1/ Sur la qualité de cadre dirigeant :
– Attention à bien vérifier si les critères cumulatifs définis par la convention collective pour la qualité de cadre dirigeant sont respectés avant de conclure une convention de forfait en jours.
– Il est recommandé de préciser dans le contrat de travail les modalités d’exercice des responsabilités impliquant une indépendance et une autonomie particulière justifiant le forfait sans référence horaire.
– Veillez à ce que les bulletins de salaire et le contrat de travail mentionnent clairement la qualité de cadre dirigeant pour éviter toute contestation ultérieure.
2/ Sur le licenciement pour insuffisance professionnelle :
– Il est recommandé à l’employeur d’invoquer des faits objectifs précis et vérifiables imputables au salarié pour justifier un licenciement pour insuffisance professionnelle.
– Attention à respecter les dispositions légales sur l’adaptation des salariés à leur poste de travail et au maintien de leur capacité à occuper un emploi.
– Il est conseillé au salarié de fournir des éléments concrets et chiffrés pour contester les reproches qui lui sont faits et justifier de sa contribution positive à l’entreprise.
3/ Sur le licenciement brutal et vexatoire :
– Il est recommandé au salarié de préciser la nature et l’étendue du préjudice subi en cas de licenciement brutal et vexatoire pour obtenir une indemnisation adéquate.
– Attention à apporter des preuves tangibles du comportement vexatoire et brutal de l’employeur pour étayer une demande de dommages-intérêts.
– Il est conseillé de consulter un avocat spécialisé en droit du travail pour évaluer la recevabilité et la solidité d’une demande de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire.
M. [I] [M] a été engagé en tant que Directeur général adjoint par la société Entenial en novembre 2017. Il a été licencié pour insuffisance professionnelle en juillet 2018. Il a saisi le conseil de prud’hommes pour contester son licenciement et réclamer des rappels de salaires, des dommages-intérêts et une requalification de la rupture du contrat. Le conseil de prud’hommes l’a débouté de ses demandes. M. [I] [M] a fait appel du jugement et demande à la cour d’appel de requalifier la rupture du contrat en prise d’acte de la rupture aux torts de l’employeur et de lui accorder diverses sommes. La société Coyote conseil demande à la cour d’appel de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes.
Sur la qualité de cadre dirigeant
La cour a confirmé que le salarié avait la qualité de cadre dirigeant, lui permettant de bénéficier d’une convention de forfait en jours sans référence horaire. Ses responsabilités, son autonomie dans la prise de décision et sa rémunération élevée étaient des critères déterminants pour cette qualification. Par conséquent, ses demandes de rappel de salaire et congés payés afférents aux heures supplémentaires ont été rejetées.
Sur le licenciement pour insuffisance professionnelle
Le salarié a été licencié pour insuffisance professionnelle, suite à des manquements dans l’exécution de ses responsabilités. Malgré ses arguments en sa faveur, la cour a retenu que les faits reprochés étaient avérés et justifiaient son licenciement. Les demandes indemnitaires du salarié ont été rejetées.
Sur le licenciement brutal et vexatoire
Le salarié a invoqué un licenciement brutal et vexatoire, réclamant des dommages-intérêts. Cependant, faute de preuves et d’explications sur la nature du préjudice subi, sa demande a été rejetée par la cour.
Sur les autres demandes
Le salarié a été condamné à payer les dépens d’appel et une somme de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Ses autres demandes ont été rejetées par la cour.
– M. [I] [M] : 700 euros à la société Coyote conseil au titre des frais irrépétibles d’appel
– M. [I] [M] : aux dépens d’appel
Réglementation applicable
– Article L. 3111-2 du code du travail
– Article VI 7.3 de la convention collective de la production audiovisuelle
– Article L. 6321-1 du code du travail
– Article 700 du code de procédure civile
Texte de l’article L. 3111-2 du code du travail:
« Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement. »
Texte de l’article VI 7.3 de la convention collective de la production audiovisuelle:
« Les modalités d’exercice des responsabilités qui impliquent une indépendance et une autonomie particulière justifiant le forfait sans référence horaire doivent être indiquées dans le contrat de travail. »
Texte de l’article L. 6321-1 du code du travail:
« L’employeur doit assurer l’adaptation de ses salariés à leurs poste de travail et veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi compte tenu de l’évolution des technologies, des organisations et des emplois. »
Texte de l’article 700 du code de procédure civile:
« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, l’une des parties, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Me Jean-claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS
– Me Angéline DUFFOUR de la SELEURL ANGELINE DUFFOUR AVOCAT, avocat au barreau de PARIS
Mots clefs associés
– Cadre dirigeant
– Forfait en jours
– Convention collective de la production audiovisuelle
– Durée légale de travail
– Rémunération
– Autonomie
– Responsabilités
– Indépendance
– Organisation de l’emploi du temps
– Prise de décisions
– Contrôle de la charge de travail
– 35 heures hebdomadaires maximales
– Heures supplémentaires
– RTT
– Repos journaliers et hebdomadaire
– Travail dissimulé
– Licenciement pour insuffisance professionnelle
– Incapacité à exécuter un emploi
– Faits objectifs
– Adaptation des salariés
– Maintien de la capacité à occuper un emploi
– Manquements
– Implication
– Approximation
– Gestion des dossiers
– Transmission de données
– Négociation
– Proposition de solutions
– Budgets de production
– Recrutement
– Réduction des coûts
– Gestion des collaborateurs intermittents
– Négociation avec les chaînes et partenaires
– Pratiques de négociation
– Licenciement économique
– Licenciement brutal et vexatoire
– Dommages-intérêts
– Dépens d’appel
– Article 700 du code de procédure civile
– Cadre dirigeant: personne occupant un poste de direction au sein d’une entreprise
– Forfait en jours: système de calcul du temps de travail basé sur un nombre de jours travaillés par an
– Convention collective de la production audiovisuelle: accord régissant les conditions de travail dans le secteur de la production audiovisuelle
– Durée légale de travail: nombre d’heures maximum autorisé à travailler par semaine
– Rémunération: montant perçu en échange d’un travail effectué
– Autonomie: capacité à agir de manière indépendante
– Responsabilités: devoirs et obligations liés à un poste ou une fonction
– Indépendance: liberté d’action et de décision
– Organisation de l’emploi du temps: planification des horaires de travail
– Prise de décisions: action de choisir une option parmi plusieurs
– Contrôle de la charge de travail: gestion de la quantité de travail à réaliser
– 35 heures hebdomadaires maximales: nombre d’heures de travail maximum autorisé par semaine en France
