Accident du travail : respect du contradictoire et matérialité de l’accident

Notez ce point juridique

1. Respect du principe du contradictoire : Il est essentiel de s’assurer que la caisse a respecté le principe du contradictoire en informant l’employeur de manière claire et précise sur les éléments recueillis lors de l’enquête et en lui donnant la possibilité de consulter le dossier et de formuler ses observations dans les délais impartis.

2. Matérialité de l’accident du travail : Il est important de prouver la réalité de l’accident survenu au temps et au lieu de travail, ainsi que l’existence d’une lésion corporelle résultant de cet accident. La caisse doit apporter des éléments sérieux, graves, précis et concordants pour établir la survenance de l’accident du travail.

3. Demande de dommages et intérêts : En cas de demande de dommages et intérêts, il est nécessaire de démontrer l’existence d’une faute causant un préjudice et d’apporter des éléments probants à l’appui de cette demande. Il est également important de respecter les règles de procédure et de ne pas demander la suppression de mentions dans les conclusions adverses sans fondement légal.


Mme [C] [A], employée en tant que superviseur depuis 2003, a été victime d’un incident le 11 juillet 2022, qualifié d’accident du travail par son employeur lors d’une déclaration à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM). L’incident, décrit comme un harcèlement moral lors d’une présentation devant son équipe, a été initialement certifié par le Dr [M] [G] comme ayant causé un stress post-traumatique. Cependant, ce certificat a été annulé par le même médecin le 4 octobre 2022, attribuant l’arrêt de travail à un état de fatigue et laissant la qualification de l’arrêt à la discrétion du médecin-conseil de la CPAM.

Malgré les réserves émises par l’employeur concernant la déclaration de l’accident, la CPAM a décidé le 10 octobre 2022 de reconnaître l’incident comme un accident du travail. L’employeur a contesté cette décision auprès de la commission de recours amiable, qui a rejeté son recours le 12 juin 2023. L’employeur a ensuite porté l’affaire devant la juridiction compétente, demandant que la décision de la CPAM soit déclarée inopposable, la suppression de certaines allégations dans les documents, et des dommages et intérêts symboliques ainsi que des frais de procédure.

La CPAM a défendu la validité de sa décision et a demandé que toutes les requêtes de l’employeur soient rejetées, y compris les demandes de dommages et intérêts et de frais de procédure, et que l’employeur soit condamné aux dépens. L’affaire a été plaidée le 6 novembre 2023 et mise en délibéré pour une décision prévue le 8 janvier 2024.

Sur le respect du principe du contradictoire

En l’espèce, la caisse a respecté le principe du contradictoire en informant l’employeur des éléments recueillis lors de l’enquête dans les délais impartis et en lui donnant la possibilité de consulter le dossier. La caisse a également justifié avoir respecté cette obligation d’information à l’égard de l’employeur. Ainsi, le moyen soulevé par l’employeur concernant le non-respect du contradictoire par la caisse est rejeté.

Sur la matérialité de l’accident du travail du 11 juillet 2022 :

La caisse a établi la matérialité de l’accident du travail du 11 juillet 2022 en fournissant des éléments graves et concordants montrant que l’accident est survenu soudainement et en lien avec le travail. Malgré les arguments de l’employeur, la preuve contraire n’a pas été apportée, confirmant ainsi la survenance de l’accident au temps et au lieu du travail. Par conséquent, la décision de la caisse primaire d’assurance maladie est déclarée opposable à l’employeur.

Sur la demande de dommages et intérêts et la suppression d’un passage « diffamatoire » dans les conclusions adverses :

La société [6] n’a pas démontré l’existence d’une faute de la part de la CPAM ni d’un préjudice subi. De plus, le tribunal n’a pas compétence pour juger de la pertinence des termes employés dans les conclusions des parties. Ainsi, la demande de dommages et intérêts et de suppression de mentions diffamatoires est rejetée.

Sur les demandes accessoires :

La société [6] est condamnée aux dépens de l’instance, sans qu’aucune considération d’équité ou de situation économique des parties ne justifie l’application de l’article 700 du code de procédure civile. La demande de la compagnie générale de location sur ce point est donc déboutée.

– Compagnie générale de location: Aucun montant spécifique alloué, mais la décision de la caisse primaire d’assurance maladie est déclarée opposable.
– [7]: Déboutée de sa demande de dommages et intérêts, donc aucun montant alloué.
– [7]: Condamnée aux dépens de l’instance, montant non spécifié dans le texte.
– Dispositions de l’article 700 du code de procédure civile: Pas d’application, donc aucun montant alloué sous cet article.


Réglementation applicable

– Article L 411-1 du code de la sécurité sociale : définit ce qu’est un accident du travail.

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Me David GUILLOUET
– Me Alexandra DABROWIECKI
– Mme [E] [T]

Mots clefs associés

– Principe du contradictoire
– Délais de la caisse pour statuer sur le caractère professionnel de l’accident
– Enquête de la caisse
– Consultation du dossier par la victime et l’employeur
– Respect du contradictoire par la CPAM
– Matérialité de l’accident du travail
– Éléments caractérisant un accident du travail
– Présomption d’imputabilité de l’accident du travail
– Preuve de la réalité de l’accident
– Événement soudain survenu au temps et au lieu de travail
– Lésion corporelle
– Fait lié au travail
– Imputabilité professionnelle de l’accident
– Preuve de la survenance d’un événement soudain
– Éléments graves et concordants
– Cause totalement étrangère au travail
– Demande de dommages et intérêts
– Suppression d’un passage diffamatoire dans les conclusions adverses
– Responsabilité de réparer un dommage causé à autrui
– Faute causant un dommage
– Dépens de l’instance
– Article 700 du code de procédure civile

– Principe du contradictoire : Obligation pour les parties d’un procès de se communiquer mutuellement les pièces et les arguments sur lesquels elles fondent leurs prétentions, afin que chacun puisse répondre et défendre ses droits.

– Délais de la caisse pour statuer sur le caractère professionnel de l’accident : Période réglementée durant laquelle la caisse de sécurité sociale doit déterminer si un accident est considéré comme professionnel, généralement dans les 30 jours suivant la déclaration.

– Enquête de la caisse : Procédure menée par la caisse de sécurité sociale pour recueillir des informations et des preuves afin de déterminer la nature professionnelle d’un accident ou d’une maladie.

– Consultation du dossier par la victime et l’employeur : Droit accordé à la victime d’un accident du travail et à son employeur de consulter le dossier administratif relatif à l’accident, pour préparer leur défense ou leurs observations.

– Respect du contradictoire par la CPAM : Obligation pour la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de respecter le principe du contradictoire en informant les parties concernées des éléments du dossier et en leur permettant de les contester.

– Matérialité de l’accident du travail : Éléments factuels et concrets prouvant qu’un accident s’est produit dans le cadre du travail.

– Éléments caractérisant un accident du travail : Circonstances soudaines entraînant une lésion corporelle survenue dans le temps et le lieu de travail, et liées à l’activité professionnelle.

– Présomption d’imputabilité de l’accident du travail : Principe selon lequel un accident survenu sur le lieu et pendant le temps de travail est présumé être dû au travail, sauf preuve contraire.

– Preuve de la réalité de l’accident : Nécessité pour la victime de démontrer l’existence réelle de l’accident et ses circonstances précises.

– Événement soudain survenu au temps et au lieu de travail : Critère essentiel pour la reconnaissance d’un accident du travail, impliquant un événement inattendu et précis.

– Lésion corporelle : Dommage physique subi par une personne, nécessaire pour la qualification d’un accident du travail.

– Fait lié au travail : Tout événement ou circonstance survenant dans le cadre des activités professionnelles et pouvant être lié à un accident ou une maladie professionnelle.

– Imputabilité professionnelle de l’accident : Lien de causalité entre l’accident et l’activité professionnelle de la victime, nécessaire pour la reconnaissance comme accident du travail.

– Preuve de la survenance d’un événement soudain : Nécessité pour la victime de fournir des preuves concrètes de l’occurrence inattendue et rapide de l’événement causant la lésion.

– Éléments graves et concordants : Ensemble de preuves solides et cohérentes nécessaires pour établir un fait ou renverser une présomption en droit.

– Cause totalement étrangère au travail : Facteur qui, bien que survenu pendant les heures de travail, n’a aucun lien avec l’activité professionnelle et peut donc exclure la qualification d’accident du travail.

– Demande de dommages et intérêts : Réclamation faite par une partie lésée pour obtenir une compensation financière pour les préjudices subis.

– Suppression d’un passage diffamatoire dans les conclusions adverses : Action en justice visant à faire retirer des propos jugés diffamatoires des documents officiels ou des plaidoiries adverses.

– Responsabilité de réparer un dommage causé à autrui : Obligation légale pour une personne de compenser les dommages causés à une autre, généralement par une compensation financière.

– Faute causant un dommage : Acte ou omission qui, par négligence ou imprudence, cause un préjudice à autrui et engage la responsabilité de son auteur.

– Dépens de l’instance : Frais de justice que la partie perdante peut être condamnée à payer, incluant les frais de procédure et autres dépenses liées au procès.

– Article 700 du code de procédure civile : Disposition permettant à une partie de demander une indemnisation pour les frais non couverts par les dépens, tels que les honoraires d’avocat.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

1/Tribunal judiciaire de Lille N° RG 23/00443 – N° Portalis DBZS-W-B7H-XBAF
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE

PÔLE SOCIAL

-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

JUGEMENT DU 08 JANVIER 2024

N° RG 23/00443 – N° Portalis DBZS-W-B7H-XBAF

DEMANDERESSE :

S.A. [7]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me David GUILLOUET, avocat au barreau de LILLE, substitué à l’audience par Me Alexandra DABROWIECKI

DEFENDERESSE :

CPAM DE [Localité 9] [Localité 2]
[Adresse 1]
[Adresse 8]
[Localité 2]
Représentée par Mme [E] [T], dûment mandatée

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Benjamin PIERRE, Vice-Président
Assesseur: Hervé COTTENYE, Assesseur pôle social collège employeur
Assesseur: Pierre MEQUINION, Assesseur du pôle social collège salarié

Greffier

Claire AMSTUTZ,

DÉBATS :

A l’audience publique du 06 novembre 2023, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 08 Janvier 2024.

Exposé du litige :

Mme [C] [A], née le 11 janvier 1970, a été embauchée par la SA [7] en qualité de superviseur à compter du 23 février 2003.

Le 12 juillet 2022, la compagnie générale de location a déclaré à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 9]-[Localité 2] un accident du travail survenu sur son lieu de travail habituel le 11 juillet 2022 dans les circonstances suivantes : « nous recevions un résumé par les RH des résultats de la pré-enquête faite auprès des membres de mon équipe ; ; nature de l’accident : morales ; objet adont le contact a blessé la victime : par les propos employés à mon encontre et le power point diffusé à tous ».

Le certificat médical initial établi le 11 juillet 2022 par le Docteur [M] [G] mentionne :
« harcèlement moral public devant toute son équipe, stress post-traumatique ».

Au dos du même certificat médical, mais barré avec la mention « annulé », le docteur [G] indique le 4 octobre 2022 : « Je, soussignée Dr [M] [G], Docteur en médecine, certifie avoir rencontré Mme [C] [A] le 11/07/22 et avoir établi un certificat en reprenant à mon propre compte les termes de la patiente. Je reconnais qu’il s’agit d’une erreur.
L’arrêt de travail est en rapport avec un état de fatigue. Je laisse le soin au médecin-conseil de qualifier cet arrêt, ou non, en rapport avec une maladie professionnelle.
Certificat établi ce jour dans le cadre de la réunion de conciliation organisée entre la société [6] et moi-même par le conseil de l’ordre des médecins ».

Suite à l’envoi la déclaration d’accident du travail, l’employeur a émis des réserves.

Compte tenu de l’existence de réserves, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 9]-[Localité 2] a diligenté une enquête administrative et sollicité l’avis de son médecin-conseil.

Par décision du 10 octobre 2022, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 9]-[Localité 2] a pris en charge d’emblée l’accident du 11 juillet 2022 de Mme [C] [A] au titre de la législation professionnelle.

Par courrier du 9 novembre 2022, la [7] a saisi la commission de recours amiable d’une contestation portant notamment sur la matérialité de l’accident du travail de Mme [C] [A].

Dans sa séance du 12 juin 2023, la commission de recours amiable a rejeté le recours de l’employeur.

Par lettre recommandée avec accusé réception expédiée le 14 mars 2023, la [7] a saisi la juridiction d’une contestation de la décision de rejet implicite de la commission de recours amiable.

Les parties ont échangé leurs écritures dans le cadre de la mise en état du dossier.

Par ordonnance du 5 octobre 2023, la clôture de l’instruction a été ordonnée et l’affaire a été fixée à l’audience du 6 novembre 2023, date à laquelle elle a été plaidée en présence des parties dûment représentées.

* * *
* Par conclusions reprises oralement auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des moyens, la [7] demande au tribunal de :
– déclarer inopposable la décision du 10 octobre 2022 de prise en charge de l’accident du travail de Mme [C] [A] survenu le 11 juillet 2022 ;
– ordonner la suppression du passage situé en page 14 indiquant « en effet, et contrairement aux allégations purement mensongères de l’employeur » ;
– condamner la CPAM à lui payer la somme d’un euro symbolique à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ;
En tout état de cause,
– condamner la CPAM de [Localité 9]-[Localité 2] à lui payer la somme de 2000 euros au visa de l’article 700 du code de procédure civile.

* Par conclusions reprises oralement auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des moyens, la CPAM de [Localité 9]-[Localité 2] demande au tribunal de :
– débouter la [7] de ses demandes ;
– déclarer opposable la décision du 10 octobre 2022 de prise en charge de l’accident du travail de Mme [C] [A] survenu le 11 juillet 2022 ;
– débouter la société [6] de sa demande de condamnation à titre de dommages et intérêts ;
– débouter la société [6] de sa demande de condamnation à l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société [6] aux dépens.

Le dossier a été mis en délibéré au 8 janvier 2023.

MOTIFS :

– Sur le respect du principe du contradictoire :

L’article R.441-7 du code de la sécurité sociale dispose que la caisse dispose d’un délai de trente jours francs à compter de la date à laquelle elle dispose de la déclaration d’accident et du certificat médical initial prévu à l’article L. 441-6 pour soit statuer sur le caractère professionnel de l’accident, soit engager des investigations lorsqu’elle l’estime nécessaire ou lorsqu’elle a reçu des réserves motivées émises par l’employeur.

L’article R.441-8 de ce code dispose : « I.-Lorsque la caisse engage des investigations, elle dispose d’un délai de quatre-vingt-dix jours francs à compter de la date à laquelle elle dispose de la déclaration d’accident et du certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de l’accident.
Dans ce cas, la caisse adresse un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident à l’employeur ainsi qu’à la victime ou ses représentants, dans le délai de trente jours francs mentionné à l’article R. 441-7 et par tout moyen conférant date certaine à sa réception. Ce questionnaire est retourné dans un délai de vingt jours francs à compter de sa date de réception. La caisse peut en outre recourir à une enquête complémentaire. En cas de décès de la victime, la caisse procède obligatoirement à une enquête, sans adresser de questionnaire préalable.
La caisse informe la victime ou ses représentants ainsi que l’employeur de la date d’expiration du délai prévu au premier alinéa lors de l’envoi du questionnaire ou, le cas échéant, lors de l’ouverture de l’enquête.
II.- À l’issue de ses investigations et au plus tard soixante-dix jours francs à compter de la date à laquelle elle dispose de la déclaration d’accident et du certificat médical initial, la caisse met le dossier mentionné à l’article R. 441-14 à la disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu’à celle de l’employeur. Ceux-ci disposent d’un délai de dix jours francs pour le consulter et faire connaître leurs observations, qui sont annexées au dossier. Au terme de ce délai, la victime ou ses représentants et l’employeur peuvent consulter le dossier sans formuler d’observations.
La caisse informe la victime ou ses représentants et l’employeur des dates d’ouverture et de clôture de la période au cours de laquelle ils peuvent consulter le dossier ainsi que de celle au cours de laquelle ils peuvent formuler des observations, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information et au plus tard dix jours francs avant le début de la période de consultation ».

* * *
En application des articles R.441-7 et R.441-8 du code de la sécurité sociale, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l’employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d’en déterminer la date de réception, l’information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l’article R. 441-14.

Il appartient à la caisse de justifier qu’elle a respecté cette obligation d’information à l’égard de l’employeur sur les éléments recueillis lors de l’enquête dans les délais impartis et sur la possibilité de consulter le dossier.

En l’espèce, le 12 juillet 2022, la société [6] a déclaré à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 9]-[Localité 2] l’accident litigieux.

En l’espèce la CPAM produit un courrier du 18 juillet 2022 intitulé « demande de reconnaissance d’un accident du travail » (pièce n°8 caisse) à destination de l’employeur et l’informant :
– de l’ouverture d’une enquête ;
– de la possibilité de remplir le questionnaire dans un délai de 20 jours à sa disposition sur le site internet dédié ;
– de la possibilité de venir consulter les pièces du dossier et de formuler ses observations du 21 septembre 2022 au 3 octobre 2022 directement en ligne sur internet et que le dossier restera consultable jusqu’à leur décision.
Si la CPAM ne produit pas d’accusé-réception justifiant de la réception de ce courrier à l’employeur par voie postale, la caisse produit également une « fiche historiques » (pièces n°10 caisse) indiquant l’envoi à l’adresse mail « [Courriel 5] » le 18 juillet 2022 à 14 heures du courrier d’information d’ouverture et de mise à disposition du dossier.
Cette fiche démontre également que :
– le 18 juillet 2022 à 14 heures 25 une première visualisation du questionnaire par l’intermédiaire de l’adresse mail « [Courriel 5] » a été effectuée par l’employeur ;
– le 25 juillet 2022 la validation du questionnaire par l’employeur a également été effectuée, soit dans le délai de 20 jours indiqué dans le courrier précité ;
– le 21 septembre et le 30 septembre 2022, l’employeur a pu consulter les pièces du dossier, soit dans le délai qui lui a été ouvert par la caisse du 21 septembre au 3 octobre 2022 pour consulter en ligne les pièces du dossier et formuler ses observations.

La fiche « commentaire des pièces du dossier » produite par la CPAM (pièce n°7 CPAM) démontre que tant Mme [C] [A] que son employeur ont laissé des commentaires sur un certain nombre de pièces du dossier, et donc qu’ils ont chacun pris une part active à la phase de consultation du dossier, l’employeur ayant pour sa part laissé son dernier commentaire le 30 septembre 2022, soit postérieurement aux derniers documents versés à la fois par l’assuré et la caisse respectivement le 18 août et le 14 septembre 2022.

La CPAM justifie donc avoir respecté et fait respecter le principe du contradictoire pendant toutes les étapes de l’enquête administrative ayant conduit à la prise en charge de l’accident du travail déclaré.

En conséquence, il y a lieu de rejeter le moyen soulevé par l’employeur tiré du non-respect du principe du contradictoire par la CPAM de [Localité 9]-[Localité 2].

– Sur la matérialité de l’accident du travail du 11 juillet 2022 :

Aux termes de l’article L 411-1 du Code de la sécurité sociale « est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise».

Constitue à ce titre un accident de travail un évènement ou une série d’évènements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail dont il est résulté une lésion corporelle.

Trois éléments caractérisent donc l’accident de travail :
•un événement soudain survenu à une date certaine ;
•une lésion corporelle ;
•un fait lié au travail.

En application de l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale, le salarié victime d’un accident bénéficie de la présomption d’imputabilité de l’accident du travail dès lors qu’il est survenu au temps et au lieu de travail.

Les dispositions de l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale instituent, lorsque la preuve de la réalité de l’accident survenu au temps et au lieu de travail ou à l’occasion du travail a été préalablement rapportée par le salarié, une présomption d’imputabilité professionnelle de cet accident.

Il convient de dissocier matérialité et imputabilité. La matérialité se rapporte à la réalité de l’accident aux lieu et temps de travail.

Dans les rapports caisse-employeur, cette preuve doit être rapportée par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie subrogée dans les droits de l’assuré.

La preuve de la réalité de l’accident survenu au temps et au lieu du travail peut être établie par tout moyen et notamment, en l’absence de témoins, par la démonstration d’un faisceau d’éléments suffisamment précis, graves et concordants mais ne saurait en aucun cas résulter des seules déclarations de l’assuré.

En l’espèce, il ressort de la déclaration d’accident remplie par la compagnie générale de location le 12 juillet 2022 (pièce n°1 caisse), que :
– Mme [C] [A] a été victime d’un accident du travail le 11 juillet 2022 sur son lieu de travail habituel et dans les circonstances suivantes : « nous recevions un résumé par les RH des résultats de la pré-enquête faite auprès des membres de mon équipe ; ; nature de l’accident : morales ; objet adont le contact a blessé la victime : par les propos employés à mon encontre et le power point diffusé à tous » ;
– Le siège des lésions indiqué est : « morales » ;
– La nature des lésions renseignée est : « morales » ;
– L’horaire de travail de la victime le jour de l’accident était de 9 heures à 12 heures et de 13 heures à 17 heures ;
– L’accident a été connu de l’employeur le 12 juillet 2022 à 9 heures 13 décrit par ses préposés

Le certificat médical initial rectificatif établi le 4 octobre 2022 par le docteur [G], en remplacement de celui établi le 11 juillet 2022, soit le jour de l’accident déclaré, fait état de ce que l’arrêt de travail est en rapport avec un état de fatigue (pièce n°2 CPAM).

Un état de fatigue constitue une altération générale de la santé de l’assurée constitutive d’une lésion médicalement constatée par son médecin traitant.

Il appartient à la caisse de rapporter la preuve d’éléments sérieuses, graves, précis et concordants permettant de caractériser la survenance d’un évènement soudain dont il est résulté cette lésion.

Il ressort de la déclaration (pièce n°1 CPAM) établie que l’accident a été signalé le lendemain de sa survenance.

Il y est fait une description précise et détaillée des circonstances dans lesquelles cet accident est arrivé soudainement, en ce que Mme [C] [A] s’est sentie blessée par les propos employés à son encontre et par le contenu du powerpoint diffusé à toutes les personnes présentes, en particulier les membres de son équipe, lors de la réunion du 11 juillet 2022 à 10 heures 30 ayant pour objet de restituer par la RH les résultats de la pré-enquête réalisée auprès des mêmes membres de son équipe.

Le powerpoint (pièce n°2 demandeur) diffusé à l’occasion de cette réunion en présence de Mme [C] [A] reprend des « constats » et des points de divergence en page 7 à propos de la manager de proximité, à savoir l’assurée elle-même, en reprenant certains termes utilisés par les membres de son équipe à son égard.

S’il est repris d’une part les propos positifs portés, selon les termes employés, par la moitié membres de l’équipe, il est d’autre part mis en exergue que « l’autre moitié » qualifierait le manager de proximité de certains qualificatifs suivants : « agressive », « moqueries », « menaces », « pas d’expertise », « manque d’équité », « hurle », « ne supporte qu’on s’oppose à elle », « cherche à obtenir des informations par le biais d’autres collaborateurs ».

Certains témoignages recueillis tels que celui de M. [U] [K] ou de M. [S] [Y], directeur du regroupement de crédits, ou d’autres témoignages de personnes également présentes à cette réunion (pièces n°22 à 26 demandeur) soulignent que n’ont été restitués que des éléments « factuels » et que les propos tenus étaient appropriés à la situation.

D’autres témoignages révèlent le caractère soudain des propos tenus à l’égard de Mme [C] [A].

M. [R] [O] souligne à ce titre dans une copie écran de texto envoyée à l’intéressée avoir été surpris des propos tenus à l’égard de Mme [C] [A] sur ce support, les qualifiant de « déplacés et exagérés ».

Celui-ci indique également dans le témoignage produit par la caisse que « malheureusement, la réunion a tourné au procès plutôt qu’à la conciliation, la réunion se focalisant principalement sur la manager plutôt que sur nous ». Il précise que malgré quelques propos positifs, il a été surpris de voir « une longue liste de propos négatifs (elle hurle, elle est méchante) », que Mme [C] [A] n’était pas préparée à cela, qu’elle ne pouvait pas se défendre, qu’elle était abasourdie et a vécu cet évènement comme une humiliation.

Mme [I] [B] fait également étant dans son « questionnaire témoin » (pièce n°6 CPAM) qu’ont été énoncés des propos diffamatoires et infondés à l’égard de Mme [C] [A], celle-ci précisant qu’elle n’était visiblement pas préalablement informée, qu’elle s’est sentie humiliée et dans l’incompréhension et qu’il « en allait de même pour la grande majorité de l’équipe ».

Mme [C] [A] fait elle-même état dans son questionnaire assuré (pièce n°4 CPAM) et dans la rubrique « commentaires des pièces du dossier » (pièce n°7 CPAM) avoir eu le sentiment d’avoir été « jetée en pâture » par la projection de ce powerpoint reprenant des récriminations « non édulcorés », contrairement à ce qui lui aurait été dit lors de la réunion préalable du 8 juillet (cf. commentaires, p.4/5 : « J’ai tout de même insisté en demandant expressément si ces reproches seraient cités à la réunion du 11 juillet devant toute l’équipe et là Mme [W] a répondu que non, que tout cela serait édulcoré ») sans savoir quels faits lui étaient reprochés et sans avoir pu se justifier, celle-ci soulignant s’être sentie humiliée, sidérée et choquée par cette situation alors même qu’étaient présents à cette réunion huit de ses collaborateurs, ainsi que son N+1, son N+2, la juriste de l’entreprise et la gestionnaire RH.

Elle souligne en page 2 sur 5 des commentaires qu’il a bien été soudain pour elle de découvrir les termes projetés sur le powerpoint sans qu’aucune explication ne lui ait été préalablement donnée. Elle ajoute que si elle avait participé préalablement à deux réunions avant celle réunissant tous les membres de son équipe, elle précise d’une part que ces deux réunions se sont passées oralement et d’autre part qu’elle n’a reçu aucun support lui permettant de savoir ce qui y serait dit par avance (cf. page 3/5 des commentaires).

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que le fait d’exposer publiquement et en sa présence, lors d’une réunion réunissant non seulement certains de ses responsables hiérarchiques mais aussi huit de ses collaborateurs, certains propos dénigrants tenus à l’encontre de Mme [C] [A], en les citant même à titre d’exemple, ne relève pas de la simple restitution d’éléments factuels mais d’un comportement manifestement déplacé de la part de sa hiérarchie de nature humiliant et vexatoire vis à vis de l’intéressée.

Le fait d’avoir rappelé publiquement de tels propos sans les édulcorer, sans permettre à Mme [C] [A] de s’expliquer et sans l’avoir informée du contenu du support préalablement à sa présentation constitue indéniablement un caractère de soudaineté en lien avec la lésion médicalement constatée.

Ces éléments sont de nature à créer des indices graves et concordants permettant de confirmer un événement soudain et précis survenu pendant le temps du travail qui est nécessairement en lien avec celui-ci.

Il appartient alors à l’employeur qui prétend y échapper de rapporter la preuve d’une cause totalement étrangère au travail qui puisse expliquer – à elle seule – la survenance de l’accident, étant même rappelé que la pré-existence, même à la supposer démontrée, d’un état pathologique préexistant ne ferait pas en elle-même obstacle à la présomption d’imputabilité, la CPAM devant en outre démontrer que les circonstances professionnelles n’ont joué strictement aucun rôle dans la décompensation de cet état pathologique antérieur.

En l’espèce, la compagnie générale de location qui se contente en l’espèce de reprocher à la Caisse d’avoir pris en charge l’accident alors que la réunion du 11 juillet n’avait pour objet que de restituer des éléments factuels et que le fait de reprendre les propos tenus par certains collaborateurs ne constitue pas le caractère de soudaineté, se limite à un argumentaire en conjecture et n’établit pas la preuve contraire qui lui incombe.

Ainsi, force est de constater que cette preuve contraire n’est pas rapportée par la compagnie générale de location, cette seule allégation ne permettant pas d’exclure la survenance de l’accident dont Mme [C] [A] a été victime au temps et au lieu du travail.

Aussi, la matérialité de l’accident du travail du 11 juillet 2022 est établie.

En conséquence, il y a lieu de déclarer opposable à la compagnie générale de location la décision de la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 9]-[Localité 2] du 10 octobre 2022 relative à la prise en charge de l’accident du travail de Mme [C] [A].

– Sur la demande de dommages et intérêts et la suppression d’un passage « diffamatoire » dans les conclusions adverses :

En application de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l’espèce, la société [6] ne démontre ni l’existence d’une faute de la part de la CPAM ni l’existence d’un préjudice qu’elle aurait subi de la part de celle-ci.

Il n’appartient en tout état de cause pas au pôle social de juger de la pertinence des termes employés par les parties dans leurs conclusions respectives et de condamner l’une ou l’autre à des dommages et intérêts à raison des propos prétendument diffamatoires tenus.

Par conséquent, la société [6] est déboutée de sa demande de dommages et intérêts et de suppression de mentions dans les conclusions adverses.

– Sur les demandes accessoires :

La société [6], partie succombante, est condamnée aux dépens de l’instance.

Aucune considération tirée de l’équité ou de la situation économique des parties ne vient justifier l’application de l’article 700 du code de procédure civile. La compagnie générale de location est donc déboutée de sa demande sur ce point.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, par décision contradictoire rendue en premier ressort et par mise à disposition au greffe :

DÉCLARE opposable à la compagnie générale de location la décision de la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 9]-[Localité 2] du 10 octobre 2022 relative à la prise en charge de l’accident du travail du 11 juillet 2022 de Mme [C] [A] ;

DÉBOUTE la [7] de sa demande de dommages et intérêts et de suppression d’une mention figurant dans les conclusions adverses ;

DIT n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la [7] aux dépens de l’instance ;

DIT que le présent jugement sera notifié à chacune des parties conformément à l’article R.142-10-7 du Code de la Sécurité Sociale par le greffe du Tribunal.

Ainsi jugé et mis à disposition au greffe du tribunal le 8 janvier 2023 et signé par le président et la greffière.

La GREFFIÈRE Le PRÉSIDENT.
Claire AMSTUTZBenjamin PIERRE

Expédié aux parties le :
1 CE à la CPAM de [Localité 9]-[Localité 2]
1 CCC à:
– [6]
– Me Guillouet

 

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