Contrat d’enregistrement musical : la défaillance du producteur musical sanctionnée

Notez ce point juridique

L’artiste peut échapper à son obligation d’enregistrer un album pour le compte de son producteur et signer ailleurs en cas d’immobilisme.

En la cause, aucune injonction d’enregistrer dans les six mois de la signature du contrat solo comme prévu au sein dudit contrat n’a été faite par le Producteur. De plus le Producteur n’a convenu avec l’Artiste ni calendrier d’enregistrement, ni budget, il ne peut dès lors considérer que l’Artiste est responsable de ne pas avoir réalisé d’enregistrement avant février 2016.

Il résulte de l’économie du contrat que le Producteur qui a voix prépondérante sur un certain nombre de sujets en cas de désaccord, a vocation à encadrer l’exécution des enregistrements via un calendrier et un budget. Aucun des éléments produits ne permet de considérer que l’Artiste s’est dérobé à ses obligations puisqu’aucun planning ne lui a été soumis ni qu’aucun budget n’a été négocié avec lui.

Le Producteur n’a aucunement encadré l’exécution des enregistrements comme il aurait dû le faire.

Les enregistrements réalisés dont l’Artiste prétend qu’il ne s’agit que de maquettes n’ont pas été revendiqués par le Producteur comme étant techniquement réussis, qu’il n’a nullement sollicité l’Artiste de les recommencer pour arriver à la réussite technique prévue dans le contrat, et n’a donc pas indiqué qu’il allait exécuter sa part du contrat en commercialisant ces morceaux. Il n’a proposé aucun avenant pour terminer l’album.

La société de production a fait preuve d’inertie et d’immobilisme à l’égard du travail individuel de l’artiste.

En l’absence de production de l’album convenu, la clause d’exclusivité est également écartée. Cette clause ne peut recevoir application puisque le Producteur n’a rien investi pour la promotion d’un album qui était à la date de la fin de contrat inexistant.

Enfin, aucun ‘produit fini’ et validé par le Producteur n’ayant été réalisé pendant la durée du contrat, la société de production ne peut se revendiquer propriétaire de quelque droit que ce soit.


La société WATI-B PROD a conclu des contrats d’artiste avec Monsieur [Y] [F] en 2012 et 2013, prévoyant la réalisation d’albums inédits. En 2017, Monsieur [F] a commercialisé un album solo avec une autre société, ce qui a conduit WATI-B PROD à l’assigner en justice pour rupture anticipée et injustifiée des contrats. Le Conseil de Prud’hommes de Paris a condamné Monsieur [F] à verser 1.000 euros à WATI-B PROD. Cette dernière a interjeté appel et demande une expertise pour évaluer les préjudices subis. Monsieur [F] conteste les accusations de rupture de contrat et demande des dommages et intérêts pour travail dissimulé ainsi que le remboursement de redevances non versées.

Sur les irrecevabilités

Monsieur [F] soutient que la société WATI-B s’est substituée à la société WATI -B PROD sans intervenir volontairement et demande que la nullité des conclusions de la société soit prononcée, de déclarer irrecevables les conclusions de la société WATI B, faute d’intervention de celle-ci dans la présente procédure d’appel.

Il résulte de l’extrait K bis que la société WATI-B PROD a été dissoute et que toutes les parts sociales ou actions de cette société ont été réunie en une seule main à compter du 10 novembre 2023 en vertu de l’article 1844-5 du code civil, l’associé unique devenant la société WATI-B. Aux termes de l’alinéa 3 de cet article ‘ la dissolution entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société à l’associé unique’. La société WATI- B est donc venue aux droits de la société WATI -B PROD qui a été absorbée par la société WATI -B dans le cadre de ce transfert dont la mention a été publiée le 28 novembre 2023 par le Registre du Commerce et des Sociétés.

En outre il convient de constater que par conclusions d’intervention volontaire en date du 21 février 2024 la société WATI-B a demandé à la cour de lui donner acte de son intervention volontaire et de déclarer que celle-ci a qualité pour poursuivre la présente procédure. La société absorbante a de plein droit qualité pour poursuivre les instances engagées par la société absorbée. Ainsi cette société a qualité pour agir et intérêt à agir et ses conclusions sont recevables.

Sur la prescription de l’action

Monsieur [F] soutient que l’action introduite par la société WATI – B PROD est tardive et doit être déclarée irrecevable car prescrite depuis le 31 mai 2015, et en tout état de cause depuis le 29 mai 2018.

La société rappelle que l’article 15 du contrat d’artiste du 30 mai 2012 prévoit une ‘clause de préférence ‘ valable pendant une durée de 6 mois à compter de l’expiration du contrat. Ainsi monsieur [F] était lié à la société WATI-B, jusqu’au 30 novembre 2016.

Dès lors, si la période d’exclusivité devait en principe arriver à terme le 30 mai 2016, il était contractuellement convenu que les dispositions de l’article 15 s’appliqueraient à l’expiration d’un délai de 6 mois à compter du 30 mai 2016, soit jusqu’au 30 novembre 2016.

En outre comme l’a noté le conseil de Prud’hommes c’est en novembre 2017 que la SAS WATI B PROD a eu connaissance de la sortie de l’album de [Y], dont elle soutient qu’une partie des morceaux ont été enregistrés avec les moyens de la SAS WATI B PROD, cette date étant le point de départ du délai. La saisine du conseil de Prud’hommes étant intervenue le 28 juin 2018, aucune prescription ne peut être retenue.

Sur la force exécutoire du contrat d’artiste du 30 mai 2012

Monsieur [F] prétend que le contrat se serait terminé d’un commun accord au 1er juin 2013 par la signature du contrat de groupe. Pour soutenir cela il se fonde sur le préambule du contrat qui précise ‘que le présent contrat se substitue à tout autre contrat écrit ou oral conclu entre les parties, lesquels sont en tant que de besoin purement et simplement résiliés.’

