle que l’employeur doit justifier qu’il a effectué des démarches précises pour parvenir au reclassement du salarié, notamment pour envisager des adaptations ou transformations de postes de travail ou un aménagement du temps de travail.
En l’espèce, il considère qu’EDF a attendu sept mois pour rompre le contrat de travail en se dispensant de verser les indemnités liées au licenciement pour inaptitude suite à son accident du travail. Pourtant, après le constat d’inaptitude, l’employeur disposait d’un délai d’un mois pour le reclasser ou à défaut le licencier, le salarié ayant le droit à une indemnité spéciale de 24 mois de salaires.
-L’absence d’autorisation administrative pour la rupture du contrat de travail d’un salarié protégé ;
Il soutient que l’inspecteur du travail, compétent pour autoriser la mise à la retraite des salariés protégés, doit, outre la vérification de l’absence de lien avec le mandat ou l’appartenance syndicale opérer son contrôle sur différents points.
Il soutient que la Cour de cassation considère comme nulle (nullité d’ordre public) la transaction conclue avec l’employeur avant la notification du licenciement, lequel ne peut avoir lieu qu’après l’obtention de l’autorisation administrative.
-La mise à la retraite équivoque du fait d’un conflit avec l’employeur existant dans la période contemporaine :
Il rappelle que le départ à la retraite du salarié est en principe un acte unilatéral par lequel il manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin à son contrat de travail.
A défaut, il soutient que le juge doit l’analyser comme une prise d’acte de la rupture qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Or, il considère que sa mise à la retraite, à l’âge de 59 ans, s’analyse en réalité comme une rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur, à savoir un licenciement nul. Il relève qu’elle est d’ailleurs intervenue au cours de la seconde réunion de médiation, n’étant pas dans le périmètre initial de celle-ci.
Il en déduit que la transaction avait pour objet non pas de régler un différend relatif à l’exécution du contrat de travail mais d’organiser sa rupture, la transaction du 02 octobre 2012 ne pouvant donc intervenir avant la rupture du 1er janvier 2013.
Il considère qu’il s’agit d’un stratagème d’EDF pour l’évincer de l’entreprise et l’empêcher de défendre les salariés, dans la mesure où, dès le 24 janvier 2013, le chef d’établissement lui déniait le droit d’intervenir au motif qu’il était en retraite.
-L’existence d’une discrimination :
Monsieur [YD] fait valoir qu’EDF l’a sanctionné, en suspendant son contrat de travail et sa rémunération associée le 14 mai 2012, parce qu’il refusait une mission sur la région parisienne par sa mise à disposition. Il considère qu’il s’agit d’une sanction discriminatoire, puisque l’employeur n’a informé ni le Comité d’entreprise, ni les délégués du personnel, n’ayant pas davantage obtenu son accord.
Il conclut de même que la mise en retraite à 59 ans crée une discrimination non justifiable par un objectif légitime.
-L’existence d’une discrimination syndicale ;
Monsieur [YD] rappelle que la protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun des salariés protégés a été instituée non pas dans le seul intérêt de ces derniers, mais dans celui de l’ensemble des salariés.
Il en déduit que la transaction constitue une discrimination syndicale génératrice d’un préjudice subi par la profession à laquelle appartiennent les salariés, celle-ci visant à entraver le droit fondamental d’accès au Juge des salariés défendus par le salarié protégé.
-L’existence d’un harcèlement contemporain à la mise à la retraite :
Il rappelle que le harcèlement moral consiste à faire subir à un salarié des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Monsieur [YD] considère qu’il n’avait pas le choix de signer la transaction pour échapper au harcèlement discriminatoire qu’il subissait, EDF lui ayant supprimé son salaire avec effet rétroactif au 2 mai 2012, de sorte qu’il ne lui restait plus que son solde de congés annuels ainsi que son CET pour vivre.
-L’existence d’une rétorsion à l’action en justice ;
Il conclut que la rémunération d’un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié, de sorte que la suppression de l’avantage en nature (inscrit notamment dans le contrat de travail) constitue une discrimination de rémunération et une rétorsion à son action en justice.
A ce titre, il rappelle que par jugement rendu le 24 mai 2021, le conseil des Prud’hommes de PARIS a condamné EDF pour non application du tarif agent avec régularisation à effet immédiat.
Il rappelle en l’espèce que s’il a été hébergé gracieusement après son licenciement, EDF a refusé de lui accorder le tarif agent au motif que le compteur de l’appartement n’était pas à son nom. Pourtant, il soutient que la PERS 161 lui permet de l’obtenir, du fait de sa difficulté à trouver un logement, étant en surendettement.
A l’appui de ses demandes, Monsieur [YD] soulève enfin l’absence de concessions réciproques entre les parties. Il considère que les concessions étaient dérisoires au regard des indemnités qu’aurait pu lui accorder la Cour d’appel de PARIS si l’employeur n’avait pas demandé et obtenu une ouverture de médiation.
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Dans leurs dernières conclusions, notifiées par RPVA le 14 février 2022, les sociétés EDF et ENEDIS sollicitent, de :
In limine litis,
– S’entendre le Tribunal se déclarer incompétent pour connaître des demandes formées à l’encontre d’EDF dans l’intérêt de Monsieur [YD], par application des articles L 1411-1 du Code du travail, et 75 et suivants du Code de procédure civile.
A défaut,
– Se dessaisir de la présente instance et renvoyer en l’état la connaissance de l’affaire à la Cour d’appel de Paris par application des articles 101 et 102 du Code de procédure civile.
A titre principal,
– Constater la nullité de la requête introductive d’instance enregistrée au greffe le 2 juillet 2018, par application de l’article 117 du Code de procédure civile.
– Dire et juger nulle et de nul effet l’intervention volontaire régularisée par le Syndicat CGT CNPE Bugey.
A titre subsidiaire,
– Dire et juger le Syndicat CFTC DEPT RA irrecevable en son action en substitution de salariés, du fait d’un défaut de qualité, par application des articles L 2262-9, L1247-1, L2132-3, du Code du travail ainsi que 9, 15, 31 et 122 et suivants du Code de procédure civile.
Incidemment,
– Ordonner la mise hors de cause d’ENEDIS, qui n’a jamais été liée à Monsieur [YD] par un quelconque contrat de travail.
– Dire et juger Monsieur [YD] irrecevable en ses demandes à l’encontre d’EDF, au visa des articles 2052 du Code civil et 122 du Code de procédure civile.
En toute hypothèse,
– Dire et juger le Syndicat CFTC DEPT RA, le Syndicat CGT CNPE Bugey et Monsieur [YD] mal fondés en leurs demandes, en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre d’EDF et d’ENEDIS, et les en débouter.
– Condamner in solidum le Syndicat CFTC DEPT RA et le Syndicat CGT CNPE Bugey et Monsieur [YD] à payer à EDF, d’une part, et ENEDIS, d’autre part, une somme de 4.000 € chacune à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, sur le fondement de l’article 1240 du Code civil.
– Condamner in solidum le Syndicat CFTC DEPT RA et le Syndicat CGT CNPE Bugey ainsi que Monsieur [YD] à payer à EDF, d’une part, et ENEDIS, d’autre part, une somme de 3.000 € chacune sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
– Prononcer à l’encontre du Syndicat CFTC DEPT RA une amende civile, eu égard au caractère abusif de la présente instance, en application de l’article 32-1 du Code de Procédure Civile.
– Condamner in solidum le Syndicat CFTC DEPT RA et le Syndicat CGT CNPE Bugey et Monsieur [YD] aux entiers dépens d’instance.
Au visa de l’article L1411-1 du code du travail, elles soulèvent d’abord l’incompétence matérielle du tribunal judiciaire de LYON au profit du Conseil des Prud’hommes de PARIS, dans le ressort duquel EDF a son siège.
Elles soulèvent également, sur le fondement des articles 101 et 102 du code de procédure civile, une exception de connexité entre la présente instance et celle introduite par Monsieur [YD] devant le Conseil des Prud’hommes de PARIS, au regard des demandes formées par celui-ci et le Syndicat CFTC DEPT RA.
De même, les deux sociétés se prévalent de la nullité tant de la requête introductive d’instance que de l’intervention volontaire du syndicat CGT CNPE BUGEY. Elles reprochent, d’une part, au demandeur de ne pas justifier de la qualité à agir du Syndicat CFTC DEP RA mais également de la qualité de Monsieur [SE] à le représenter. D’autre part, elles font grief à la CGT de ne pas justifier de la délibération autorisant le secrétaire du syndicat à ester en justice, en contravention avec l’article 12 des statuts dudit Syndicat.
Ensuite, elles soulèvent l’irrecevabilité des demandes des syndicats CFTC et CGT au motif qu’ils n’ont pas la qualité pour poursuivre l’annulation d’une transaction intervenue entre EDF et Monsieur [YD].
Elles relèvent que le requérant n’a qualité pour agir que dans l’intérêt de salariés qui exercent ou ont exercé leur activité professionnelle en région Rhône-Alpes, celui-ci ne justifiant pas du rattachement des salariés en substitution desquels il déclare pourtant agir dans le champ (géographique) de son objet social statutaire.
S’agissant du Syndicat CGT CNPE BUGEY, elles soutiennent également qu’ils ne justifient pas du fait que Madame [U], salariée d’ENEDIS, et Monsieur [YD], défendeur à l’instance, en substitution desquels il déclare agir, seraient adhérents dudit Syndicat.
De même, elles font valoir que les syndicats CFTC et CGT ne justifient pas du fait qu’ils seraient représentatifs au sein d’ENEDIS.
De plus, ils considèrent que la CFTC n’a pas qualité à agir en substitution de Monsieur [YD] afin de poursuivre des condamnations à son profit, ayant engagé la présente instance à son encontre, les deux syndicats ne justifiant pas davantage avoir averti les salariés en substitution desquels ils déclarent agir du fait qu’ils entendaient exercer dans leur intérêt la présente action et avoir constaté une absence d’opposition de leur part.
De même, elles soulèvent l’irrecevabilité de leurs demandes du fait de leur absence d’intérêt à agir.
EDF et ENEDIS soutiennent, s’agissant des salariés [V] [CG] [N], [C] [Z], [V] [WB] [XV] et [EB] [HT] qu’elles n’ont aucun lien contractuel avec eux.
Elles rappellent que l’action en substitution d’un ou plusieurs salariés constitue une exception au principe intangible selon lequel » nul ne plaide par Procureur « , reprochant à la CFTC de ne pas préciser le texte sur le fondement duquel elle prétend agir en substitution, manquant dès lors aux prescriptions de l’article 15 du code de procédure civile.
Elles concluent aussi, sur le fondement de l’article 31 du même code, que le Syndicat ne justifie pas du fait qu’il aurait été contrevenu à l’intérêt collectif de la profession qu’il représente au sens de l’article L2132-3 du code du travail. Il soutient qu’une action, ne visant en réalité qu’à satisfaire une somme d’intérêts individuels, ne peut prospérer, le requérant ne pouvant se contenter de soutenir que » l’objet de son action est d’éviter de perdre ses représentants dans les entreprises par la conclusion de rupture conventionnelle « .
Elles considèrent à ce titre que la présente instance a été engagée de concert entre la requérante et Monsieur [YD], pour tenter de contourner artificiellement les exceptions de procédure opposées à ce dernier dans le cadre d’autres instances.
Elles relèvent l’irrecevabilité de leurs demandes du fait de l’autorité de chose jugée qui s’attache à l’arrêt rendu par la Cour d’appel de PARIS le 29 novembre 2012 ayant constaté le désistement d’instance et d’action.
Elles rappellent que la transaction est fondée sur l’article 2044 du code civil, prévoyant que les transactions ont, entre les parties, l’autorité de la chose jugée en dernier ressort. Demandant l’application de l’article 2052 dans sa dernière version issue de la loi du 18 novembre 2016, elles soutiennent que la transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet. Elles font de même valoir que cette autorité de chose jugée a été reconnue par le Conseil des Prud’hommes de PARIS dans sa décision du 04 mai 2021.
Sur le fond, s’agissant de la nullité d’ordre public de la transaction soulevée, elles rappellent que Monsieur [YD] a été débouté des précédentes instances qu’il avait introduites devant les Conseils des Prud’hommes de BOBIGNY et PARIS. C’est en statuant sur l’appel formé par Monsieur [YD] à l’encontre de l’une de ces décisions que la Cour d’appel de Paris a désigné un médiateur, à la requête conjointe des parties. Monsieur [YD], alors assisté d’un conseil, a immédiatement acté, après la conclusion de la transaction, le paiement de l’indemnité transactionnelle. Il a ensuite régularisé des conclusions de désistement et d’action à l’encontre de la SA EDF auxquelles la Cour d’appel a donné acte, par arrêt du 29 novembre 2012.
Dès lors, elles considèrent comme mal fondées les demandes relatives aux conditions de départ de Monsieur [YD] d’EDF, soulignant la similitude des moyens invoqués en vain par celui-ci lors des instances qu’il a précédemment introduites mais également dans les conclusions qu’il a régularisées.
De même, elles considèrent que la requérante ne peut se prévaloir de la jurisprudence qu’elle invoque, sur la nullité d’ordre public d’une transaction conclue avant la notification d’un licenciement puisque celle-ci a été signée avant la régularisation, à l’initiative du salarié, d’une demande de départ en retraite. Elle n’est donc pas intervenue comme un mode de rupture du contrat mais bien en vue de terminer une contestation née. Elle en déduit qu’aucun vice du consentement, comme une prétendue violence psychologique, n’est démontré compte-tenu des conditions dans lesquelles sont intervenues successivement la régularisation, par ce salarié, d’une demande de départ en inactivité, puis une transaction. Elles constatent que des concessions substantielles lui ont été accordées, aucune pression économique ne pouvant être retenue.
Elles concluent de même que l’autorisation préalable de l’inspection du travail n’était pas requise, n’intervenant que lorsque c’est l’employeur qui entend mettre le salarié protégé à la retraite.
S’agissant des autres demandes formées au bénéfice des salariés substitués, elle soutient d’abord que le syndicat CFTC ne peut solliciter l’octroi de provision à valoir sur la réparation d’un hypothétique préjudice en faisant seulement valoir que plusieurs salariés auraient nécessairement subi un préjudice du fait de l’absence d’entretien professionnel.
Elles considèrent également, alors qu’il est soutenu que Monsieur [YD] ne serait plus en mesure de défendre les salariés, que la fédération CFTC CMTE a indiqué qu’elle ne validait aucune intervention de la CFTC DEPT RA sur l’ensemble des dossiers juridiques ou autres qui couvrent cette Fédération depuis le 1er avril 2014.
En tout état de cause, elles soutiennent il n’est justifié ni du droit de ces salariés à percevoir quelque somme que ce soit au titre de la participation, à laquelle ni EDF ni ENEDIS ne sont à ce jour éligibles, ni du fait que Madame [U] satisferait aux conditions pour bénéficier d’un tarif particulier au titre de la circulaire du 16 novembre 1943 dite PERS 161.
Concernant les demandes de communication de pièces formées par la requérante, elles indiquent que le syndicat n’est plus légitime à les solliciter sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile alors que plusieurs salariés d’EDF ou ENEDIS ont déjà engagé une instance.
De même, elles rappellent que la communication à un salarié, à sa demande, de la fiche de situation individuelle d’un autre salarié, alors que ce document est issu d’un traitement automatisé et comporte des données à caractère personnel ne répond pas à la finalité déclarée par EDF à la CNIL dans le cadre de la déclaration prescrite aux articles 23 et 24 de la loi du 06 janvier 1978.
Concernant leurs demandes reconventionnelles, elles concluent que ce ne sont pas moins de 13 procédures dont Monsieur [YD] a pris l’initiative à l’encontre d’EDF, sans jamais avoir obtenu gain de cause sur les chefs de demandes qui sont aujourd’hui repris par les syndicats CFTC et CGT dont elles considèrent qu’elles poursuivent les mêmes demandes à son profit. Elles considèrent donc que l’abs du droit d’agir en justice est caractérisé.
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ENGIE et GRDF, dans leurs écritures transmises par RPVA le 11 février 2022, sollicitent de :
In limine litis
– se déclarer matériellement incompétent au profit du Conseil de prud’hommes, pour connaitre des demandes présentées par les syndicats CFTC DEPT RA et CGT CNP BUGEY en substitution de salariés,
A titre principal
– mettre hors de cause les sociétés ENGIE et GRDF ;
A titre subsidiaire
– juger que les syndicats CFTC DEPT RA et CGT CNP BUGEY sont irrecevables en leurs demandes, en raison de l’absence de qualité et d’intérêt à agir tant pour la défense des intérêts collectifs de la profession qu’en substitution de salariés ;
A titre infiniment subsidiaire
Sur les demandes pour lesquelles les sociétés ENGIE et GRDF n’ont pas qualité pour se défendre
– juger les syndicats CFTC DEPT RA et CGT CNP BUGEY irrecevables en leurs demandes dirigées contre les sociétés ENGIE et GRDF, alors que ces sociétés n’ont pas qualité pour s’en défendre,
Sur les autres demandes
– juger que les syndicats CFTC DEPT RA et CGT CNP BUGEY sont mal-fondés en leurs demandes de versement d’une » provision » au titre des droits à participation passés des agents substitués des sociétés ENGIE et GRDF, de production des fiches de carrière et de déclarations annuelles des données sociales de Madame [Z] et de Monsieur [HT], et de dommages et intérêts pour préjudice à l’intérêt collectif de la profession à verser aux salariés substitués, et les en débouter ;
En tout état de cause
– juger que le comportement procédural du syndicat CFTC DEPT RA caractérise un abus du droit d’agir en justice ;
– condamner le syndicat CFTC DEPT RA à verser à la société ENGIE d’une part et à la société GRDF d’autre part la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour abus du droit d’agir en justice à leur encontre ;
– condamner le syndicat CFTC DEPT RA à verser à la société ENGIE d’une part et à la société GRDF d’autre part la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– laisser à la charge du syndicat CFTC DEPT RA les éventuels dépens.
Sur l’incompétence matérielle du Tribunal judiciaire de LYON, ENGIE et ERDF font valoir, d’une part, que le Conseil des Prud’hommes dispose d’une compétence exclusive pour connaitre des litiges individuels opposant les salariés à leur employeur, d’autre part, que les syndicats professionnels ne sont pas compétents pour exercer une action exclusivement attachée à la personne des salariés mettant en cause des intérêts purement individuels et non collectifs.
Elles rappellent que le caractère individuel ou collectif du litige s’apprécie au regard de l’objet immédiat de l’action exercée par l’organisation syndicale et non de ses effets potentiels ultérieurs. Selon elle, le caractère individuel d’un litige demeure quand bien même la solution à intervenir serait susceptible d’avoir une répercussion pratique étendue, ce qui est notamment le cas d’un accord transactionnel. Or, en l’espèce, elles relèvent que l’ensemble des demandes formées par la requérant le sont au titre de la défense de l’intérêt individuel d’un ou plusieurs salariés.
A titre principal, sur leur mise hors de cause, les sociétés ENGIE et GRDF rappellent que Monsieur [YD] n’a jamais été l’un de leurs salariés, qu’elles sont tierces au litige l’opposant à son ancien employeur. Elles soulignent qu’elles ne sont d’ailleurs pas citées une seule fois dans les conclusions du syndicat CTFC DEPT RA, ne figurant d’ailleurs pas parmi les parties visées en première page de leurs écritures.
A titre subsidiaire, elles relèvent l’irrecevabilité des demandes formées par les syndicats. Elles considèrent que leur fondement est ambigu et peu compréhensible, concluant à leur absence de qualité et d’intérêt à agir, au titre de la défense de l’intérêt collectif de la profession comme celui de l’action en substitution des salariés.
S’agissant de la défense de l’intérêt collectif de la profession, elles concluent que les syndicats ne sont pas recevables à agir sur ce fondement, pour la défense d’intérêts strictement individuels. Elles se réfèrent d’ailleurs aux » pouvoirs » donnés au syndicat par certains salariés des sociétés défenderesse estimant que la transaction entre EDF et Monsieur [YD] leur causerait personnellement et individuellement un préjudice.
S’agissant de l’action en substitution des salariés, elles rappellent que celle-ci ne peut être exercée que dans des cas limités, encadrés par les textes. Pourtant, elles relèvent qu’aucun fondement légal n’est invoqué par la CFTC DEPT RA, de telle sorte qu’on ignore de quelle action en substitution celui-ci se prévaut.
Alors que les domaines visés concernant le prêt illicite de main d’œuvre et de marchandage, l’emploi irrégulier de travailleurs étrangers, les actions inhérentes à des allégations de harcèlement moral ou de licenciement économique, elles soulignent que le syndicat requérant invoque l’annulation d’une transaction, le versement de rappels de salaires et de congés payés, le respect des dispositions de la loi sur la participation.
En tout état de cause, ENGIE et ERDF font valoir que la CFTC DEPT RA ne justifie pas de ce qu’elle serait représentative en leur sein, alors que cette preuve lui incombe.
Elles développent les mêmes moyens au regard de l’intervention volontaire de la CGT CNPE BUGEY.
A titre infiniment subsidiaire, elles soulèvent la fin de non-recevoir tirée de l’absence de qualité à agir des sociétés ENGIE et GRDF pour se défendre contre certaines demandes.
Elles rappellent qu’elles sont étrangères non seulement aux conditions dans lesquelles la relation de travail de Monsieur [YD] a pris fin au sein de la société EDF, mais également aux conséquences que cette rupture a pu avoir dans les modalités d’exercice par Monsieur [YD] de son mandat pour la défense d’agents des sociétés EDF et ENEDIS. En effet, seuls Madame [Z] et Monsieur [HT] sont salariés de la société ENGIE.
De même, concernant les autres demandes, elles relèvent d’abord, s’agissant de celle portant sur la transmission de fiches carrières et de déclaration annuelle des salaires, n’être concernées que pour les deux salariés précédemment visés.
Par ailleurs, elles soutiennent que la requérante fonde ses prétentions sur l’article 145 du code de procédure civile, alors que l’une des conditions de recevabilité posées par cet article est l’absence de saisie préalable d’une juridiction au fond, la formation de référé puis la section encadrement du Conseil des Prud’hommes de NANTERRE ayant pourtant déjà été saisies. Au surplus, elles rappellent qu’il appartient au demandeur sur ce fondement d’établir l’existence d’un motif légitime à solliciter certaines mesures, ce qu’il ne fait pas, n’expliquant pas en quoi ces informations nominatives seraient pertinentes, les défenderesses n’ayant pas à pallier sa carence.
S’agissant de sa demande de provision, au titre des droits à participation passés des salariés substitués, elles concluent que, quel que soit le fondement de celle-ci, les conditions n’en sont pas réunies. Elles rappellent en ce sens les dispositions des articles R 1455-5 et R 1455-6 du code du travail exigeant soit l’urgence de la situation et l’absence de contestation sérieuse, soit un dommage imminent ou un trouble manifestement illicite.
Enfin, concernant sa demande de dommages et intérêts, elles concluent qu’il n’est pas possible, à la lecture des conclusions du syndicat, de savoir avec certitude à quoi se rattache cette demande, ni précisément qui sont les salariés substitués.
S’agissant de sa propre demande de dommages et intérêts, pour abus commis par le syndicat CFTC DEPT RA dans l’exercice du droit d’agir, elle considère que celui-ci est démontré. Elle rappelle qu’un tel comportement procédural est caractérisé, sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile, les requérantes multipliant les moyens, mêmes incohérents et irrecevables, pour faire échec à l’autorité de la chose jugée attachée tant à la transaction visée qu’aux jugements ayant déjà débouté Monsieur [YD] de ses demandes, ce huit ans après la conclusion de cet accord.
Le Syndicat CGT CNPE BUGEY a transmis des demandes, réceptionnées au greffe des prud’hommes le 07 août 2018. Il était non comparant devant le Conseil des prud’hommes, n’ayant pas formulé de demandes après le dessaisissement de celui-ci, ne constituant pas avocat comme l’exige la procédure devant le tribunal judiciaire.
La décision rendue sera donc réputée contradictoire.
Sur quoi, l’ordonnance de clôture a été rendue le 09 mai 2023. Evoquée à l’audience du 06 décembre 2023, l’affaire a été mise en délibéré au 07 février 2024 par mise à disposition au greffe conformément à l’avis donné à l’issue de l’audience des plaidoiries.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, il convient de relever que le Conseil de Monsieur [CG] [YD] n’a transmis au greffe son dossier de plaidoirie que le 12 janvier 2024, alors que l’audience de plaidoirie s’est tenue un mois plus tôt, le 06 décembre 2023.
Ses pièces seront donc écartées des débats.
Sur l’étendue de la saisine
Les demandes de » constater » et de » donner acte » ne sont pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile, pas plus que les demandes de » dire et juger » lorsqu’elles développent en réalité des moyens. Il n’y a donc pas lieu de statuer sur ces demandes dont le tribunal n’est pas saisi.
En outre, en vertu de l’article 768 du code de procédure civile, le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties.
Sur les exceptions de procédures soulevées par les sociétés défenderesses
Les exceptions de procédure sont traitées au chapitre II du titre V du code de procédure civile intitulé « Les moyens de défense » lequel comprend notamment l’article 73 qui précise que constitue une exception de procédure, tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours.
Il ressort des termes de l’article L1411-1 du code du travail que le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient.
Il juge les litiges lorsque la conciliation n’a pas abouti.
L’article 101 du code de procédure civile dispose que s’il existe entre des affaires portées devant deux juridictions distinctes un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble, il peut être demandé à l’une de ces juridictions de se dessaisir et de renvoyer en l’état la connaissance de l’affaire à l’autre juridiction.
Or, aux termes de l’article 789 du Code de Procédure Civile, le juge de la mise en état, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, est jusqu’à son dessaisissement seul compétent à l’exclusion de toute autre formation de jugement pour statuer sur les exceptions de procédure et sur les incidents mettant fin à l’instance.
En conséquence il convient de dire que les exceptions de procédure opposées par les sociétés EDF, ENGIE, ENEDIS et ERDF aux demandes du syndicat CFTC DEPT RA et Monsieur [CG] [YD] sont irrecevables comme relevant exclusivement des attributions du juge de la mise en état.
Sur les fins de non-recevoir soulevées par les sociétés défenderesses
D’une part, l’article 123 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable aux instances introduites avant le 1er janvier 2020, rappelle que les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.
L’article 122 du même code précise que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L’article 31 du code de procédure civile dispose que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
L’article 32 du même code dispose quant à lui qu’est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.
D’autre part, l’article 2132-3 du code du travail prévoit que les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice.
Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.
Il ressort également des termes de l’article L1247-1 du même code que les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise peuvent exercer en justice toutes les actions qui résultent du présent titre en faveur d’un salarié, sans avoir à justifier d’un mandat de l’intéressé.
Le salarié en est averti dans des conditions déterminées par voie réglementaire et ne doit pas s’y être opposé dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle l’organisation syndicale lui a notifié son intention.
Le salarié peut toujours intervenir à l’instance engagée par le syndicat et y mettre un terme à tout moment
Cette faculté de substitution n’est ouverte que pour un nombre de cas dont la liste, si elle a été élargie, demeure limitée.
En l’espèce, les sociétés EDF, ENEDIS, ENGIE et ERDF soulèvent l’irrecevabilité des demandes de la CFTC DEPT RA relevant tant le défaut d’intérêt à agir que le défaut de qualité à agir de la requérante qu’il convient d’examiner simultanément.
La CFTC DEPT considère en premier lieu ses demandes recevables, prétendant agir tant pour la défense de l’intérêt collectif de la profession qu’en substitution de différents salariés.
Or, si elle invoque deux fondements différents pour justifier ses demandes, elle fait valoir tant pour l’un que pour l’autre l’atteinte portée aux salariés consécutivement à la fin du mandat syndical de Monsieur [YD], du fait d’une transaction qu’elle considère illicite.
Elle se prévaut de même de la conclusion de cette seule transaction pour considérer qu’il y a eu une atteinte à l’ordre public, cette situation constituant selon elle une trouble manifestement illicite.
Ainsi, elle affirme d’une part qu’il » est manifeste qu’un syndicat professionnel possède un intérêt direct à ne pas voir disparaître ses représentants par la conclusion de transactions de quelque montant que ce soit » d’autre part que » les employeurs contestent en justice le droit de Monsieur [YD] de les assister du fait qu’il n’est plus salarié en activité de la branche des IEG « .
Or, à aucun moment la défenderesse ne caractérise l’intérêt certain à agir qu’elle invoque, en expliquant le lien de causalité qui existerait entre le départ à la retraite de Monsieur [YD] et les » risques » qu’elle expose.
En effet, aucun élément ne vient démontrer qu’aucun salarié n’a repris effectivement le mandat de Monsieur [YD], ou même aurait été empêché de le reprendre par l’une des sociétés mises en cause.
De plus, les conclusions devant le Conseil des Prud’hommes d’EDF et ENEDIS, auxquelles se réfère la requérante, ne mettent aucunement en évidence une contestation en justice par les sociétés défenderesses du droit de Monsieur [YD] d’assister les salariés, étant rappelé que celui-ci ne dispose plus d’aucun mandat syndical depuis qu’il est à la retraite.
Elle ne prouve pas davantage que son départ, intervenu deux mois après la transaction, aurait eu des conséquences sur les actions en cours, ne citant aucun exemple pour fonder ses demandes. Elle ne fait pas davantage état d’autres protocoles de même nature qui seraient effectivement intervenus pour motiver ses demandes et caractériser les atteintes qu’elle invoque.
Concernant ses demandes indemnitaires, il convient également de souligner que la CFTC DEPT RA invoque l’intérêt collectif de la branche de la profession des industries et gazières pour solliciter notamment » 2500 euros pour préjudice causé à l’intérêt collectif au profit du syndicat et pour chaque salarié substitué « . Or, l’articulation même de ses demandes tend à démontrer une confusion entre l’intérêt collectif de la profession et la somme de différents intérêts individuels des salariés qu’elle cite, qui sont pourtant distincts et pour lesquels elle ne peut prétendre agir.
De même, alors qu’EDF et ENEDIS lui reprochent d’abord, au titre de la qualité à agir, de ne pas justifier du rattachement des salariés en substitution desquels elle intervient, le syndicat déclare pourtant intervenir dans le champ (géographique) de son objet social statutaire. Pourtant, force est de conclure que ses seules affirmations sont insuffisantes, à défaut de pièce justificative versée aux débats.
La CFTC DEPT RA soutient de même être représentative dans les sociétés EDF qu’ENEDIS, demeurant d’ailleurs silencieuse dans ses écritures s’agissant d’ENGIE et ERDF, qu’elle a pourtant assignées, sans produire aucun élément venant corroborer ses affirmations.
Par ailleurs, comme le relèvent les sociétés défenderesses, s’agissant de l’action en substitution des salariés, celle-ci n’est ouverte que dans des cas de figures limités. Or, alors que la CFTC DEPT RA prétend que ses demandes sont recevables tant pour les autres salariés cités que pour Monsieur [YD], elle ne se fonde que sur la transaction signée par celui-ci, sans indiquer le texte du code du travail lui permettant effectivement d’agir en substitution.
Enfin, il convient de souligner que la requérante a fait assigner Monsieur [YD], défendeur ainsi à l’instance, sollicitant sa condamnation à des dommages et intérêts. Néanmoins, elle demande également la condamnation des sociétés défenderesses à verser à celui-ci différentes sommes à titre de dommages et intérêts. Alors que Monsieur [YD] ne formule de son côté aucune demande reconventionnelle, les deux parties exposent donc les mêmes prétentions, sollicitant la nullité de la transaction invoquée et la réparation de ses conséquences pour le salarié.
Compte-tenu de l’ensemble de ces éléments, il y a donc lieu de déclarer les demandes de la CFTC DEPT RA irrecevables.
Sur les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive
L’article 32-1 du code de procédure civile dispose que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
L’article 1240 du code civil prévoit d’ailleurs que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Il est constant que l’exercice d’une action en justice constitue un droit, celle-ci ne pouvant dégénérer en abus qu’à la condition que soit caractérisée l’existence d’une faute.
Les défenderesses fondent principalement leurs demandes sur la » collusion » entre la CFTC DEPT RA et Monsieur [YD], le tribunal ayant d’ailleurs déclaré irrecevables les demandes de la première en relevant que les deux adversaires formulaient les mêmes prétentions.
Néanmoins, si les sociétés défenderesses soulignent la multiplication de différentes procédures devant le Conseil des Prud’hommes par Monsieur [YD], celui-ci en a été seul à l’initiative, la CFTC DEPT RA n’étant pas intervenue volontairement précédemment.
S’agissant des jurisprudences dont les défenderesses se prévalent également, ayant retenu l’abus du droit d’agir d’une partie, celles-ci sanctionnaient également tant un comportement procédural que des demandes fantaisistes. Or, l’absence d’intérêt et de qualité à agir de la CFTC DEPT RA, comme la remise en cause du bien-fondé de ses demandes par ses adversaires, sont insuffisants pour démontrer de sa part un abus du droit d’agir.
Les demandes de dommages et intérêts et d’amende civile formées tant par ENGIE et GRDF, que par EDF et ENEDIS, seront donc rejetées.
Sur les autres demandes
Sur les dépens
En application de l’article 696 du code procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
Le syndicat CFC DEPT RA, partie succombant, sera condamné à supporter les entiers dépens de la procédure.
Sur les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens;
2° Et, le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
En l’espèce, l’équité et la solution du litige motivent de condamner le syndicat CFTC DEPT RA à verser à la société ENGIE, la société GRDF, la société EDF, et la société ENEDIS, chacune, la somme de 2000 euros au titre des dispositions susvisées.
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal statuant par décision publique prononcée par mise à disposition au greffe, réputée contradictoire et susceptible de recours devant la Cour d’Appel de LYON :
DIT que les exceptions de procédure opposées par les sociétés EDF, ENGIE, ENEDIS et GRDF sont irrecevables comme relevant exclusivement des attributions du juge de la mise en état,
DECLARE le syndicat CFTC DEPT RA irrecevable en son action,
DEBOUTE les sociétés ENGIE, GRDF, EDF et ENEDIS de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
DEBOUTE les sociétés ENGIE, GRDF, EDF et ENEDIS de leur demande de prononcé d’une amende civile,
CONDAMNE le syndicat CFTC DEPT RA aux entiers dépens de l’instance,
CONDAMNE le syndicat CFTC DEPT RA à verser à la société ENGIE la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE le syndicat CFTC DEPT RA à verser à la société GRDF la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE le syndicat CFTC DEPT RA à verser à la société EDF la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE le syndicat CFTC DEPT RA à verser à la société ENEDIS la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE le syndicat CFTC DEPT RA et Monsieur [YD] de leurs demandes d’indemnités sur le fondement de l’article 700 susvisé,
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.