En matière d’accident de la circulation :
– Assurer que toutes les dépenses de santé liées à l’accident soient correctement documentées et réclamées auprès de l’assureur pour un remboursement adéquat.
– Veiller à ce que les frais d’assistance à expertise soient entièrement pris en charge par l’assureur, en fournissant des justificatifs détaillés des honoraires des professionnels impliqués.
– Demander une indemnisation appropriée pour les pertes de gains professionnels actuels, en fournissant des preuves claires de la perte de revenus due à l’accident et en actualisant le montant demandé en fonction de l’inflation.
Madame [W] [P] a été victime d’un accident de la circulation le 14 janvier 2015 impliquant un bus assuré par la compagnie GAN assurances. Elle a subi des blessures à l’épaule et à la cheville, entraînant des séquelles physiques et psychologiques. Après une expertise médicale contradictoire, un jugement initial a accordé une indemnité provisionnelle à la victime, réduite en raison d’une faute commise par la conductrice. Cependant, un arrêt ultérieur de la cour d’appel a reconnu à Madame [W] [P] un droit à une indemnisation entière. Une expertise judiciaire a confirmé les préjudices subis par la victime, notamment des séquelles physiques, des pertes financières et des préjudices professionnels. Les demandes d’indemnisation de la victime et de la compagnie GAN assurances ont été présentées devant le tribunal, avec des montants et des arguments divergents. La clôture de la procédure a été prononcée en décembre 2023, et le jugement a été mis en délibéré pour mars 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Au vu de l’ensemble des éléments versés aux débats, le préjudice subi par Madame [W] [P], âgée de 42 ans lors de l’accident, 43 ans à la date de consolidation de son état de santé, 51 ans au jour du présent jugement, exerçant la profession d’artiste de cirque et rédactrice pour des jeux télévisuels lors des faits, sera réparé ainsi que suit, étant observé qu’en application de l’article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, d’application immédiate, le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge.
Au vu de la solution du litige, le tribunal n’a pas eu recours à un quelconque barème de capitalisation.
PREJUDICES PATRIMONIAUX
– Dépenses de santé
Les dépenses de santé sont constituées de l’ensemble des frais hospitaliers, de médecins, d’infirmiers, de professionnels de santé, de pharmacie et d’appareillage en lien avec l’accident.
En l’espèce, aux termes du relevé de ses débours, daté du 7 septembre 2017, les débours définitifs de la CPAM de Calvados s’élèvent à 15 386 €.
L’organisme Harmonie mutuelle a fait état de sa créance définitive à hauteur de 539,89 €.
Madame [W] [P] sollicite, au titre de ce poste de préjudice, la somme de 75 € exposés au titre des frais de franchise, restés à sa charge, que la compagnie GAN assurances accepte de lui rembourser. Il sera donc entériné ce montant.
– Frais divers
L’assistance de la victime lors des opérations d’expertise par un, ou des, médecin conseil en fonction de la complexité du dossier, en ce qu’elle permet l’égalité des armes entre les parties à un moment crucial du processus d’indemnisation, doit être prise en charge dans sa totalité. De même, ces données peuvent justifier d’indemniser les réunions et entretiens préparatoires. Les frais d’expertise font partie des dépens.
Au titre de ses frais d’assistance à expertise, Madame [W] [P] produit, à l’appui de sa demande de 4020 €, les notes d’honoraires suivantes.
Le GAN assurances accepte de lui allouer 2820 € excluant le remboursement des frais relatifs à l’assistance du Docteur [Y] considérant que cette expertise n’est pas imputable à l’accident.
S’agissant du rapport d’examen psychiatrique du 16 octobre 2018 réalisé par le docteur [Y], sa lecture établit, sans ambiguïté, le lien entre l’accident subi par la victime et ses séquelles psychiques en ce sens que l’accident de la circulation en est le fait générateur.
En conséquence de quoi, l’intégralité des frais exposés par Madame [W] [P] au titre des opérations d’expertise ou de leur préparation seront indemnisés par le GAN assurances à hauteur de la somme sollicitée, soit 4020 €.
Au titre de ses frais de transport, Madame [W] [P] dit avoir exposé 580,80 € correspondant à ces allers-retours en train pour se rendre de son domicile, à [Localité 2], aux rendez-vous d’expertises à [Localité 9], soit 6 allers-retours.
Contestant la valeur moyenne des trajets retenue, sans justificatif de dépenses réellement exposées, le GAN assurances ne retient que 3 allers-retours pour se rendre aux expertises suivantes.
Au vu des pièces versées aux débats et des 6 expertises ou rendez-vous préparatoires retenus supra, il convient d’allouer la somme demandée à savoir 580,80 € au titre des frais de déplacement sur un montant forfaitaire, tel que produit en demande de 48,40 €, en seconde classe pour un voyageur âgé de 30 à 59 ans, sans réduction, ce qui porte la somme totale, sur ce poste « frais divers », à une indemnité de 4600 € (arrondie) que le GAN assurances sera condamné à verser à la victime conformément à sa demande de ce montant.
– Assistance tierce personne provisoire
Il convient d’indemniser les dépenses destinées à compenser les activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe durant sa maladie traumatique, comme l’assistance temporaire d’une tierce personne pour les besoins de la vie courante.
En l’espèce, il ressort du rapport d’expertise ce qui suit s’agissant de l’assistance tierce-personne temporaire.
Sur la base d’un taux horaire de 18 euros pour 365 jours /an, adapté à la situation de la victime, en l’absence de justificatif de dépenses supérieures, il convient de lui allouer la somme suivante.
– Perte de gains professionnels actuels (avant consolidation)
Il s’agit de compenser les répercussions de l’invalidité sur la sphère professionnelle de la victime jusqu’à la consolidation de son état de santé.
Il est donc établi que Madame [W] [P] a subi un manque à gagner de 3716,50 €.
Il convient d’actualiser les pertes de gains actuels au jour du jugement sur la base du dernier indice des ménages hors tabac INSEE 2024 connu, soit un montant retenu de 4289,87€.
– Dépenses de santé futures
Elles ont été prises en charge par la CPAM pour partie et à hauteur de 4149,49 € pour des frais engagés à compter du 15 janvier 2016.
Il y a lieu d’entériner l’accord intervenu entre la demanderesse et l’assureur sur un montant de 115 € resté à sa charge.
– Assistance par tierce personne pérenne
Il convient d’indemniser les dépenses destinées à compenser les activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe après la consolidation de son état de santé, comme l’assistance temporaire d’une tierce personne pour les besoins de la vie courante.
La demande de Madame [W] [P] est rejetée à ce titre.
– Incidence professionnelle
Ce poste d’indemnisation a pour objet d’indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle de la victime.
Le GAN assurances propose une indemnisation à hauteur de 30 000 € qui sera retenue mais sans objet, en l’espèce, cette somme étant entièrement compensée par la rente dont Madame [W] [P] a déjà bénéficié à hauteur de 80 574,66 €.
Il n’y a pas lieu à indemnisation, en l’espèce, la rente accident du travail déjà versée étant supérieure à la somme fixée par la présente décision.
PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX
– Déficit fonctionnel temporaire
Il sera alloué la somme de 4852,50 € conformément à sa demande.
– Souffrances endurées
Il convient d’allouer la somme de 14 000 €, à ce titre, à la victime conformément à l’accord des parties sur ce montant.
– Préjudice esthétique temporaire
Il convient d’allouer la somme de 1500 € à ce titre à la victime.
– Déficit fonctionnel permanent
Il lui sera alloué une indemnité de 38 165€.
– Préjudice esthétique permanent
Il convient d’allouer à la victime une somme de 2000 € à ce titre.
– Préjudice d’agrément
Il lui sera alloué la somme de 12 000 € à ce titre.
– Préjudice sexuel
Il convient d’allouer la somme de 2000 € à ce titre.
SUR LE DOUBLEMENT DES INTÉRÊTS AU TAUX LÉGAL ET L’ANATOCISME
Une offre définitive, datée du 15 juin 2016, est intervenue dans le délai imparti, les conclusions du rapport d’expertise étant datées du 19 janvier 2016. Elle doit être considérée comme satisfactoire au regard des éléments connus à ce stade, de l’attente de justificatifs et de l’option retenue d’une faute de la victime.
Il convient par conséquent d’assortir la condamnation à indemnisation d’intérêts au double du taux de l’intérêt légal, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, du 14 septembre 2015 au 15 juin 2016, sur le montant de l’offre du 15 juin 2016.
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
La compagnie GAN assurances, qui est condamnée, supportera les dépens, comprenant les frais d’expertise et pouvant être recouvrés directement par Maître Le Bonnois pour ceux dont il aurait fait l’avance sans avoir obtenu provision conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
En outre, la compagnie GAN assurances supportera les frais irrépétibles engagés par Madame [W] [P] dans la présente instance et que l’équité commande de réparer à hauteur de 3000 €.
L’ancienneté de l’accident justifie que soit ordonnée l’exécution provisoire sollicitée à concurrence des deux tiers des indemnités allouées, et en totalité en ce qui concerne celle relative à l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.
– Dépenses de santé actuelles: 75 €
– Frais divers: 4600 €
– Assistance par tierce personne temporaire: 4044,86 €
– Pertes de gains professionnels actuels: 4289,87 €
– Dépenses de santé futures: 115 €
– Déficit fonctionnel temporaire: 4852,50 €
– Souffrances endurées: 14 000 €
– Préjudice esthétique temporaire: 1500 €
– Déficit fonctionnel permanent: 38 165 €
– Préjudice esthétique permanent: 2000 €
– Préjudice d’agrément: 12 000 €
– Préjudice sexuel: 2000 €
– Intérêts au double du taux de l’intérêt légal sur le montant de l’offre effectuée le 15 juin 2016
– Créance définitive d’Harmonie mutuelle: 539,89 €
– Dépens comprenant les frais d’expertise
– Somme de 3000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Réglementation applicable
En application de l’article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, d’application immédiate, le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge.
Aux termes de l’article L 211-9 du code des assurances, une offre d’indemnité, comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice, doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximal de 8 mois à compter de l’accident. Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l’assureur n’a pas, dans les trois mois de l’accident, été informé de la consolidation de l’état de la victime. L’offre définitive doit alors être faite dans un délai de 5 mois suivant la date à laquelle l’assureur a été informé de cette consolidation. En tout état de cause, le délai le plus favorable à la victime s’applique.
Lorsque l’assureur n’est pas informé de la consolidation de l’état de la victime dans les trois mois suivant l’accident, il doit faire une offre d’indemnisation provisionnelle dans un délai de huit mois à compter de l’accident. L’offre définitive doit être faite dans un délai de 5 mois suivant la date à laquelle l’assureur a été informé de la consolidation.
A défaut d’offre dans les délais impartis par l’article L 211-9 du code des assurances, le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou allouée par le juge, produit, en vertu de l’article L 211-13 du même code, des intérêts de plein droit au double du taux de l’intérêt légal à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif.
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Maître Frédéric LE BONNOIS de la SELARL Cabinet Rémy LE BONNOIS
– Maître Patrice GAUD
Mots clefs associés
– Préjudice corporel
– Dépenses de santé
– Frais divers
– Assistance tierce personne
– Perte de gains professionnels
– Dépenses de santé futures
– Assistance par tierce personne pérenne
– Incidence professionnelle
– Souffrances endurées
– Préjudice esthétique permanent
– Préjudice corporel : dommage subi par le corps d’une personne, pouvant entraîner des séquelles physiques ou des handicaps
– Dépenses de santé : frais engagés pour les soins médicaux et les traitements liés à un préjudice corporel
– Frais divers : dépenses supplémentaires liées à un préjudice corporel, telles que les frais de déplacement, d’aménagement du domicile, etc.
– Assistance tierce personne : aide apportée par une tierce personne pour les actes de la vie quotidienne en cas de handicap ou de perte d’autonomie
– Perte de gains professionnels : diminution des revenus d’une personne suite à un préjudice corporel l’empêchant de travailler
– Dépenses de santé futures : frais médicaux prévus à long terme pour traiter les séquelles d’un préjudice corporel
– Assistance par tierce personne pérenne : aide régulière et continue apportée par une tierce personne en cas de handicap permanent
– Incidence professionnelle : impact d’un préjudice corporel sur la carrière professionnelle d’une personne
– Souffrances endurées : douleurs physiques et morales subies suite à un préjudice corporel
– Préjudice esthétique permanent : atteinte à l’apparence physique d’une personne suite à un accident ou une maladie, entraînant un préjudice moral
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
19ème chambre civile
N° RG 20/00301
N° MINUTE :
Assignation du :
24 et 27 Décembre 2019
CONDAMNE
GCHARLES
JUGEMENT
rendu le 05 Mars 2024
DEMANDERESSE
Madame [W] [P]
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Maître Frédéric LE BONNOIS de la SELARL Cabinet Rémy LE BONNOIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0299
DÉFENDERESSES
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCES DU CALVADOS
[Adresse 1]
[Localité 2]
non représentée
Compagnie GAN ASSURANCES
[Adresse 8]
[Localité 6]
représentée par Maître Patrice GAUD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0430
HARMONIE MUTUELLE
[Adresse 3]
[Localité 7]
non représentée
Décision du 05 Mars 2024
19ème chmabre civile
N°RG 20/00301
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Géraldine CHARLES, Première Vice-Présidente adjointe
Monsieur Olivier NOËL, Vice-Président
Madame Mabé LE CHATELIER, Magistrate à titre temporaire
Assistés de Madame Célestine BLIEZ, greffière, lors des débats et au jour de la mise à disposition.
DEBATS
A l’audience du 09 Janvier 2024 présidée par Géraldine CHARLES
tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 05 Mars 2024.
JUGEMENT
– Réputé contradictoire
– En premier ressort
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE
Madame [W] [P], née le [Date naissance 4] 1972, a été victime le 14 janvier 2015, à [Localité 10], alors qu’elle circulait à motocyclette sur l’autoroute A86, d’un accident de la circulation dans lequel était impliqué un bus, assuré auprès de la compagnie GAN assurances.
Elle a présenté une fracture céphalo-tubérositaire de l’épaule gauche et un traumatisme de la cheville gauche dans un contexte traumatique où elle a craint pour sa vie, se voyant percutée par sa moto ou écrasée par un bus sur une voie d’autoroute.
Une expertise contradictoire a été organisée entre le docteur [D] par la MAIF (qui avait le mandat d’assurance) et le docteur [B] [N], assistant la victime dont les conclusions déposées le 19 janvier 2016 ont été les suivantes :
– ITT : du 14 janvier 2015, en cours
– DFTT : du 14 janvier au 19 janvier 2015 DFTT : du 29 juillet au 1er août 2015
– DFTP : 50 % du 20 janvier au 28 février 2015 : 2 h par jour
– DFTP : 33 % du 1er février au 14 avril 2015 : 1 h par jour
– DFTP : 25% du 15 avril au 28 juillet 2015 : 3 h par semaine
– DFTP : 15 % du 2 août 2015 au 14 janvier 2016
– Consolidation : le 14 janvier 2016
– Souffrances endurées : 4/7
– Préjudice esthétique : 2/7
– Préjudice d’agrément : probable
– Retentissement professionnel.
– Prévoir pour acrobatie et jonglage (impossibilité)
– DFP : 12 %.
Au vu de ce 1er rapport amiable, par actes d’huissier des 24 et 27 décembre 2019, Madame [W] [P] a assigné la compagnie GAN ASSURANCES, HARMONIE MUTUELLE et la CPAM du CALVADOS devant la présente juridiction aux fins d’expertise, d’indemnité provisionnelle et de provision ad litem.
Par jugement du 12 mars 2021, le tribunal judiciaire de Paris a fait droit à la demande d’expertise médicale confiée au docteur [F] [C], octroyé à la demanderesse une indemnité provisionnelle de 8000 € tout en considérant que la faute commise par la conductrice réduisait de moitié son droit à indemnisation.
Un arrêt du 30 juin 2022 de la cour d’appel de Paris infirmait ce dernier point pour reconnaître à Madame [W] [P] un droit à indemnisation entier.
La mesure d’expertise judiciaire, ordonnée en première instance par la décision du tribunal judiciaire de Paris susmentionnée, concluait le 13 février 2023 ainsi que suit quant à ses préjudices :
blessures subies : les lésions initiales sont un stress aigu avec comme séquelles un syndrome post-traumatique anxiodépressif imputable de façon directe et certaine aux faits ; son accident de la circulation, survenu le 14 janvier 2015, entre dans le cadre des accidents du travail principalement constitué d’un traumatisme de l’épaule et de la cheville gauches avec indication opératoire et retrait ultérieur du matériel d’ostéosynthèse
déficit fonctionnel temporaire :
– déficit fonctionnel temporaire total du 14 au 19 janvier 2015 puis du 29 juillet au 1er août 2015
– déficit fonctionnel temporaire partiel (50 %) : du 20 janvier au 12 mars 2015
– déficit fonctionnel temporaire partiel 25 % du 13 mars au 28 juillet 2015 et du 2 août 2015 au 31 juillet 2016
besoin en tierce personne : 2 heures par jour du 20 janvier au 12 mars 2015, 5 heures par semaine du 13 mars 2015 au 28 juillet 2015 et du 2 août 2015 au 2 septembre 2015 ;
souffrances endurées : 4,5/7 ;
consolidation des blessures : 31 juillet 2016 ;
déficit fonctionnel permanent : 17 % ;
préjudice esthétique temporaire : 2/7 ;
préjudice esthétique permanent : 1/7 ;
préjudice professionnel : Madame [W] [P] était artiste de cirque. Du fait des séquelles douloureuses et fonctionnelles au niveau de l’épaule gauche, elle a été déclarée inapte par la médecine du travail, l’examen clinique du jour confirmant cette inaptitude. Elle avait une autre activité professionnelle qu’elle a pu poursuivre comme rédactrice pour les jeux télé. Elle pourrait entreprendre une reconversion professionnelle, cette reconversion étant conditionnée par ses problèmes psychologiques ;
préjudice d’agrément : du fait de sa profession, son activité sportive était en relation avec ses activités professionnelles. Sur le plan des loisirs, elle jouait du violon ce qu’elle dit ne pas pouvoir reprendre actuellement du fait de gênes positionnelles. Concernant la moto, la reprise ne semble pas possible du fait d’une phobie. La pratique du vélo est possible, mais avec des gênes.
préjudice sexuel : baisse de la libido mais sans gêne positionnelle.
Par conclusions récapitulatives signifiées le 5 décembre 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, Madame [W] [P] demande au tribunal, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de :
* faire application du taux de capitalisation le plus proche de la situation économique actuelle et prévisible, sollicitant l’application du barème de capitalisation de la gazette du palais publié le 31 octobre 2022
* condamner la compagnie GAN assurances, à lui payer :
– au titre des dépenses de santé restées à charge, 75 €
– au titre des frais divers : 4600 €
– pertes de gains avant consolidation : 6673,39 €
– au titre de la tierce personne avant consolidation : 7123,55 €
– au titre des dépenses de santé futures : 115 €
– au titre de la tierce personne future : 84 885,05€
– au titre de l’incidence professionnelle : 150 000 €
– au titre du déficit fonctionnel temporaire : 4852,50 €
– au titre des souffrances endurées : 25 000 €
– au titre du déficit fonctionnel permanent : 149 842,16 €
– au titre du préjudice esthétique temporaire : 5000 €
– au titre du préjudice esthétique permanent : 5000 €
– au titre du préjudice d’agrément : 30 000 €
– au titre du préjudice sexuel : 10 000 €
– les dépens dont distraction au profit de Maître Le Bonnois et la somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
*condamner le GAN assurances au doublement des intérêts légaux sur les sommes allouées par le tribunal, créances des organismes sociaux incluses et provisions non déduites, à compter du 14 août 2015 jusqu’au jour du jugement, avec anatocisme à compter de la première année échue sur le fondement des dispositions de l’article 1343-2 du code civil ;
Aux termes de ses conclusions récapitulatives signifiées le 4 décembre 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la compagnie GAN assurances sollicite notamment au tribunal :
au bénéfice de l’application du barème de capitalisation de référence pour l’indemnisation de victimes (BCRIV) de 2018, très subsidiairement, le barème Gazette du Palais dans sa version 2018 à 0,5%,
– au titre des dépenses de santé restées à charge : 75 €
– frais divers : 2820 € pour les frais d’expertise outre 200 € pour les frais de transport
– au titre des pertes de gains avant consolidation : 3274,50 €
– au titre de la tierce personne avant consolidation : 3381,42 €
– au titre de la tierce personne future : rejet
– au titre des dépenses de santé futures : 115 €
– au titre de l’incidence professionnelle : rejet
– au titre du déficit fonctionnel temporaire : 4043,75 €
– au titre des souffrances endurées : 14 000 €
– au titre du déficit fonctionnel permanent : 35 700 €
– au titre du préjudice esthétique temporaire : 800 €
– au titre du préjudice esthétique permanent : 1000 €
– au titre du préjudice d’agrément : 5000 €
– au titre du préjudice sexuel : 2000 €
La CPAM du Calvados (ci-après CPAM) a produit le montant définitif de ses débours s’élevant à la somme totale de 116 199,97 €, au 7 septembre 2017, détaillée ainsi que suit :
-frais hospitaliers :
du 15 au 19 janvier 2015 : 6840,96 €
du 29 juillet au 1er août 2015 : 5202,70 €
– frais médicaux : du 22 janvier 2015 au 23 mars 2016 : 3137,93 €
– frais pharmaceutiques : du 19 janvier au 23 septembre 2015 : 135,23 €
– frais d’appareillage : du 27 janvier au 20 février 2015 : 25,60 €
– frais de transport : du 15 janvier au 19 janvier 2015 : 118,56 €
– franchise du 15 janvier 2015 au 22 janvier 2016 : -75 €
-indemnités journalières :
28 jours du 16 janvier au 12 février 2015 : 1099,28 €
262 jours du 13 février au 1er novembre 2015 : 13 542,78 €
mi-temps 60 jours du 2 novembre au 31 décembre 2015 :0 €
mi-temps zéro jour du 1er janvier au 14 janvier 2016 : 645,96 €
-arrérages échus (rente accident du travail) : du 7 avril 2016 au 15 juin 2017 : 3003,01 €
-capital rente du 16 juin 2017 : 78 373,45 €
-frais futurs (notification jointe) à compter du 15 janvier 2016 : 4149,49 €.
Elle n’a pas constitué avocat dans cette instance.
L’organisme « Harmonie mutuelle » a fait état de sa créance définitive, par un courrier du 24 novembre 2021, au titre du régime complémentaire pour un montant de 539,89 €, créance honorée par le GAN Assurances le 26 janvier 2017. Il n’a pas constitué avocat dans cette instance.
Susceptible d’appel, le présent jugement sera donc réputé contradictoire et déclaré commun à la CPAM et à Harmonie Mutuelle.
La clôture de la présente procédure a été prononcée le 12 décembre 2023. L’affaire a été appelée à l’audience du 9 janvier 2024 et mise en délibéré au 5 mars 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
SUR L’ÉVALUATION DU PRÉJUDICE CORPOREL
Au vu de l’ensemble des éléments versés aux débats, le préjudice subi par Madame [W] [P], âgée de 42 ans lors de l’accident, 43 ans à la date de consolidation de son état de santé, 51 ans au jour du présent jugement, exerçant la profession d’artiste de cirque et rédactrice pour des jeux télévisuels lors des faits, sera réparé ainsi que suit, étant observé qu’en application de l’article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, d’application immédiate, le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge.
Au vu de la solution du litige, le tribunal n’a pas eu recours à un quelconque barème de capitalisation.
I. PREJUDICES PATRIMONIAUX
– Dépenses de santé
Les dépenses de santé sont constituées de l’ensemble des frais hospitaliers, de médecins, d’infirmiers, de professionnels de santé, de pharmacie et d’appareillage en lien avec l’accident.
En l’espèce, aux termes du relevé de ses débours, daté du 7 septembre 2017, les débours définitifs de la CPAM de Calvados s’élèvent à 15 386 € :
-frais hospitaliers :
du 15 au 19 janvier 2015 : 6840,96 €
du 29 juillet au 1er août 2015 : 5202,70 €
– frais médicaux : du 22 janvier 2015 23 mars 2016 : 3137,93 €
– frais pharmaceutiques : du 19 janvier au 23 septembre 2015 : 135,23 €
– frais d’appareillage : du 27 janvier au 20 février 2015 : 25,60 €
– frais de transport : du 15 janvier au 19 janvier 2015 : 118,56 €
– franchise du 15 janvier 2015 au 22 janvier 2016 : -75 €
L’organisme Harmonie mutuelle a fait état de sa créance définitive à hauteur de 539,89 €.
Madame [W] [P] sollicite, au titre de ce poste de préjudice, la somme de 75 € exposés au titre des frais de franchise, restés à sa charge, que la compagnie GAN assurances accepte de lui rembourser. Il sera donc entériné ce montant.
– Frais divers
L’assistance de la victime lors des opérations d’expertise par un, ou des, médecin conseil en fonction de la complexité du dossier, en ce qu’elle permet l’égalité des armes entre les parties à un moment crucial du processus d’indemnisation, doit être prise en charge dans sa totalité. De même, ces données peuvent justifier d’indemniser les réunions et entretiens préparatoires. Les frais d’expertise font partie des dépens.
Au titre de ses frais d’assistance à expertise
Madame [W] [P] produit, à l’appui de sa demande de 4020 €, les notes d’honoraires suivantes :
1020 € s’agissant des honoraires du Docteur [N], médecin-conseil l’ayant assistée lors de la 1ère expertise amiable, en date des 5 octobre 2015 et 19 janvier 2016,1200 € s’agissant des honoraires du docteur [Y], psychiatre-conseil auprès duquel elle s’est rendue librement pour apprécier ses séquelles psychiatriques aux fins de faire valoir ultérieurement ce que de droit, en date des 16 octobre 2018, ainsi que 7 novembre 2022 pour l’assistance à l’expertise du Docteur [T],1800 € s’agissant des honoraires du Docteur [K], médecin-conseil l’ayant assistée lors de l’expertise judiciaire, en date des 12 juin et 29 juillet 2021.
Le GAN assurances accepte de lui allouer 2820 € excluant le remboursement des frais relatifs à l’assistance du Docteur [Y] considérant que cette expertise n’est pas imputable à l’accident.
S’agissant du rapport d’examen psychiatrique du 16 octobre 2018 réalisé par le docteur [Y], sa lecture établit, sans ambiguïté, le lien entre l’accident subi par la victime et ses séquelles psychiques en ce sens que l’accident de la circulation en est le fait générateur ; on y apprend que Madame [W] [P] a mis tout en œuvre, étant circassienne, en vain, pour récupérer le mieux possible de cette chute traumatisante sur l’autoroute, que des idées suicidaires ont justifié une hospitalisation dans un service de psychiatrie à [Localité 2], puis une consultation au CMP, enfin, la prescription d’antidépresseurs et anxiolytiques depuis cet épisode.
Il est ainsi parfaitement recevable que ce rapport ait été rédigé, certes à la demande de la victime, dans la perspective de son action judiciaire.
S’agissant de l’assistance du Docteur [Y], lors de l’expertise finale menée par le docteur [T], elle fait également sens au regard du volet psychiatrique de son expertise médicale que la demanderesse a légitimement sollicité.
En conséquence de quoi, l’intégralité des frais exposés par Madame [W] [P] au titre des opérations d’expertise ou de leur préparation seront indemnisés par le GAN assurances à hauteur de la somme sollicitée, soit 4020 €.
Au titre de ses frais de transport
Madame [W] [P] dit avoir exposé 580,80 € correspondant à ces allers-retours en train pour se rendre de son domicile, à [Localité 2], aux rendez-vous d’expertises à [Localité 9], soit 6 allers-retours, retenant un prix moyen estimé à 96,80 € pour un aller-retour.
Contestant la valeur moyenne des trajets retenue, sans justificatif de dépenses réellement exposées, le GAN assurances ne retient que 3 allers-retours pour se rendre aux expertises suivantes :
– la première expertise amiable du 19 janvier 2016,
-l’expertise du Docteur [C] du 29 juillet 2021 ainsi que l’accedit auprès du sapiteur psychiatre, le Docteur [T], le 7 novembre 2022,
chiffrant les frais de déplacement à hauteur d’une somme forfaitaire de 200 €.
Au vu des pièces versées aux débats et des 6 expertises ou rendez-vous préparatoires retenus supra, il convient d’allouer la somme demandée à savoir 580,80 € au titre des frais de déplacement sur un montant forfaitaire, tel que produit en demande de 48,40 €, en seconde classe pour un voyageur âgé de 30 à 59 ans, sans réduction, ce qui porte la somme totale, sur ce poste « frais divers », à une indemnité de 4600 € (arrondie) que le GAN assurances sera condamné à verser à la victime conformément à sa demande de ce montant.
– Assistance tierce personne provisoire
Il convient d’indemniser les dépenses destinées à compenser les activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe durant sa maladie traumatique, comme l’assistance temporaire d’une tierce personne pour les besoins de la vie courante, étant rappelé que l’indemnisation s’entend en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée. Le montant de l’indemnité allouée au titre de l’assistance d’une tierce personne ne saurait être subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives.
En l’espèce, il ressort du rapport d’expertise ce qui suit s’agissant de l’assistance tierce-personne temporaire :
besoin en tierce personne : 2 heures par jour du 20 janvier au 12 mars 2015, 5 heures par semaine du 13 mars 2015 au 28 juillet 2015 et du 2 août 2015 au 2 septembre 2015 ;
Sur la base d’un taux horaire de 18 euros pour 365 jours /an, adapté à la situation de la victime, en l’absence de justificatif de dépenses supérieures, il convient de lui allouer la somme suivante :
20/01/2015 au 12/03/2015 : 52 jours soit 1 872,00 € (deux heures par jour)
13/03/2015 au 28/07/2015 : 138 jours soit 1 774,29 € (cinq heures par semaine)
2/08/2015 au 2/09/2015 : 31 jours soit 398,57 € (cinq heures par semaine)
soit un montant total de 4044,86 €
– Perte de gains professionnels actuels (avant consolidation)
Il s’agit de compenser les répercussions de l’invalidité sur la sphère professionnelle de la victime jusqu’à la consolidation de son état de santé. L’évaluation de ces pertes de gains doit être effectuée in concreto au regard de la preuve d’une perte de revenus établie par la victime jusqu’au jour de sa consolidation.
La demande qui tend à l’indemnisation de perte de gains professionnels actuels ou futurs ne constitue pas une demande tendant à réparer l’existence d’une perte de chance de percevoir ses gains.
Il n’est pas contesté que Madame [W] [P] exerçait, au moment de son accident, deux emplois, celui d’artiste de cirque polyvalente et de rédactrice pour jeux télévisés pour la société effervescence.
La CPAM lui a versé au titre de ses indemnités journalières :
-28 jours du 16 janvier au 12 février 2015 : 1099,28 €
-262 jours du 13 février au 1er novembre 2015 : 13 542,78 €
-mi-temps 60 jours du 2 novembre au 31 décembre 2015 :0 €
-mi-temps zéro jour du 1er janvier au 14 janvier 2016 : 645,96 €
-arrérages échus (rente accident du travail) : du 7 avril 2016 au 15 juin 2017 : 3003,01 €
L’expert retient un arrêt de travail justifié de ses activités professionnelles, en lien avec l’accident et au regard de la nature même de ses missions, du fait de ses séquelles douloureuses et fonctionnelles au niveau de l’épaule gauche, sur la période du 14 janvier 2015, date l’accident, au 31 juillet 2016, date de sa consolidation :
-sur cette période, Madame [W] [P] aurait dû percevoir un revenu moyen annuel de 19 030 € net fiscal en faisant la moyenne des 2 années précédentes de 2013 et 2014, durant lesquelles elle a respectivement perçu 19 866 € et 18 194 €.
-Or, après l’accident, elle n’a perçu, en 2015 et 2016, où ses rémunérations étaient respectivement de 13 834 € et 16 793 €, qu’un revenu moyen annuel net fiscal de 15 313,50 €.
Il est donc établi que Madame [W] [P] a subi un manque à gagner de 3716,50 € (19 030 € -15 313,50 €).
Elle en sollicite l’actualisation sans préciser la méthode derevalorisation qu’elle entend appliquer à sa demande.
Malgré tout, le préjudice de la victime devant être établi au jour de la décision qui le fixe, en tenant compte de tous les éléments connus à cette date, il convient d’actualiser les pertes de gains actuels au jour du jugement sur la base du dernier indice des ménages hors tabac INSEE 2024 connu (117.16 en février 2024) soit un montant retenu de 4289,87€ (la référence de départ étant le mois de juin 2017, date de l’échéance de la rente accident du travail- indice 101.3).
– Dépenses de santé futures
Elles ont été prises en charge par la CPAM pour partie et à hauteur de 4149,49 € pour des frais engagés à compter du 15 janvier 2016.
Il y a lieu d’entériner l’accord intervenu entre la demanderesse et l’assureur sur un montant de 115 € resté à sa charge.
– Assistance par tierce personne pérenne
Il convient d’indemniser les dépenses destinées à compenser les activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe après la consolidation de son état de santé, comme l’assistance temporaire d’une tierce personne pour les besoins de la vie courante, étant rappelé que l’indemnisation s’entend en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée. Le montant de l’indemnité allouée au titre de l’assistance d’une tierce personne ne saurait être subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives.
Le rapport d’expertise ne conclut nullement à la nécessité d’une assistance tierce-personne à titre permanent.
Madame [W] [P] estime cependant un besoin à ce titre en raison des limitations l’empêchant de maintenir son bras gauche levé sans douleurs. Elle est ainsi contrainte de solliciter une aide partielle de ses proches pour porter des objets lourds avec les deux bras ou lorsqu’elle doit effectuer des tâches impliquant d’avoir le bras gauche levé pendant un certain délai.
Ainsi, sur le fondement du principe de réparation intégrale de son préjudice, sollicite-t-elle un besoin viager, estimé à une heure par semaine a minima, qu’elle décompose entre arrérages échus du 31 juillet 2016 au 30 juin 2023 – date prévisible du jugement : 11 404,44 € sur la base de 31,60 euros par heure et arrérages à échoir à compter du 1er juillet 2023, d’après le barème de capitalisation de la gazette du palais de 2022 au taux de -1 % avec un euro de rente viager à 44,718 soit 73 480,61 €.
La compagnie GAN assurances s’oppose fermement à l’allocation de cette somme totale de 84 885,05€ considérant n’y avoir lieu à indemnisation de ce préjudice non retenu par l’expert.
Le tribunal partage cette analyse de l’assureur selon laquelle, en l’absence de détermination précise d’un besoin, en vertu du principe de réparation intégrale sans perte ni profit, il n’est pas possible d’indemniser Madame [W] [P] d’un préjudice qui n’est établi ni par l’expert, ni par les faits de l’espèce.
La demande de Madame [W] [P] est rejetée à ce titre.
– Incidence professionnelle
Ce poste d’indemnisation a pour objet d’indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle, ou de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu’elle exerçait avant le dommage au profit d’une autre qu’elle a du choisir en raison de la survenance de son handicap.
Ce poste indemnise également la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, c’est-à-dire le déficit de revenus futurs, estimé imputable à l’accident, qui va avoir une incidence sur le montant de la pension auquel pourra prétendre la victime au moment de sa prise de retraite.
Le taux de déficit fonctionnel permanent de Madame [W] [P] a été fixé à 17 %, le docteur [F] [C] ayant relevé que ses séquelles étaient incompatibles avec la reprise de ses activités circassiennes. Le Docteur [T] n’a pas conclu cependant à une incidence professionnelle stipulant qu’elle était sans objet : « elle a donc conservé son statut d’intermittent du spectacle et rédactrice en jeu télévisé. Par ailleurs, elle crée aussi des puzzles par collage ; création qui est importante pour elle mais ne la satisfait pas du tout comme ses activités circassiennes avant l’accident. »
Madame [W] [P] expose avoir dû renoncer à sa passion du cirque qui était l’épine dorsale de son parcours professionnel depuis plusieurs années, championne du monde des statues suivantes en 2006, invitée dans des festivals de danse ou spectacles au Japon.
Le défendeur a observé qu’elle avait interrompu cette activité de spectacles de rue depuis 10 ans, ce qu’elle n’a pas contesté dans ses dernières écritures tout en précisant avoir poursuivi ses activités de « saltimbanque, artiste de cirque » qu’elle a dû interrompre du fait de son grave accident de motocyclette l’ayant obligé à une reconversion.
Au regard des éléments versés aux débats, les séquelles de l’accident dont a été victime Madame [W] [P] ont une incidence sur sa sphère professionnelle et en particulier sur le plan de la pénibilité et de la fatigabilité au travail, sa condition physique ayant été altérée.
Le GAN assurances propose une indemnisation à hauteur de 30 000 € qui sera retenue mais sans objet, en l’espèce, cette somme étant entièrement compensée par la rente dont Madame [W] [P] a déjà bénéficié à hauteur de 80 574,66 €.
Il n’y a pas lieu à indemnisation, en l’epèce, la rente accident du travail déjà versée étant supérieure à la somme fixée par la présente décision.
II. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX
– Déficit fonctionnel temporaire
Ce poste de préjudice indemnise l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d’hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique. Par conséquent, il inclut les préjudices sexuel et d’agrément durant la période temporaire.
En l’espèce, il ressort du rapport d’expertise ce qui suit s’agissant du déficit fonctionnel temporaire :
-déficit fonctionnel temporaire total (100%) du 14 au 19 janvier 2015 puis du 29 juillet au 1er août 2015 (10j= 300€)
– déficit fonctionnel temporaire partiel (50 %) : du 20 janvier au 12 mars 2015 (52j =780€)
– déficit fonctionnel temporaire partiel (25 %) du 13 mars au 28 juillet 2015 (138j= 1035 €) et du 2 août 2015 au 31 juillet 2016 (365j= 2737,50 €).
Sur la base d’une indemnisation de 30€ par jour pour un déficit total, au regard de la situation de la victime, il sera alloué la somme de 4852,50 € conformément à sa demande.
– Souffrances endurées
Il s’agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c’est-à-dire du jour de l’accident à celui de sa consolidation. A compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre.
En l’espèce, elles sont caractérisées par une fracture de complexe de l’épaule gauche et une entorse de la cheville gauche, une hospitalisation en milieu chirurgical, une intervention chirurgicale, des douleurs postopératoires réfractaires aux antalgiques, une immobilisation prolongée, des séances de rééducation de l’épaule et de, une intervention chirurgicale pour ablation du matériel d’ostéosynthèse aux suites très douloureuses, et des réactions psychologiques avec un retentissement qualifié de majeur ayant donné lieu à la prescription d’anxiolytiques et d’antidépresseurs.
Elles ont été cotées à 4,5/7 par l’expert.
Dans ces conditions, il convient d’allouer la somme de 14 000 €, à ce titre, à la victime conformément à l’accord des parties sur ce montant.
– Préjudice esthétique temporaire
Ce préjudice est lié à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers, et ce jusqu’à la date de consolidation.
En l’espèce, celui-ci a été coté à 2/7 par l’expert, pour la période du 14 janvier au 12 mars 2015, en raison notamment des suites de l’intervention chirurgicale et de l’immobilisation prolongée.
Dans ces conditions, il convient d’allouer la somme de 1500 € à ce titre à la victime.
– Déficit fonctionnel permanent
Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ses conditions d’existence.
En l’espèce, l’expert a retenu un taux de déficit fonctionnel permanent de 17 % en raison des séquelles justifiées par des limitations fonctionnelles et des douleurs de l’épaule gauche ainsi que des gênes fonctionnelles de la cheville gauche et d’un syndrome post-traumatique anxiodépressif.
Madame [W] [P] sollicite une méthode de calcul fondée sur une indemnisation journalière en fonction du taux de déficit retenu et de l’espérance de vie de la victime, à l’instar du déficit fonctionnel temporaire, laquelle ne tient pas compte du fait que ce poste est un poste permanent qui est distinct des autres préjudices permanents comme le préjudice d’agrément ou le préjudice sexuel -objets d’un examen autonome-, ce qui n’est pas le cas du poste de déficit fonctionnel temporaire qui englobe ces préjudices temporaires. Dès lors, il convient d’écarter la méthodologie appliquée par le demandeur et d’apprécier ce préjudice en fonction de l’âge de la victime au jour de la consolidation, des séquelles décrites et du taux de déficit retenu.
La victime étant âgée de 43 ans lors de la consolidation de son état, il lui sera alloué une indemnité de 38 165€ (valeur du point fixée à 2245 €).
– Préjudice esthétique permanent
Ce préjudice est lié à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers, et ce de manière pérenne à compter la date de consolidation.
En l’espèce, il est coté à 1/7 par l’expert en raison notamment d’une cicatrice d’intervention au niveau de la face interne de l’épaule gauche légèrement marquée.
Dans ces conditions, il convient d’allouer à la victime une somme de 2000 € à ce titre.
– Préjudice d’agrément
Ce préjudice vise à réparer le préjudice spécifique lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs ainsi que les limitations ou difficultés à poursuivre ces activités. Ce préjudice particulier peut être réparé, en sus du déficit fonctionnel permanent, sous réserve de la production de pièces justifiant de la pratique antérieure de sports ou d’activités de loisirs particuliers.
Sollicitant la somme de 30 000 € au titre de la compensation de la privation de ses passions, Madame [W] [P] rappelle qu’avant l’accident, sa vie et ses loisirs tournaient autour de nombreuses activités artistiques s’agissant du violon, pratique héritée de son père, compositeur et chef d’orchestre, de la guitare, de la pratique de l’ukulélé à un niveau avancé, des claquettes, et de toutes les activités de cirque, type acrobaties, équilibre, échasses, jonglage et percussions. Elle déclare qu’elle était également motarde et pilote depuis 1992.
Elle produit plusieurs témoignages circonstanciés quant à ses talents multiples d’artiste saltimbanque, émouvante joueuse d’ukulélé d’une grande dextérité, et de motarde de très longue date, pour en justifier.
Selon l’expert, l’examen clinique a montré une limitation modérée des mobilités de l’épaule gauche.
Concernant la moto, la reprise ne semble pas possible du fait d’une phobie. La pratique du vélo est possible mais avec des gênes. La victime nous expliquait ne pas avoir poursuivi la pratique du violon. L’examen clinique ne met pas en évidence une impossibilité mais des gênes fonctionnelles. Concernant la danse, il n’y a pas de contre-indication bien que, comme pour les arts martiaux, ces activités n’aient pas été mentionnées lors de l’expertise.
Le GAN assurances, qui ne conteste pas le préjudice d’agrément de Madame [W] [P], lui offre 5000 €.
Au vu des justificatifs versés aux débats et de l’âge de la victime à la consolidation, il lui sera alloué la somme de 12 000 € à ce titre.
– Préjudice sexuel
La victime peut être indemnisée si l’accident a atteint, séparément ou cumulativement mais de manière définitive, la morphologie des organes sexuels, la capacité de la victime à accomplir l’acte sexuel (perte de l’envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l’acte sexuel, perte de la capacité à accéder au plaisir), et la fertilité de la victime.
En l’espèce, le Docteur [C] a précisé, dans son rapport définitif, que l’altération signalée de la libido paraissait en cohérence avec les éléments de retentissement psychique.
Dans ces conditions, il convient d’allouer la somme de 2000 € telle que proposée par la compagnie GAN assurances en l’absence de troubles sévères sur ce poste de préjudice.
SUR LE DOUBLEMENT DES INTÉRÊTS AU TAUX LÉGAL ET L’ANATOCISME
Aux termes de l’article L 211-9 du code des assurances, une offre d’indemnité, comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice, doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximal de 8 mois à compter de l’accident. Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l’assureur n’a pas, dans les trois mois de l’accident, été informé de la consolidation de l’état de la victime. L’offre définitive doit alors être faite dans un délai de 5 mois suivant la date à laquelle l’assureur a été informé de cette consolidation. En tout état de cause, le délai le plus favorable à la victime s’applique.
Lorsque l’assureur n’est pas informé de la consolidation de l’état de la victime dans les trois mois suivant l’accident, il doit faire une offre d’indemnisation provisionnelle dans un délai de huit mois à compter de l’accident. L’offre définitive doit être faite dans un délai de 5 mois suivant la date à laquelle l’assureur a été informé de la consolidation.
A défaut d’offre dans les délais impartis par l’article L 211-9 du code des assurances, le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou allouée par le juge, produit, en vertu de l’article L 211-13 du même code, des intérêts de plein droit au double du taux de l’intérêt légal à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif.
En l’espèce, l’accident de Madame [W] [P] a eu lieu le 14 janvier 2015. La consolidation de son état de santé, fixée au 31 juillet 2016, n’est intervenue qu’au-delà du délai de trois mois visé à l’article L211-9 du code des assurances.
L’assureur devait donc lui faire une offre provisionnelle avant le 14 septembre 2015. Il est constaté qu’aucune offre n’a été transmise dans ce délai, la date du 14 septembre 2015 étant ainsi retenue comme étant la date de départ du calcul du doublement des intérêts légaux.
Une offre définitive, datée du 15 juin 2016, est intervenue dans le délai imparti, les conclusions du rapport d’expertise étant datées du 19 janvier 2016. Elle doit être considérée comme satisfactoire au regard des éléments connus à ce stade, de l’attente de justificatifs et de l’option retenue d’une faute de la victime.
Il convient par conséquent d’assortir la condamnation à indemnisation d’intérêts au double du taux de l’intérêt légal, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, du 14 septembre 2015 au 15 juin 2016, sur le montant de l’offre du 15 juin 2016.
Il convient également de dire que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l’article 1343-2 du code civil.
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
La compagnie GAN assurances, qui est condamnée, supportera les dépens, comprenant les frais d’expertise et pouvant être recouvrés directement par Maître Le Bonnois pour ceux dont il aurait fait l’avance sans avoir obtenu provision conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
En outre, la compagnie GAN assurances supportera les frais irrépétibles engagés par Madame [W] [P] dans la présente instance et que l’équité commande de réparer à hauteur de 3000 €.
L’ancienneté de l’accident justifie que soit ordonnée l’exécution provisoire sollicitée à concurrence des deux tiers des indemnités allouées, et en totalité en ce qui concerne celle relative à l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,
VU le jugement rendu le 12 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Paris,
VU l’arrêt de la cour d’appel du 30 juin 2022,
RAPPELLE que le droit à indemnisation de Madame [W] [P] des suites de l’accident de la circulation survenu le 14 janvier 2015 est entier ;
CONDAMNE le GAN assurances à payer à Madame [W] [P], à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites, les sommes suivantes :
– dépenses de santé actuelles: 75 €
– frais divers: 4600 €
– assistance par tierce personne temporaire : 4044,86 €
– pertes de gains professionnels actuels :4289,87 €
– dépenses de santé futures: 115 €
– incidence professionnelle: néant (entièrement compensée par larente de la CPAM)
– déficit fonctionnel temporaire: 4852,50 €
– souffrances endurées: 14 000 €
– préjudice esthétique temporaire: 1500 €
– déficit fonctionnel permanent: 38 165 €
– préjudice esthétique permanent: 2000 €
– préjudice d’agrément: 12 000 €
– préjudice sexuel: 2000 €
DÉBOUTE Madame [W] [P] de ses demandes d’indemnisation formées au titre de l’assistance par tierce personne permanente ;
CONDAMNE le GAN assurances à payer à Madame [W] [P] les intérêts au double du taux de l’intérêt légal sur le montant de l’offre effectuée le 15 juin 2016, avant imputation de la créance des tiers payeurs et avant déduction des provisions versées, à compter du 14 septembre 2015 et jusqu’au 15 juin 2016 ;
DIT que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l’article 1343-2 du code civil ;
DÉCLARE le présent jugement commun à la Caisse Primaire d’Assurance-Maladie de Calvados et à l’organisme Harmonie Mutuelle ;
CONSTATE que la créance définitive d’Harmonie mutuelle, au titre du régime complémentaire, pour un montant de 539,89 €, a été versée par le GAN Assurances le 26 janvier 2017 ;
CONDAMNE le GAN Assurances aux dépens comprenant les frais d’expertise et pouvant être recouvrés directement par Maître Le Bonnois pour ceux dont il aura fait l’avance sans avoir obtenu provision conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
CONDAMNE le GAN Assurances à payer à Madame [W] [P] la somme de 3000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;
ORDONNE l’exécution provisoire du présent jugement à concurrence des deux tiers de l’indemnité allouée et en totalité en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Fait et jugé à Paris le 05 Mars 2024
Le GreffierLa Présidente
Célestine BLIEZGéraldine CHARLES