Il sera observé que le contrat du 1er juin est conclu avec le groupe ‘the shin sekai ‘ dont monsieur [F] est un des membres et non avec monsieur [F] seul, il ne peut donc se substituer à un contrat dont les parties sont différentes.

Le contrat du 30 mai 2012 s’est poursuivi ce dont monsieur [F] avait connaissance puisqu’il a travaillé en solo dans le cadre de ce contrat en février 2016.

La société peut parfaitement contracter avec le groupe auquel appartient monsieur [F] et avec monsieur [F] seul.

Il n’est pas contesté que ce dernier est finalement entré en studio et a travaillé sur au moins 7 des titres qui vont figurer sur l’album Gentleman 2.0.

Sur l’expiration du contrat solo

Monsieur [F] soutient que la société Wati -B Prod n’a jamais lancé sa carrière solo et n’a pas fait enregistrer le premier album dans le délai de 6 mois prévu au contrat.

La société indique qu’elle ne pouvait obliger l’artiste à enregistrer.

Il sera rappelé que l’objet du contrat est la réalisation par l’artiste de deux albums et que le contrat est contrat à durée déterminée d’usage dont la durée ne pourra être supérieure à 4 ans.

Il résulte de ces éléments que le contrat pour s’exécuter nécessite que de nombreux points soient examinés en concertation entre la Producteur et l’Artiste et que sur de nombreux points la décision finale revient au Producteur. Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que le Producteur ne peut légitimement indiquer qu’il ne peut contraindre l’Artiste à enregistrer alors qu’il dispose d’un rôle effectif et d’une responsabilité dans les enregistrements.

Sur le contrat d’artiste groupe du 1er juin 2013

La société WATI-B soutient que monsieur [F] a violé le droit d’option et n’a pas respecté son obligation de loyauté.

Le contrat groupe signé le 1er juin 2013 a prévu que l’artiste accorde au Producteur l’exclusivité de ses interprétations pour le monde entier pour notamment la réalisation de deux albums inédits studio. Le Producteur bénéficiant d’une option pour la réalisation d’un album supplémentaire inédit studio.

La société WATI-B qui estime que les volumes 1 et 2 ne sont qu’un unique album n’explique pas pourquoi elle a accepté de commercialiser un album qui ne remplissait pas les conditions de la définition du contrat, ne verse aux débats aucun écrit mentionnant qu’elle estimait que cet album ne correspondait pas au contrat et qu’elle considérait le volume 2 comme étant non un album à part entière mais uniquement comme le complément du premier album.

Il sera souligné que l’article 5 du contrat ‘ réalisation des enregistrements’ prévoit que le Producteur et l’Artiste se concerteront sur les éléments suivants :

– nombre et ordre des enregistrements ( en cas de désaccord le choix du Producteur sera prépondérant ).

Le fait que le volume 1 soit sorti le 21 janvier 2013 avec seulement 10 titres laisse supposer, en l’absence de tout écrit informant l’Artiste que cet album ne respectait pas les termes du contrat et qu’un autre enregistrement devait venir le compléter, que le Producteur estimait que l’Artiste avait exécuté sa part contractuelle, puisque la durée totale de l’enregistrement était respectée. La cour considère que l’Artiste a respecté le contrat et que les 3 albums prévus ont été réalisés.

Sur le préjudice d’image de la société WATI- B

La société WATI-B considère que du fait du non respect de ses engagements, monsieur [F] lui a causé un préjudice d’image et sollicite la condamnation de celui-ci à hauteur de 80.000 euros, sa réputation aurait été fortement impactée par le départ de l’Artiste qu’elle produit depuis les premières années de sa carrière.

Elle indique que monsieur [F] l’a critiquée ouvertement sur les réseaux sociaux et produit une Capture d’écran d’une vidéo Youtube intitulée « [Y] clash Wati B et Sony.

Elle démontre donc avoir subi un préjudice, il lui sera alloué la somme de 10 000 euros à ce titre.

Sur le travail dissimulé

En vertu de l’article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Monsieur [F] soutient que la société WATI-B a effectué les DPAE tardivement.

En tout état de cause, la société WATI B PROD a effectué avec retard les paiements desdites redevances dues en application du contrat du 1 er juin 2013.

Il convient de constater que ces déclarations ont été effectuées et que l’Artiste ne démontre aucunement l’élément intentionnel de la société WATI-B.

Dès lors il sera débouté de cette demande.

Sur la demande pour procédure abusive

Monsieur [F] considère que la société WATI-B a fait un usage abusif de son droit d’appel. Cependant la société WATI-B qui avait obtenu un jugement reconnaissant le comportement déloyal de son cocontractant qui n’était pas indemnisé, pouvait légitimement faire appel.

Aucune intention de nuire à monsieur [F] n’est démontrée.

Dès lors l’abus du droit d’ester en justice n’est pas établi, monsieur [F] sera débouté de cette demande.

– Monsieur [F] est condamné à payer à la société WATI-B la somme de 10 000 euros au titre du préjudice d’image
– Monsieur [F] est condamné à payer à la société WATI-B la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– Les dépens sont laissés à la charge de monsieur [F]


Réglementation applicable

Article du Code civil cité:
Article 1844-5: « La dissolution entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société à l’associé unique. »

Article du Code du travail cité:
Article L 8221-5: « Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de certaines formalités prévues par la loi. »

L’article L 1121-1 du code du travail prévoit que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives, de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tache à accomplir ni proportionnée au but recherché.

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Me Serge MONEY, avocat au barreau de PARIS, toque : E0188
– Me Laurence GOLDGRAB, avocat au barreau de PARIS, toque : P0391

Mots clefs associés

– Irrecevabilités
– Société WATI-B
– Nullité des conclusions
– Intervention volontaire
– Prescription de l’action
– Contrat d’artiste
– Clause de préférence
– Exclusivité
– Force exécutoire
– Contrat solo
– Inertie et immobilisme
– Contrat groupe
– Violation des engagements
– Préjudice d’image
– Critiques sur les réseaux sociaux
– Travail dissimulé
– Retard des paiements
– Procédure abusive

– Irrecevabilités: caractère de ce qui est irrecevable, qui ne peut être admis ou accepté
– Société WATI-B: société de production musicale fondée par le rappeur Maître Gims
– Nullité des conclusions: invalidité des conclusions d’un acte juridique
– Intervention volontaire: action d’intervenir dans une affaire judiciaire de son propre chef
– Prescription de l’action: délai au-delà duquel une action en justice n’est plus recevable
– Contrat d’artiste: accord entre un artiste et un producteur ou une maison de disques
– Clause de préférence: clause permettant à une partie de bénéficier en priorité de certains droits
– Exclusivité: caractère de ce qui est exclusif, qui est réservé à une seule personne ou entité
– Force exécutoire: caractère d’une décision judiciaire qui peut être mise en œuvre de force
– Contrat solo: contrat liant un artiste en solo à un producteur ou une maison de disques
– Inertie et immobilisme: état de ne pas bouger, de rester inactif
– Contrat groupe: accord entre un groupe d’artistes et un producteur ou une maison de disques
– Violation des engagements: non-respect des obligations contractuelles
– Préjudice d’image: atteinte à la réputation ou à l’image d’une personne ou d’une entreprise
– Critiques sur les réseaux sociaux: commentaires négatifs ou défavorables publiés sur les plateformes en ligne
– Travail dissimulé: pratique illégale consistant à ne pas déclarer un emploi ou une activité professionnelle
– Retard des paiements: non-respect des délais de paiement convenus
– Procédure abusive: utilisation déloyale ou excessive des voies de recours judiciaires

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 3

ARRET DU 24 AVRIL 2024

(n° , 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/01638 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDFQB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Janvier 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS

APPELANTE

La société WATI B (venue aux droits de la société WATI-B PROD), représentée par son représentant légal

N° SIRET : 798 629 879

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Serge MONEY, avocat au barreau de PARIS, toque : E0188

INTIME

Monsieur [Y] [F]

Né le 2 mai 1991 à [Localité 5] (77)

TF numéro 49614/43,

[Adresse 3] ‘

[Localité 4] – MAROC

Représenté par Me Laurence GOLDGRAB, avocat au barreau de PARIS, toque : P0391

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Fabienne ROUGE, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Fabienne ROUGE, présidente

Véronique MARMORAT, présidente

Anne MENARD, présidente

Greffier, lors des débats : Laëtitia PRADIGNAC

ARRET :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Fabienne ROUGE et par Laëtitia PRADIGNAC , présent lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE :

La société WATI-B PROD exploite une activité de production phonographique et vidéographique d’artistes, la production de spectacles d’artistes, ainsi que toutes les activités dites de merchandising et d’endorsement qui y ont trait.

Monsieur [Y] [F], dit « [Y] », est auteur-compositeur et artiste interprète.

La conclusion du contrat d’artiste entre la société WATI-B PROD et monsieur [F] était formalisée le 30 mai 2012 et prévoyait que celui-ci était engagé à titre exclusif par le Producteur la société WATI-B aux fins notamment de l’enregistrement et de l’exploitation d’Albums Inédits studio de l’Artiste et que ‘ En application des dispositions de l’article L. 122-1-1-3° et D. 121-2 du Code du travail ayant trait au contrat de travail à durée déterminée dit ‘ d’usage ‘, le présent contrat est conclu pour la durée nécessaire à la réalisation par l’Artiste , dans le cadre d’un engagement exclusif, de deux Albums (LP1 et LP2) faisant l’objet du présent contrat et défini à l’article 3.1, étant précisé que cette durée ne pourra être supérieure à 4 (quatre) années à compter de la date de la signature des présentes.’ Ce contrat devait donc prendre fin le 30 mai 2016.

Le 1er juin 2013 un autre contrat d’artiste était conclu entre la société WATI- B PROD et monsieur [F] qui s’engageait en qualité de membre du groupe The Shin Sekai avec monsieur [C] autre membre de ce groupe prévoyant la réalisation de deux albums inédits studio et un droit d’option pour la réalisation d’un album supplémentaire inédit studio .

Le 24 novembre 2017, la société AMATERASU PROD, créée par l’artiste [Y] le 16

mai 2017, commercialisait le 1 er album solo de l’artiste [Y] et en confiait la licence à la société UNIVERSAL MUSIC FRANCE

La société WATI B PROD a saisi le Conseil de Prud’hommes de Paris par requête du 28 juin 2018 aux fins de voir condamner monsieur [Y] [F] au motif qu’il aurait rompu les contrats d’artiste du 30 mai 2012 et 1er juin 2013 de façon anticipée et injustifiée.

Par jugement en date du 17 janvier 2020 le Conseil de prud’hommes de Paris a :

-dit que monsieur [Y] [F] a violé ses obligations contractuelles et son obligation de loyauté résultant du contrat du 10 mai 2012 ;

– condamné monsieur [Y] [F] à verser 1.000 euros à la société WATI B PROD au titre de l’article 700 ;

– débouté la société WATI- B PROD du surplus de ses demandes ;

– débouté monsieur [Y] [F] de l’ensemble de ses demandes ;

– condamné monsieur [Y] [F] aux entiers dépens.

La société WATI- B PROD a interjeté appel de ce jugement en date du 4 février 2021.

Par conclusions d’intervention volontaire en date du 21 février 2024 la société WATI-B a demandé à la cour de :

– déclarer la société WATI B recevable et bien fondée en son intervention volontaire dans la présente procédure d’appel enregistrée sous le numéro de RG 21/01638 ;

– donner acte à la société WATI B de son intervention volontaire ;

– déclarer que la société WATI B vient aux droits de la société WATI- B PROD et

que la société WATI B a, de plein droit, qualité pour poursuivre la présente procédure

d’appel enregistrée sous le numéro de RG 21/01638 engagée par la société WATI- B

PROD

Par conclusions récapitulatives déposées par RPVA le 23 février 2024, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société WATI -B PROD demande à la cour de :

– recevoir la société WATI -B (venant aux droits de la société WATI -B PROD) en l’intégralité de ses moyens et prétentions ;

– débouter monsieur [F] de ses demandes de voir à titre liminaire ;

– juger nulles les conclusions de la société WATI- B, faute de capacité d’ester en justice, de voir juger irrecevables les conclusions de la société WATI- B faute d’intervention volontaire, et de voir juger irrecevables les demandes de la société WATI – B, faute d’intérêt à agir et de qualité à agir ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a dit que monsieur [F] a violé ses engagements contractuels et son obligation de loyauté à l’égard de son employeur au titre du contrat du 10 mai 2012 ;

– infirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société WATI- B PROD du surplus de ses demandes

et en conséquence, statuant à nouveau :

– dire et juger que monsieur [F] a également violé ses engagements contractuels et son obligation de loyauté à l’égard de son employeur au titre du contrat du 1er juin 2013;

– désigner tel expert qu’il lui plaira aux fins de :

– se faire communiquer par les parties et par tous tiers les éléments nécessaires à ses travaux, notamment l’ensemble des contrats et éléments contractuels, factures, états de compte, relevés de compte et éléments comptables ;

– d’évaluer les préjudices économiques subis par la société WATI- B (venant aux droits de la société WATI B PROD) du fait de la violation des dispositions des contrats d’artiste du 30 mai 2012 et du 1 ier juin 2013 et de la déloyauté de Monsieur [F] envers la société WATI- B (venant aux droits de la société WATI B PROD), et dans ce cadre :

– évaluer précisément les revenus engendrés par l’exploitation de l’album ‘Gentleman 2.0 ‘

– évaluer précisément les revenus qui auraient été engendrés par l’exploitation de tous les titres enregistrés par la société WATI- B ;

– fournir une évaluation des actifs constitués par la production d’un album solo ;

– fournir une évaluation des actifs constitués par les différents enregistrements produits ;

– Proposer, à partir de ces évaluations, une projection des revenus qui ont été engendré par la production d’un album solo ;

– proposer, à partir de ces évaluations, une projection des revenus qui auraient été engendrés par l’exploitation des titres enregistrés par la société WATI- B ;

– mettre la consignation à valoir sur la rémunération de l’expert à la charge de Monsieur [F] ;

– dire que l’Expert devra déposer son rapport au greffe de la Cour d’appel de Paris dans un délai de 5 mois à compter du jour du versement de la consignation ;

– dire que l’Expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et suivants du Code de procédure civile, en particulier, il pourra recueillir les déclarations de toute personne informée et s’adjoindre tout spécialiste de son choix dans la limite de la mission fixée et après en avoir avisé les conseils des parties ;

Et, dans l’attente de l’évaluation de l’expert judiciaire :

– condamner Monsieur [F] à verser à la société WATI- B (venant aux droits de la société WATI B PROD) la somme provisionnelle de 795.000 euros en réparation du préjudice subi du fait du gain manqué de produire un album solo ;

A titre subsidiaire,

– condamner monsieur [F] à verser à la société WATI -B (venant aux droits de la société WATI B PROD) la somme provisionnelle de 1.369.166,67 euros à titre d’indemnité, en réparation du préjudice subi du fait du gain manqué de produire les titres enregistrés ;

Subsidiairement, en l’absence d’expertise judiciaire :

– condamner monsieur [F] à verser à la société WATI- B (venant aux droits de la société WATI -B PROD) la somme de 795.000 euros en réparation du préjudice subi du fait du gain manqué de produire un album solo ;

A titre subsidiaire,

– condamner monsieur [F] à verser à la société WATI- B (venant aux droits de la société WATI- B PROD) la somme de 1.369.166,67 euros à titre d’indemnité, en réparation du préjudice subi du fait du gain manqué de produire les titres enregistrés ;

En tout état de cause :

– condamner monsieur [F] à verser à la société WATI B (venant aux droits de la société WATI- B PROD) les sommes de :

– 250.000 euros en réparation de son préjudice subi du fait des investissements non rentabilisés ;

-80.000 euros en réparation de son préjudice d’image ;

-10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– débouter monsieur [F] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

-condamner monsieur [F] aux entiers dépens.

Par conclusions récapitulatives déposées par RPVA le 25 février 2024 , auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, monsieur [F] demande à la cour de:

A titre liminaire,

– juger nulles les conclusions de la société WATI- B, faute de capacité d’ester en justice ;

– enjoindre à la société WATI- B de communiquer tous les éléments justifiant de sa qualité.

-juger irrecevables les conclusions de la société WATI B, faute d’intervention volontaire; -juger irrecevables les demandes de la société WATI- B, faute d’intérêt à agir et de qualité à agir ;

A titre principal,

– recevoir monsieur [Y] [F] dans l’intégralité de ses moyens et prétentions ;

-infirmer le Jugement en ce qu’il a dit que monsieur [F] a violé ses engagements contractuels et son obligation de loyauté à l’égard de son employeur au titre du contrat de mai 2012

– confirmer le Jugement en ce qu’il a débouté la société WATI- B PROD, du surplus de ses demandes.

Et, statuant à nouveau :

– débouter la société WATI- B PROD, et le cas échéant la société WATI- B, de toutes ses demandes, fins, et prétentions ;

Sur le contrat du 30 mai 2012

-déclarer irrecevables les demandes de la société WATI- B PROD, et le cas échéant la société WATI B, fondées sur le comportement déloyal compte tenu de l’acquisition de la prescription de 2 ans antérieurement à l’introduction de la requête aux fins de saisine du Conseil de Prud’hommes de Paris en date du 28 juin 2018 ;

– juger que le contrat du 30 mai 2012 a été résilié d’un commun accord entre les parties au 1er juin 2013 et en tout cas a expiré le 29 août 2013, faute d’exécution et que le contrat du 30 mai 2012 était en tout état de cause d’une durée de 4 ans expirant au maximum le 29 mai 2016 s’il avait été exécuté ;

– juger nulles et en tout état de cause inopposables à monsieur [Y] [F] les clauses de droit de préférence et de catalogue prévues aux articles 4.2, 6.6 et 15 du contrat du 30 mai 2012 ;

-juger que monsieur [Y] [F] n’a pas eu de comportement déloyal envers la société WATI- B PROD, et le cas échéant la société WATI -B ;

Sur le contrat du 1er juin 2013 :

– constater que WATI- B PROD, et le échéant la société WATI- B, n’a pas levé l’option prévue par le contrat du 1 er juin 2013 par lettre recommandée avec accusé de réception

-juger que le contrat est expiré ;

Subsidiairement,

-prononcer la résiliation du contrat groupe du 1 er juin 2013 aux torts exclusifs de la société WATI B PROD, et le cas échéant la société WATI B ;

En tout état de cause,

-juger nulles et de nul effet, et en tout cas inopposables à l’artiste, les clauses de droit de préférence et de catalogue prévues aux articles 4.2, 15 et 16 du contrat d’artiste du 1 er juin 2013 ;

Sur le préjudice

-juger que la société WATI -B PROD, et le cas échéant la société WATI- B, coupable de travail dissimulé et la condamner à verser à monsieur [Y] [F] à ce titre une indemnité de 9.127,32 euros

– condamner la société WATI- B PROD, et le cas échéant la société WATI- B, à payer à

monsieur [Y] [F] les sommes de :

– 16.335,82 euros HT correspondant au montant des redevances dues les années 2017 et 2018;

– 10.000 euros en raison du caractère abusif de la présente procédure ;

– 15.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens .

La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

MOTIFS

Sur les irrecevabilités

Monsieur [F] soutient que la société WATI-B s’est substituée à la société WATI -B PROD sans intervenir volontairement et demande que la nullité des conclusions de la société soit prononcée, de déclarer irrecevables les conclusions de la société WATI B, faute d’intervention de celle-ci dans la présente procédure d’appel.

Il résulte de l’extrait K bis que la société WATI-B PROD a été dissoute et que toutes les parts sociales ou actions de cette société ont été réunie en une seule main à compter du 10 novembre 2023 en vertu de l’article 1844-5 du code civil, l’associé unique devenant la société WATI-B. Aux termes de l’alinéa 3 de cet article ‘ la dissolution entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société à l’associé unique’. La société WATI- B est donc venue aux droits de la société WATI -B PROD qui a été absorbée par la société WATI -B dans le cadre de ce transfert dont la mention a été publiée le 28 novembre 2023 par le Registre du Commerce et des Sociétés.

En outre il convient de constater que par conclusions d’intervention volontaire en date du 21 février 2024 la société WATI-B a demandé à la cour de lui donner acte de son intervention volontaire et de déclarer que celle-ci a qualité pour poursuivre la présente procédure. La société absorbante a de plein droit qualité pour poursuivre les instances engagées par la société absorbée. Ainsi cette société a qualité pour agir et intérêt à agir et ses conclusions sont recevables.

Sur la prescription de l’action

Monsieur [F] soutient que l’action introduite par la société WATI – B PROD est tardive et doit être déclarée irrecevable car prescrite depuis le 31 mai 2015, et en tout état de cause depuis le 29 mai 2018.

La société rappelle que l’article 15 du contrat d’artiste du 30 mai 2012 prévoit une ‘clause de préférence ‘ valable pendant une durée de 6 mois à compter de l’expiration du contrat:

ainsi monsieur [F] était lié à la société WATI-B, jusqu’au 30 novembre 2016.

Dès lors, si la période d’exclusivité devait en principe arriver à terme le 30 mai 2016, il était

contractuellement convenu que les dispositions de l’article 15 s’appliqueraient à l’expiration d’un délai de 6 mois à compter du 30 mai 2016, soit jusqu’au 30 novembre 2016.

En outre comme l’a noté le conseil de Prud’hommes c’est en novembre 2017 que la SAS WATI B PROD a eu connaissance de la sortie de l’album de [Y], dont elle soutient qu’une partie des monceaux ont été enregistrés avec les moyens de la SAS WATI B PROD, cette date étant le point de départ du délai.

La saisine du conseil de Prud’hommes étant intervenue le 28 juin 2018, aucune prescription ne peut être retenue.

Sur la force exécutoire du contrat d’artiste du 30 mai 2012

Monsieur [F] prétend que le contrat se serait terminé d’un commun accord au 1er juin 2013 par la signature du contrat de groupe. Pour soutenir cela il se fonde sur le préambule du contrat qui précise ‘que le présent contrat se substitue à tout autre contrat écrit ou oral conclu entre les parties, lesquels sont en tant que de besoin purement et simplement résiliés.’

Il considère que cette clause s’appliquerait tant aux contrats de groupe qu’aux contrats solo.

Il sera observé que le contrat du 1er juin est conclu avec le groupe ‘the shin sekai ‘ dont monsieur [F] est un des membres et non avec monsieur [F] seul, il ne peut donc se substituer à un contrat dont les parties sont différentes.

Le contrat du 30 mai 2012 s’est poursuivi ce dont monsieur [F] avait connaissance puisqu’il a travaillé en solo dans le cadre de ce contrat en février 2016.

La société peut parfaitement contracter avec le groupe auquel appartient monsieur [F] et avec monsieur [F] seul.

Il n’est pas contesté que ce dernier est finalement entré en studio et a travaillé sur au moins 7 des titres qui vont figurer sur l’album Gentleman 2.0.

Sur l’expiration du contrat solo

Monsieur [F] soutient que la société Wati -B Prod n’a jamais lancé sa carrière solo et n’a pas fait enregistré le premier album dans le délai de 6 mois prévu au contrat.

La société indique qu’elle ne pouvait obliger l’artiste à enregistrer.

Il sera rappelé que l’objet du contrat est la réalisation par l’artiste de deux albums et que le contrat est contrat à durée déterminée d’usage dont la durée ne pourra être supérieure à 4 ans.

L’article 3 indique : Par la signature du présent contrat les parties sont convenues de procéder au cours de la durée d’Exclusivité précisée à l’article 2.1 ci dessus à la fixation et à la promotion de deux albums inédits studio interprétés par l’ Artiste.

L’entrée en studio de l’Artiste aux fins d’enregistrement du premier album ferme interviendra sauf accord contraire des parties dans un délai maximum de 6 mois suivant la datre de signature du présent contrat soit avant le 30 novembre 2012.

Le Producteur s’engage à commercialiser l’Album ferme avant un délai de 9 mois suivant la fin de son engagement et les albums optionnels dans un délai de 9 mois maximum suivant la fin de l’enregistrement de l’album considéré.

L’article 5 relatif à la réalisation des enregistrements prévoit que : Le producteur et l’artiste se concerteront sur les éléments suivants:

‘ nombre et ordre des enregistrements

‘ choix du titre des albums et de la direction artistique

‘ conception graphique jaquette pochette des enregistrement il est précisé que pour chacun de ces points qu’ en cas de désaccord le choix du producteur sera prépondérant.

Il est précisé qu’un calendrier des dates d’enregistrement sera établi en concertation avec l’artiste et le cas échéant avec le réalisateur artistique …

L’Artiste s’engage à respecter ce calendrier ainsi que le règlement intérieur des studios dans lesquels les enregistrements seront réalisés

L’Artiste s’engage à venir aux séances d’enregistrement et prêt à réaliser l’enregistrement définitif , le producteur restant seul juge du résultat définitif

Le producteur assurera seul ou par le biais de son représentant la direction technique des enregistrements. Il décide s’ils sont techniquement réussis l’Artiste acceptant de les recommencer autant de fois qu’il sera nécessaire pour parvenir à cette réussite technique, sans qu’il soit pour cela alloué pour cela une rémunération complémentaire …

Enfin il est également prévu des disposition relative au budget d’enregistrement :

Le producteur s’engage à prendre en charge l’intégralité des coûts d’enregistrement de chaque album et Enregistrement objet des présentes .Il fixe en concertation avec l’Artiste le budget d’enregistrement. Toute demande susceptible d’entraîner un dépassement du budget doit faire l’objet d’un accord écrit du producteur.

Il résulte de ces éléments que le contrat pour s’exécuter nécessite que de nombreux points soient examinés en concertation entre la Producteur et l’Artiste et que sur de nombreux points la décision finale revient au Producteur. Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que le Producteur ne peut légitimement indiquer qu’il ne peut contraindre l’Artiste à enregistrer alors qu’il dispose d’un rôle effectif et d’une responsabilité dans les enregistrements .

Si la société verse aux débats 16 factures de location de studio débutant le 2 février 2016 pour se terminer le 20 mars 2017.

Il sera observé que les différents échanges existant entre les parties et versés aux débats concernent le contrat Groupe et non le contrat solo . Aucune injonction d’enregistrer dans les six mois de la signature du contrat solo comme prévu au sein dudit contrat n’a été faite par le Producteur. De plus le Producteur n’a convenu avec l’Artiste ni calendrier d’enregistrement, ni budget, il ne peut dès lors considérer que l’Artiste est responsable de ne pas avoir réalisé d’enregistrement avant février 2016.

Il résulte de l’économie du contrat que le Producteur qui a voix prépondérante sur un certain nombre de sujets en cas de désaccord, a vocation à encadrer l’exécution des enregistrements via un calendrier et un budget. Aucun des éléments produits aux débats ne permet de considérer que l’Artiste s’est dérobé à ses obligations puisqu’aucun planning ne lui a été soumis ni qu’aucun budget n’a été négocié avec lui.

Le Producteur n’a aucunement encadré l’exécution des enregistrements comme il aurait dû le faire.

Il sera également observé que les enregistrements réalisés dont l’Artiste prétend qu’il ne s’agit que de maquettes n’ont pas été revendiqués par le Producteur comme étant techniquement réussis, qu’il n’a nullement sollicité l’Artiste de les recommencer pour arriver à la réussite technique prévue dans le contrat, et n’a donc pas indiqué qu’il allait exécuter sa part du contrat en commercialisant ces morceaux. Il n’a proposé aucun avenant pour terminer l’album.

Comme le mentionne monsieur [F] la société WATI B PROD a fait preuve d’inertie et d’immobilisme à l’égard du son travail individuel.

Il sera enfin observé qu’à la date de certains enregistrements la durée du contrat en ce qui concerne la réalisation de deux albums était dépassée , celui-ci étant de 4 ans à compter du 31 mai 2012 soit au 31 mai 2016.

L’article 15 du contrat d’artiste du 30 mai 2012 intitulé ‘ clause de préférence’ prévoit quant à lui que :

‘ L’Artiste s’interdit de traiter pendant la durée du présent contrat aux mêmes fins avec un tiers pour une date même postérieure à l’expiration du présent contrat.

Dans un délai de 6 mois à compter de l’expiration de celui-ci, l’ARTISTE s’oblige à adresser au Producteur, dans leur forme originale et définitive, les offres qu’il pourrait recevoir de personnes physiques ou morales ayant un objet similaire au présent contrat.

A conditions égales, l’Artiste s’engage à accorder la préférence au Producteur, si celui-ci en réclame le bénéfice par lettre recommandée dans les quinze jours de la communication desdites offres. ‘

L’article 2 précise le point de départ de cette clause. L’article 2 dudit contrat, intitulé ‘ DUREE DU CONTRAT ‘ dispose que :

‘Le droit de préférence est consenti à l’EDITEUR pour une durée de 5 (cinq) années consécutives à compter du jour de la signature du premier contrat de cession et d’édition d »uvre musicale signé en vertu des présentes.

A toutes fins utiles, il est précisé que c’est à la date de création de l »uvre achevée et non celle de sa divulgation qui est prise en compte pour déterminer si ladite ‘uvre entre dans le champ du présent contrat de préférence. ‘ .

A la date de la sortie de l’album le 24 novembre 2017 il n’y a plus de droit de préférence applicable, ce droit s’étant terminé le 30 novembre 2016.

En outre le point de départ de ce droit n’a pas commencé puisqu’au vu de l’article 2 il est précisé que le point de départ es l’oeuvre achevée ce qui n’a pas été le cas en l’espèce, aucune oeuvre n’a été terminée.

De plus l’article 4 dudit contrat, intitulé ‘ exclusivité’, prévoit des engagements au-delà de la simple date d’expiration du contrat, puisqu’il prévoit un droit d’exclusivité sur les titres enregistrés avec le producteur :

‘ 4.2. Exclusivité sur les titres enregistrés :

Compte tenu des investissements consentis par le Producteur pour la promotion des enregistrements de l’Artiste produits dans le cadre du présent contrat et du profit que l’Artiste en retire sous forme de redevances, celui-ci s’interdit de réenregistrer, pour son propre compte ou pour celui d’un tiers, les ‘uvres qu’il aura interprétées et enregistrées pour le compte du Producteur en exécution du présent contrat et, ce, pendant une durée de 7 (sept) ans à compter de la date de sortie commerciale du dernier enregistrement réalisé en exécution du présent contrat.

La disparition de l’exclusivité sur un titre enregistré n’affectera aucunement le droit de propriété et le droit d’exploitation du Producteur, laquelle pourra reprendre l’exploitation de l’enregistrement à sa convenance. ‘

Il sera observé que cette clause ne peut recevoir application puisque le Producteur n’a rien investi pour la promotion d’un album qui était à la date de la fin de contrat inexistant.

L’article 6 du contrat intitulé ‘ cession de droits ‘ dispose que :

‘ 6.2. La présente cession couvre le droit exclusif de fixer, reproduire et communiquer au public tout ou partie des interprétations de Artiste sous toute forme connue ou inconnue à ce jour, par tous moyens et procédés connus ou inconnus à ce jour et pour le monde entier.

Il est précisé en particulier que la présente cession couvre notamment, mais non limitativement les exploitations suivantes :

Le droit exclusif de communication au public des interprétations de l’Artiste au moyen des Enregistrements, par tous moyens connus ou inconnus à ce jour, notamment par diffusion radio électrique, télédiffusion, Internet, outils nomades (téléphones mobiles en ce compris notamment sous forme de sonneries téléphoniques, etc.) ‘

L’article 6.4. prévoit que L’Artiste reconnaît que le Producteur est seul et unique propriétaire des exécutions et des enregistrements réalisés en vertu du présent contrat ainsi que des biens meubles que constituent les phonogrammes originaux, matrices et autres supports (« masters »), et qu’il en demeure propriétaire après l’expiration du présent contrat.

Il sera rappelé qu’aucun ‘ produit fini’ et validé par le Producteur n’a été réalisé pendant la durée du contrat que dés lors la société de production ne peut se revendiquer propriétaire de quelque droit que ce soit .

L’article 6.6 du contrat précité prévoit également un engagement étendu postérieurement à la fin du contrat :

‘ L’Artiste s’engage à ne pas réenregistrer, aux fins de publication, les ‘uvres qu’il a ou aura enregistrées pour le compte du Producteur, ni pour lui-même ni pour qui que ce soit d’autre que le Producteur, et ce, pendant 10 ans, à compter de la date de la première publication des enregistrements de la date d’expiration du contrat ou de son renouvellement.’

Il sera relevé qu’aucune publication des enregistrements effectués n’ a été réalisée par la société WATI-B.

Excepté le financement de quelques enregistrements non considérés par le Producteur lui même comme des produits techniquement réussis, aucune des obligations réciproques du contrat n’a été exécutée.

Le jugement qui a considéré que monsieur [F] avait violé ses obligations contractuelles et avait manqué de loyauté sera infirmé.

Sur le contrat d’artiste groupe du 1er juin 2013

La société WATI-B soutient que monsieur [F] a violé le droit d’option et n’a pas respecté son obligation de loyauté.

Le contrat groupe signé le 1er juin 2013 a prévu que l’artiste accorde au Producteur l’exclusivité de ses interprétations pour le monde entier pour notamment la réalisation de deux albums inédits studio . Le Producteur bénéficiant d’une option pour la réalisation d’un album supplémentaire inédit studio .

La définition d’un album qui figure dans le contrat est la suivante : ‘enregistrement d’oeuvres musicales avec ou sans paroles reproduites sur un phonogramme comprenant 12 à 18 titres interprétés par l’artiste chacun d’une durée comprise entre 3 et 4 minutes pour les 10 premiers titres …’.

L’album inédit studio se définit comme un album constitué exclusivement d’enregistrements inédits interprété en studio par l’Artiste.

Monsieur [F] soutient avoir enregistré les 3 albums ‘the Shin Sekai volume 1″ sorti le 21 janvier 2013,’ the shin sekai volume 2″ sorti le 13 janvier 2014 et ‘indéfini’ sorti le 25 mars 2016. Il soutient que bien que l’album ‘the Shin Sekai volume 1″ ne comporte que 10 titres c’est un album à part entière, sa durée totale est de plus de 40 mn minimum de durée prévue par album et il rappelle qu’un an a séparé les deux albums.

La société WATI-B qui estime que les volumes 1 et 2 ne sont qu’un unique album n’explique pas pourquoi elle a accepté de commercialiser un album qui ne remplissait pas les conditions de la définition du contrat, ne verse aux débats aucun écrit mentionnant qu’elle estimait que cet album ne correspondait pas au contrat et qu’elle considérait le volume 2 comme étant non un album à part entière mais uniquement comme le complément du premier album.

Il sera souligné que l’article 5 du contrat ‘ réalisation des enregistrements’ prévoit que le Producteur et l’Artiste se concerteront sur les éléments suivants :

– nombre et ordre des enregistrements ( en cas de désaccord le choix du Producteur sera prépondérant ).

Le fait que le volume 1 soit sorti le 21 janvier 2013 avec seulement 10 titres laisse supposer, en l’absence de tout écrit informant l’Artiste que cet album ne respectait pas les termes du contrat et qu’un autre enregistrement devait venir le compléter, que le Producteur estimait que l’Artiste avait exécuté sa part contractuelle, puisque la durée totale de l’enregistrement était respectée. La cour considère que l’Artiste a respecté le contrat et que les 3 albums prévus ont été réalisés.

La société WATI-B estime que monsieur [F] a violé le droit de préférence prévu à l’article 16 du contrat qui indique que les deux Artistes du groupe se sont également engagés en leur nom individuel et pour leur carrière solo à accorder au Producteur un droit de préférence ferme et irrévocable.

Le paragraphe 5 de l’article 16 du contrat est ainsi rédigé : ‘ en considération de l’appartenance des personnes signataires des présentes au groupe ne fait pas obstacle à la possibilité pour l’un ou l’autre d’entre eux de procéder à l’enregistrement et la publication d’interprétations individuelles même relevant du répertoire de la variété sous un nom propre ou sous tel pseudonyme de son choix.

Sans préjudice des dispositions de l’article 15, le ou les membres du groupe composant l’Artiste qui aura(ont) quitté le groupe accordera(ront) au Producteur un droit de préférence ferme et irrévocable pour tout enregistrement de quelque nature qu’il soit, qu’il(s) serai(en)t amené à effectuer dans un délai de 12 mois à compter de la sortie effective du groupe.

Le ou les membres du groupe qui aura( ront )quitté ce dernier communiquera (ont) par lettre recommandée avec accusé de réception l’original des offres de contrat portant sur ses ( leurs) futurs enregistrements qui lui leur seraient faites directement ou indirectement par une société tierce . Il s’engage(nt) à accorder à conditions substantielles égales la préférence au Producteur …’

Monsieur [F] conteste cette clause et soutient qu’elle s’apparente à une clause de non concurrence nulle .

L’article L 1121-1 du code du travail prévoit que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives, de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tache à accomplir ni proportionnée au but recherché.

La société WATI-B ne démontre pas que cette clause est justifié par son intérêt légitime, aucune contrepartie financière n’est prévue alors que cette clause porte atteinte à l’article susvisé et au principe fondamental constitutionnel et européen de l’atteinte au libre choix par le salarié de son employeur et du libre exercice d’une activité professionnelle.

Cette clause est donc nulle et de nul effet.

Le comportement déloyal de monsieur [F] au titre du contrat du 1er juin 2013 n’est pas apporté.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le préjudice d’image de la société WATI- B

La société WATI-B considère que du fait du non respect de ses engagements, monsieur [F] lui a causé un préjudice d’image et sollicite la condamnation de celui-ci à hauteur de 80.000 euros, sa réputation aurait été fortement impactée par le départ de l’Artiste qu’elle produit depuis les premières années de sa carrière.

Elle indique que monsieur [F] l’a critiquée ouvertement sur les réseaux sociaux et produit une Capture d’écran d’une vidéo Youtube intitulée « [Y] clash Wati B et Sony.

Elle démontre donc avoir subi un préjudice, il lui sera alloué la somme de 10 000euros à ce titre.

Sur le travail dissimulé

En vertu de l’article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Monsieur [F] soutient que la société WATI-B a effectué les DPAE tardivement.

En tout état de cause, la société WATI B PROD a effectué avec retard les paiements desdites redevances dues en application du contrat du 1 er juin 2013.

Il convient de constater que ces déclarations ont été effectuées et que l’Artiste ne démontre aucunement l’élément intentionnel de la société WATI-B.

Dés lors il sera débouté de cette demande.

Sur la demande pour procédure abusive

Monsieur [F] considère que la société WATI-B a fait un usage abusif de son droit d’appel. Cependant la société WATI-B qui avait obtenu un jugement reconnaissant le comportement déloyal de son cocontractant qui n’était pas indemnisé, pouvait légitimement faire appel.

Aucune intention de nuire à monsieur [F] n’est démontrée.

Dès lors l’abus du droit d’ester en justice n’est pas établi , monsieur [F] sera débouté de cette demande .

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l’article 450 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu’il a dit que monsieur [F] avit violé ses obligations contractuelles et son obligation de loyauté au titre du contrat solo ;

Y ajoutant,

DIT qu’aucun comportement déloyal ne peut être reproché à monsieur [F] au titre du contrat du 30 mai 2012 ;

CONDAMNE monsieur [F] à payer à la société WATI-B la somme de 10 000euros au titre du préjudice d’image ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE monsieur [F] à payer à la société WATI-B en cause d’appel la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties du surplus des demandes ;

LAISSE les dépens à la charge de monsieur [F].

Le greffier La présidente

 

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