Les rémunérations versées aux journalistes sous forme de droits d’auteur concernant la réexploitation de leurs oeuvres hors du titre de presse initial ou d’une famille cohérente de presse, sont soumises aux dispositions de l’article L.132-40 du code la propriété intellectuelle.
Sous peine de redressement de l’URSSAF (sommes réintégrées dans le régime général des salaires) l’accord exprès et préalable des auteurs est impératif (individuel ou par accord collectif).
La société [8] a été redressée par l’Urssaf pour avoir versé des rémunérations complémentaires à ses journalistes sous forme de droits d’auteur, sans avoir conclu d’accord collectif ou individuel préalable pour la cession des droits d’exploitation des œuvres. La société a tenté de justifier ces paiements en invoquant des accords individuels avec certains journalistes, mais n’a pas fourni de preuves suffisantes de l’existence de ces accords. En conséquence, les rémunérations complémentaires ont été assujetties au régime général de la sécurité sociale. La décision de l’Urssaf a été confirmée en appel.
Contexte de l’affaire
La société [8] justifie, au regard de l’extrait k-bis versé aux débats (pièce n°12), qu’elle vient aux droits de la société [7] en raison d’une fusion-absorption ayant pris effet au 1er janvier 2023.
Dispositions légales en jeu
Selon l’article L.242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail, tandis que l’article L.132-42 du code de la propriété intellectuelle prévoit que les droits d’auteur n’ont pas le caractère de salaire.
Qualification des journalistes professionnels
L’article L.7112-1 du code du travail prévoit que toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Les journalistes professionnels sont obligatoirement affiliés au régime général de la sécurité sociale.
Exploitation des œuvres des journalistes
L’article L.132-36 du code de la propriété intellectuelle précise les conditions de cession des droits d’exploitation des œuvres des journalistes au sein d’un titre de presse.
Rémunération complémentaire
L’article L.132-38 du code de la propriété intellectuelle prévoit les modalités de rémunération complémentaire pour l’exploitation des œuvres au-delà de la période prévue.
Redressement de cotisations
Les inspecteurs du recouvrement de l’Urssaf ont effectué un redressement de cotisations de sécurité sociale pour les années 2014 et 2015, concernant des rémunérations complémentaires versées sous forme de droits d’auteur.
Arguments de la société [8]
La société [8] fait valoir que les rémunérations complémentaires litigieuses portent sur la réexploitation des œuvres journalistiques sur des sites extérieurs au groupe [9], et qu’elles ont été consenties par les journalistes concernés.
Décision de la Cour
La Cour a confirmé le redressement des cotisations de sécurité sociale, considérant que la société n’avait pas justifié de l’existence d’accords exprès et préalables des auteurs pour la cession des droits d’exploitation des œuvres.
– La société [8] est condamnée aux dépens d’appel
– La société [8] est condamnée à payer à l’Urssaf Ile de France la somme de 2.000 euros
Réglementation applicable
Selon l’article L.242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail, tandis que l’article L.132-42 du code de la propriété intellectuelle prévoit que les droits d’auteur mentionnés aux articles L. 132-38 et suivants n’ont pas le caractère de salaire. Ils sont déterminés conformément aux articles L. 131-4 et L. 132-6.
L’article L.7112-1 du code du travail dispose que toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Par application des articles L.311-2 et L.311-3 16°du code de la sécurité sociale, sont obligatoirement affiliés au régime général de la sécurité sociale les journalistes professionnels et assimilés, au sens des articles L. 761-1 et L. 761-2 du code du travail, dont les fournitures d’articles, d’informations, de reportages, de dessins ou de photographies à une agence de presse ou à une entreprise de presse quotidienne ou périodique, sont réglées à la pige, quelle que soit la nature du lien juridique qui les unit à cette agence ou entreprise.
L’article L.132-36 du code de la propriété intellectuelle précise que, par dérogation à l’article L. 131-1 et sous réserve des dispositions de l’article L. 121-8, la convention liant un journaliste professionnel ou assimilé au sens des articles L. 7111-3 et suivants du code du travail, qui contribue, de manière permanente ou occasionnelle, à l’élaboration d’un titre de presse, et l’employeur emporte, sauf stipulation contraire, cession à titre exclusif à l’employeur des droits d’exploitation des ‘uvres du journaliste réalisées dans le cadre de ce titre, qu’elles soient ou non publiées.
Aux termes de l’article L.132-37 du code de la propriété intellectuelle, l’exploitation de l »uvre du journaliste sur différents supports, dans le cadre du titre de presse défini à l’article L. 132-35 du dit code, a pour seule contrepartie le salaire, pendant une période fixée par un accord d’entreprise ou, à défaut, par tout autre accord collectif, au sens des articles L. 2222-1 et suivants du code du travail.
L’article L.132-35 du code la propriété intellectuelle entend, par titre de presse, l’organe de presse à l’élaboration duquel le journaliste professionnel a contribué, ainsi que l’ensemble des déclinaisons du titre, quels qu’en soient le support, les modes de diffusion et de consultation, à l’exclusion des services de communication audiovisuelle au sens de l’article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Est assimilée à la publication dans le titre de presse la diffusion de tout ou partie de son contenu par un service de communication au public en ligne ou par tout autre service, édité par un tiers, dès lors que cette diffusion est faite sous le contrôle éditorial du directeur de la publication dont le contenu diffusé est issu ou dès lors qu’elle figure dans un espace dédié au titre de presse dont le contenu diffusé est extrait. Est également assimilée à la publication dans le titre de presse la diffusion de tout ou partie de son contenu par un service de communication au public en ligne édité par l’entreprise de presse ou par le groupe auquel elle appartient ou édité sous leur responsabilité, la mention du dit titre de presse devant impérativement figurer.
L’article L.132-38 de ce code précise que l’exploitation de l »uvre dans le titre de presse, au-delà de la période prévue à l’article L. 132-37, est rémunérée, à titre de rémunération complémentaire sous forme de droits d’auteur ou de salaire, dans des conditions déterminées par l’accord d’entreprise ou, à défaut, par tout autre accord collectif.
L’article L.132-39 du code de la propriété intellectuelle prévoit que lorsque la société éditrice ou la société qui la contrôle, au sens de l’article L. 233-16 du code de commerce, édite plusieurs titres de presse, un accord d’entreprise peut prévoir la diffusion de l »uvre par d’autres titres de cette société ou du groupe auquel elle appartient, à condition que ces titres et le titre de presse initial appartiennent à une même famille cohérente de presse. Cet accord définit la notion de famille cohérente de presse ou fixe la liste de chacun des titres de presse concernés.
L’exploitation de l’oeuvre du journaliste au sein de la famille cohérente de presse doit comporter des mentions qui permettent une identification dudit journaliste et, si l’accord le prévoit, du titre de presse dans lequel l »uvre a été initialement publiée.
Ces exploitations hors du titre de presse tel que défini à l’article L. 132-35 du présent code donnent lieu à rémunération complémentaire, sous forme de droits d’auteur ou de salaire, dans des conditions déterminées par l’accord d’entreprise mentionné au premier alinéa du présent article.
Enfin, l’article L.132-40 du code la propriété intellectuelle dispose que toute cession de l »uvre en vue de son exploitation hors du titre de presse initial ou d’une famille cohérente de presse est soumise à l’accord exprès et préalable de son auteur exprimé à titre individuel ou dans un accord collectif, sans préjudice, dans ce deuxième cas, de l’exercice de son droit moral par le journaliste.
Ces exploitations donnent lieu à rémunération sous forme de droits d’auteur, dans des conditions déterminées par l’accord individuel ou collectif.
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Me Frédéric LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS
– Me Olivier CHAPPUIS, avocat au barreau de PARIS
– Mme [X] [P], représentante de l’URSSAF ILE DE FRANCE
Mots clefs associés
– société
– fusion-absorption
– rémunérations
– droits d’auteur
– contrat de travail
– journalistes professionnels
– sécurité sociale
– exploitation des œuvres
– titre de presse
– famille cohérente de presse
– cession des œuvres
– accord d’entreprise
– accord collectif
– rémunération complémentaire
– Urssaf
– redressement de cotisations
– accord exprès et préalable
– cession régulière des droits d’exploitation
– lien salarial
Une société est une entité juridique regroupant des personnes physiques ou morales qui collaborent pour atteindre un objectif commun, généralement de nature commerciale.
La fusion-absorption est une opération financière par laquelle une société absorbe une autre société, entraînant la disparition de cette dernière et l’augmentation du capital de la société absorbante.
Les rémunérations sont les sommes d’argent versées en contrepartie d’un travail ou d’une prestation fournie.
Les droits d’auteur sont les droits exclusifs accordés à un créateur sur son œuvre, lui permettant de contrôler son utilisation et d’en tirer profit.
Le contrat de travail est un accord entre un employeur et un salarié définissant les conditions de travail, de rémunération et les droits et devoirs de chacun.
Les journalistes professionnels sont des professionnels de l’information et de la communication, exerçant leur métier au sein de médias ou de rédactions.
La sécurité sociale est un système de protection sociale assurant la prise en charge des dépenses de santé, de retraite et de chômage des citoyens.
L’exploitation des œuvres consiste à utiliser, diffuser ou commercialiser des créations artistiques ou intellectuelles.
Un titre de presse est un support de communication imprimé ou en ligne diffusant des informations, des analyses ou des opinions.
Une famille cohérente de presse regroupe plusieurs titres de presse partageant une ligne éditoriale ou une thématique commune.
La cession des œuvres est le transfert des droits de propriété intellectuelle d’une œuvre à un tiers.
Un accord d’entreprise est un accord conclu entre la direction et les représentants du personnel au sein d’une entreprise.
Un accord collectif est un accord conclu entre les représentants des salariés et les employeurs d’une branche professionnelle ou d’une entreprise.
Une rémunération complémentaire est une somme d’argent versée en plus du salaire de base, en contrepartie de certaines prestations ou performances.
L’Urssaf est l’Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales, chargée de collecter les cotisations sociales des entreprises et des travailleurs indépendants.
Le redressement de cotisations est une procédure par laquelle l’Urssaf réclame le paiement des cotisations sociales non versées par une entreprise.
Un accord exprès et préalable est un accord écrit et signé par les parties avant toute cession de droits d’exploitation.
Une cession régulière des droits d’exploitation est une cession conforme aux dispositions légales et contractuelles régissant les droits d’auteur.
Le lien salarial est le lien juridique unissant un employeur et un salarié, défini par un contrat de travail.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 12
ARRÊT DU 22 Mars 2024
(n° , 2 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 20/01337 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBOPG
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Janvier 2020 par le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY RG n° 19/01607
APPELANTE
SAS [7]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Frédéric LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480 substitué par Me Olivier CHAPPUIS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0224
INTIMEES
URSSAF ILE DE FRANCE
Division des recours amiables et judiciaires
[Adresse 12]
[Localité 5]
représentée par Mme [X] [P] en vertu d’un pouvoir général
AGESSA
[Adresse 2]
CS 30011
[Localité 3]
non comparante, non représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 11 Janvier 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Odile DEVILLERS, Présidente de chambre
Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller
Monsieur PHILIPPE BLONDEAU, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Claire BECCAVIN, lors des débats
ARRÊT :
– REPUTE CONTRADICTOIRE
– prononcé
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Marie-Odile DEVILLERS, Présidente de chambre et Madame Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l’appel interjeté par la société [8], venant aux droits de la société [7], d’un jugement rendu le 29 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Bobigny, dans un litige l’opposant à l’Urssaf Ile de France (l’Urssaf), en présence de la Sécurité Sociale des Artistes Auteurs, venant aux droits de l’Agessa.
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La société [10] était une filiale du groupe [9] qui a pour objet l’édition de revues et de périodiques dans le domaine de la presse.
Cette société a fait l’objet d’un contrôle par l’Urssaf au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015.
Elle s’est vue notifiée deux lettres d’observations du 4 novembre 2016 portant sur différents chefs de redressement, notamment, pour la première lettre d’observations, un chef de redressement n°12 « Journalistes salariés : droits d’auteur/droits de revente » et, concernant la seconde lettre d’observations, une observation pour le compte de l'[6] n°2 « Journalistes salariés : droits d’auteur/droits de revente ».
Par courrier recommandé avec demande d’accusé de réception du 7 décembre 2016, la société [10] a contesté le bien fondé du chef de redressement n°12 et de l’observation pour le compte de l’Agessa n°2.
Par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception du 14 décembre 2016, les inspecteurs du recouvrement de l’Urssaf n’ont pas donné une suite favorable à cette contestation.
La société s’est vue notifiée une mise en demeure du 21 décembre 2016, visant la lettre d’observations du 4 novembre 2016, portant sur le paiement, pour les années 2013 à 2015, d’un montant global de 93.109 euros comprenant un montant de 81.360 euros de cotisations dues et 11.749 euros de majorations de retard.
Le 11 janvier 2017, la société [10] a procédé au règlement des chefs de redressement non contestés.
Après vaine saisine de la commission de recours amiable, la société [7], venant aux droits de la société [10], a porté le litige, le 19 avril 2017, devant une juridiction de sécurité sociale.
Par jugement du 29 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Bobigny a :
– déclaré recevable mais mal fondé le recours de la société [7],
– confirmé le chef de redressement n°12 « journalistes salariés : droits d’auteur/droits de revente » pour un montant de 4.229 euros pour l’année 2014 et 14.738 euros pour l’année 2015,
– confirmé l’observation Agessa n°2 « journalistes salariés : droits d’auteur/droits de revente »,
– condamné la société [7] à payer à l’Urssaf la somme de 18.967 euros de cotisations et 2.739 euros de majorations de retard au titre du chef de redressement n°12 « journalistes salariés : droits d’auteur/droits de revente » pour les années 2014 et 2015,
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société [7] aux dépens de l’instance.
Par courrier recommandé avec demande d’accusé de réception du 7 février 2020, la société [7] a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses conclusions écrites soutenues oralement par son conseil, la société [8] demande à la cour de :
– lui donner acte de ce qu’elle vient aux droits de la société [7], par suite d’une opération de fusion-absorption du 1er janvier 2023,
– la dire recevable et bien fondée en ses conclusions de reprise d’instance,
– infirmer le jugement querellé,
statuant à nouveau,
– dire et juger que les rappels de cotisations réclamés par l’Urssaf au point n°12 de l’état de redressement du 4 novembre 2016 ne sont pas fondés,
– annuler, en conséquence, ce chef de redressement,
– annuler l’observation formulée au point n°2 de la lettre d’observations notifiée le 4 novembre 2016 par l’Urssaf pour le compte de l’Agessa,
– annuler la mise en demeure notifiée le 21 décembre 2016 par l’Urssaf à la société [7],
– condamner l’Urssaf à lui verser la somme de 21.706 euros en remboursement de la somme versée le 21 avril 2017 au titre du chef de redressement n°12,
– débouter l’Urssaf de ses demandes,
– condamner l’Urssaf à lui payer la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions écrites soutenues oralement par son représentant, l’Urssaf demande à la cour de :
– dire l’appel de la société [8] recevable mais mal fondé,
– confirmer le jugement en ce qu’il a confirmé le chef de redressement n°12 et les observations [6],
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société au paiement des sommes de 18.967 euros de cotisations et 2.739 euros de majorations de retard,
– en tout état de cause, débouter la société [8] de l’ensemble de ses demandes et la condamner au paiement de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Bien que régulièrement citée par courrier recommandé du 19 juin 2023 dont l’accusé de réception a été signé par son destinataire, l’Agessa, devenue la Sécurité Sociale des Artistes Auteurs, n’est pas représentée à l’audience du 11 janvier 2024.
Le présent arrêt est réputé contradictoire par application des dispositions des articles 473 et 474 du code de procédure civile.
En application du deuxième alinéa de l’article 446-2 et de l’article 455 du code procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties remises à la cour à l’audience du 11 janvier 2024 pour plus ample exposé de leurs moyens.
SUR CE, LA COUR
La société [8] justifie, au regard de l’extrait k-bis versé aux débats (pièce n°12), qu’elle vient aux droits de la société [7] en raison d’une fusion-absorption ayant pris effet au 1er janvier 2023.
Selon l’article L.242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail, tandis que l’article L.132-42 du code de la propriété intellectuelle prévoit que les droits d’auteur mentionnés aux articles L. 132-38 et suivants n’ont pas le caractère de salaire. Ils sont déterminés conformément aux articles L. 131-4 et L. 132-6.
L’article L.7112-1 du code du travail dispose que toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Par application des articles L.311-2 et L.311-3 16°du code de la sécurité sociale, sont obligatoirement affiliés au régime général de la sécurité sociale les journalistes professionnels et assimilés, au sens des articles L. 761-1 et L. 761-2 du code du travail, dont les fournitures d’articles, d’informations, de reportages, de dessins ou de photographies à une agence de presse ou à une entreprise de presse quotidienne ou périodique, sont réglées à la pige, quelle que soit la nature du lien juridique qui les unit à cette agence ou entreprise.
L’article L.132-36 du code de la propriété intellectuelle précise que, par dérogation à l’article L. 131-1 et sous réserve des dispositions de l’article L. 121-8, la convention liant un journaliste professionnel ou assimilé au sens des articles L. 7111-3 et suivants du code du travail, qui contribue, de manière permanente ou occasionnelle, à l’élaboration d’un titre de presse, et l’employeur emporte, sauf stipulation contraire, cession à titre exclusif à l’employeur des droits d’exploitation des ‘uvres du journaliste réalisées dans le cadre de ce titre, qu’elles soient ou non publiées.
Aux termes de l’article L.132-37 du code de la propriété intellectuelle, l’exploitation de l »uvre du journaliste sur différents supports, dans le cadre du titre de presse défini à l’article L. 132-35 du dit code, a pour seule contrepartie le salaire, pendant une période fixée par un accord d’entreprise ou, à défaut, par tout autre accord collectif, au sens des articles L. 2222-1 et suivants du code du travail.
L’article L.132-35 du code la propriété intellectuelle entend, par titre de presse, l’organe de presse à l’élaboration duquel le journaliste professionnel a contribué, ainsi que l’ensemble des déclinaisons du titre, quels qu’en soient le support, les modes de diffusion et de consultation, à l’exclusion des services de communication audiovisuelle au sens de l’article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Est assimilée à la publication dans le titre de presse la diffusion de tout ou partie de son contenu par un service de communication au public en ligne ou par tout autre service, édité par un tiers, dès lors que cette diffusion est faite sous le contrôle éditorial du directeur de la publication dont le contenu diffusé est issu ou dès lors qu’elle figure dans un espace dédié au titre de presse dont le contenu diffusé est extrait. Est également assimilée à la publication dans le titre de presse la diffusion de tout ou partie de son contenu par un service de communication au public en ligne édité par l’entreprise de presse ou par le groupe auquel elle appartient ou édité sous leur responsabilité, la mention du dit titre de presse devant impérativement figurer.
L’article L.132-38 de ce code précise que l’exploitation de l »uvre dans le titre de presse, au-delà de la période prévue à l’article L. 132-37, est rémunérée, à titre de rémunération complémentaire sous forme de droits d’auteur ou de salaire, dans des conditions déterminées par l’accord d’entreprise ou, à défaut, par tout autre accord collectif.
L’article L.132-39 du code de la propriété intellectuelle prévoit que lorsque la société éditrice ou la société qui la contrôle, au sens de l’article L. 233-16 du code de commerce, édite plusieurs titres de presse, un accord d’entreprise peut prévoir la diffusion de l »uvre par d’autres titres de cette société ou du groupe auquel elle appartient, à condition que ces titres et le titre de presse initial appartiennent à une même famille cohérente de presse. Cet accord définit la notion de famille cohérente de presse ou fixe la liste de chacun des titres de presse concernés.
L’exploitation de l »uvre du journaliste au sein de la famille cohérente de presse doit comporter des mentions qui permettent une identification du dit journaliste et, si l’accord le prévoit, du titre de presse dans lequel l »uvre a été initialement publiée.
Ces exploitations hors du titre de presse tel que défini à l’article L. 132-35 du présent code donnent lieu à rémunération complémentaire, sous forme de droits d’auteur ou de salaire, dans des conditions déterminées par l’accord d’entreprise mentionné au premier alinéa du présent article.
Enfin, l’article L.132-40 du code la propriété intellectuelle dispose que toute cession de l »uvre en vue de son exploitation hors du titre de presse initial ou d’une famille cohérente de presse est soumise à l’accord exprès et préalable de son auteur exprimé à titre individuel ou dans un accord collectif, sans préjudice, dans ce deuxième cas, de l’exercice de son droit moral par le journaliste.
Ces exploitations donnent lieu à rémunération sous forme de droits d’auteur, dans des conditions déterminées par l’accord individuel ou collectif.
Les inspecteurs du recouvrement de l’Urssaf ont effectué, dans le point n°12 de la lettre d’observations du 4 novembre 2016, un redressement de cotisations de sécurité sociale pour les années 2014 et 2015, en relevant que la société [10] versait à ses journalistes, en plus de leurs rémunérations, des sommes qualifiées de droits d’auteur; que, concernant la réutilisation des oeuvres de ses journalistes et la justification du traitement de ces sommes et de leur déclaration en droits d’auteur auprès de l’Agessa, la société n’avait pas fourni d’explications probantes, la société n’ayant pas conclu d’accord d’entreprise et aucun accord collectif n’étant applicable sur ce point au sein de l’entreprise, de sorte que les rémunérations complémentaires litigieuses devaient être assujetties au régime général de la sécurité sociale. Les motifs repris dans l’observation Agessa n°2 sont quasi-identiques.
La société [8] fait valoir que les rémunérations complémentaires litigieuses sur 2014 et 2015 versées sous forme de droits d’auteurs, déclarés comme tels à l’Agessa, ont porté sur la réexploitation des oeuvres (articles ou photos) sur des sites extérieurs au groupe [9] ; que ces reventes d’oeuvres journalistiques s’inscrivaient notamment dans le cadre d’un accord conclu entre la société [10] et le groupe [11] ; que ces rémunérations complémentaires répondent aux conditions de l’article L.132-40 du code de la propriété intellectuelle en ce qu’elles concernent des reventes extérieures au groupe [9] et en ce que les collaborateurs journalistes de la société [10] ont individuellement consenti à ces reventes ; qu’il est justifié d’accords individuels, suppléant l’absence d’accord collectif, par la production de lettres-accords conclues le 10 avril 2014 entre la société [10] (en tant qu’éditrice du site Infobébés.com) et deux de ses collaboratrices (Mmes [F] et [D]), les autres collaborateurs concernés ayant chacun signé avec la société une lettre accord sur le même modèle ; qu’aux termes de ces accords, ces journalistes ont consenti expressément à la reproduction de certaines de leurs contributions publiées sur le site Infobébés.com en 2013, dans le cadre de leur contrat de travail, à destination de certains supports édités par le groupe [11], pour le monde entier et moyennant la rétrocession par l’employeur d’une somme forfaitaire pour chaque contribution réglée sous forme de droits d’auteur ; que les accords individuels conclus n’ont pas à répondre au formalisme des articles L.131-3 et suivants du code de la propriété intellectuelle pour les contrats de cession de droits d’auteur dont seuls les auteurs concernés peuvent se prévaloir de l’inobservation ; que ni l’Urssaf ni l’Agessa, qui sont totalement étrangères aux cessions de droit d’auteur sur les oeuvres quant à leur exploitation hors titre de presse initial, ne sont recevables à objecter que les journalistes concernés n’auraient pas donné leur accord exprès et préalable à ces cessions au sens de l’article 132-40 du code de la propriété intellectuelle ; que les accords conclus avec les journalistes concernés, qui respectent le formalisme prévu par les articles L.131-3 et suivants du code de la propriété intellectuelle, présentent bien un caractère exprès et préalable, ces accords ayant été régularisés en amont de l’accord global portant sur la cession des contributions des collaborateurs de la société [10] au profit du groupe [11] ; qu’en toute hypothèse, au regard de l’article L.132-40 du code de la propriété intellectuelle, la réexploitation des oeuvres ne peut donner lieu qu’à une rémunération sous forme de droits d’auteur, à seule charge pour les parties concernées de s’entendre, dans le cadre d’un accord collectif ou individuel, sur les modalités de calcul et de versement des droits d’auteur.
Il n’est pas contesté que les rémunérations litigieuses versées sous forme de droits d’auteur concernaient la réexploitation des oeuvres hors du titre de presse initial ou d’une famille cohérente de presse, de sorte que seules les dispositions de l’article L.132-40 du code la propriété intellectuelle pouvaient recevoir application.
L’Urssaf fait valoir que le redressement opéré est justifié en ce que les sommes versées à titre de droits d’auteur devaient être réintégrées dans le régime général des salaires et donner lieu à cotisations sociales; L’Urssaf est recevable, dans ce cadre, à se prévaloir du non-respect par la société des dispositions de l’article L.132-40 susvisé, dès lors qu’elle soutient que la cession des oeuvres en vue de leur exploitation hors du titre de presse ou d’une famille cohérente de presse serait intervenue hors accord exprès et préalable exprimé soit à titre individuel par les auteurs concernés ou par accord collectif, la contestation de l’Urssaf ne portant pas sur le formalisme spécifique édicté au profit des auteurs par le code de la propriété intellectuelle délimitant de manière précise l’étendue et la durée de la cession du droit d’exploitation des oeuvres.
L’appelante ne conteste pas qu’elle n’a conclu aucun accord collectif avec les salariés concernés avant la cession du droit d’exploitation des oeuvres au profit du groupe [11].
Elle se borne à produire aux débats (pièces 10 et 13) un double de courriers datés du 10 avril 2014 qu’elle aurait adressés à Mmes [D] et [F], dont l’exploitation des oeuvres a été cédée au groupe [11], autorisant cette exploitation moyennant rétribution sous forme de droits d’auteur.
Or, la société appelante ne communique aucune copie de ces courriers datés et signés par leurs destinataires, et ne produit pas plus les courriers sollicitant la cession de l’exploitation des droits d’auteur auprès des autres journalistes dont le nom est mentionné dans l’annexe 2 de la lettre d’observations du 4 novembre 2016.
Par conséquent, la société ne justifie de l’existence d’aucun accord à la cession, exprès et préalable, des auteurs exprimé à titre individuel.
Les conditions de l’article L.132-40 du code de la propriété intellectuelle n’étant pas réunies, aucune cession régulière des droits d’exploitation des oeuvres n’est valablement intervenue et aucun droit d’auteur ne pouvait donc être versé aux journalistes concernés qui étaient restés dans un seul lien salarial à l’égard de l’employeur.
C’est donc à bon droit que les inspecteurs du recouvrement de l’Urssaf ont assujetti les rémunérations complémentaires versées au titre des droits d’auteur au régime général de la sécurité sociale par application combinée des articles L.7111-3, L. 7111-4, L. 7112-1 du code du travail et L.311-3 16° et L.242-1 du code de la sécurité sociale.
Le jugement sera confirmé.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
DECLARE recevable l’appel interjeté par la société [8],
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 29 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Bobigny,
CONDAMNE la société [8] aux dépens d’appel,
CONDAMNE la société [8] à payer à l’Urssaf Ile de France la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente