Cession gratuite de marque : le notaire est obligatoire

Notez ce point juridique

Un contrat de cession de marque qui prévoit une gratuité de la cession manifeste une intention libérale. Il s’agit donc d’une donation entre vifs qui aurait dû être passée devant notaire. Dès lors que le contrat de cession de marque a été conclu sous seing privé, il doit être considéré comme nul, d’une nullité absolue insusceptible de confirmation.

Pour rappel, l’article 931 du code civil dispose que “tous actes portant donation entre vifs seront passés devant notaires dans la forme ordinaire des contrats ; et il en restera minute, sous peine de nullité”.

Le défaut de forme notariée d’une donation ostensible est sanctionné d’une nullité absolue insusceptible de confirmation. Le droit d’invoquer cette nullité est ouvert à toute personne qui y a intérêt.

1. Attention à la forme notariée des actes de donation : Il est recommandé de veiller à ce que les actes portant donation entre vifs soient passés devant notaire dans la forme ordinaire des contrats, conformément à l’article 931 du code civil. Le non-respect de cette formalité peut entraîner la nullité absolue de l’acte de donation, ce qui peut avoir des conséquences juridiques importantes.

2. Attention à l’inscription des transmissions de droits : Il est recommandé de s’assurer que toute transmission ou modification des droits attachés à une marque soit dûment inscrite au Registre national des marques pour être opposable aux tiers, conformément à l’article L. 715-7 du code de la propriété intellectuelle. Le défaut d’inscription peut entraîner l’irrecevabilité de certaines demandes, mais peut généralement être régularisé en cours d’instance.

3. Attention à la contrefaçon de marque : Il est recommandé de vérifier attentivement l’usage des marques et enseignes pour éviter toute contrefaçon. Il est essentiel de s’assurer que l’utilisation de signes identiques ou similaires à une marque enregistrée ne porte pas atteinte à la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir aux consommateurs la provenance des produits ou services. Une analyse approfondie des similitudes entre les signes, des services proposés et du risque de confusion est nécessaire pour évaluer le risque de contrefaçon.

Ces conseils visent à sensibiliser sur des aspects clés du droit des marques et des donations, ainsi que sur l’importance de respecter les formalités légales pour éviter des litiges juridiques.


Introduction

L’affaire en question porte sur la nullité d’un acte de cession de marque et les accusations de contrefaçon de marque. La société KAYA a intenté une action en justice contre les sociétés LES GARCONS et TAJJ, alléguant des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale. Le tribunal a examiné plusieurs aspects juridiques, notamment la validité de l’acte de cession, la recevabilité de la demande en contrefaçon, et la matérialité de la contrefaçon.

Sur la nullité de l’acte de cession

L’article 931 du code civil stipule que les actes de donation entre vifs doivent être passés devant notaire, sous peine de nullité. Le tribunal a constaté que le contrat de cession de marque du 20 mai 2020, qui prévoyait une cession gratuite, n’avait pas été notarié. En conséquence, cet acte a été déclaré nul d’une nullité absolue. Cependant, un second contrat de cession daté du 30 mai 2022, qui remplaçait le premier, a été jugé valide.

Sur la demande en contrefaçon

La société KAYA a également intenté une action en contrefaçon de marque. Les défendeurs ont contesté la recevabilité de cette demande en raison de la nullité de l’acte de cession initial. Toutefois, le tribunal a jugé que le second contrat de cession, daté du 30 mai 2022, était valide et permettait à la société KAYA de poursuivre son action en contrefaçon.

Sur l’irrecevabilité de la demande du fait de l’inopposabilité de la cession de marque

Les défendeurs ont également soulevé l’argument de l’inopposabilité de la cession de marque, en raison du défaut d’inscription au Registre national des marques. Le tribunal a constaté que la société KAYA avait régularisé cette inscription en cours d’instance, rendant ainsi la cession opposable aux tiers. Par conséquent, la demande en contrefaçon a été jugée recevable.

Sur la matérialité de la contrefaçon

Le tribunal a examiné si les sociétés LES GARCONS et TAJJ avaient utilisé le signe KAYA de manière à constituer une contrefaçon. Il a été établi que les défendeurs utilisaient le signe KAYA pour des services de restauration et d’hébergement temporaire, similaires à ceux pour lesquels la marque KAYA était enregistrée. Le tribunal a conclu que cette utilisation constituait une contrefaçon de la marque verbale KAYA n°3416062.

Sur la contrefaçon par usage d’un nom de domaine

La société KAYA a également accusé les défendeurs d’exploiter des noms de domaine contenant le signe KAYA. Le tribunal a constaté que les noms de domaine www.chalet-kaya-[Localité 4].fr et www.le-kaya-[Localité 4].fr étaient utilisés pour promouvoir des services de restauration et d’hébergement temporaire. Cette utilisation a été jugée constitutive de contrefaçon de la marque KAYA.

Sur les mesures d’interdiction et de réparation

Le tribunal a ordonné aux sociétés LES GARCONS et TAJJ de cesser toute utilisation du signe KAYA sous sa forme verbale ou stylisée pour promouvoir des services de restauration et d’hébergement temporaire. Des astreintes de 100 euros par jour de retard ont été imposées en cas de non-respect de cette injonction. De plus, des dommages et intérêts ont été accordés à la société KAYA pour les préjudices économiques et moraux subis.

Sur la demande en concurrence déloyale

La société KAYA a également formulé une demande en concurrence déloyale, alléguant que les défendeurs tiraient profit de la notoriété de son établissement. Le tribunal a rejeté cette demande, estimant que les faits invoqués relevaient déjà de la contrefaçon et ne constituaient pas des actes distincts de concurrence déloyale.

Sur la mesure de publication de la décision

Le tribunal a ordonné la publication du dispositif de la décision, à titre de réparation complémentaire. Cette mesure vise à informer le public des actes de contrefaçon commis par les défendeurs et à rétablir la réputation de la marque KAYA.

Conclusion

En conclusion, le tribunal a jugé que la société KAYA était fondée à agir en contrefaçon de marque contre les sociétés LES GARCONS et TAJJ. Les défendeurs ont été condamnés à cesser l’utilisation du signe KAYA et à verser des dommages et intérêts à la société KAYA. La demande en concurrence déloyale a été rejetée, et la publication de la décision a été ordonnée.

La société KAYA exploite un hôtel/restaurant dans une station de ski et détient la marque verbale KAYA. La société LES GARCONS exploite également un restaurant sous le nom de « KAYA », ce qui a conduit à un litige pour contrefaçon de marque et concurrence déloyale. La société KAYA demande au tribunal d’ordonner à LES GARCONS et TAJJ de cesser toute utilisation du nom « KAYA », de payer des dommages et intérêts, et de supporter les dépens. En réponse, LES GARCONS et TAJJ demandent le rejet des demandes de KAYA, la nullité de l’acte de cession de la marque, des dommages et intérêts pour procédure abusive, et le remboursement des dépens. L’affaire est en attente du délibéré du tribunal.


Réglementation applicable

– Article 931 du Code civil :
« Tous actes portant donation entre vifs seront passés devant notaires dans la forme ordinaire des contrats ; et il en restera minute, sous peine de nullité. »

– Article L. 716-4-2 du Code de la propriété intellectuelle :
« L’action civile en contrefaçon est engagée par le titulaire de la marque ou par le licencié avec le consentement du titulaire, sauf stipulation contraire du contrat. »

– Article 125 du Code de procédure civile, alinéa 2 :
« Le juge peut relever d’office la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt, du défaut de qualité ou de la chose jugée. »

– Article L. 715-7 du Code de la propriété intellectuelle :
« Toute transmission ou modification des droits attachés à une marque doit, pour être opposable aux tiers, être inscrite au Registre national des marques. »

– Article L. 716-4 du Code de la propriété intellectuelle :
« L’atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. »

– Article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle :
« Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque. »

– Article L. 716-14 du Code de la propriété intellectuelle :
« Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. »

– Articles 1240 et 1241 du Code civil :
Article 1240 : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
Article 1241 : « Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. »

– Article 695 du Code de procédure civile :
« Les dépens comprennent :
1° Les droits, taxes, redevances ou émoluments perçus par les greffes des juridictions et par les administrations des impôts ;
2° Les frais de traduction des actes lorsque celle-ci est rendue nécessaire par la loi ou par un engagement international ;
3° Les indemnités des témoins ;
4° La rémunération des techniciens ;
5° Les débours tarifés ;
6° Les émoluments des officiers publics ou ministériels dont la rémunération est réglementée ;
7° Les frais des actes dont la partie gagnante a pu être utilement tenue d’avancer les frais. »

Article 700 du Code de procédure civile :
« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. »

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Me Thomas BOUDIER
– Me Florence NEPLE
– Maître Antoine BONNIER
– Maître Valérie BARALO-CAZENEUVE

Mots clefs associés

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 10 cab 10 J

N° RG 20/05900 – N° Portalis DB2H-W-B7E-VFCJ

Jugement du 09 avril 2024

Notifié le :

Grosse et copie à :

Me Thomas BOUDIER – 2634
Me Florence NEPLE – 470

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 09 avril 2024 devant la Chambre 10 cab 10 J le jugement contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 21 novembre 2022, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 14 novembre 2023 devant :

Cécile WOESSNER, Vice-Présidente,
Marlène DOUIBI, Juge,
François LE CLEC’H, Juge,
Siégeant en formation Collégiale,

Assistés de Jessica BOSCO BUFFART, Greffier,

Et après qu’il en eut été délibéré par les magistrats ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :

DEMANDERESSE

S.A.S. KAYA
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Maître Thomas BOUDIER, avocat au barreau de LYON, et Maître Antoine BONNIER de L’AARPI BONNIER SAINT-FELIX, avocats au barreau de PARIS

DEFENDERESSES

S.A.S. LES GARÇONS
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est [Adresse 3]

représentée par Maître Florence NEPLE, avocat au barreau de LYON, et Maître Valérie BARALO-CAZENEUVE, avocat au barreau de VALENCE

S.A.S. TAJJ
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est [Adresse 3]

représentée par Maître Florence NEPLE, avocat au barreau de LYON, et Maître Valérie BARALO-CAZENEUVE, avocat au barreau de VALENCE

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société KAYA exploite un hôtel/restaurant situé dans la station de ski “[Localité 2]”.

La société OGIMA INVEST, holding de la société KAYA anciennement dénommée ALGONQUIN SA, a déposé la marque verbale KAYA n°3416062 notamment pour les services de restauration et d’hôtellerie.

La société LES GARCONS exploite depuis 2018 un restaurant sous la dénomination “KAYA”.

Estimant que cette exploitation constituait une contrefaçon de sa marque, la société OGIMA INVEST a, par courrier du 5 février 2020, mis en demeure la société LES GARCONS de cesser l’exploitation du signe KAYA.

La société LES GARCONS a procédé le 28 février 2020 au dépôt des marques “LE KAYA” et “LE KAYA” sous une forme stylisée, les lettres “A” étant remplacées par une superposition de formes semblables à des accents circonflexes pouvant figurer des montagnes. La société LES GARCONS a procédé par la suite au retrait de ces marques.

Par courrier du 8 avril 2020, la société OGIMA INVEST a renouvelé sa mise en demeure de cesser l’exploitation contrefaisante du signe KAYA et de lui payer la somme de 50 000 euros à titre de réparation.

Par contrat du 20 mai 2020, la société OGIMA INVEST a cédé à titre gratuit la marque KAYA à la société KAYA, cette cession ayant été publiée au BOPI.

Puis, par contrat du 30 mai 2020, la société OGIMA INVEST a procédé à une nouvelle cession, cette fois à titre onéreux, de la marque KAYA au profit de la société KAYA.

Par lettre du 30 juin 2020, la société LES GARCONS a été informée de cette cession.

Par exploit d’huissier du 4 août 2020, la société KAYA a assigné la société LES GARCONS.

La société LES GARCONS a indiqué en cours d’instance que les services d’hôtellerie proposés sous le signe litigieux étaient exploités par la société CHALET LES GARCONS, aujourd’hui dénommée TAJJ.

Par exploit du 21 juillet 2021, la société KAYA a assigné la société TAJJ en intervention forcée.

Par ordonnance du 30 août 2021, le juge de la mise en état a prononcé la jonction des deux procédures.

*

Dans ses conclusions récapitulatives n° 2 notifiées par voie électronique le 15 juin 2022, la société KAYA demande au tribunal de :

Vu les articles L.713-2 et L. 716-4-10 du Code de la propriété intellectuelle ;
Vu l’article 1240 du Code civil ;
Vu les articles 699 et 700 du Code de procédure civile,
– JUGER que les sociétés LES GARÇONS et TAJJ, en offrant des services de restauration et d’hôtellerie sous le signe et par l’intermédiaire des noms de domaine «www.chalet-kaya-[Localité 4].fr » et « www.le-kaya-[Localité 4].fr », ont commis des actes de contrefaçon de la marque verbale « KAYA » déposée le 13 mars 2006 sous le n°3416062 dont la société KAYA est titulaire ;
– JUGER qu’en se plaçant délibérément dans le sillage de la société KAYA, les sociétés LES GARÇONS et TAJJ ont commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire ;
En conséquence, de :
– ENJOINDRE aux sociétés LES GARÇONS et TAJJ de cesser toute utilisation du signe et, de manière générale, toute utilisation du signe « KAYA » seul ou en combinaison avec d’autres éléments verbaux ou figuratifs et ce, sous peine d’une astreinte de 1.000 € par jour de retard passé le délai de quinze jours à compter de la signification du Jugement à intervenir ;
– ENJOINDRE aux sociétés LES GARÇONS et TAJJ de cesser toute utilisation du nom de domaine « www.le-kaya-[Localité 4].fr » pour offrir leurs services ce, sous peine d’une astreinte de 1.000 € par jour de retard passé le délai de quinze jours à compter de la signification du Jugement à intervenir ;
– ORDONNER l’insertion du dispositif du Jugement à intervenir sur le site internet www.le-kaya-[Localité 4].fr, et ce, sous astreinte 500 € par jour de retard à compter de la mise à disposition au greffe du Jugement à intervenir ;
– CONDAMNER les sociétés LES GARÇONS et TAJJ à payer in solidum à la société KAYA la somme de 315.547 € au titre des préjudices subis du fait de la contrefaçon de la marque verbale « KAYA » déposée le 13 mars 2006 sous le n°3416062 dont la société KAYA est titulaire ;
– CONDAMNER les sociétés LES GARÇONS et TAJJ à payer in solidum à la société KAYA la somme de 30.000 € au titre des préjudices subis du fait des actes de concurrence déloyale commis à l’encontre de la société KAYA ;
– DEBOUTER les sociétés LES GARCONS et TAJJ de l’ensemble de leurs demandes ;
En tout état de cause, de :
– ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;
– CONDAMNER les sociétés LES GARÇONS et TAJJ à payer in solidum à la société KAYA la somme de 15.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– CONDAMNER les sociétés LES GARÇONS et TAJJ à supporter l’intégralité des dépens de la présente instance, dont distraction au profit de Maître Antoine BONNIER, Avocat au barreau de Paris, conformément à l’article 699 du Code civil.

*

Dans leurs conclusions en réponse notifiées par voie électronique le 10 novembre 2022, la SAS LES GARCONS et la SAS TAJJ demandent au tribunal de :

Vu les articles 713-2, 714-1, et 716-4-2 Code de la propriété intellectuelle, et 931 du Code civil,

– DEBOUTER purement et simplement la société demanderesse de l’ensemble de ses demandes;
– DECLARER nul l’acte de cession de la marque versé aux débats par la Société KAYA ;
– CONDAMNER la société KAYA à payer à la société LES GARCONS la somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
– CONDAMNER la société KAYA à payer à la société TAJJ la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
– CONDAMNER la société KAYA à payer à la société LES GARCONS la somme de 30 000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– CONDAMNER la société KAYA à payer à la société TAJJ la somme de 20 000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– CONDAMNER la société KAYA aux entiers dépens.

*

L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 novembre 2022 et l’affaire a été fixée à plaider à l’audience du 14 novembre 2023.
L’affaire a été mise en délibéré au 30 janvier 2024. Le délibéré a été prorogé.

*

MOTIFS

Sur la nullité de l’acte de cession

L’article 931 du code civil dispose que “tous actes portant donation entre vifs seront passés devant notaires dans la forme ordinaire des contrats ; et il en restera minute, sous peine de nullité”.

Il convient de rappeler que le défaut de forme notariée d’une donation ostensible est sanctionné d’une nullité absolue insusceptible de confirmation. Le droit d’invoquer cette nullité est ouvert à toute personne qui y a intérêt.

A titre liminaire, il sera fait observer que les défendeurs forment au dispositif de leurs conclusions la demande suivante : “déclarer nul l’acte de cession de la marque versé aux débats par la société KAYA”. L’emploi du singulier peut laisser penser que les défendeurs soulèvent la nullité d’un seul acte de cession, alors que la demanderesse en produit deux. La partie discussion des conclusions vient préciser cette demande puisqu’il est indiqué que “la société LES GARCONS invoque ici l’inopposabilité et la nullité de l’acte de cession de la marque KAYA de la société OGIMA INVEST à la société KAYA, tel que produit par la société KAYA elle-même (pièce n° 12)” (conclusions, p. 7). Cette pièce n°12 est nécessairement celle des défendeurs qui produisent effectivement sous ce numéro le contrat de cession de marque du 20 mai 2020 dans lequel il est question d’une cession à titre gratuit. En conséquence, il sera considéré que la demande en nullité concerne exclusivement cet acte, étant précisé que le grief qui lui est fait s’agissant de la gratuité ne saurait en tout état de cause être adressé au second acte de cession en date du 30 mai 2022.
Il sera par ailleurs souligné que la société KAYA ne conteste pas que les défendeurs, en tant que tiers à la cession, peuvent soulever sa nullité.

Il est établi que le contrat de cession de marque du 20 mai 2020 prévoit en son article 4 une gratuité de la cession (pièces n° 3 du demandeur et n° 12 des défendeurs). La société KAYA ne conteste d’ailleurs pas l’intention libérale de cet acte. Comme le font valoir les sociétés défenderesses, il s’agit donc d’une donation entre vifs qui aurait dû être passée devant notaire. Dès lors que le contrat de cession de marque du 20 mai 2020 a été conclu sous seing privé, il doit être considéré comme nul, d’une nullité absolue insusceptible de confirmation.

Sur la demande en contrefaçon

Sur l’irrecevabilité de la demande du fait de la nullité de la cession

L’article L. 716-4-2 du code de la propriété intellectuelle dispose que “l’action civile en contrefaçon est engagée par le titulaire de la marque ou par le licencié avec le consentement du titulaire, sauf stipulation contraire du contrat”.

Par ailleurs, en application de l’article 125 du code de procédure civile, alinéa 2, “ le juge peut relever d’office la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt, du défaut de qualité ou de la chose jugée”.

En l’espèce, les défendeurs vont valoir au sein de leurs conclusions que “la validité de l’acte de cession, et donc la légitimité pour agir de la société KAYA ne peuvent qu’apparaître contestables, au regard des dispositions de l’article L. 716-4-2 du code de la propriété intellectuelle” (conclusions, p. 7). Si l’irrecevabilité, qui constitue la conséquence de la nullité alléguée en défense, se trouve soutenue au sein des conclusions, elle n’est pas reprise au dispositif qui saisit la présente juridiction.

Néanmoins, il convient de faire application de l’article 125 du code de procédure civile et de relever d’office cette fin de non-recevoir, qui a déjà été soumise aux débats.

Si la nullité de l’acte du 20 mai 2020 a été retenue, la société KAYA produit en tout état de cause un second “contrat de cession de marque” du 30 mai 2022 qui prévoit un prix de cession de la marque KAYA n° 3416062 de 1 000 euros H.T., étant précisé que ce contrat “annule et remplace l’ensemble des dispositions du contrat de cession initial” (Pièce n° 40 de la demanderesse). Contrairement à ce qui se trouve soutenu en défense, cet acte ne vient donc pas régulariser la cession du 20 mai 2020 mais se substitue à elle. Dès lors qu’aucun grief ne lui est adressé et qu’il a conduit à un transfert rétroactif de la propriété de la marque KAYA n° 3416062 au bénéfice de la société demanderesse, cette dernière doit être considérée comme propriétaire de la marque litigieuse au jour de l’assignation.

En conséquence, le moyen tiré de la nullité de la cession du 20 mai 2020 ne permet pas d’emporter l’irrecevabilité de la demande.

Sur l’irrecevabilité de la demande du fait de l’inopposabilité de la cession de marque

En application de l’article L. 715-7 du code de la propriété intellectuelle, “toute transmission ou modification des droits attachés à une marque doit, pour être opposable aux tiers, être inscrite au Registre national des marques”. En conséquence, le défaut d’inscription de la cession antérieurement à l’introduction d’une action en contrefaçon par le cessionnaire constitue un motif d’irrecevabilité. Toutefois, le défaut d’inscription au registre national des marques peut être régularisé en cours d’instance.

De plus, en application de l’article 125 du code de procédure civile, alinéa 2, “le juge peut relever d’office la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt, du défaut de qualité ou de la chose jugée”.
En l’espèce, si l’irrecevabilité de la demande du fait de l’inopposabilité de la cession de marque n’a pas été reprise au dispositif des conclusions, de telle sorte qu’elle ne saisit pas la présente juridiction, il convient de la relever d’office, étant précisé que ce point a déjà été soumis au débat entre les parties.

La demanderesse produit les preuves de l’inscription du transfert de propriété au bénéfice de la société KAYA du fait du contrat du 22 mai 2020 et sa publication au BOPI (pièce n° 2) et de la demande d’inscription effectuée en ligne le 3 juin 2022 auprès de l’INPI concernant la transmission totale de propriété de la marque KAYA consentie par la société OGIMA INVEST à la société KAYA, étant précisé que la société demanderesse indique qu’elle concerne le second contrat.
L’inscription totale de propriété au bénéfice de la société KAYA, quand bien même elle résulte de la transmission à l’INPI du contrat du 20 mai 2020, a permis aux tiers d’être informés de cette transmission, alors que le contrat signé le 30 mai 2022 prévoit qu’il annule et remplace le contrat du 20 mai 2020 (article 2) et qu’il s’applique de manière rétroactive à compter du 20 mai 2020 (article 7).
Le fait que seul le nom de la société ALGONQUIN apparaisse sur la notice produite et non la société OGIMA INVEST est sans incidence sur la régularité de la chaîne des titres dès lors qu’il est justifié d’un simple changement de dénomination de la société ALGONQUIN en société OGIMA INVEST en date du 24 mai 2018.

Dans ces conditions, le contrat signé le 30 mai 2022 et entrant en vigueur de manière rétroactive le 20 mai 2020 est bien opposable aux défendeurs. L’action en contrefaçon de marque initiée par la société KAYA est donc recevable.

Sur la matérialité de la contrefaçon

Conformément à l’article L. 716-4 du code de la propriété intellectuelle, l’atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur.

Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L. 713-2 à L. 713-3-3 et au deuxième alinéa de l’article L. 713-4.

Aux termes de l’article L. 713-2 de ce code, “est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque. dispose.
La contrefaçon ne peut être retenue qu’à la condition de caractériser un usage du signe litigieux effectué sans le consentement du titulaire de la marque, prenant place dans la vie des affaires et concernant des produits ou services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque opposée est enregistrée. Enfin, l’usage litigieux doit porter atteinte ou être susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque qui est de garantir aux consommateurs la provenance des produits ou des services.

A titre liminaire, il convient de souligner qu’en son dispositif, qui saisit la présente juridiction, la société demanderesse sollicite de la présente juridiction qu’elle juge “que les sociétés LES GARÇONS et TAJJ, en offrant des services de restauration et d’hôtellerie sous le signe
et par l’intermédiaire des noms de domaine «www.chalet-kaya-[Localité 4].fr» et «www.le-kaya-[Localité 4].fr », ont commis des actes de contrefaçon de la marque verbale « KAYA » déposée le 13 mars 2006 sous le n°3416062 dont la société KAYA est titulaire”. Ce faisant, exception faite des noms de domaine, elle semble incriminer le seul usage du signe KAYA sous une forme stylisée. Toutefois, elle demande également qu’il soit enjoint “aux sociétés LES GARÇONS et TAJJ de cesser toute utilisation du signe et, de manière générale, toute utilisation du signe « KAYA». Ce faisant, la société demanderesse invite nécessairement la présente juridiction à se pencher sur le caractère contrefaisant du signe KAYA sous une forme non stylisée.

Par ailleurs, la société LES GARCONS et la société TAJJ font valoir divers moyens tirés de l’inexploitation de la marque, de son défaut d’usage sérieux ou encore de son exploitation sous une forme modifiée. Dès lors que les défendeurs ne forment aucune demande en déchéance de marque et qu’ils n’articulent pas davantage ces griefs comme un moyen d’irrecevabilité, il n’y sera pas répondu, en tant qu’ils ne sont pas de nature à tenir en échec l’action en contrefaçon de marque.

Sur la contrefaçon par usage d’une enseigne

S’agissant de la comparaison des services

La marque verbale KAYA n°3416062 est déposée en classe 43 pour les services suivants : “Services de restauration (alimentation) ; hébergement temporaire, services de bars, services de traiteurs, services hoteliers, réservation de logements temporaires” (pièce n° 2).

La société LES GARCONS reconnaît exploiter des services de restauration sous l’enseigne “KAYA”, ce qui résulte d’une photographie représentant une plaque figurant sur un mur sur laquelle est inscrite la dénomination “KAYA” constituée d’un A figuré par des montagnes stylisées sous laquelle est apposé le terme “RESTAURANT” (conclusions p. 12) mais également du procès-verbal de constat sur internet dressé le 12 avril 2021 (pièce n° 1 des défendeurs). La société demanderesse verse également aux débats diverses pièces, dont le menu du restaurant LE KAYA, cette expression étant employée soit sous forme verbale soit sous forme stylisée (pièce n° 20).

La société TAJJ conteste utiliser le signe KAYA pour l’activité de location immobilière de chalets qu’elle reconnaît exercer.

Or, la société demanderesse fait figurer au sein de ses conclusions diverses images en couleurs faisant apparaître l’enseigne stylisée “KAYA” sous laquelle est apposée l’inscription “COLLECTION RESTAURANT ET CHALET” mais également la photographie d’un lit associé à l’inscription “UN CHALET UNIQUE” (conclusions p. 12 et 13), étant précisé que les pièces n° 12 et n° 25 qui sont produites en tant qu’extraits de ce site ne font pas apparaître ces mentions. La société demanderesse verse également aux débats un article du magazine Elle du 3 avril 2020 conseillant de loger au chalet KAYA à [Localité 4] (pièce n° 13), un extrait du journal “LaSavoie.fr” du 26 mai 2020 faisant état de ce chalet (pièce n° 14), la page du site tripadvisor consacrée au “Chalet Hôtel Kaya” (pièce n° 15), la page Facebook du “Chalet Kaya [Localité 4]” (pièce n° 34) et enfin les mentions légales du site “chalet-kaya-[Localité 4].fr” faisant référence à la société SAS Chalet Les Garçons ayant renseigné en courriel de contact l’adresse « contact@chalet-kaya-[Localité 4].fr » (Pièce n° 28). Ces pièces permettent de démontrer l’utilisation du signe KAYA en tant qu’enseigne pour exploiter des services d’hébergements temporaires qu’il convient d’attribuer à la société TAJJ dès lors qu’il est établi que par procès-verbal du 15 mars 2021 la SAS CHALET LES GARCONS a modifié sa dénomination sociale pour devenir la société TAJJ (pièce n° 27).

Les services de restauration et d’hébergements temporaires sont donc identiques, fortement similaires ou complémentaires aux “services de restauration (alimentation) ; hébergement temporaire, services de bars, services de traiteurs, services hoteliers, réservation de logements temporaires”.

S’agissant de la comparaison des signes

La marque n°3416062 est constituée du signe KAYA exclusivement protégé sous une forme verbale.

Les sociétés LES GARCONS et TAJJ utilisent tout à la fois le signe KAYA sous forme verbale et sous une forme stylisée que le consommateur sera nécessairement conduit à prononcer “KAYA”. Il s’en infère qu’aux plans phonétique et conceptuel, les signes sont identiques et que les signes diffèrent quelque peu au plan visuel s’agissant de la forme stylisée.

En conséquence, les signes sont soit identiques soit fortement similaires.

S’agissant du risque de confusion

Il convient de rappeler qu’il n’y a pas lieu de caractériser un risque de confusion en présence de signes et de services identiques, ce qui est partiellement le cas en l’espèce.

S’agissant des autres hypothèses, la proximité des signes et des services, qui est très forte, s’agissant d’une marque verbale qui n’est constituée que d’un seul élément nécessairement repris, est susceptible de générer un risque de confusion, étant rappelé que la contrefaçon s’apprécie au regard des mentions figurant au dépôt et qu’il est donc indifférent que la demanderesse utilise par ailleurs les signes “K” ou “Le KAIRN” pour identifier le restaurant qu’elle exploite. De même, il ne saurait être tiré argument de ce que de nombreux restaurants utiliseraient les enseignes “Le K” ou “KAYA”.

En conséquence, la contrefaçon de la marque verbale KAYA n°3416062 du fait de l’utilisation de l’enseigne KAYA exploitée sous une forme verbale ou stylisée pour identifier des services de restauration et d’hébergements temporaires est établie.

Sur la contrefaçon par usage d’un nom de domaine

La société demanderesse fait grief aux sociétés LES GARCONS et TAJJ d’exploiter les noms de domaine www.chalet-kaya-[Localité 4].fr et www.le-kaya-[Localité 4].fr.

Il a été démontré ci-dessus que le nom de domaine www.chalet-kaya-[Localité 4].fr est exploité pour la promotion de services d’hébergement temporaire et que les mentions légales du site renvoyaient à la SAS CHALET LES GARCONS devenue la société TAJJ. Ce nom de domaine comprend le signe “KAYA”, qui est l’élément distinctif dominant de l’ensemble pour être le plus arbitraire par rapport aux caractéristiques du service proposé. En conséquence, la contrefaçon de la marque verbale KAYA n°3416062 du fait de l’exploitation du nom de domaine www.chalet-kaya-[Localité 4].fr pour faire la promotion de services d’hébergement temporaire est caractérisée.

Par ailleurs, le site internet accessible à l’adresse www.le-kaya-[Localité 4].fr, que la société LES GARCONS reconnaît exploiter, fait la promotion de services de restauration. Dès lors que ce nom de domaine comprend le signe “KAYA”, qui est l’élément distinctif dominant pour être le plus arbitraire par rapport aux caractéristiques du service proposé, la contrefaçon est constituée, étant rappelé que la comparaison du nom de domaine litigieux avec celui de la demanderesse est indifférent sur le terrain de la contrefaçon de marque. De même le rayonnement géographique est dénuée d’incidence, la marque bénéficiant d’une protection nationale.

Sur les mesures d’interdiction et de réparation

L’article L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle dispose que :
“Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.

S’agissant de la durée de la contrefaçon qui détermine le calcul du préjudice réclamé par la société demanderesse, il convient de fixer le début de la contrefaçon, comme elle le propose, au mois de novembre 2018 s’agissant des services de restauration et de juillet 2019 s’agissant des services d’hôtellerie. Il n’est par ailleurs pas soutenu que ces actes auraient cessé et la société demanderesse établit par la reproduction au sein de ses conclusions de captures d’écran (conclusions, p. 19) et par la production d’extraits de sites internet permettant d’effectuer des réservations que les services d’hébergement sont toujours proposés sous le signe KAYA.

S’agissant de l’activité de restauration

La société KAYA effectue une projection du chiffre d’affaires réalisé par la société LES GARCONS du fait de l’exploitation de son activité de restauration. Pour ce faire, elle prend en compte le prix des menus du midi et du soir qui divergent selon les périodes hivernale et estivale et considère une moyenne de 60 couverts pour 280 jours d’exploitation en 2018/2019, 49 jours d’exploitation sur la saison 2019/2020 du fait du COVID et 170 jours d’exploitation pour la saison 2020/2021. Cette projection aboutit à un chiffre d’affaires supposé de 1 428 000 euros au titre de la saison 2018/2019, 396 900 euros pour la période 2019/2020 et 537 900 euros pour la période 2020/2021.

La société LES GARCONS qualifie cette projection d’extravagante et produit un dossier financier élaboré par un expert comptable conduisant à retenir un chiffre d’affaires HT de 648 357 euros pour la période du 28/05/2018 au 30/09/2019 (pièce n° 3) et de 565 236 euros pour la période du 01/10/2019 au 30/09/2020 (pièce n° 4). Le chiffre d’affaires dégagé au titre de l’année 2020/2021 n’est pas produit.

Si les dates de ces périodes ne coïncident pas tout à fait, il convient de souligner que la société demanderesse semble avoir fait une projection très au-dessus de la réalité concernant l’année 2018/2019 mais en-dessous de la réalité concernant l’année suivante.

Il convient en conséquence de retenir :
– Pour la période de 11 mois s’étendant de novembre 2018 (début de la contrefaçon) au 30 septembre 2019, un chiffre d’affaires de 445 745 euros (11 mois *(648 357 euros/16 mois))
– Pour la période du 01/10/2019 au 30/09/2020, un chiffre d’affaires de 565 236 euros ;
– Pour la période du 01/10/2020 au 30/09/2021, un chiffre d’affaires de 537 900 euros conformément à la projection proposée par la société demanderesse.

La société demanderesse fait valoir que dans le domaine de la restauration, le résultat courant avant impôt s’élève en moyenne à 8% du chiffre d’affaires HT la première année et 6% à partir de la seconde année, ce qui constitue une projection réaliste alors que la société LES GARCONS ne produit aucun élément permettant de la contredire.

Dans ces conditions, le bénéfice réalisé du fait de l’activité de restauration est de : 35 659 euros + 33 914 + 32 274 (=(445 745 euros * 8%) + (565 236 euros * 6%) + (537 900 * 6%)), soit la somme totale de 101 847 euros.

L’article L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle commande de prendre de prendre en considération le bénéfice pour fixer les dommages et intérêts, ce qui ne revient pas à exiger de le confisquer dans son intégralité. Or, dans la présente instance, les bénéfices ont été réalisés grâce à l’attractivité du signe distinctif exploité mais également à celle du service de restauration proposé (cadre, qualité de la restauration et du service). Dans ces conditions, il y a lieu d’accorder à la société demanderesse une somme équivalente à 40% des bénéfices dégagés, à savoir la somme de 40 738 euros.

Il convient d’y ajouter la somme de 4 000 euros au titre de la réparation du préjudice moral invoqué du fait de la banalisation et la vulgarisation de la marque appartenant à la société demanderesse.

En conséquence, la société LES GARCONS sera condamnée à payer à la société KAYA la somme totale de 44 738 euros, étant précisé que la condamnation in solidum de la société TAJJ ne s’impose pas pour des actes auxquels sa participation n’a pas été établie.

Il convient également de prononcer une mesure d’interdiction corrélée aux actes de contrefaçon retenus et d’enjoindre à la société LES GARCONS de cesser toute utilisation du signe KAYA sous sa forme verbale ou stylisée pour faire la promotion de services de restauration, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision.

Il y a lieu également d’enjoindre à la société LES GARCONS de cesser toute utilisation du site internet accessible à l’adresse www.le-kaya-[Localité 4].fr pour faire la promotion de services de restauration, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision.

S’agissant de l’activité d’hébergement temporaire

La société KAYA effectue une projection du chiffre d’affaires réalisé par la société TAJJ du fait de l’exploitation de son activité d’hôtellerie. Pour ce faire, elle prend en considération le coût moyen de location du chalet à la semaine qui varie entre 14 000 et 33 000 euros (pièce n° 22) et qu’elle fixe en conséquence à 23 500 euros pour une période de location de 13 semaines pour la saison 2019/2020 et de 8 semaines pour la saison 2020/2021. La société TAJJ, qui persiste à soutenir qu’elle n’exerce aucune activité d’hôtellerie alors que les pièces produites en demande laissent voir une toute autre réalité, n’apporte aucune contestation sérieuse à ces chiffres, qui seront donc retenus pour calculer le bénéfice retiré par elle de cette activité.

La société demanderesse fait valoir que, dans le domaine de l’hôtellerie, le bénéfice s’élève à environ 27,4% du chiffre d’affaires hors taxe. Le gain tiré de la location s’élèvant à 305 500 euros pour la saison 2019/2020 et 188 000 euros pour la saison 2020/2021, soit une somme totale de 493 500 euros, le bénéfice correspond à 27,4% de cette somme, soit 135 219 euros.

L’article L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle commande de prendre en considération le bénéfice pour fixer les dommages et intérêts, ce qui ne revient pas à exiger de le confisquer dans son intégralité. Or, en l’espèce, les bénéfices ont été réalisés grâce à l’attractivité du signe distinctif exploité mais également à celle du service d’hébergement temporaire proposé (cadre, qualité de la prestation), dont l’incidence est plus importante dans le domaine de l’hébergement que dans celui de la restauration puisque le consommateur est mis en mesure d’apprécier les prestations proposées et de les comparer à ses besoins. Dans ces conditions, il y a lieu d’accorder à la société demanderesse une somme équivalente à 20% des bénéfices dégagés, à savoir la somme de 27 043,80 euros.

Il convient d’y ajouter la somme de 4 000 euros au titre de la réparation du préjudice moral invoqué du fait de la banalisation et la vulgarisation de la marque appartenant à la société demanderesse.
En conséquence, la société TAJJ sera condamnée à payer à la société KAYA la somme totale de 31 043,80 euros, étant précisé que la condamnation in solidum de la société LES GARCONS ne s’impose pas pour des actes auxquels sa participation n’a pas été établie.

Il convient également de prononcer une mesure d’interdiction corrélée aux actes de contrefaçon retenus et d’enjoindre à la société TAJJ de cesser toute utilisation du signe KAYA sous sa forme verbale ou stylisée pour faire la promotion de services d’hébergement temporaire, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision.

Sur la demande en concurrence déloyale

Le droit de la concurrence déloyale étant fondé sur les articles 1240 et 1241, du code civil, il appartient au demandeur de caractériser la ou les fautes qui auraient été commises par le défendeur.
Le parasitisme, qui constitue une émanation de la concurrence déloyale, consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre en profitant indûment de la notoriété acquise ou des investissements consentis, comportement dont la qualification peut résulter d’un faisceau d’indices appréhendés dans leur globalité et indépendante de la création d’un risque de confusion. Il s’infère nécessairement de la faute de concurrence déloyale retenue un préjudice, fût-il seulement moral. Toutefois, cette présomption de préjudice ne dispense pas le demandeur d’en démontrer l’étendue.

Enfin, en présence d’une condamnation en contrefaçon, la demande en concurrence déloyale formée par la personne au bénéfice de laquelle une telle condamnation a été prononcée ne peut être accueillie qu’à la condition de s’appuyer sur des faits distincts de ceux qualifiés de contrefaisants. A l’inverse, lorsque les demandes en contrefaçon et en concurrence déloyale ne sont pas concentrées entre les mains d’une même personne ou que la demande en contrefaçon n’a pas été accueillie, il n’y a pas lieu d’exiger la caractérisation de faits distincts.

Au titre des actes de concurrence déloyale, la société demanderesse fait grief aux sociétés défenderesses de tirer profit de la notoriété de son établissement en effectuant des choix similaires aux siens, à savoir l’utilisation de l’expression “CHALET KAYA” alors qu’elle exploite celle de “CHALET HOTEL KAYA”. Il sera considéré que l’exploitation du terme KAYA à titre d’enseigne a déjà été appréhendée au titre de la contrefaçon et que seule pourrait constituer un acte distinct de concurrence déloyale l’adjonction du terme chalet. Ce dernier est toutefois attendu s’agissant d’hébergement en montagne, de sorte que son exploitation ne permet pas de retenir un acte de parasisime de la notoriété de l’établissement “CHALET HOTEL KAYA”.

De plus, il n’y a pas lieu de retenir que le dépôt de deux marques constituées du terme “KAYA” constituerait un acte de défiance et de provocation assimilable à de la concurrence déloyale.

En conséquence, la société KAYA sera déboutée de sa demande en concurrence déloyale.

Sur la mesure de publication de la décision

Il sera par ailleurs fait droit, à titre de réparation complémentaire, à la demande de publication du dispositif de la présente décision, selon les modalités prévues au dispositif.
Sur la demande reconventionnelle au titre de la procédure abusive

Une demande en justice constitue en son principe un droit qui ne dégénère en abus pouvant ouvrir droit à dommages et intérêts que s’il caractérise un acte de mauvaise foi ou de malice, ou une erreur équivalente au dol.

En l’espèce la demanderesse succédant en sa demande, celle-ci ne peut être qualifiée d’abusive. La demande en dommages et intérêts des sociétés LES GARCON et TAJJ pour procédure abusive sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

La société LES GARCONS et la société TAJJ seront condamnées in solidum aux dépens de la présente instance, ce conformément à l’article 695 du code de procédure civile, dont distraction au profit de Maître Antoine BONNIER.

Il convient, en application de l’article 700 du code de procédure civile, de condamner in solidum la société LES GARCONS et la société TAJJ à payer à la société KAYA une indemnité au titre des frais non inclus dans les dépens que l’équité commande de fixer à la somme de 8 000 euros.

Il convient de rappeler que l’exécution provisoire de la présence décision est de droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition de la présente décision au greffe du tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

PRONONCE la nullité du contrat de cession de marque du 20 mai 2020 ;

DECLARE RECEVABLE l’action en contrefaçon de marque initiée par la société KAYA ;

DIT que la société LES GARCONS, en exploitant le signe KAYA sous une forme verbale ou stylisée à titre d’enseigne ou le nom de domaine www.le-kaya-[Localité 4].fr pour des services de restauration a commis des actes de contrefaçon de la marque verbale KAYA n°3416062 ;

CONDAMNE en conséquence la société LES GARCONS à payer à la société KAYA la somme de 44 738 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice consécutif à la contrefaçon de la marque verbale KAYA n°3416062 ;

ENJOINT à la société LES GARCONS de cesser toute utilisation du signe KAYA sous sa forme verbale ou stylisée pour faire la promotion de services de restauration, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision.

ENJOINT à la société LES GARCONS de cesser toute utilisation du site internet accessible à l’adresse www.le-kaya-[Localité 4].fr pour faire la promotion de services de restauration, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision ;

DIT que la société TAJJ, en exploitant le signe KAYA sous une forme verbale ou stylisée à titre d’enseigne ou le nom de domaine www.chalet-kaya-[Localité 4].fr pour des services d’hébergement temporaire a commis des actes de contrefaçon de la marque verbale KAYA n°3416062 ;

CONDAMNE en conséquence la société TAJJ à payer à la société KAYA la somme de 31 043,80 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice consécutif à la contrefaçon de la marque verbale KAYA n°3416062 ;
ENJOINT à la société TAJJ de cesser toute utilisation du signe KAYA sous sa forme verbale ou stylisée pour faire la promotion de services d’hébergement temporaire, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision ;

DEBOUTE la société KAYA de ses demandes au titre de la concurrence déloyale ;

ORDONNE la publication du dispositif du présent jugement sur le site internet www.le-kaya-[Localité 4].fr dans un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision et pour un délai d’un mois, sous astreinte 100 € par jour de retard,

DEBOUTE les sociétés LES GARCONS et TAJJ de leur demande au titre de la procédure abusive ;

CONDAMNE in solidum les sociétés LES GARCONS et TAJJ aux dépens dont distraction au profit de Maître Antoine BONNIER ;

CONDAMNE in solidum les sociétés LES GARCONS et TAJJ à verser à la société KAYA la somme de 8 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit ;

REJETTE le surplus des demandes.

En foi de quoi le présent jugement a été signé par le Président, Cécile WOESSNER, et le Greffier, Jessica BOSCO BUFFART.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

 

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