– Heures supplémentaires: heures travaillées en plus du temps de travail régulier
– RTT: jours de repos compensatoires accordés en échange d’heures supplémentaires
– Repos journaliers et hebdomadaire: périodes de repos obligatoires durant la journée et la semaine
– Travail dissimulé: pratique illégale consistant à ne pas déclarer son activité professionnelle
– Licenciement pour insuffisance professionnelle: rupture du contrat de travail pour manque de compétences ou de résultats
– Incapacité à exécuter un emploi: impossibilité de remplir les tâches liées à un poste
– Faits objectifs: éléments concrets et vérifiables
– Adaptation des salariés: ajustement des compétences et des missions des employés
– Maintien de la capacité à occuper un emploi: garantie de pouvoir continuer à travailler malgré des difficultés
– Manquements: non-respect des obligations professionnelles
– Implication: engagement et investissement dans son travail
– Approximation: estimation imprécise ou peu précise
– Gestion des dossiers: organisation et suivi des documents professionnels
– Transmission de données: envoi d’informations à des destinataires
– Négociation: discussion visant à trouver un accord entre parties
– Proposition de solutions: présentation d’idées pour résoudre un problème
– Budgets de production: prévision des dépenses nécessaires à la réalisation d’un projet
– Recrutement: processus de sélection et d’embauche de nouveaux employés
– Réduction des coûts: diminution des dépenses de l’entreprise
– Gestion des collaborateurs intermittents: supervision des employés travaillant de manière ponctuelle
– Négociation avec les chaînes et partenaires: discussions pour établir des accords avec des diffuseurs et des partenaires
– Pratiques de négociation: méthodes utilisées pour parvenir à un accord
– Licenciement économique: rupture du contrat de travail pour des raisons économiques
– Licenciement brutal et vexatoire: rupture du contrat de travail de manière brutale et abusive
– Dommages-intérêts: compensation financière accordée en cas de préjudice
– Dépens d’appel: frais engagés lors d’une procédure d’appel
– Article 700 du code de procédure civile: disposition légale permettant de demander le remboursement des frais de justice.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 10
ARRET DU 21 MARS 2024
(n° , 1 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/07588 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCUKN
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Octobre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 19/05484
APPELANT
Monsieur [I] [M]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Jean-claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945
INTIMEE
Société COYOTE CONSEIL
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Angéline DUFFOUR de la SELEURL ANGELINE DUFFOUR AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : E0092
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre
Madame Carine SONNOIS, Présidente de la chambre
Madame Véronique BOST, Conseillère de la chambre
Greffier : lors des débats : Mme Sonia BERKANE
ARRET :
– contradictoire
– mis à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente et par Sonia BERKANE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE :
M. [I] [M] a été engagé par la société Entenial, suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 2 novembre 2017, en qualité de Directeur général adjoint en charge des productions au statut de cadre dirigeant, catégorie A, filière O, niveau VI de la convention collective de la production audiovisuelle.
La société Coyote conseil a été créée en 1989 et est spécialisée dans le secteur d’activité de la production de films et de programmes pour la télévision. La société est présidée par M. [Z] [H].
Le 23 juillet 2018, le salarié s’est vu notifier un licenciement pour insuffisance professionnelle, libellé dans les termes suivants :
« Dès le début de votre collaboration, nous avons été alertés par votre manque de rigueur et d’implication, situation que nous expliquions par la nécessité d’un temps d’adaptation dans votre poste et de connaissance de votre environnement professionnel interne.
Cependant, nous n’étions pas spécialement inquiets, tant vous nous aviez, avec une grande assurance, vanté votre grande expérience et votre parfaite maîtrise de la fonction.
Ceci étant, au fil des mois, votre désinvolture, voire votre laxisme, caractérisant un comportement bien éloigné des exigences de votre métier s’est confirmé, suscitant les nombreuses réactions légitimes exaspérées de ma part.
Votre traitement des dossiers manque de sérieux. Dans vos échanges verbaux comme écrits avec vos collègues, vous êtes imprécis, vous vous trompez souvent de sujet, vous oubliez les informations qui vous ont été données, vous ne communiquez pas aux autres collaborateurs des informations indispensables à la bonne marche de l’entreprise.
Vous déléguez à outrance et ne suivez pas l’activité de l’entreprise, au point de, sans cesse, sembler découvrir les dossiers, voire les confondre.
Aucune entreprise ne peut se satisfaire d’une collaboration s’inscrivant dans l’approximation, compte tenu des enjeux attachés à votre poste, particulièrement en termes d’image auprès des diffuseurs, nos clients, avec les conséquences financières induites.
C’est la pérennité même de Coyote qui est en cause.
Ce constat n’est pas une vue de l’esprit mais se matérialise par des situations précises et renouvelées, que les exemples les plus récents confirment.
Ainsi, à titre d’illustration sur les seuls 2 derniers mois :
De début mai à la mi-juin 2018, vous devez échanger une vingtaine de mails avec la Direction Juridique et la Direction Administrative et Financière avant que ces services puissent comprendre ce que vous avez négocié avec TF1 sur les dernières commandes et surcoûts de TF1 sur les émissions « Bienvenue chez nous » rendant toute relance de TF1 sur l’édition de la documentation contractuelle et toute facturation impossible.
Égaré, le Directeur Administratif et Financier vous indique le 22 mai qu’il ne vous « suit pas… il faudrait tirer cela au clair pour pouvoir contractualiser et facturer », tandis que la Directrice Juridique vous écrit, excédée, le 13 juin qu’elle « essaie de s’en sortir avec les informations que vous [vous] lui aviez données mais[qu’elle] ne s’en sort pas »
Lors de ces échanges vous vous excusez à plusieurs reprises pour vos imprécisions ; le 14 mai : « excuse-moi de ne pas avoir mentionné cette information, cela concerne BCN7 (Bienvenue chez nous saison 7) et BAH5 (Bienvenue à l’hôtel saison 5) », le 16 mai : »excuse-moi de ne pas avoir précisé tout ça », le 31 mai : « excusez-moi, ma réponse ci-dessous n’était pas partie visiblement. Effectivement, il y avait aussi 2 semaines (sur les 8 semaines) sur BAH4 (Bienvenue à l’hôtel saison 4), excusez-moi » sans pour autant être capable de transmettre une information claire et précise à vos interlocuteurs.
Entre mars et fin mai, la Direction Juridique vous a relancé pas moins de 6 fois pour obtenir les relevés des droits d’auteur de la Captation Age Tendre et la Croisière, sans avoir jusqu’ici obtenu satisfaction. Or, comme vous le savez, l’envoi de ces relevés aux sociétés de gestion collective est impératif pour que les ayants droits puissent être rémunérés au titre de l’exploitation de leurs oeuvres.
Le 21 mai, le Directeur Administratif et Financier est obligé de vous relancer car vous n’avez toujours pas contacté un prestataire sur un dossier d’assurance un mois après que cela ait été convenu.
Le 11 juin, vous transférez un e-mail à la Directrice Juridique émanant de C8, intitulé « ÉLÉMENTS FINANCIERS POUR CONTRATS PRE ACHAT SÉRIE DOC » LE REFUGE » et « CONCERT ANNÉES 80 », par lequel C8 demande notamment à Coyote de compléter un tableau Excel avec les informations propres au programme « CONCERT ANNÉES 80 », en vue de l’utilisation de ces informations pour l’établissement du contrat de préachat. Vous indiquez à la Directrice Juridique avoir déjà renseigné les informations concernant la production, mais lorsqu’elle enregistre ce fichier Excel afin de le compléter, s’agissant des aspects juridiques, elle constate que vous avez complété le fichier, pour votre partie, avec des informations propres à un autre programme, celui de la captation du spectacle Age Tendre, lequel a déjà été tourné et fait l’objet d’un contrat signé en février 2018, soit 4 mois plus tôt…
Vous prétendez alors avoir fait cette erreur à cause de votre interlocutrice chez C8, qui vous aurait parlé au téléphone de la captation Age Tendre sans que la mention des Années 80 dans le titre et le corps du mail n’attirent votre attention.
Le 13 juin, au cours d’un débriefing avec la Directrice Générale Adjointe autour du budget du projet « BUY IT NOW » à établir en urgence pour TF1, celle-ci vous explique que TF1 envisage de mettre ce programme à l’antenne en alternance avec « BIENVENUE CHEZ NOUS » compte tenu des mauvaises audiences de ce programme. Vous lui répondez alors avec candeur : « Ah bon les audiences de BIENVENUE sont mauvaises ‘ » alors qu’il s’agit du programme phare de Coyote, et, depuis quelques jours, du sujet d’inquiétude numéro 1 au sein de l’entreprise.
Le 14 juin, alors que vous êtes en discussion avec la Directrice Générale Adjointe autour de la livraison de « BIENVENUE AU CAMPING » au Canada, vous lui dîtes devoir vous organiser pour l’établissement des relevés de droits d’auteur de ces programmes à destination de TF1. La Directrice Générale Adjointe comprend alors que vous confondez une fois de plus un programme avec un autre : en l’occurrence, la vente de « BIENVENUE AU CAMPING » un diffuseur canadien (qui ne nécessite bien évidemment pas l’établissement de relevés de droits d’auteur puisque ceux-ci ont déjà été livrés à TF1, leur diffuseur initial) avec celle des remakes anglais de « TATOO FIXERS » à TF1, laquelle nécessite effectivement l’établissement de relevés de droits d’auteur, ces programmes n’ayant pas été produits par nous.
Le 15 juin, alors que vous échangez avec la Directrice Juridique sur les programmes vendus à C8 et qu’elle vous demande les informations nécessaires à l’établissement du contrat de préachat, vous lui affirmez que ce programme n’est pas vendu. Lorsqu’elle vous répond que C8 a pourtant envoyé un mail confirmant entre autres cette commande, vous lui répondez avec surprise : Ah bon, qu’est-ce que c’est que ce mail ‘ Je ne l’ai pas eu » alors que ce mail a été envoyé par C8 à votre attention et que c’est vous-même qu’il l’avez transféré à la Directrice Juridique.
Le 28 juin, vous envoyez le devis de « TATOO FIXERS » à [W] [U] au lieu et place de celui de ‘ »BODY FIXERS ». Elle vous fait remarquer et vous lui renvoyez le bon devis, mais cette fois en oubliant de prévoir une chargée de production.
Le 10 juillet, le Responsable de la production du programme BIENVENUE m’informe qu’elle vient d’apprendre par hasard qu’elle ne disposait que d’une enveloppe de 35K€ pour reproduire les BIENVENUE « SPECIAL MARIAGE' » alors qu’elle pensait disposer de 40 K€ et que cette émission a finalement coûté 42K€. Il vous appartenait pourtant de l’en informer. J’ai bien noté que selon vous elle aurait « oublié » cette information, mais compte tenu de l’importance de cette information et de vos oublis ou approximations répétés sur d’autres sujets, je ne peux qu’être sceptique sur le fait que « l’oubli » se situe chez [D] [C].
Le 12 juillet, il apparaît que les surcoûts que vous avez négociés avec TF1 sur les BIENVENUE ne sont pas expressément validés par la chaîne alors que les émissions correspondantes ont été mises en production, sans que vous soyez tout à fait à même de me dire exactement ce que vous avez négocié avec TF1.
Le même 12 juillet, alors que la Directrice Juridique vérifie, par acquit de conscience, auprès de vous qu’il n’y a pas eu de nouveaux surcoûts négociés sur BIENVENUE depuis un échange de mails de la mi-juin 2018, ce dont vous auriez dû l’informer, elle apprend que des surcoûts ont été négociés en raison des changements de programmation sur la Coupe du Monde, sans que cette information ne lui ait été transmise, pas plus qu’à la Direction Administrative et Financière.
Le 16 juillet, vous envoyez à la Directrice Juridique un devis à l’attention de C8 et qu’elle vous demande depuis le 11 juillet (alors qu’elle avait précisé que cette demande était urgente pour le diffuseur), en faisant état d’un apport de la chaîne W9 alors qu’il s’agit bien du diffuseur C8.
Vos collègues se trouvent à l’unanimité dépourvus devant un tel manque d’implication, de sérieux et de travail, qui vous ont décrédibilisé à leurs yeux (…).
Au-delà de cette légèreté et de ce manque de sérieux général, vous ne remplissez pas correctement vos fonctions.
– Une contribution à l’élargissement des budgets de production insatisfaisante
Les responsables de pôles de programmes constatent que vous n’êtes pas force de proposition lors de l’établissement des budgets.
Vous ne trouvez pas de solution afin de réduire les coûts, ou alors des solutions non pertinentes qui témoignent d’une méconnaissance de nos émissions.
Vous manquez par ailleurs d’anticipation et proposez à la dernière minute des solutions impossibles à mettre en oeuvre.
Ainsi, vous avez envisagé début juin 2018 de remplacer le matériel de post-production des salles de montage de l’entreprise afin de réduire les dépenses de post-production auprès de notre prestataire extérieur ELIOTE, ce qui en soit est une idée qui mérite effectivement d’être étudiée. Vous souhaitiez mettre cette organisation en place pour la post-production du programme : « ALLO LES SECOURS SERIE 2 » dont le tournage a débuté en avril 2018.
Mais vous faites cette démarche :
– sans vous renseigner sur la date de début de post-production de cette émission et donc sans donner d’échéance pour le remplacement du matériel aux équipes techniques internes chargées de réaliser un appel d’offre
– sans en informer le Responsable de Programme qui vous aurait renseigné sur le nombre de salles nécessaires et les délais de fabrication.
Lorsque vous indiquez à la Responsable de Programme, le 20 juin, alors que vous venez de recevoir le devis des prestations pour le remplacement du matériel, que vous souhaitez qu’elle fasse monter la série « ALLO LES SECOURS SERIE 2 » chez Coyote, elle est contrainte de vous répondre que c’est matériellement impossible :
– d’une part, pour obtenir la date de livraison à la chaîne, le délai de changement du matériel étant d’une semaine au minimum, sans compter l’impérative phase de test, alors que les rushes devaient être mis en machine chez le prestataire extérieur le 22 juin
– d’autre part, parce que la mobilisation de nos salles de montage sur une production rend impossible l’utilisation de ces mêmes salles pour les autres productions et notamment BIENVENUE
– surtout, parce que la production a besoin minimum de 4 à 5 salles de montage alors que nous ne disposons que de 3 salles en interne !
Ce type de projet nécessite de l’anticipation, de la réflexion, de la communication. En l’occurrence, vous avez mobilisé des collaborateurs internes et des prestataires externes sur un projet non viable, qui s’est avéré une perte de temps et d’énergie.
Vous faites par ailleurs des choix de recrutements, pour des salariés avec lesquels vous avez travaillé en dehors de COYOTE par le passé, à des tarifs supérieurs à ceux habituellement pratiqués par l’entreprise.
Vous avez notamment recruté [J] [E] en qualité de Directrice de Production sur la captation Age Tendre à un tarif journalier de 500€ bruts, alors que vous auriez pu confier ces tâches à un(e) chargé(e) de production (ce que vous avez fait sur tous les autres programmes depuis votre arrivée) , qui aurait pu assurer le même niveau de prestations, à un salaire inférieur. Pour rappel, lorsqu’elle a travaillé sur le programme « AGE TENDRE, LA CROISIERE » d’octobre à décembre 2017, sur une période où vous n’étiez pas en poste ou en tout début de prise de poste, [J] [E] a été rémunérée sur une base de 326,78 à 400€ bruts par jour. La logique économique aurait voulu qu’elle soit rémunérée, sur la captation Age Tendre, entre avril et mai 2018, à un tarif journalier inférieur ou, tout au plus, équivalent à celui du programme « AGE TENDRE, LA CROISIERE ».
Enfin, vous avez identifié à votre arrivée un poste de dépenses important sur BIENVENUE CHEZ NOUS, celui du prestataire ZEDDES PROD, chargé de la réalisation des ‘nales.
Vous avez suggéré à la Responsable de Programme, peu de temps après votre arrivée et alors que nous sommes en phase de tournage des 50 premières émissions de BCN8 et BAH6, de renoncer à sous-traiter cette mission et de la reprendre en interne, pour réaliser des économies. La Responsable de Programme vous dit alors qu’il lui est impossible de revoir le fonctionnement des ‘nales sur la commande en cours compte tenu des délais de livraison, mais qu’elle est prête à y ré’échir pour les commandes suivantes.
Vous décidez alors de continuer à faire appel à ZEDDES PROD, en renégociant le tarif de sa prestation. Vous obtenez alors une ristourne considérable, en omettant toutefois de préciser à la Responsable de Programme, qui établit les plannings, que le tarif des prestations est différent selon le nombre de ‘nales tournées sur une journée, ce qui nous a privés de toute tentative d’optimisation sur ce point.
Au moment de la commande complémentaire de 10 semaines, en avril 2018, vous validez le planning et le budget de production, lequel prévoyait toujours le recours aux services de ZEDDES PROD sur les ‘nales, sans, à aucun moment, proposer de renoncer à ses services.
Les 10 semaines entrent en production puis soudainement, le 19 juin, vous me dites qu’il faut absolument renoncer à faire appel à ZEDDES PROD pour la production des finales mais que vous vous heurtez à un refus de la Responsable de Pôle qui s’entête à vouloir sous-traiter cette mission.
Lorsque je l’ai interrogée, celle-ci s’est montrée outrée par vos accusations et m’a fait part de sa saturation s’agissant de votre façon de gérer la direction des productions. Elle m’a en effet indiqué qu’elle aurait sans difficulté renoncé à faire appel à ZEDDES PROD en avril 2018 si vous le lui aviez demandé, mais que vous avez validé son organisation sans aucune objection et qu’il était maintenant très compliqué de la modifier.
– Une transmission des données à la Direction Administrative insatisfaisante
Vous n’assurez pas de manière satisfaisante la transmission des informations budgétaires à la Direction Administrative et Financière, laquelle se trouve dans l’incapacité de répondre à mes demandes de reporting.
Vous ne transmettez pas systématiquement au Directeur Administratif et Financier les budgets et les comptes de production, ce qui devrait pourtant aller de soi compte tenu de vos fonctions respectives. Lorsqu’il est contraint de vous les demander, vous répondez de manière imprécise et/ou avec beaucoup de retard, parfois en plusieurs envois, dans lesquels le Directeur Administratif et Financier doit trier les informations pertinentes et faire des recoupements.
Ainsi le 03 mai, lorsque je convoque le Directeur Administratif et Financier dans mon bureau et l’interroge sur la marge et sur les composantes des coûts de TATTOO COVER, il est incapable de me répondre car vous ne lui avez pas transmis le budget. Il me dit alors qu’il peine à obtenir des informations de votre part et à avoir une visibilité sur l’économie des productions. Lorsque je vous en fais la remarque, vous me répondez que vous ne saviez pas que vous deviez les lui transmettre, mais à qui transmettre les budgets sinon au Directeur Administratif et Financier
Vous ne lui envoyez finalement ce budget que le 16 mai, après qu’il ait à nouveau dû vous relancer a’n de répondre à une demande de ré-estimée de ma part.
En réponse à cet envoi, le 18 mai, il vous pose un certain nombre de questions sur la captation AGE TENDRE et sur [I] ET [V], auxquelles vous ne répondez que le 25 mai, et encore, partiellement, pour ne finalement renvoyer une situation sur la captation AGE TENDRE que le 11 juin.
Dans le même registre, lorsque le 09 juillet, le Directeur Administratif et Financier vous a demandé les coûts de production actualisés des programmes REFUGE, ALLO LES SECOURS 2 et TATTOO COVER en passant par vos chargés de production sur ces programmes, vous faites répondre à vos chargés de production que vous n’avez « pas le temps » de vous en charger. Lorsque le nouveau Responsable Administratif et Financier vous rappelle le même soir en vous demandant les mêmes informations en urgence, vous êtes dans l’incapacité de les donner et il doit à nouveau vous relancer le lendemain, 10 juillet. Vous devriez pourtant être en mesure sans délai, si vous suivez scrupuleusement les coûts de production, de répondre à toute demande de la part de la Direction Administrative et Financière.
Ce défaut de transmission de l’information, cette désorganisation, ces imprécisions, empêchent la Direction Administrative et Financière d’être réactive lorsqu’on lui demande des prévisions sur la société et rendent très difficile le pilotage de l’activité.
– Une mauvaise gestion des entrées et sorties des collaborateurs intermittents
Vous faites encore une fois preuve d’un manque d’anticipation et d’un manque de rigueur dans ce domaine, en prévenant les services support impactés par les entrées et sorties du personnel au dernier moment.
L’installation des nouveaux arrivés est toujours chaotique et vous peinez à leur trouver un poste de travail, ce qui s’explique sans doute par le fait que vous n’avez jamais utilisé le logiciel d’occupation des bureaux pourtant prévu à cet effet.
Vous ne savez par ailleurs toujours pas après plus de 6 mois de collaboration que ce n’est pas [G] [F] au standard qui est chargée de l’activation des badges mais [X] [R] au service du personnel (qui vous a d’ailleurs remis votre badge…), [G] [F] ne s’en occupant que très occasionnellement, en cas d’absence de [X] [R].
– Une négociation avec les chaînes et les partenaires insatisfaisantes
Alors qu’il vous appartient expressément de négocier avec les diffuseurs sur le plan financier, vous vous révélez incapable d’assumer cette tâche, en dehors des relations avec TF1, le partenaire diffuseur historique de COYOTE, sur les surcoûts de l’émission BIENVENUE CHEZ NOUS. En effet, j’ai été contraint à de nombreuses reprises depuis votre arrivée d’intervenir pour négocier les prix d’acquisition des émissions, et encore récemment auprès de TF1 sur TATTOO COVER et C8 sur ALLO LES SECOURS.
– Des pratiques de négociation avec les prestataires discutables
J’ai appris très récemment avec effroi par [Y] [N], le président d’ELlOTE, notre principal prestataire, qu’il s’était mis dans une situation économique extrêmement périlleuse en se pliant à des menaces que vous lui auriez faites en mon nom en décembre 2018. Vous lui auriez effectivement demandé de réduire le coût de ses prestations de 50%, en prétendant que je vous aurais demandé de le faire sous peine de lui retirer toutes nos prestations de post-production (de « gicler » me dit-il, reprenant vos termes !), alors que je ne vous ai jamais mandaté pour ce faire.
J’étais loin d’imaginer, lorsque vous m’avez annoncé fièrement avoir obtenu 35% de réduction de sa part (en omettant de préciser qu’il s’agissait en réalité d’une baisse de 26% puisque nous bénéficions déjà d’une Remise Forfaitaire Annuelle à hauteur de 9%), que vous aviez obtenu cette baisse en lui disant que vous étiez prêt à ramener vos prétentions à 35% de ristourne car vous aviez réussi « à me calmer » dans mes demandes.
On ne peut par ailleurs pas dire que cette opération soit une réussite totale puisque [Y] [N], aujourd’hui étranglé par les tarifs qu’il a acceptés sous la menace, me demande de revenir sur les tarifs négociés ».
Le 24 juin 2019, M. [I] [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris pour contester son licenciement et solliciter un rappel de salaires au titre des heures supplémentaires et RTT, une indemnité pour travail dissimulé ainsi que pour défaut de contrepartie obligatoire en repos et des dommages-intérêts pour non-respect des repos journaliers et hebdomadaires, exécution déloyale du contrat de travail et licenciement brutal et vexatoire.
Le 22 octobre 2020, le conseil de prud’hommes de Paris, dans sa section Encadrement, a débouté le salarié de l’intégralité de ses demandes et débouté la société de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 5 novembre 2020, M. [I] [M] a relevé appel du jugement de première instance.
Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 28 juillet 2022, aux termes desquelles
M. [I] [M] demande à la cour d’appel de :
– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions
Et statuant à nouveau,
– dire que la société a exécuté de manière déloyale le contrat de travail de Monsieur [M]
– juger la nullité et l’inopposabilité de la convention de forfait-jours à laquelle Monsieur [M] a été soumis
– juger que la durée hebdomadaire de son temps de travail est fixée à 35 heures
– juger que Monsieur [M] a effectué un nombre conséquent d’heures supplémentaires, non payées et non déclarées
– juger que la société n’a pas respecté les règles applicables en matière de repos compensateur
– requalifier la rupture du contrat en prise d’acte de la rupture aux torts exclusifs de l’employeur
produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse
En conséquence, condamner la société Coyote conseil à verser à Monsieur [M] les sommes suivantes, sur la base d’un salaire moyen, calculé sur la moyenne de salaires reconstituée des 12 derniers mois, d’un montant de 10 000 euros, ses demandes sont les suivantes :
* dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 6 mois : 60 000 euros nets
* dommages et intérêts en réparation du caractère brutal et vexatoire de la rupture : 1 mois :
10 000 euros nets
* dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 3 mois : 30 000 euros nets
* rappel de salaires au titre des heures supplémentaires : 26 430,36 euros bruts
* congés payés sur rappel de salaires : 2 643,04 euros bruts
* rappel de salaires au titre des RTT : 3 693,44 euros bruts
* congés payés sur rappel de salaires : 369,34 euros bruts
* dommages et intérêts pour travail dissimulé et à tout le moins défaut de déclaration (art. 8223-1
du code du travail) : 6 mois : 60 000 euros nets
* indemnité compensatrice en raison de l’absence de contrepartie obligatoire en repos pour les heures effectuées au-delà du contingent : 3 mois : 30 000 euros nets
* dommages et intérêts pour non-respect des repos journalier et hebdomadaire et dépassement de l’amplitude journalière de travail : 2 mois : 20 000 euros nets
* article 700 CPC : 4 000 euros
– ordonner la remise des bulletins de salaire et documents de fin de contrat conformes sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du mois suivant le prononcé de la décision
– se réserver le droit de liquider l’astreinte
– ordonner la publication de la décision à intervenir dans un journal professionnel.
Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 14 novembre 2022, aux termes desquelles la société Coyote conseil demande à la cour d’appel de :
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en date du 22 octobre 2020
En conséquence,
– dire que le licenciement de Monsieur [M] est parfaitement valable et bien fondé et procède d’une insuffisance professionnelle
– confirmer le statut de cadre dirigeant de Monsieur [M]
– débouter Monsieur [M] de l’intégralité de ses demandes
En tout état de cause,
– condamner Monsieur [M] à verser à la société la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– le condamner aux entiers dépens.
Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 4 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DECISION :
1/ Sur la qualité de cadre dirigeant
Selon l’article L. 3111-2 du code du travail : « Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ». Les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des II et III du code du travail sur les durées légales de travail.
M. [I] [M] fait valoir que son contrat de travail prévoyait un forfait annuel en jours mais sans en préciser le nombre et sans référence horaire, se contentant de renvoyer à l’article VI 7.3 de la convention collective de la production audiovisuelle. Or, cet article prévoit que les conventions de forfait sans horaires ne peuvent être appliquées qu’à des cadres réunissant un certain nombre de conditions cumulatives, dont une participation effective à la direction de l’entreprise, des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de l’emploi du temps, une habilitation à prendre des décisions de façon largement autonome et une rémunération parmi les plus élevées de l’entreprise ou de l’établissement. Il est ajouté que « les modalités d’exercice des responsabilités qui impliquent une indépendance et une autonomie particulière justifiant le forfait sans référence horaire doivent être indiquées dans le contrat de travail ».
Pourtant, le salarié appelant affirme qu’il ne bénéficiait d’une autonomie que très relative, comme en attestent les griefs retenus dans la lettre de licenciement et, qu’en toute hypothèse, il n’a jamais participé effectivement à la direction de l’entreprise. Le salarié rappelle, à cet égard, qu’il devait exercer ses missions sous l’autorité du Président de la société, travailler en lien avec la Directrice Juridique, le Directeur Administratif et Financier, la Directrice Générale et qu’il devait rendre des comptes selon un calendrier fixé et communiqué par le Président.
Au surplus, M. [I] [M] relève qu’il ne peut se voir reconnaître la qualité de cadre dirigeant, contrairement à ce que soutient l’employeur, puisque ses bulletins de salaire n’ont jamais fait référence à cette qualité et que son contrat de travail le classait en catégorie cadre, niveau 1 et non au statut de cadre « hors niveau ».
Le salarié appelant demande, en conséquence, à ce que la convention de forfait soit dite nulle à défaut de respecter les prescriptions de la convention collective de la production audiovisuelle définissant les catégories professionnelles auxquelles elle peut s’appliquer et de mentionner le nombre de jours travaillés dans l’année. De surcroît, ni la convention collective applicable, ni le contrat de travail du salarié prévoyant la convention de forfait en jours ne précisaient les dispositions permettant de contrôler sa charge de travail. M. [I] [M] n’a même jamais bénéficié d’un quelconque entretien relatif à celle-ci et à sa compatibilité avec sa vie privée et familiale.
En conséquence, le salarié appelant demande à ce que la convention de forfait en jours soit dite nulle et à ce qu’il lui soit appliqué le régime légal de 35 heures hebdomadaires maximales.
Il forme, également, des demandes de rappel de salaire et congés payés afférents au titre des heures supplémentaires, de rappel de salaire au titre des RTT, d’indemnité compensatrice en l’absence de contrepartie obligatoire en repos, de dommages-intérêts pour non-respect des repos journaliers et hebdomadaire et dépassement de l’amplitude journalière de travail ainsi qu’une demande d’indemnité pour travail dissimulé à défaut, pour l’employeur, d’avoir déclaré les heures supplémentaires effectuées.
La cour retient que l’article 3 du contrat de travail du salarié était ainsi rédigé : « Compte tenu de ses responsabilités, dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de son temps, de son autonomie et de sa rémunération, les parties conviennent de conclure une convention de forfait sans référence horaire, conformément à l’article VI.7. 3 de la convention collective de la production audiovisuelle ». Si le salarié l’interprète comme une soumission à une convention de forfait en jours, la cour rappelle que le forfait sans référence horaire ou (SRH) est un forfait qui est destiné aux cadres dirigeants et qui prévoit la possibilité de se libérer de toute référence horaire. Son régime est donc distinct de celui du forfait en jours et il n’y a pas lieu de lui appliquer les conditions de validité de ce dernier mais uniquement de vérifier si le salarié présentait les critères cumulatifs retenus par la jurisprudence pour le qualifier de cadre dirigeant, critères rappelés dans l’article VI 7.3 de la convention collective de la production audiovisuelle.
La cour observe que le salarié disposait d’une grande autonomie dans la gestion de son emploi du temps et dans la prise de décision, que s’il devait référer de ses actions auprès de la Directrice juridique et du Directeur Administratif et Financier c’est uniquement eu égard aux répercussions qu’entraînaient ses engagements et ses négociations sur leurs services. Il est acquis que le salarié faisait partie du comité exécutif de la société et qu’il participait aux réunions de direction, qui définissaient les orientations stratégiques de l’entreprise, qu’il signait des contrats commerciaux pour des contrats pouvant avoisiner les 100 000 euros (pièces 43, 44 A et 44 B employeur). Enfin, il n’est pas contesté que la rémunération du salarié se situait parmi les plus élevées de l’entreprise.
C’est donc à bon escient que les premiers juges ont retenu que le salarié pouvait se voir appliquer le statut de cadre dirigeant et qu’il ne peut, dès lors, solliciter l’application des dispositions légales et réglementaires sur la durée du travail. Le jugement sera, donc, confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de ses demandes de rappel de salaires et congés payés afférents au titre des heures supplémentaires ainsi que de toutes ses demandes subséquentes, de rappel de salaires au titre des RTT, d’indemnité compensatrice en l’absence de contrepartie obligatoire en repos, de dommages-intérêts pour non-respect des repos journaliers et hebdomadaire, dépassement de l’amplitude journalière de travail et exécution déloyale du contrat de travail ainsi que de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé à défaut pour l’employeur d’avoir déclaré les heures supplémentaires effectuées.
2/ Sur le licenciement pour insuffisance professionnelle
L’insuffisance professionnelle se définit comme l’incapacité objective et durable d’un salarié à exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification. L’appréciation de cette insuffisance professionnelle relève du pouvoir de direction de l’employeur mais ce dernier doit, en tout état de cause, invoquer des faits objectifs précis et vérifiables imputables au salarié pour justifier le licenciement.
Par ailleurs, le juge doit contrôler le respect des dispositions de l’article L. 6321-1 du code du travail qui prévoient que l’employeur doit assurer l’adaptation de ses salariés à leurs poste de travail et veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi compte tenu de l’évolution des technologies, des organisations et des emplois.
Aux termes de la lettre de licenciement, il est reproché au salarié de n’avoir pas su faire face aux responsabilités qui lui étaient confiées alors que ses 22 années dans le domaine de la production audiovisuelle, notamment en qualité de directeur de production et ses 17 années de collaboration avec France Télévisions et TF1, auraient dû lui permettre d’occuper de manière satisfaisante le poste proposé au sein de la société Coyote conseil. Celle-ci a, cependant, eu à déplorer de nombreux manquements de M. [I] [M], dès sa prise de fonction en raison de son manque d’implication. Il n’a ainsi pas hésité à se rendre dès le premier jour de sa prise de ce poste et pour une semaine entière sur un bateau de croisière en mer Méditerranée où se déroulait un tournage qu’il n’avait pas préparé et sur lequel il n’avait pas à intervenir. Une seule journée de présence sur place aurait pu suffire s’il souhaitait se présenter aux équipes (pièces 31, 32, 33, 34, 35).
Par la suite, il a été relevé que le salarié faisait preuve d’une approximation générale et de légèreté dans le traitement des dossiers. Ainsi, entre le début du mois de mai et la mi-juin 2018, il est justifié que le salarié a échangé pas moins d’une vingtaine de mails avec la Direction Juridique et la Direction Administrative et Financière avant que ces services comprennent ce que le salarié avait négocié avec TF1 sur les dernières commandes et les surcoûts de l’émission « Bienvenue chez nous ». L’absence de précision dans les informations transmises par M. [I] [M] et dans ses réponses aux questions de ses interlocuteurs a retardé l’édition de devis (pièce 11).
De manière générale, il est reproché au salarié de ne pas s’être imprégné des émissions produites par Coyote conseil qu’il confondait constamment dans ses échanges avec la direction et ses collaborateurs, alors même que la société ne produisait que cinq marques d’émission pour le compte de deux ou trois diffuseurs (pièces 31, 18, 14).
Il est fait grief au salarié d’avoir manqué de diligence dans la réalisation de certaines démarches comme l’obtention de relevés de droits d’auteur pour « la captation Age Tendre » et la « Croisière Age Tendre » en dépit des nombreuses relances qui lui avaient été faites (pièces 13, 17), ou bien encore dans la prise de contact avec un prestataire sur un dossier d’assurance (pièce 16).
Il est, également, relevé un manque d’implication du salarié qui s’est illustré par son absence de connaissance du niveau d’audience du programme « Bienvenue chez nous » alors qu’il s’agissait du programme phare de la société et que la baisse du nombre de spectateurs était un sujet d’inquiétude majeur au sein de l’entreprise (pièces 19, 31). De la même manière, il est indiqué que M. [I] [M] s’est étonné des informations contenues dans un mail, qu’il a prétendu ne pas avoir reçu, alors qu’il l’avait lui-même transmis à la Directrice Juridique (pièce 51).
Outre son manque d’investissement et ses imprécisions dans ses relations avec les autres cadres, il est fait grief au salarié de ne pas avoir été force de proposition dans l’établissement des budgets de production et de ne pas avoir suggéré de solution pertinente afin de réduire les coûts. Bien au contraire, il est observé qu’il a recruté, en qualité de Directrice de production, une salariée dont il a augmenté la rémunération par rapport à des prestations antérieures qui lui avaient été confiées par l’entreprise (pièces 24 A, B, C, D, E).
Il est, aussi, reproché au salarié une transmission insatisfaisante de données à la Direction Administrative et Financière. À cet égard, l’employeur verse aux débats des exemples des mails de relance qui lui étaient adressés pour qu’il transmette des devis (pièce 52).
Il lui fait grief d’avoir été défaillant dans la gestion des entrées et sorties des collaborateurs intermittents en n’identifiant pas les interlocuteurs auxquels il devait s’adresser pour assurer l’accueil de ses salariés (pièces 29, 40).
L’employeur considère que le salarié ne s’est pas suffisamment investi dans la négociation avec les chaînes et les partenaires mais aussi qu’il a pu s’engager dans des pratiques de négociation avec les prestataires très discutables. Ainsi, le Président de la société Eliote, principal prestataire de Coyote conseil, s’est plaint auprès du Président de la société intimée d’avoir été menacé par le salarié de rupture de contrat s’il n’acceptait pas une réduction de 50 % de ses tarifs. À cette occasion, M. [I] [M] a affirmé à son interlocuteur qu’il agissait sur les directives du président de la société ce que ce dernier a démenti et ce qu’il l’a mis dans une position très délicate vis-à-vis d’un partenaire institutionnel de l’entreprise.
Au regard des conséquences dommageables qu’aurait pu entraîner une poursuite de la collaboration avec M. [I] [M] dans ces conditions, l’employeur a préféré lui notifier son licenciement pour insuffisance professionnelle alors même qu’il avait accepté de faire droit à la demande du salarié d’indemnité contractuelle de licenciement si le contrat de travail devait être rompu dans les 12 premiers mois de son embauche.
Le salarié réplique qu’il a donné suffisamment satisfaction pour que l’employeur le conserve dans ses effectifs pendant 10 mois. En outre il prétend qu’il a permis à la société de faire des économies très substantielles (pièces 15 et 16). M. [I] [M] souligne que son implication dans l’entreprise ne peut être discutée alors même qu’il a commencé intervenir pour le compte de Coyote conseil avant même sa prise de poste (pièces 27, 28, 34). C’est d’ailleurs à cette occasion qu’il a travaillé sur la préparation du tournage qui s’est déroulé sur un bateau de croisière où sa présence était parfaitement légitime.
Concernant les imprécisions qui lui sont reprochées dans ses échanges avec la Directrice Juridique et le Directeur Administratif et Financier concernant l’émission « Bienvenue chez nous », le salarié soutient qu’il a toujours pris le temps de répondre aux questions posées et aux renseignements qui lui étaient demandés par ses interlocuteurs qui s’évertuaient à ne pas comprendre les explications qu’il apportait.
S’agissant du relevé des droits d’auteur de la « captation Age Tendre » et la Croisière, M. [I] [M] justifie que les droits d’auteur demandés auraient dû être établis au début de l’année 2017, soit avant sa prise de fonction et que personne ne s’en était inquiété alors que le retard était imputable à son prédécesseur. Il en de même s’agissant des relances qui lui ont été adressées par le Directeur Administratif et Financier sur l’assurance d’une production. Par ailleurs, sur ce dossier le salarié affirme avoir trouvé une solution avantageuse qui a permis à la société de réaliser une économie de 20 000 euros (pièce 16 employeur).
Le salarié fait valoir qu’il lui est reproché des erreurs imputables à des défaut de transmission de ses interlocuteurs ou des anomalies du système informatique. Il demande à ce que soient écartées comme non probantes les attestations rédigées par la Directrice Générale Adjointe sur ses carences eu égard au lien de subordination l’unissant à l’employeur.
M. [I] [M] affirme que l’on comprend mal l’incidence sur l’organisation de la société de sa connaissance imparfaite, après quelques mois de fonctions, des programmes lancés l’année précédente.
Concernant sa contribution insuffisante à l’établissement des budgets, le salarié relève que l’employeur ne produit aucun élément chiffré et qu’au contraire, la négociation qu’il a menée avec la société Eliote a permis à la société d’obtenir une remise de 35 %, soit 1,8 millions annuel avec ce prestataire. De la même manière, il justifie le recrutement et la rémunération contestée d’une Directrice de production par son expérience, qui aurait permis à la société de réaliser 28 000 euros de marge.
M. [I] [M] se défend d’avoir été défaillant dans la transmission de données à la direction administrative et avance que si ce grief était constitué il s’agirait d’une faute et non pas d’une insuffisance professionnelle.
Le salarié appelant constate qu’il ne peut lui être sérieusement reproché de ne pas connaître nominativement l’intégralité du personnel intermittent de la société.
M. [I] [M] prétend, qu’alors qu’il lui est reproché une négociation insuffisante avec les chaînes et les prestataires, ses discussions commerciales avec TF1 ont permis la réalisation de 58 % de marges et de 448 799 euros d’économies pour 100 émissions, soit la moitié de la production de la société.
Enfin, s’agissant de la négociation controversée menée avec le Président de la société Eliote, le salarié rapporte que ce dernier était très pressé de voir reconduire son contrat et qu’il n’a pas hésité à lui proposer de créer une société de droits d’éditions, ce qu’il a refusé.
En réalité, M. [I] [M] affirme qu’il a été décidé de le licencier car il aurait attiré, à plusieurs reprises, l’attention de sa hiérarchie sur des pratiques insatisfaisantes, notamment l’existence de postes de dépenses anormalement élevés sur certaines productions ce qui a manifestement déplu à la Directrice Générale Adjointe et au Président de la société.
Par ailleurs, à la suite de l’échec de son rachat par le groupe Banlay, en raison d’un audit financier et administratif catastrophique, la société intimée a été contrainte de licencier pour motif économique une dizaine de salariés. C’est dans ce contexte que l’employeur a décidé de mettre fin à leur collaboration au terme de la période d’un an ouvrant droit à une indemnité contractuelle de licenciement.
Mais, la cour retient que contrairement, à ce qu’avance le salarié, la société Coyote conseil n’a pas attendu une année révolue pour mettre un terme au contrat de travail qui la liait au salarié et qu’elle a dû s’acquitter d’une somme de 30 643,94 euros au titre de l’indemnité contractuelle de licenciement qui avait été négociée avec M. [I] [M]. L’employeur n’avait aucun intérêt à se séparer, dans ces conditions, d’un salarié embauché comme cadre dirigeant et la mise en oeuvre d’un licenciement pour insuffisance professionnelle ne trouve d’autre explication que dans les risques que le salarié faisait courir à l’entreprise, en termes d’organisation mais aussi d’image, par son comportement. D’ailleurs, le salarié ne produit aucune pièce pour justifier des alertes qu’il aurait effectuées sur des dysfonctionnements de la société et des surcoûts, pas plus qu’il n’établit que des licenciements économiques sont intervenus à la fin de l’année 2018.
L’employeur justifie du manque d’investissement du salarié, qui ne peut valablement prétendre qu’on ne pouvait lui reprocher de confondre les émissions produites au bout de 10 mois d’embauche eu égard à son niveau de responsabilité dans l’entreprise et son expérience de 20 ans dans l’audiovisuel.
M. [I] [M] ne peut pas non plus se retrancher derrière des défaillances d’autres collaborateurs ou des anomalies informatiques pour expliquer les erreurs dans ces transmissions d’informations. Il est établi par la société intimée, qu’en dépit des rappels à l’ordre qui lui étaient faits, M. [I] [M] tardait à communiquer les informations et les documents qui lui étaient demandés, que ceux-ci comportaient parfois des erreurs majeures, que le salarié ne suivait pas l’actualité de l’entreprise et qu’il ignorait les difficultés qu’elle pouvait rencontrer avec certaines émissions, alors que l’analyse de l’audience des émissions produites est inhérente à la fonction de Directeur de production.
M. [I] [M] ne justifie en aucune manière des économies qu’il aurait fait réaliser à l’employeur si ce n’est dans le cadre de la négociation avec la société Eliote, qui a abouti à une situation de tension extrême entre la société intimée et l’un de ses principaux prestataires.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a dit le licenciement de M. [I] [M] fondé et en ce qu’il l’a débouté de ses demandes indemnitaires au titre du licenciement ainsi que de sa demande de publication de la décision.
3/ Sur le licenciement brutal et vexatoire
Le salarié fait valoir que la brutalité avec laquelle il a été procédé à son licenciement est proprement inacceptable et qu’elle n’avait pour seule finalité que de l’humilier. Il réclame, en conséquence, une somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Mais, outre que le salarié ne s’explique pas sur ce qui constituerait un comportement vexatoire et brutal de l’employeur, il ne précise pas la nature et l’étendue du préjudice dont il demande réparation. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il l’a débouté de sa demande de ce chef.
4/ Sur les autres demandes
M. [I] [M] supportera les dépens d’appel et sera condamné à payer une somme de 700 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. [I] [M] à payer à la société Coyote conseil une somme de 700 euros au titre des frais irrépétibles d’appel,
Condamne M. [I] [M] aux dépens d’appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE