Une cession de droits d’auteurs faite sans l’accord du coauteur est un acte de disposition qui porte nécessairement atteinte aux droits d’auteur de ce dernier et constitue dès lors une contrefaçon.
Le défaut de consentement du coauteur entraîne la nullité de la cession, et non sa seule inopposabilité, le caractère très imbriqué des contributions respectives rendant impossible une exploitation séparée des illustrations, chacun pour sa quote part indivise.
Pour rappel, l’article 113-2 du code de la propriété intellectuelle dispose : “Est dite de collaboration l’oeuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques”.
Un rapport d’étroite collaboration et de concertation doit exister entre les co auteurs. Les contributions respectives devant avoir été envisagées en concertation, peu important qu’elles relèvent de genres différents.
La qualité de co-auteur suppose également de la part de chacun des co-auteurs un rôle créatif original.
La qualité de co-auteur doit être prouvée par le demandeur par tous moyens.
L’affaire oppose la SAS ICLASS MANAGEMENT et le Dr [E] [T] [J] à la société [D] PHARMA FRANCE HOLDING et à M. [N] [I] concernant des illustrations anatomiques réalisées pour le [D] College. La SAS ICLASS MANAGEMENT et le Dr [E] [T] [J] revendiquent des droits de co-auteur sur les illustrations et contestent la cession des droits d’auteur à la société [D] PHARMA FRANCE HOLDING. Ils demandent l’annulation du contrat de cession, l’interdiction d’utilisation des illustrations sans leur accord, la remise des fichiers sources et des dommages et intérêts. De leur côté, la société [D] PHARMA FRANCE HOLDING et M. [N] [I] affirment que ce dernier est l’unique auteur des illustrations et que la cession des droits d’auteur est valable. Ils demandent des dommages et intérêts pour le préjudice subi. L’affaire est en attente de jugement après l’ordonnance de clôture intervenue le 8 février 2024.
Introduction
Cette affaire judiciaire porte sur la contrefaçon de droits d’auteur concernant 84 illustrations médicales. Les parties en conflit sont M. [E] [T] [J], qui se considère comme co-auteur des illustrations, et M. [N] [I], qui revendique être l’auteur exclusif. La SAS [D] PHARMA FRANCE HOLDING est également impliquée en tant que bénéficiaire de la cession des droits d’auteur par M. [N] [I]. Le tribunal a été saisi pour déterminer la titularité des droits d’auteur, la nature de l’œuvre en question, et les conséquences juridiques de la cession des droits sans le consentement de M. [E] [T] [J].
Existence d’une Œuvre Protégée par le Droit d’Auteur
Selon l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, toute œuvre de l’esprit bénéficie de la protection des droits d’auteur dès lors qu’elle est formalisée et présente une certaine originalité. En l’espèce, les 84 illustrations en cause sont considérées comme des œuvres de l’esprit au sens de l’article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle. Les parties s’opposent cependant sur la titularité des droits d’auteur, M. [E] [T] [J] se considérant co-auteur, tandis que M. [N] [I] revendique être l’auteur exclusif.
Œuvre de Collaboration
M. [E] [Y] soutient qu’il a contribué de manière significative à la création des illustrations, en apportant des corrections et des modifications basées sur son expérience clinique. Il présente des témoignages et l’avis d’un expert pour appuyer sa revendication. La SAS [D] PHARMA FRANCE HOLDING et M. [N] [I] contestent cette allégation, affirmant que M. [E] [Y] n’a apporté que des corrections techniques sans valeur créative. Le tribunal a examiné les échanges de mails entre les parties, révélant une collaboration étroite et des contributions créatives de M. [E] [T] [J], concluant ainsi que les illustrations constituent une œuvre de collaboration.
Faits de Contrefaçon : Cession de Droits d’Auteur
M. [E] [Y] accuse M. [N] [I] d’avoir cédé ses droits d’auteur sur les illustrations sans son consentement, ce qui constitue une contrefaçon selon l’article L.113-3 du code de la propriété intellectuelle. La SAS [D] PHARMA FRANCE HOLDING soutient que la cession est inopposable à M. [E] [T] [J] pour sa quote-part indivise. Le tribunal a jugé que la cession des droits d’auteur sans le consentement de M. [E] [T] [J] est nulle et constitue une contrefaçon, annulant ainsi l’acte de cession du 1er juin 2018.
Demande Indemnitaire pour Contrefaçon de Droit d’Auteur
M. [E] [T] [J] a demandé une indemnisation de 10.000 euros pour violation de ses droits en tant que co-auteur. M. [N] [I] et la SAS [D] PHARMA FRANCE HOLDING ont contesté cette demande. Le tribunal a rejeté la demande de M. [E] [T] [J], estimant qu’il n’a pas justifié d’un préjudice autre que celui déjà réparé par l’annulation de la cession des droits d’auteur.
Demande Indemnitaire pour Erreur sur les Qualités Essentielles
La société ICLASS MANAGEMENT a réclamé 150.000 euros de dommages et intérêts pour une erreur sur les qualités essentielles, affirmant que les vidéos devaient être largement diffusées. La SAS [D] PHARMA FRANCE HOLDING a contesté cette demande, arguant que l’erreur alléguée ne constituait pas une cause de nullité du contrat. Le tribunal a rejeté la demande de la société ICLASS MANAGEMENT, estimant qu’elle n’a pas prouvé l’existence d’une erreur sur les qualités essentielles ni le préjudice allégué.
Autres Mesures Réparatoires
M. [E] [Y] a demandé l’interdiction d’utilisation des illustrations et la remise des fichiers sources. M. [N] [I] et la SAS [D] PHARMA FRANCE HOLDING ont contesté cette demande. Le tribunal a ordonné l’interdiction de toute reproduction des illustrations sans l’accord de M. [E] [Y], mais a rejeté la demande de remise des fichiers sources, estimant que les co-auteurs doivent s’accorder sur les conditions d’exploitation des illustrations.
Préjudice Économique de la SAS [D] PHARMA FRANCE HOLDING
La SAS [D] PHARMA FRANCE HOLDING a réclamé 34.407 euros pour préjudice économique, affirmant que le projet de vidéos n’a pas abouti comme prévu. Les demandeurs ont contesté cette réclamation, arguant que la SAS [D] PHARMA FRANCE HOLDING est seule responsable de la situation. Le tribunal a rejeté la demande de la SAS [D] PHARMA FRANCE HOLDING, estimant qu’aucun manquement contractuel ni lien de causalité n’a été établi.
Préjudice Moral de M. [N] [I]
M. [N] [I] a réclamé 20.000 euros pour préjudice moral, affirmant que M. [E] [Y] lui a imposé des conditions de travail éprouvantes. Les demandeurs ont contesté cette réclamation, arguant que M. [N] [I] n’a pas prouvé l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité. Le tribunal a rejeté la demande de M. [N] [I], estimant qu’il n’a pas démontré une atteinte à sa réputation, son honneur ou ses sentiments d’affection.
Demandes Annexes
Le tribunal a ordonné que la société [D] PHARMA FRANCE HOLDING et M. [N] [I] supportent les dépens de l’instance. Les demandes formulées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ont été rejetées par mesure d’équité. L’exécution provisoire a été jugée compatible avec la nature de l’affaire et n’a pas été écartée.
– M. [E] [Y] : Astreinte de 100 euros par infraction constatée, dans la limite de 200 euros par jour, durant un délai maximum de 4 mois
– SAS [D] PHARMA FRANCE HOLDING : Astreinte de 100 euros par infraction constatée, dans la limite de 200 euros par jour, durant un délai maximum de 4 mois
– SAS [D] PHARMA FRANCE HOLDING et M. [N] [I] : Dépens de l’instance avec droit de recouvrement direct au profit des avocats de la cause
Réglementation applicable
Articles des Codes cités et leur texte
Code de la propriété intellectuelle
– Article L. 111-1
L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous qui comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial, qui sont déterminés par les livres 1er et 3 de ce code.
– Article L. 112-1
Les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.
– Article L. 112-2 7°
Sont considérées notamment comme œuvres de l’esprit au sens du présent code : 7° Les illustrations, les cartes géographiques.
– Article L. 113-2
Est dite de collaboration l’œuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques. Un rapport d’étroite collaboration et de concertation doit exister entre les co-auteurs. Les contributions respectives devant avoir été envisagées en concertation, peu important qu’elles relèvent de genres différents. La qualité de co-auteur suppose également de la part de chacun des co-auteurs un rôle créatif original. La qualité de co-auteur doit être prouvée par le demandeur par tous moyens.
– Article L. 113-3
L’œuvre de collaboration est la propriété commune des coauteurs. Les coauteurs doivent exercer leurs droits d’un commun accord. En cas de désaccord, il appartient à la juridiction civile de statuer. Lorsque la participation de chacun des coauteurs relève de genres différents, chacun peut, sauf convention contraire, exploiter séparément sa contribution personnelle, sans toutefois porter préjudice à l’exploitation de l’œuvre commune.
– Article L. 122-2
Les droits d’exploitation appartenant à l’auteur comprennent le droit de représentation et le droit de reproduction.
– Article L. 131-2
Les contrats de représentation, d’édition et de production audiovisuelle doivent être constatés par écrit. Ils peuvent être conclus pour une durée déterminée ou pour une durée indéterminée.
Code civil
– Article 1128
Sont nécessaires à la validité d’une convention : Le consentement des parties ; Leur capacité de contracter ; Un contenu licite et certain.
– Article 1130
L’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que sans eux l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.
– Article 1132
L’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant.
– Article 1136
Les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté.
– Article 1178
Un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d’un commun accord. Le contrat annulé est censé n’avoir jamais existé. Les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.
– Article 1240
Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
– Article 1231-1
Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.
– Article 1231-2
Les dommages et intérêts dus au créancier sont en général de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après.
Code de procédure civile
– Article 696
La partie perdante est condamnée aux dépens, sauf si le juge met tout ou partie de ceux-ci à la charge d’une autre partie, par une décision motivée.
– Article 699
La partie condamnée aux dépens ou qui a obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle est tenue de payer directement aux avocats, aux avoués, aux officiers publics ou ministériels et aux auxiliaires de justice les sommes dont elle est redevable envers eux.
– Article 700
Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Me Laurence-anne CAILLERE BLANCHOT
– Me Emmanuelle MENARD
– Maître Marie-pierre CAZEAU
– Maître Marie-pierre CAZEAU
– Me Laurence-anne CAILLERE BLANCHOT
– Maître Emmanuelle MENARD
Mots clefs associés
– Contrefaçon de droits d’auteur
– Oeuvre de collaboration
– Titularité des droits d’auteur
– Cession de droits d’auteur
– Collaboration entre co-auteurs
– Acte de contrefaçon
– Nullité de cession de droits d’auteur
– Réparation indemnitaire
– Erreur sur les qualités essentielles
– Préjudice économique
– Préjudice moral
– Mesures réparatoires
– Interdiction d’utilisation
– Remise des fichiers sources
– Demandes reconventionnelles
– Charge des dépens
– Exécution provisoire
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 20/00601 – N° Portalis DBX6-W-B7E-UAYI
PREMIÈRE CHAMBRE
CIVILE
79A
N° RG 20/00601 – N° Portalis DBX6-W-B7E-UAYI
Minute n° 2024/00
AFFAIRE :
[E] [T] [J], S.A.S. ICLASS MANAGEMENT
C/
[N] [I], S.A.S. [D] PHRAMA FRANCE HOLDING
Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : Me Laurence-anne CAILLERE BLANCHOT
Me Emmanuelle MENARD
la SELARL RACINE
la SELARL STRATEGIE IMMATERIELLE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 23 AVRIL 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :
Madame Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente,
Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente,
Madame Delphine DUPUIS-DOMINGUEZ, Juge,
Madame Hassna AHMAR-ERRAS, adjoint administratif faisant fonction de Greffier
DEBATS :
A l’audience publique du 05 Mars 2024 sur rapport de Delphine DUPUIS-DOMINGUEZ, Juge, conformément aux dispositions de l’article 785 du Code de Procédure Civile.
JUGEMENT:
Non qualifiée
Premier ressort,
Par mise à disposition au greffe,
DEMANDEURS :
Monsieur [E] [T] [J]
né le 21 Avril 1975 à BORDEAUX (33000)
13 bis avenue de la Motte Piquet
75007 PARIS
représenté par Maître Marie-pierre CAZEAU de la SELARL STRATEGIE IMMATERIELLE, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant
S.A.S. ICLASS MANAGEMENT
13 avenue René Cassagne
33150 CENON
représentée par Maître Marie-pierre CAZEAU de la SELARL STRATEGIE IMMATERIELLE, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant
N° RG 20/00601 – N° Portalis DBX6-W-B7E-UAYI
DEFENDEURS :
Monsieur [N] [I]
né le 14 Février 1973 à ROSNY SOUS BOIS (93110)
41 rue Frantz Malvezin
33200 BORDEAUX
représenté par Me Laurence-anne CAILLERE BLANCHOT, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
S.A.S. [D] PHARMA FRANCE HOLDING
44 rue de la Bienfaisance
75008 PARIS
représentée par Maître Emmanuelle MENARD de la SELARL RACINE BORDEAUX, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats postulant
EXPOSE DU LITIGE
La SAS ICLASS MANAGEMENT exerçant sous le nom commercial “iclass Anatomy” est une société ayant pour activité la formation dans le domaine médical et plus précisément au niveau anatomique. Elle est présidée par le Dr [E] [T] [J], chirurgien esthétique.
La société [D] PHARMA FRANCE HOLDING est un laboratoire pharmaceutique qui a mis au point un processus de formation médicale sur une plate-forme de e-learning destinée aux médecins dénommée le [D] College.
Dans le courant du mois de mars 2017, la société [D] PHARMA FRANCE HOLDING a fait appel au Dr [E] [T] [J] ainsi qu’à M. [N] [I], en sa qualité d’illustrateur médical, en vue de la réalisation de modules de formation en anatomie constitués de powerpoints comportant des explications, accompagnées d’illustrations, destinés à être montés par une société Em&i sous la forme de 10 vidéos, mises en ligne sur le [D] College.
La SAS ICLASS MANAGEMENT a émis une facture d’un montant de 10.000 euros HT pour la réalisation par M. [E] [T] [J] de 10 vidéos, le 20 février 2018, qui a été réglée par la SAS [D] PHARMA FRANCE HOLDING.
Suivant contrat du 1er juin 2018, M. [N] [I] a cédé ses droits d’auteur sur les 84 illustrations à la SAS [D] PHARMA FRANCE HOLDING pour un montant de 11.950 euros HT.
Estimant que ces illustrations sont des oeuvres de collaboration sur lesquelles il revendique des droits de co auteur, qui n’auraient pas du être cédés sans son accord, M. [E] [T] [J] et la SAS ICLASS MANAGEMENT ont mis en demeure M. [N] [I] et la SAS [D] FRANCE PHARMA HOLDING par courrier du 12 juin 2019, puis les ont fait citer par acte du 7 février 2020, devant le tribunal judiciaire de BORDEAUX, en contrefaçon de droits d’auteur et indemnisation des préjudices de la SAS ICLASS MANAGEMENT.
Dans leurs dernières conclusions, notifiées le 22 novemvre 2023, la SAS ICLASS MANAGEMENT et le Dr [E] [Y] demandent au tribunal, au visa des dispositions des articles 1128 1178 du code civil et L. 113-3 du code de la propriété intellectuelle de :
dire et juger recevables la société ICLASS MANAGEMENT et le Dr [E] [T] [J] en leurs demandes fins et conclusionsdire et juger le Dr [E] [T] [J] co-auteur des oeuvres graphiques correspondant à 84 illustrations anatomiques réalisées avec M. [N] [I] pour la société [D] PHARMA FRANCE HOLDINGannuler tout contrat de cession de droit d’auteur conclu entre M. [I] et la société [D] PHARMA FRANCE HOLDING concernant les oeuvres graphiques correspondant aux 84 illustrations anatomiques litigieusesinterdire à la société [D] PHARMA FRANCE HOLDING toute utilisation desdites oeuvres graphiques sans l’accord écrit du Dr [E] [Y]faire injonction à M. [N] [I] de remettre les fichiers sources dans un format original modifiable et éditable au Dr [E] [Y] et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenircondamner M. [N] [I] au paiement d’une somme de 10.000 euros au profit du Dr [Y] pour violation de ses droits en tant que co-auteur avec intérêts de retard à compter de l’assignation condamner la société [D] PHARMA FRANCE HOLDING à indemniser la société ICLASS MANAGEMENT à hauteur de 150.000 euros pour cette période de 15 mois de travail sur le fondement des articles 1128, 1130 et suivants, 1178 et suivants et 1240 du code civildébouter la société [D] PHARMA FRANCE HOLDING de l’ensemble de ses demandes fins et conclusionsdébouter M. [I] de l’ensemble de ses demandes fins et conclusionscondamner solidairement la société [D] PHARMA et M. [I] à verser à chacun la somme de 6.000 euros d’une part à la société ICLASS MANAGEMENT et d’autre part au Dr [E] [Y] condamner la société [D] PHARM et M. [I] aux entiers dépens d’instance.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 20 septembre 2023, la société [D] PHARMA FRANCE HOLDING, au visa des dispositions du code de la propriété intellectuelle, des articles 815 et suivants, 1128 1130 et suivants, 1178 et 1231-2 du code civil, de :
relativement aux droits d’auteur sur les illustrationsà titre principal :dire et juger que [N] [I] est l’unique auteur des 84 illustrations anatomiques réalisées pour la SAS [D] PHARMA FRANCE HOLDINGen conséquence, débouter le Dr [E] [Y] et la société ICLASS MANAGEMENT de l’ensemble de leurs demandes formées sur le fondement du droit d’auteurà titre subsidiairedire et juger que la SAS [D] PHARMA FRANCE HOLDING a valablement acquis les droits d’auteur sur les illustrationsen conséquence, débouter le Dr [E] [Y] et la société ICLASS MANAGEMENT de leurs demandes d’annulation du contrat de cession d’interdiction d’exploitation des illustrations par [D] et de communication des fichiers sourcesrelativement au vice du consentement alléguéà titre principaldire et juger que le consentement du Dr [E] [T] [J] et de la société ICLASS MANAGEMENT n’a pas été vicié en conséquence, débouter le Dr [E] [T] [J] et la société ICLASS MANAGEMENT de leur demande d’indemnisationà titre subsidiairedire et juger que la demande d’indemnité formée par le Dr [E] [T] [J] et la société ICLASS MANAGEMENT sur le fondement du vice du consentement est injustifiée et disproportionnéeen conséquence, débouter le Dr [E] [T] [J] et la société ICLASS MANAGEMENT de leur demande d’indemnisationà titre reconventionnelcondamner solidairement le Dr [E] [T] [J] et la société ICLASS MANAGEMENT à verser à la société [D] PHARMA FRANCE HOLDING la somme de 34.407 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice économique qu’elle a subien tout état de causedébouter le Dr [E] [T] [J] et la société ICLASS MANAGEMENT de l’ensemble de leurs demandescondamner solidairement le Dr [E] [T] [J] et la société ICLASS MANAGEMENT à verser à la société [D] PHARMA FRANCE HOLDING la somme de 30.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civilecondamner solidairement le Dr [E] [T] [J] et la société ICLASS MANAGEMENT aux entiers dépens de l’instance conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions, M. [N] [I], au visa des dispositions des articles L.113-2, L.122-2 L.131-2 du code de la propriété intellectuelle, et 1240 du code civil, demande au tribunal de :
dire et juger que M. [N] [I] est l’auteur unique des 84 illustrations commandées par la [D] PHARMA FRANCE HOLDINGdire et juger valablement conclue la cession des droits d’auteur entre M. [N] [I] et SINCLAIRdébouter ainsi le docteur [E] [T] [J] et la société ICLASS MANAGEMENT de l’ensemble de leurs demandes fins et conclusionscondamner solidairement le docteur [E] [Y] et la société ICLASS MANAGEMENT à verser à M. [N] [I] une somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi
condamner solidairement le docteur [T] [J] et la société I CLASS MANAGEMENT à verser à M. [N] [I] une somme de 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
L’ordonnance de clôture est intervenue le 8 février 2024.
MOTIVATION
I- Sur la contrefaçon de droits d’auteur
a) sur l’existence d’une oeuvre ouvrant droit à la protection au titre du droit d’auteur
En vertu de l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous qui comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial, qui sont déterminés par les livres 1er et 3 de ce code.
Toute oeuvre de l’esprit quels qu’en soit le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination comme rappelé par l’article L 112-1 du même code, dès lors qu’elle est formalisée et présente une certaine originalité bénéficie de la protection des droits d’auteur prévue par le code de la propriété intellectuelle.
N° RG 20/00601 – N° Portalis DBX6-W-B7E-UAYI
Selon l’article L. 112-2 7°du code de la propriété intellectuelle, sont considérées comme oeuvres de l’esprit, les illustrations.
En l’espèce, il n’est pas discuté que les 84 illustrations en cause, constituent des oeuvres de l’esprit au sens de l’article L 112-2 du code de la propriété intellectuelle protégeables par le droit d’auteur.
Les parties s’opposent en revanche sur la titularité des droits d’auteur, M. [E] [T] [J] se considérant co auteur, et M. [N] [I], auteur exclusif de ces oeuvres.
b) sur l’oeuvre de collaboration
M. [E] [Y] soutient qu’il était entendu entre les parties de réaliser conjointement les dessins illustrations, et expose avoir procédé à de nombreuses corrections et modifications des illustrations préparées par celui-ci.
Sa contribution ne se limiterait pas à un apport technique mais constituerait une création originale, faite d’une présentation particulière de l’anatomie clinique appliquée, fruit de sa pratique chirurgicale et des dissections. Il communique l’avis d’un expert médecin outre les attestations de deux de ses confrères, témoignant de la créativité et de l’unicité des illustrations en cause.
La SAS [D] PHARMA FRANCE HOLDING rétorque que M. [E] [Y] ne démontre pas la réalité de la collaboration alléguée. Les parties ne se seraient jamais accordées pour réaliser conjointement les illustrations, dont la création avait au contraire été confiée à M. [N] [I], tandis que M. [E] [Y] se chargeait du texte des formations, et regroupait le tout sur des power points, destinés à être montés en vidéo.
La SAS [D] PHARMA FRANCE HOLDING dément l’apport créatif original de de M. [E] [Y], dont le rôle s’est limité à corriger des erreurs anatomiques, sans jamais intervenir lui-même sur les dessins.
La défenderesse critique les attestations et l’avis de l’expert produits qui feraient l’éloge d’innovations en matière médicale et non en matière de création artistique, les concepts médicaux étant des idées non protégeables.
M. [N] [I] indique pour sa part qu’il n’y a eu aucun contrat de collaboration entre le demandeur et lui-même. Il rappelle la répartition des tâches entre lui-même le défendeur et la société de montage. Il réfute toute inspiration commune et minimise les corrections du docteur [Y] qui n’auraient pas modifié le rendu graphique et esthétique des illustrations. Celles-ci porteraient l’empreinte de sa personnalité, son style graphique singulier, unique, facilement reconnaissable, résultat de ses propres recherches iconographiques et de son expérience de 25 ans.
SUR CE
L’article 113-2 du code de la propriété intellectuelle dispose : “Est dite de collaboration l’oeuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques”.
Un rapport d’étroite collaboration et de concertation doit exister entre les co auteurs. Les contributions respectives devant avoir été envisagées en concertation, peu important qu’elles relèvent de genres différents.
La qualité de co-auteur suppose également de la part de chacun des co-auteurs un rôle créatif original.
La qualité de co-auteur doit être prouvée par le demandeur par tous moyens.
La lecture des mails échangés entre mars 2017 et mars 2018 révèle que c’est M. [E] [T] [J] qui indiquait à M.[N] [I] où placer exactement les parties du visage représentées : “voici quelques éléments sur les 2 schémas sur épaisseur de la peau et de la graisse superf, tu peux aller jusqu’au nez et sillon naso genien pour la partie épaisse, on ajuste ensemble”,
Ses directives ne se sont toutefois pas limitées à une contribution technique, puisqu’il apparaît que M. [N] [I] sollicitait M. [E] [T] [J] pour qu’il modifie également la forme et à la couleur des figures : “peux tu valider et compléter cette figure ? Il me manque les tracés gris et violets. Peux tu me les faire sur un power point?” Chaque partie du visage représentée comporte en outre un acronyme renvoyant à une légende et à un glossaire, inédits dans la nomenclature anatomique actuelle. Dès lors, la forme finale donnée aux illustrations reflète les choix personnels et pédagogiques de présentation de l’anatomie de M. [E] [T] [J], fruits de son expérience clinique, et portent l’empreinte de sa personnalité.
Par conséquent, il y a lieu de dire que les 84 illustrations constituent une oeuvre de collaboration.
c) Sur les faits contrefaisants : la cession de droits d’auteur
M. [E] [Y] fait grief à M. [N] [I] d’avoir cédé ses droits d’auteur sur les illustrations sans son consentement, ce qui en vertu des dispositions de l’article L.113-3 du code de la propriété intellectuelle, constitue un acte de contrefaçon.
A défaut d’avoir été conclus avec son consentement, cette cession, soutient le demandeur, encourerait la nullité, au regard des dispositions des articles 1128 et 1178 du code civil.
Selon la SAS [D] PHARMA FRANCE HOLDING, le caractère indivis des droits dont bénéficient les coauteurs d’une oeuvre de collaboration entraîne que la cession intervenue serait, non pas nulle, mais inopposable à M. [E] [T] [J], pour sa quote-part indivise.
M. [N] [I], au visa des articles L.122.2 et L.131-2 du code de la propriété intellectuelle, se considérant comme l’auteur exclusif des illustrations, se dit bien fondé à avoir cédé ses droits d’auteur à la société [D].
SUR CE
L’article L.113-3 dispose : “L’oeuvre de collaboration est la propriété commune des coauteurs.
Les coauteurs doivent exercer leurs droits d’un commun accord.
En cas de désaccord, il appartient à la juridiction civile de statuer.
Lorsque la participation de chacun des coauteurs relève de genres différents, chacun peut, sauf convention contraire, exploiter séparément sa contribution personnelle, sans toutefois porter préjudice à l’exploitation de l’oeuvre commune.”
Tout acte d’exploitation de l’oeuvre de collaboration exige le consentement de tous les co auteurs.
Toute exploitation ne respectant pas le principe d’unanimité est une contrefaçon.
En l’espèce, M. [N] [I] ne conteste pas avoir cédé ses droits sur les 84 illustrations à la société [D] PHARMA FRANCE HOLDING par contrat du 1er juin 2018, sans l’accord de M. [E] [T] [J].
Cet acte de disposition, accompli sans le consentement du co auteur des oeuvres de collaboration, porte nécessairement atteinte aux droits d’auteur de ce dernier et constitue dès lors une contrefaçon.
Contrairement à ce qu’affirme la société [D] PHARMA FRANCE HOLDING, le défaut de consentement du demandeur entraîne la nullité de la cession, et non sa seule inopposabilité, le caractère très imbriqué des contributions respectives rendant impossible une exploitation séparée des illustrations, chacun pour sa quote part indivise.
L’acte de cession des droits d’auteur sur les illustrations du 1er juin 2018, sera dès lors annulé.
II- Sur les demandes de réparation indemnitaires
a) Sur la demande indemnitaire au titre de la contrefaçon de droit d’auteur
M.[E] [T] [J] sollicite l’allocation de la somme de 10.000 euros pour violation de ses droits en tant que co-auteur, avec intérêts de retard à compter de l’assignation du 17 décembre 2019.
M. [N] [I], contestant la qualité de co-auteur de M. [E] [T] [J], conclut au rejet de cette prétention qu’il juge infondée.
La SAS [D] PHARMA FRANCE HOLDING, contre laquelle cette prétention n’est pas dirigée, sollicite le rejet de l’ensemble des demandes au titre de la violation des droits d’auteur.
SUR CE
M. [E] [T] [J], dont la prétention n’est fondée sur aucun moyen de droit, ne justifie pas d’un préjudice autre que celui déjà réparé par la nullité de la cession de droits d’auteur.
Il sera débouté de sa demande.
b) Sur la demande indemnitaire au titre de l’erreur sur les qualités essentielles
La société ICLASS MANAGEMENT expose que les vidéos devaient être largement diffusées par la SAS [D] PHARMA FRANCE HOLDING, ce qui lui aurait assuré des retombées économiques très positives. Elle affirme qu’elle n’aurait pas accepté de facturer les prestations de M. [E] [T] [J] au tarif de 10.000 euros, si elle avait su que les vidéos ne seraient pas diffusées. Cette erreur sur les qualités essentielles lui cause un préjudice dont elle sollicite réparation à hauteur de 150.000 euros sur le fondement de l’article 1240 du code civil, à raison de 10.000 euros par mois de travail sur une période de 15 mois.
La SAS [D] PHARMA FRANCE HOLDING, en vertu des dispositions des articles 1130 1132 1136 du code civil, se prévaut de ce que l’erreur, à la supposer établie, ne peut entraîner la nullité d’un contrat qu’à condition d’être entrée dans le champ contractuel ce qui n’est pas le cas en l’espèce. De plus, l’appréciation de la rentabilité économique d’une opération ne constituerait pas une erreur sur une qualité essentielle mais une erreur sur les motifs, qui ne serait pas une cause de nullité. Si le tribunal jugeait qu’il y a erreur, il ne pourrait que constater que les demandeurs ne produisent aucun élément pour justifier du préjudice allégué.
M. [N] [I], envers lequel il n’existe pas de prétention de ce chef, reprend l’argumentation développée par la SAS [D] PHARMA FRANCE HOLDING rappelant qu’il n’a aucun lien juridique avec la société ICLASS MANAGEMENT.
SUR CE
L’article 1130 du code civil dispose :
“L’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que sans eux l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contacté à des conditions substantiellement différentes.
Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.”
Des dommages et intérêts peuvent être obtenus par la partie dont le consentement a été vicié par une erreur, à la condition qu’elle justifie d’un préjudice du fait de la nullité de l’engagement vicié ou d’une faute de l’autre partie.
En l’espèce, la SAS ICLASS MANAGEMENT et la société [D] se sont accordées par mail du 9 août 2017, pour fixer les honoraires de ce dernier à la somme de 10.000 euros, “Je suis d’accord pour 10 K€ merci de ta proposition”, “ pour être très transparente, j’avais un budget de 5.000 euros pour tes honoraires pour ces vidéos. Je n’avais bien évidemment pas prévu l’ampleur que cela a pris et je pense logique d’avoir à te rémunérer le travail supplémentaire”.
Le 20 février 2018, la SAS ICLASS MANAGEMENT a émis une facture pour la réalisation par M. [E] [T] [J] de 10 vidéos, de 10.000 euros HT, qui été réglée par la SAS [D] PHARMA FRANCE HOLDING.
Il ne ressort d’aucune pièce du dossier qu’une rémunération tenant compte des retombées économiques de l’opération ait été envisagée entre les parties, les projets de contrat non signés versés aux débats visant le même montant que celui qui a été effectivement perçu par la SAS ICLASS MANAGEMENT.
Par conséquent, la SAS ICLASS MANAGEMENT ne justifie pas d’une erreur sur les qualités essentielles susceptible d’annuler son engagement, ni de la teneur du préjudice que lui cause l’absence de retombée économique.
La SAS ICLASS MANAGEMENT sera par conséquent déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
III- Sur les autres mesures réparatoires
Le demandeur sollicite une interdiction d’utilisation et la remise des fichiers sources dans un format original modifiable et éditable.
M. [N] [I] rétorque que cette demande ne saurait prospérer à son encontre, car les fichiers appartiennent désormais à la SAS [D] PHARMA FRANCE HOLDING.
Cette dernière s’oppose à l’interdiction d’utilisation et à la remise des fichiers sources sollicités en demande, au motif qu’il appartiendrait aux parties de décider ensemble d’un mode d’exploitation des illustrations.
Il sera fait droit aux mesures d’interdiction de toute reproduction des illustrations contrefaisantes sans l’accord de M. [E] [Y] dans les conditions précisées au dispositif du jugement. Ces mesures seront assorties d’une astreinte afin d’en garantir l’efficacité.
La demande aux fins de remise des fichiers sources par M. [N] [I] ne présente pas d’intérêt, celui-ci et le demandeur, en qualité de co auteurs des illustrations, devant désormais s’accorder sur les conditions de leur exploitation, de sorte que l’injonction judiciaire ne se justifie pas en l’espèce.
IV- Sur les demandes reconventionnelles
a) Sur le préjudice économique de la SAS [D] PHARMA FRANCE HOLDING
La SAS [D] PHARMA FRANCE HOLDING fait valoir qu’il était prévu au départ de réaliser 3 modules de formation et que M. [E] [T] [J] en a réalisé 10 avec 84 illustrations au lieu de 20, de sorte que la SAS [D] PHARMA FRANCE HOLDING a du le rémunérer 10.000 euros et non 5.000 euros, ce de même pour M. [N] [I] dont la rémunération est passée de 6.000 euros à 11.950 euros. Elle affirme avoir également exposé des frais pour régler la société Em&i, et pour effectuer le tournage des vidéos, ce alors même que le projet n’a jamais abouti, puisqu’elle n’a été livrée que de trois vidéos, avec retard. Elle estime la totalité de ses dépenses à 34.407 euros, préjudice économique dont elle sollicite réparation sur le fondement de l’article 1231-1 du code civil.
Les demandeurs contestent l’existence du préjudice allégué en défense, dont la SAS [D] PHARMA FRANCE HOLDING serait seule responsable, au motif qu’elle n’aurait pas réglé la problématique des droits d’auteur et qu’elle n’aurait pas davantage réclamé la livraison des vidéos complémentaires. Ils dénient le retard dans la livraison des trois vidéos.
SUR CE
L’article 1231-1 et 1231-2 du code civil disposent :
“Le débiteur est condamné s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure”.
“Les dommages et intérêts dus au créancier sont en général de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après.”
Les parties n’ont en l’espèce pas signé de contrat, ce qui ressort des termes de leurs échanges, la SAS [D] PHARMA FRANCE HOLDING indiquant dans deux courriels adressés au demandeur : “d’où l’intérêt de vraiment tout décider en amont” ainsi que dans un courrier rédigé en anglais “ce conflit provient de ce que les prestations et obligations respectives n’ont pas été soigneusement précisées au début”.
A défaut de pièce contractuelle définissant précisément les obligations respectives des parties, aucun manquement contractuel ni lien de causalité entre celui-ci et le préjudice allégué n’est établi en l’espèce.
b) Sur le préjudice moral de M. [N] [I]
M. [N] [I] affirme que M. [E] [Y] lui a imposé la production de dessins supplémentaires, dans des conditions très éprouvantes, et dans le but de récupérer ses droits d’auteur sur ceux-ci. Il estime par ailleurs que la procédure intentée par le demandeur est abusive. Il sollicite réparation de son préjudice moral à hauteur de 20.000 euros.
Les demandeurs disent que M. [N] [I], avec lequel ils n’ont aucun contrat, doit démontrer une faute, un préjudice et un lien de causalité au soutien de sa demande indemnitaire, ce qu’il échoue à faire.
La demande de réparation du préjudice moral sera rejetée en l’absence de démonstration d’une atteinte à la réputation, l’honneur, la considération ou bien aux sentiments d’affection de M. [N] [I], qui ne saurait se confondre avec la simple contrariété résultant de la nécessité d’apporter de nombreuses modifications aux illustrations litigieuses.
V- Sur les demandes annexes
En application de l’article 696 du code de procédure civile, la société [D] PHARMA FRANCE HOLDING et M. [N] [I] supporteront la charge des entiers dépens de l’instance dont distraction au profit de la SELARL STRATEGIE IMMATERIELLE conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Par mesure d’équité, les demandes formulées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
L’exécution provisoire est compatible avec la nature de l’affaire, il n’y a pas lieu de l’écarter.
PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL,
DIT que les 84 illustrations sont protégeables au titre du droit d’auteur par les dispositions des livres I et III du code de la propriété intellectuelle,
DIT que M. [E] [Y] est co-auteur des 84 illustrations qui sont des oeuvres de collaboration,
DIT que M. [N] [I] a commis des actes de contrefaçon de droits d’auteur au préjudice de M. [E] [T] [J] en cédant ses droits d’auteur sur les illustrations litigieuses sans son autorisation,
ANNULE la cession par M. [N] [I] à la SAS [D] PHARMA FRANCE HOLDING de ses droits d’auteur sur les 84 illustrations du 1er juin 2018,
DEBOUTE M. [E] [T] [J] de sa demande de remise des fichiers sources dans un format original modifiable et éditable,
DEBOUTE M. [E] [T] [J] de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de l’atteinte à ses droits d’auteur,
DÉBOUTE la SAS ICLASS MANAGEMENT de sa demande d’indemnisation au titre de la réparation de son préjudice résultant d’une erreur sur les qualités essentielles du contrat,
ORDONNE à la SAS [D] PHARMA FRANCE HOLDING de cesser d’utiliser les illustrations litigieuses sur quelque support que ce soit, dans le délai d’un mois suivant la signification du présent jugement,
PASSÉ CE DÉLAI, CONDAMNE la SAS [D] PHARMA FRANCE HOLDING à payer à M. [E] [Y] une astreinte de 100 euros par infraction constatée, dans la limite de 200 euros par jour, durant un délai maximum de 4 mois,
DEBOUTE la SAS [D] PHARMA FRANCE HOLDING de ses demandes au titre de son préjudice économique,
DEBOUTE M. [N] [I] de ses demandes au titre du préjudice moral,
DEBOUTE la SAS ICLASS MANAGEMENT M. [E] [T] [J] la SAS [D] PHARMA FRANCE HOLDING et M. [N] [I] de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SAS [D] PHARMA FRANCE HOLDING et M. [N] [I] aux dépens de l’instance avec droit de recouvrement direct au profit des avocats de la cause, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
ORDONNE l’ exécution provisoire du présent jugement,
REJETTE toutes autres demandes comme non fondées.
La présente décision est signée par Madame Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente, et Madame Hassna AHMAR-ERRAS, adjoint administratif faisant fonction de Greffier.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT