La disparition d’actifs de faible valeur d’une société (des ordinateurs) ne permet pas de faire annuler une cession de parts sociales.
Monsieur [P] [L] détenait 99,5% du capital de la société Bfh Concessions, sa fille détenant 0,5%. En novembre 2019, Monsieur [W] [D] a acquis l’ensemble des parts sociales de la société pour 30 000 euros. En mai 2020, Monsieur [D] a accusé les consorts [L] de dissimulation et les a poursuivis en justice. Le tribunal de commerce de Poitiers a jugé que les consorts [L] avaient agi de manière dolosive et les a condamnés à verser 77 254€ à Monsieur [D]. Les consorts [L] ont fait appel de ce jugement, demandant à être déboutés de toutes les demandes et à recevoir 5 000€ chacun pour les frais irrépétibles. Monsieur [D] a demandé la confirmation du jugement initial et une indemnisation de 4 000€ pour les frais irrépétibles d’appel.
Disparition d’actifs
En l’espèce, le cédant reconnaît que ces deux équipements avaient bien été intégrés aux comptes de référence visés par les actes de cession, mais qu’ils ne faisaient pas partie de l’actif réellement cédé.
Et il n’apporte aucun élément démontrant avoir, par le biais de son compte courant d’associé, avoir procédé avant la cession au versement de la valeur comptable de ce premier ordinateur, appréciée au moment de la cession.
Il en résulte ainsi qu’en toute connaissance de cause, le cédant a intégré dans les actifs cédés des équipements dont il savait sciemment qu’ils n’en faisaient plus partie, et en le cachant au cessionnaire.
La circonstance qu’au titre de la garantie d’actif (article 12.2.2.1 de l’acte initial du 7 février 2020) Monsieur [L] ne garantisse que les cessions ou acquisitions d’actifs d’un montant unitaire supérieur à 2000 euros, et d’un montant cumulé supérieur à 6000 euros lorsqu’elles sont intervenues entre le 1er janvier 2020 et la date de réalisation, est inopérante.
Car l’action du cessionnaire est exclusivement fondée sur le dol du cédant, et ne cherche pas à mobiliser la garantie d’actif intégrée à l’acte de cession d’une quelconque façon.
Mais il n’est pas démontré en quoi la dissimulation de la dissipation de ces deux ordinateurs d’une valeur modique, ne pouvant dépasser pour le tout 1000 euros à la date de la cession en tenant compte de leur amortissement, a pu, même pour partie, déterminer le consentement du cessionnaire pour acquérir les parts sociales au prix de 30 000 euros.
Aucun dol n’a été retenu s’agissant de la disparition de certains éléments d’actifs.
– Monsieur [P] [L] est condamné à payer à Monsieur [W] [D] la somme de 17 654 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de chance de ne pas contracter
– Monsieur [P] [L] est condamné à payer à Monsieur [W] [D] la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel
Réglementation applicable
– Code de procédure civile
– Code civil
Article 954 alinéas 1 et 2 du code de procédure civile:
« Les conclusions d’appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune des prétentions est fondée; les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour d’appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. »
Article 1137 du code civil:
« Constitue un dol le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manoeuvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des cocontractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.
Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation. »
Article 1240 du code civil:
« La victime de manoeuvres dolosives dispose d’une action en responsabilité délictuelle pour obtenir de leur auteur réparation du préjudice qu’elle a subi. »
– Code de commerce
– Code du travail
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Me Alexis BAUDOUIN de la SELARL TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS
– Me Philippe BROTTIER de la SCP PHILIPPE BROTTIER – THIERRY ZORO, avocat au barreau de POITIERS
Mots clefs associés
– Motivation
– Recevabilité de l’appel
– Annulation du jugement
– Existence d’un dol
– Invocation de la garantie d’actif et de passif
– Responsabilité de Madame [L]
– Pérennité du contrat de travail d’un salarié
– Disparition de certains éléments d’actif
– Défaut de conformité aux normes obligatoires du logiciel de caisse
– Fausse facturation destinée à créer une apparence de solvabilité
– Baisse du chiffre d’affaires au premier trimestre 2020
– Réparation du dommage résultant du dol
– Fraude à la formation professionnelle
– Motivation: ensemble des facteurs internes et externes qui poussent un individu à agir dans un certain sens
– Recevabilité de l’appel: condition nécessaire pour qu’un appel soit pris en considération par une instance judiciaire
– Annulation du jugement: décision de justice qui annule un jugement précédemment rendu
– Existence d’un dol: fait pour une personne de tromper une autre en lui cachant la vérité ou en lui donnant des informations fausses
– Invocation de la garantie d’actif et de passif: action de demander à ce que la garantie d’actif et de passif soit mise en œuvre dans le cadre d’une transaction
– Responsabilité de Madame [L]: obligation pour Madame [L] de répondre de ses actes devant la justice
– Pérennité du contrat de travail d’un salarié: garantie de maintien du contrat de travail d’un salarié dans la durée
– Disparition de certains éléments d’actif: fait pour des éléments d’actif de disparaître sans explication claire
– Défaut de conformité aux normes obligatoires du logiciel de caisse: non-respect des normes obligatoires pour un logiciel de caisse
– Fausse facturation destinée à créer une apparence de solvabilité: émission de fausses factures dans le but de donner une fausse impression de solvabilité
– Baisse du chiffre d’affaires au premier trimestre 2020: diminution du chiffre d’affaires d’une entreprise au premier trimestre de l’année 2020
– Réparation du dommage résultant du dol: action de réparer le préjudice causé par un dol
– Fraude à la formation professionnelle: acte frauduleux commis dans le cadre de la formation professionnelle
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRET N°119
CL/KP
N° RG 23/00510 – N° Portalis DBV5-V-B7H-GX3P
[L]
[L]
C/
[D]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
2ème Chambre Civile
ARRÊT DU 26 MARS 2024
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/00510 – N° Portalis DBV5-V-B7H-GX3P
Décision déférée à la Cour : jugement du 07 novembre 2022 rendu par le Tribunal de Commerce de POITIERS.
APPELANTS :
Monsieur [P] [L]
né le [Date naissance 4] 1964 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Ayant pour avocat plaidant Me Alexis BAUDOUIN de la SELARL TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS
Madame [I] [L]
née le [Date naissance 1] 1994 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Ayant pour avocat plaidant Me Alexis BAUDOUIN de la SELARL TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS.
INTIME :
Monsieur [W] [D]
né le [Date naissance 5] 1982 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Ayant pour avocat plaidant Me Philippe BROTTIER de la SCP PHILIPPE BROTTIER – THIERRY ZORO, avocat au barreau de POITIERS.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 06 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :
Monsieur Fabrice VETU, Conseiller
Monsieur Cédric LECLER, Conseiller
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Claude PASCOT, Président
Monsieur Fabrice VETU, Conseiller
Monsieur Cédric LECLER, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur [P] [L] détenait 99,5% du capital de la société à responsabilité limitée Bfh Concessions (la société) constituée en juin 2010, et sa fille Madame [I] [L] en détenait 0,5%.
En novembre 2019, Monsieur [W] [D] a pris contact avec Monsieur [L] afin d’acquérir l’ensemble des parts sociales constituant le capital de la société.
Le 7 février 2020, un protocole de cession de parts sociales a été signé entre les parties, suivi d’un acte réitératif le 19 mars suivant, pour un prix de cession de la totalité des parts sociales à 30 000 euros.
Monsieur [D] est devenu ainsi l’unique associé, le solde du compte courant de la société inscrivait au 19 mars 2020, étant positif à raison de 2.488,97€.
Monsieur [D] a acquis lesdites parts sociales à l’aide d’un prêt professionnel à hauteur de 30.000€ consenti par le Crédit Agricole selon acte du 28 mars 2020.
Le 12 mai 2020, Monsieur [D] a adressé à Monsieur [L] un courrier recommandé au sein duquel il lui reprochait d’avoir dissimulé la situation réelle de la société.
Le 12 octobre 2021, Monsieur [D] a attrait Monsieur [L] et Madame [L] (les consorts [L]) devant le tribunal de commerce de Poitiers.
Dans le dernier état de ses demandes, Monsieur [D] a demandé de:
– dire irrecevables en leurs prétentions les consorts [L], et les en débouter ;
– dire et juger que les consorts [L] avaient eu un comportement dolosif pour parvenir à la vente et avaient fait preuve de mauvaise foi ;
– en conséquence, les condamner conjointement et solidairement à lui verser les sommes de 150.000€ à titre de dommages et intérêts ainsi que 3.500€ au titre des frais irrépétibles.
Dans le dernier état de leurs demandes, les consorts [L] ont demandé de dire et juger qu’ils n’avaient commis aucun manquement et en conséquence de débouter Monsieur [D] de l’ensemble de ses demandes, et de le condamner à leur verser la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles.
Par jugement contradictoire en date du 7 novembre 2022, le tribunal de commerce de Poitiers a :
– dit que le comportement des consorts [L], représentants et propriétaires, était une manoeuvre dolosive pour parvenir à la vente de la société à Monsieur [D] ;
– dit que Monsieur [D] avait subi un préjudice estimé à la somme de 77.254€ (30.000€ de crédit, 39.796 euros de perte de revenu et 7.458€ d’apport et frais divers) ;
– condamné in solidum les consorts [L] à payer à Monsieur [D] la somme de 77.254€ à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi ;
– débouté les consorts [L] de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions contraires;
– condamné in solidum les consorts [L] (sic) la somme de 2.000€ au titre des frais irrépétibles.
Le 28 février 2023, les consorts [L] ont relevé appel de ce jugement, en intimant Monsieur [D].
Le 18 septembre 2023, les consorts [L] ont demandé d’infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, et statuant de nouveau, de :
– dire et juger qu’ils n’avaient commis aucun manquement,
par conséquent, de :
– débouter Monsieur [D] de l’ensemble de ses demandes ;
– condamner Monsieur [D] à leur verser à chacun la somme de 5 000 € au titre des frais irrépétibles des deux instances.
Le 7 décembre 2023, Monsieur [D] a demandé de :
– juger irrecevables et mal fondés les consorts [L] en leur appel à l’encontre du jugement déféré ;
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
– condamner les consorts [L] conjointement solidairement à lui payer la somme de 4.000€ au titre des frais irrépétibles d’appel.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 janvier 2024.
MOTIVATION :
Sur la recevabilité de l’appel des consorts [L]:
Dans le dispositif de ses écritures, Monsieur [D] demande de déclarer irrecevable l’appel formé par les consorts [L].
Mais dans les motifs de ses écritures, l’appelant n’a développé strictement aucun moyen de ce chef.
Il y aura donc lieu de déclarer recevable l’appel formé par les consorts [L].
Sur l’annulation du jugement :
Selon l’article 954 alinéas 1 et 2 du code de procédure civile, dans les procédures avec représentation obligatoire, les conclusions d’appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune des prétentions est fondée; les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour d’appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.
Dans les motifs de leurs écritures (pages 4 et 5), les consorts [L] demandent l’annulation du jugement déféré, motif pris de son défaut prétendu de motivation.
Mais dans le dispositif de leurs écritures, les appelants n’ont pas énoncé une telle prétention : la cour n’en est donc pas saisie.
Sur l’existence d’un dol :
Selon l’article 1137 du code civil,
Constitue un dol le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manoeuvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des cocontractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.
Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.
Indépendamment de la faculté de demander la nullité d’un contrat pour dol, la victime de manoeuvres dolosives dispose d’une action en responsabilité délictuelle pour obtenir de leur auteur réparation du préjudice qu’elle a subi.
Une telle action est fondée sur l’article 1240 du code civil.
Sur l’invocation de la garantie d’actif et de passif :
Les consorts [L] font grief à l’intimé d’exercer son action indemnitaire pour dol aux fins de rechercher à contourner le plafond de garantie prévue à la garantie d’actif et de passif liant les parties et ayant assorti la cession des parts sociales.
Et aux griefs de l’intimé, les appelants entendent opposer les stipulations de la garantie d’actif et de passif afférente aux actes de cession, en en invoquant les limites.
Mais le moyen ainsi invoqué est inopérant, eu égard à la différence des fondements sur lesquels s’appuient ces deux actions, et eu égard à la spécificité, plus bas développée, du dommage résultant de l’action indemnitaire pour dol.
Sur la responsabilité de Madame [L]:
Il ressort des actes de cessions que Monsieur [L] était le gérant de la société, dont il détenait 99,5 % des parts, tandis que Madame [L] n’en détenait que 0,5 %, sans qu’elle exerçât de fonctions autres qu’associée dans la marche de la société.
Et de même, il résulte des articles 7 et 12 de l’acte réitératif de cession que seul Monsieur [L] à l’exclusion de Madame [L], est partie à la garantie d’actif et de passif, et a notamment procédé aux déclarations y afférentes, ci-après examinées.
Il n’apparaît pas que l’intéressée ait pris part d’une quelconque façon aux négociations préalables à la cession.
À l’inverse, les actes de cession mentionnent que Madame [L] est représentée par son père Monsieur [L].
En l’état de cette notable différence d’investissement au sein de la société entre ses deux associés, il ne peut pas être retenu que Madame [L] aurait eu une connaissance du fonctionnement de la société sur les points ci-après développés que Monsieur [D] reproche de lui avoir dissimulés.
Car cette connaissance ne peut pas suffisamment se déduire du seul lien de famille unissant les deux associés cédants.
Et pour le surplus, l’intimé ne caractérise pas d’actes constitutifs de dol personnellement imputables à Madame [L].
Sur la pérennité du contrat de travail d’un salarié:
Dans un premier temps, il convient de rechercher si la présence de Monsieur [T] [O], en tant que préposé de la société dont les parts sociales avaient été cédées, était déterminante du consentement du cessionnaire, si les cédants avaient connaissance de l’intention de ce salarié de quitter la société, et l’ont sciemment dissimulée au cessionnaire, en ayant conscience du caractère déterminant d’une telle information quant au consentement de l’autre partie.
Selon ces statuts, la société a pour objet :
– toute activité relative à l’achat et la vente de cartouches d’encre, la collecte et la recharge de toutes cartouches et toners pour imprimantes, photocopieurs est généralement tout matériel informatique bureautique, de tout consommable lié à ces activités, en magasin et en ligne ;
– toute activité de papeterie, la vente de petites fournitures, supports publicitaires et articles divers ;
– toute activité de conseil ou formation dans les domaines ci-dessus.
Le contrat de travail et les bulletins de paye de Monsieur [T] [O] montrent que celui-ci avait été embauché par la société comme vendeur depuis mars 2019.
Les documents afférents à sa formation préalable avant embauche remplies par la société, montrent qu’il exerçait les fonctions de responsable de boutique comportant le descriptif suivant :
vous effectuez la gestion commerciale et administrative d’une petite ou moyenne surface de vente ou en développement commercial dans le secteur de l’informatique, téléphonie ou des consommables.
Entre autres vos activités seront :
vente de cartouches, vente d’imprimantes, vente de cartouches laser et jet d’encre, reconditionnement cartouches, vente de consommables d’impression, recharge de cartouches d’encre, impression numérique, photocopies, service après-vente sur imprimantes.
Ce document avait présenté l’entreprise comme suit :
spécialiste de la cartouche et de l’impression pour les particuliers et les professionnels proposant la vente de matériel d’impression garanti trois ans et proposant la réparation de téléphones portables Smartphones tablettes ordinateurs en assurant un service après-vente pour tous ces produits.
Il ressort de l’annexe 1.2.2.2.10.2 à l’acte réitératif de cession des parts sociales de la société en date du 19 mars 2020, que Monsieur [T] [O] y est désigné comme le seul salarié en fonction au sein de la société, exerçant les fonctions de vendeur qualifié, en contrat à durée indéterminée à temps plein.
Et il résulte de l’article 10.2.2.10.2 (liste des salariés) de l’acte réitératif de cession que le gérant déclare qu’à la date de réalisation de la cession, la société emploie les salariés listés à l’annexe susdite.
Eu égard à l’activité de la société cédée, touchant à l’achat et la vente de cartouches en ‘uvre, la collecte et la recharge de toutes cartouches et toners pour imprimante, photocopieurs et généralement tout matériel informatique bureautique, de tout consommable lié à ses activités, en magasin et en ligne, la présence en son sein de Monsieur [O], en sa qualité de vendeur qualifié exerçant les fonctions de responsable de boutique, est nécessairement déterminante du consentement du cessionnaire.
Cette analyse vaut d’autant plus que l’intéressé est le seul salarié de la société, travaillant à temps plein et en contrat à durée indéterminée.
Et elle se trouve encore renforcée par les affirmations des consorts [L] eux-mêmes, qui soulignent, au moment de la cession, l’absence de formation de Monsieur [D] concernant la recharge des cartouches, alors que ce domaine constituait le coeur de l’activité de la société cédée (page 7 de leurs écritures).
Ainsi, le maintien dans l’entreprise de son seul salarié exerçant les fonctions de responsable de boutique a nécessairement revêtu un caractère déterminant dans la volonté d’achat des parts sociales par Monsieur [D], ce dont les consorts [L] avaient nécessairement conscience.
* * * * *
Les appelants dénient avoir été informés préalablement à la cession de la volonté de leur salarié de quitter la société.
Par lettre remise en mains propres au nouveau gérant le 23 avril 2020, signé de la main de chacune des parties, Monsieur [T] [O], se qualifiant dans ce courrier de gérant, a présenté sa démission avec effet au 29 mai 2020.
Par attestation en date du 21 avril 2020, Monsieur [T] [O] a rapporté avoir proposé oralement sa démission à Monsieur [L] le vendredi 21 février 2020 avec effet au 31 mars 2020, et que ce dernier lui a demandé de patienter jusqu’à la fin du rachat en cours, en lui proposant 1000 euros en liquide afin de le dédommager pour le décalage d’un mois ; il y ajoute avoir trouvé un emploi, et que sa décision de quitter la société restait la même.
De manière liminaire, il sera observé que faute pour l’appelant d’avoir exercé une procédure en inscription de faux, ses allégations éventuelles touchant à la fausseté de ces pièces sont inopérantes.
L’appelante discute nonobstant la valeur probante de ces pièces.
Mais il ressort de ces deux pièces combinées tant l’effectivité de la démission du salarié présentée le 23 avril 2020 au cessionnaire, que la circonstance que l’ancien gérant avait connaissance de la volonté du salarié de démissionner, et lui a demandé de patienter jusqu’à ce la fin du rachat de l’entreprise par le cessionnaire.
Et la circonstance que le préavis, indiqué par le salarié dans sa lettre de démission ou son attestation, soit supérieur au délai d’un mois prévu par son contrat de travail, n’est pas de nature à infléchir cette analyse.
De même, la production par le cessionnaire d’un précédent courrier de démission de ce salarié, non daté, faisant état d’un préavis expirant au 31 mars 2020, dont l’intimé indique qu’il a été retrouvé dans le poste de travail informatique utilisé par ce salarié, vient au contraire donner force et crédit à l’antériorité à la cession de la volonté du salarié de quitter l’entreprise.
Surabondamment, la proximité de cette démission présentée le 23 avril 2020 avec la cession définitive intervenue le 19 mars 2020 vient corroborer que la décision du salarié de quitter l’entreprise était déjà forgée dès avant la cession.
A l’issue de cette analyse, il sera donc retenu que les cédants avaient connaissance de la volonté du salarié de quitter la société.
* * * * *
Les cédants dénient avoir caché au cessionnaire une quelconque information quant à la volonté du salarié de quitter l’entreprise.
Les appelants entendent se prévaloir de l’article 10.2.2.10 « salariés, mandataires sociaux » du protocole de cession de parts en observant avoir exactement respecté l’ensemble de la déclaration y afférente, en remarquant que le salarié n’avait pas remis en cause la validité son contrat de travail, ni soulevé un litige le liant à son employeur.
Il convient d’observer l’exactitude de cette assertion.
De même, il résulte de l’acte réitératif de cession, en son article 12.2.2.1 (autres déclarations et garantie- gestion courante depuis le 1er janvier 2020) que le garant déclare garantir que depuis cette date incluse et jusqu’à la date de réalisation incluse:
….
m. La société n’a procédé à aucune embauche ou rédigé une quelconque promesse d’embauche ni procédé à des licenciements ou entamé une procédure de licenciement ou souffert d’une démission ou d’une prise d’acte de rupture au(x) tort(s) de la Société, ni procédé ou entamé une rupture conventionnelle.
Il y a lieu d’observer l’exactitude formelle d’une telle assertion, alors qu’à la date de la cession définitive le 19 mars 2020, le salarié n’avait toujours pas encore présenté sa démission.
Mais cependant, il résulte de l’article 10.2.2.10.2 (liste des salariés) du même acte que le garant déclare plus particulièrement que :
(i) il n’existe aucun motif pour qu’un salarié puisse remettre en cause l’un quelconque des contrats de travail ou ne formule une réclamation à ce titre.
Or, il y a lieu d’observer la fausseté de cette affirmation, alors que le cédant connaissait l’intention déjà manifestée du salarié de rompre son contrat de travail et lui avait demandé d’y surseoir jusqu’à la cession définitive de l’entreprise.
A l’issue de cette analyse, il sera retenu que les cédants ont intentionnellement scellé au cessionnaire l’intention de l’unique salarié de quitter l’entreprise à bref délai, alors que son maintien était déterminant de la volonté d’acquisition des parts sociales de la part du cessionnaire, et que les cédants connaissaient sciemment ce caractère déterminant.
Sur la valorisation des stocks :
L’intimé fait grief aux appelants d’une survalorisation des stocks, tels qu’intégrés aux comptes de l’exercice clos le 31 décembre 2019.
Les appelants lui objectent que le protocole de cession des parts du 7 février 2020 a été conclu à un moment où les comptes de l’exercice clos le 31 décembre 2019 n’étaient pas encore définitivement établis, mais que le prix de cession y a été pourtant déterminé; ils ajoutent que ce protocole indique expressément que le prix de cession a été déterminé en fonction des comptes des exercices clos en 2016, 2017 et 2018.
Il ressort en effet de l’article 3 du protocole du 7 février 2020 que la valorisation des droits sociaux et le prix forfaitaire de 30 000 euros sont déterminés au regard des bilans des trois derniers exercices clos les 31 décembre 2016, 31 décembre 2017, et 31 décembre 2018.
Mais le protocole de cession définitif du 19 mars 2020 fait ressortir, notamment en son article 12.2.1.3, et dans l’annexe idoine, que les parties se réfèrent aux comptes de l’exercice clos le 31 décembre 2019, annexés à l’acte, de sorte que le prix de cession sera considéré comme déterminé notamment par les résultats de ce dernier exercice.
Or celui-ci avait aussi expressément indiqué que le prix de cession était fondé sur le principe selon lequel les informations communiquées à ce jour étaient exactes, complètes, et donnaient une image juste, fidèle et sincère de la situation et des affaires de la société.
Ainsi, l’éventuel défaut de sincérité afférent à la valorisation des stocks intégrés aux comptes sociaux a pu être de nature à déterminer le consentement du cessionnaire quant à la réitération de l’action de cession.
Au surplus, il résulte de l’acte réitératif de cession que celui prend comme référence les comptes sociaux arrêtés au 31 décembre 2019, de telle sorte que la teneur de ces derniers a pu également porter sur des éléments ayant déterminé le cessionnaire dans sa volonté de réitérer l’acte de cession.
Il est constant entre parties que selon les comptes de l’exercice clos le 31 décembre 2019, la société cédée possédait pour 5026,60 euros de matières premières et 1104,78 euros de marchandises.
Il ressort du mail de Monsieur [L] en date du 15 avril 2020 que celui-ci a transmis à Monsieur [D] l’inventaire réalisé le 29 février 2020.
Et la production de cet inventaire fait ressortir un sous-total pour les consommables de 1379, euros, et une valorisation totale du stock de 4851,90 euros.
C’est de manière inopérante que les cédants se prévalent du défaut de contradictoire dans la réalisation de cet inventaire, alors qu’eu égard à sa date, celui-ci a été établi par Monsieur [L] lui-même.
Monsieur [D] soutient qu’après avoir lui-même procédé à un inventaire physique du stock, les matières premières n’auraient qu’une valeur de 241,71 euros, et les marchandises de 2339,69 euros.
Monsieur [D] fait grief aux cédants d’une survalorisation des stocks, qui doivent être évalués à leur coût d’acquisition, alors qu’ils l’auraient été à près de 3 fois leur prix d’achat.
Mais il n’a pas produit l’inventaire susdit, dont il ne précise d’ailleurs pas la date, de nature à démontrer ses propres assertions.
Il ne peut dès lors être exclu l’existence d’une variation des stocks résultant de leur consommation entre le 29 février 2020, date de l’inventaire réalisé par le cédant, et la date de réalisation, inconnue, du nouvel inventaire déclaré par le cessionnaire.
Dès lors, Monsieur [D] défaille à démontrer tant la surévaluation de l’inventaire réalisé le 29 février 2020 que la fausseté subséquente des données chiffrées afférentes au stock figurant dans les comptes clos au 31 décembre 2019.
En conclusion, le cessionnaire défaille à démontrer un quelconque dol afférent à une surévaluation du stock.
Sur la disparition de certains éléments d’actif:
Il ressort de l’acte réitératif de cession, en son article 12.2 2.2 (page 11) que le garant Monsieur [L] déclare avoir remis au cessionnaire tous les actes ou autres documents prouvant la propriété des actifs de la société ont été dûment signés par lui et sont en sa possession.
Et dans son article 12.2.2.10 (page 14), le garant déclare que notamment tous les actifs, installation, équipement et matériels enregistrés dans les comptes de référence, ainsi que ceux acquis depuis le 1er janvier 2020, à l’exception de ceux objet d’un crédit-bail, de location financière ou de location simple, objet de l’annexe 12.2.2.11 a°, sont la pleine et entière propriété de la société, qui est en mesure de justifier pleinement de ses droits et titres de propriété à leur égard.
Monsieur [D] fait grief aux consorts [L] d’avoir diverti des éléments d’actifs, dont il a constaté la disparition alors que ceux-ci apparaissaient dans les comptes de la société.
Il indique qu’il en va ainsi pour un ordinateur Mac Book Pro, acheté auprès d’IP Store le 10 avril 2018, au prix de 1311,75 euros hors taxes, soit 1574,70 euros ttc, ainsi qu’un ordinateur Dell acquis le 17 octobre 2017 et ayant une valeur nette de 109,63 euros.
S’agissant de l’ordinateur Mac Book Pro, Monsieur [L] concède que celui-ci a fait l’objet d’une inscription au bilan par son cabinet d’expertise comptable, mais par suite d’une erreur du professionnel du chiffre, alors que cet équipement aurait été payé sur ses fonds propres personnels et ferait partie de son patrimoine personnel.
Mais il ajoute que le prix de rachat de cet équipement a fait l’objet d’un versement depuis son compte courant d’associé au profit de la société pour un montant de 844,24 euros, correspondant à quelques euros près à la valeur nette comptable du matériel à la date de cession.
S’agissant de l’ordinateur Dell, il indique que compte tenu de sa faible valeur et de son état d’obsolescence avancé, il n’a pas été conservé au sein de la structure.
Ainsi, le cédant reconnaît que ces deux équipements avaient bien été intégrés aux comptes de référence visés par les actes de cession, mais qu’ils ne faisaient pas partie de l’actif réellement cédé.
Et il n’apporte aucun élément démontrant avoir, par le biais de son compte courant d’associé, avoir procédé avant la cession au versement de la valeur comptable de ce premier ordinateur, appréciée au moment de la cession.
Il en résulte ainsi qu’en toute connaissance de cause, le cédant a intégré dans les actifs cédés des équipements dont il savait sciemment qu’ils n’en faisaient plus partie, et en le cachant au cessionnaire.
La circonstance qu’au titre de la garantie d’actif (article 12.2.2.1 de l’acte initial du 7 février 2020) Monsieur [L] ne garantisse que les cessions ou acquisitions d’actifs d’un montant unitaire supérieur à 2000 euros, et d’un montant cumulé supérieur à 6000 euros lorsqu’elles sont intervenues entre le 1er janvier 2020 et la date de réalisation, est inopérante.
Car l’action du cessionnaire est exclusivement fondée sur le dol du cédant, et ne cherche pas à mobiliser la garantie d’actif intégrée à l’acte de cession d’une quelconque façon.
Mais il n’est pas démontré en quoi la dissimulation de la dissipation de ces deux ordinateurs d’une valeur modique, ne pouvant dépasser pour le tout 1000 euros à la date de la cession en tenant compte de leur amortissement, a pu, même pour partie, déterminer le consentement du cessionnaire pour acquérir les parts sociales au prix de 30 000 euros.
Aucun dol ne pourra être retenu s’agissant de la disparition de certains éléments d’actifs.
Sur le défaut de conformité aux normes obligatoires du logiciel de caisse :
Les articles 12.2.1.2 et 12.2.2.13 de l’acte de cession portent déclaration du garant Monsieur [L] selon laquelle sous la direction de Monsieur [L], la société s’est conformée à la loi, et que celle-ci, dans le cadre de son activité, s’est toujours strictement conformée à la réglementation en vigueur en matière de prix et de concurrence, et généralement, avec toutes les lois.
Le cessionnaire fait grief aux cédants de ce que le logiciel de caisse, objet de la cession, n’est pas aux normes, puisqu’il permet d’effacer les opérations réalisées, ce dont les cédants se seraient bien gardés de le lui préciser.
Mais alors que les consorts [L] dénient toutes fautes de leur part, Monsieur [D] ne démontre pas en quoi ces derniers avaient alors connaissance de cette non-conformité, et la lui aurait cachée sciemment.
Et surtout, il ne démontre pas en quoi, à la supposer même établie, le défaut de conformité aux normes de ce logiciel de caisse aurait pu, d’une quelconque façon, avoir déterminé son consentement.
Sur une fausse facturation destinée à créer une apparence de solvabilité :
Monsieur [D] soutient que plusieurs factures ont été émises par la société cédée sur une autre société dont Monsieur [L] était le dirigeant, et n’auraient pas fait l’objet d’une prestation correspondante, et ce afin de gonfler le chiffre d’affaires de la société cédée, et de lui permettre de donner une apparence de résultat comptable positif.
Il remarque notamment des factures afférentes à l’édition de 300 calendriers 2020 le 3 janvier 2020, alors que tous les calendriers sont édités au plus tard 2 mois minimum avant la fin de l’année.
Il soutient en outre que le matériel dont disposait la société ne lui permettait pas de réaliser ces travaux, et que le tarif pratiqué n’était plus cohérent avec les prix du marché, sans qu’aucune trace de recours à une sous-traitance ait été retrouvée.
Mais l’existence d’une facturation implique par définition la préexistence d’une commande et de son exécution, de telle sorte qu’une facturation intervenue seulement le 3 janvier 2020 ne permet pas d’exclure la réalité d’une commande et de son exécution antérieures.
Et il ne ressort pas de l’examen des actifs et éléments d’équipement de la société, et de son objet social que celle-ci serait incapable d’exécuter sans sous-traitance les prestations visées aux factures querellées par l’intimé.
Enfin, par la production sommaire de prix auprès d’autres prestataires, Monsieur [D] ne démontre pas en quoi les prix visés par les factures critiquées ne seraient pas en cohérence avec les prix du marché.
Plus largement, Monsieur [D] défaille à faire la preuve que les prestations objet des factures critiquées seraient inexistantes.
L’invocation d’une fausse facturation, non établie, ne pourra donc pas fonder utilement son action pour dol.
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L’article 12.2.2.1 mentionne la déclaration du garant selon laquelle aucun des 5 principaux clients de la société n’a fait savoir qu’il entendait mettre fin ou diminuer de façon substantielle les relations contractuelles existantes.
En alléguant que la page 11 du document comptable annexé à l’acte de cession de parts, figurant dans sa pièce n°11, montrerait que les deux meilleurs clients de la société cédée seraient des sociétés gérées par Monsieur [L] et par le frère de celui-ci, notamment la société All4Shops, Monsieur [D] observe que cette dernière société n’a plus rien commandé à la société cédée après la cession.
Mais ni l’examen de la page 11 du document comptable cité par l’intimé, ni l’examen de cet entier document ne mettent en évidence que les deux sociétés évoquées seraient les plus gros clients de la société cédée.
Il est à cet égard significatif que l’intimée ne donne aucune évaluation quantitative sur ce point dans ses écritures.
Au surplus, Monsieur [D] ne démontre pas en quoi Monsieur [L], qui reste taisant à cet égard, aurait des intérêts dans ces deux sociétés.
Ces circonstances ne caractérisent ainsi aucun élément constitutif de dol.
Sur l’invocation d’une fraude à la formation professionnelle :
Monsieur [D] fait grief aux consorts [D] d’avoir faussement déclaré à Pôle Emploi que Monsieur [O] avait été embauché en contrat à durée déterminée, aux fins d’obtenir le financement de sa formation préalable à son embauche, alors que ce salarié avait été en réalité embauché à durée indéterminée.
Mais il ressort de l’instruction ministérielle du 30 juillet 2012 en son article 4.4 (embauche après la formation) la possibilité, pour l’employeur embauchant finalement le salarié en formation en contrat à durée indéterminée, de bénéficier aussi du versement de l’aide à la formation de celui-ci, dont l’embauche a lieu pour ce dernier dans des conditions plus avantageuses.
Dès lors, aucune fraude à la formation professionnelle n’est caractérisée, et aucun dol ne peut être recherché de ce chef.
Sur la baisse du chiffre d’affaires au premier trimestre 2020 :
L’article 12.2.2.1 de l’acte réitératif de cession, relatif à la gestion courante depuis le 1er janvier 2020 et jusqu’à la date de réalisation effective, stipule la déclaration du garant selon laquelle la société a été gérée raisonnablement et a poursuivi ses activités selon le cours normal des affaires.
Le cédant fait valoir que le chiffre d’affaires de la société a significativement baissé pendant la période du 1er décembre 2019 au 10 mars 2020.
Il met cette baisse en relation avec l’arrêt des commandes des deux sociétés dans lesquelles Monsieur [L] et son frère seraient intéressés, selon lui principales clientes de la société cédée, en rappelant le caractère frauduleux des facturations y afférentes.
Il soutient en substance que la mauvaise gestion sociale pendant cette période intermédiaire, qui lui a été dissimulée, a mis à mal la viabilité de la société, qui a très vite fait l’objet d’un jugement de liquidation judiciaire rendu le 12 janvier 2021, arrêtant la date de cessation des paiements au 31 octobre 2020.
Mais de première part, il sera rappelé la carence probatoire du cessionnaire s’agissant des deux sociétés dans lesquelles il soutient que Monsieur [L] et son frère étaient intéressés.
Et de deuxième part, le graphique présenté par l’intimé met en évidence des baisses significatives de chiffre d’affaires, équivalentes à celle touchant la période qu’il entend mettre en exergue, de janvier à mai à mai 2009, en juillet 2009, puis de septembre à novembre 2009.
Enfin de troisième part, alors que l’acte réitératif de cession fait référence aux comptes clos le 31 décembre 2019, et comporte une annexe comptable présentant ces derniers comptes, le cédant a été mis à même d’apprécier la consistance de l’activité de la société au cours de ce dernier exercice avant la cession.
Aucun dol ne peut être retenu relativement à la baisse alléguée de chiffre d’affaires au cours du premier trimestre 2020.
* * * * *
A l’issue de cette analyse, il sera retenu que seul un comportement dolosif peut être imputé à Monsieur [L], et non à Madame [L].
Il y aura donc lieu d’infirmer le jugement en ce qu’il a dit que le comportement des consorts [L], représentants et propriétaires, était une manoeuvre dolosive pour parvenir à la vente de la société Bfh Concessions à Monsieur [D], et en ce qu’il a condamné in solidum les deux susdits à une indemnité subséquente.
Sur la réparation du dommage résultant du dol:
La victime d’un dol ayant fait le choix de ne pas demander l’annulation du contrat peut obtenir la réparation du préjudice correspondant uniquement à la perte d’une chance d’avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses (Cass. com., 10 juillet 2012, n°11-21.954, publié), ou de ne pas contracter (Cass. com., 21 juin 2016, n°14-29.874).
Car l’indemnisation de la perte de gains espérés n’est possible que dans le cadre d’une demande en nullité de la convention viciée par un dol.
Constitue une perte de chance la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable, et celle-ci ne peut jamais être égale à cette éventualité, si elle s’était réalisée.
Mais pour donner lieu à réparation, la perte de chance doit être raisonnable, ou encore réelle et sérieuse.
Monsieur [D] demande réparation de la vente dolosive à hauteur de 77 254 euros se décomposant comme suit :
– 33 500 euros au titre du coût du prêt bancaire relatif à l’acquisition ;
– 1650 euros hors taxes au titre du coût de la rédaction de l’acte de cession ;
– 650 euros hors taxes au titre du coût de l’apport en société ;
– 5000 euros au titre de l’apport en compte courant ;
– 158 euros hors taxes au titre de l’annonce légale ;
– 39 796 euros au titre de sa perte de revenus.
Il apporte les justificatifs suffisants des préjudices qu’il allègue.
Mais pour l’essentiel, Monsieur [D] demande la réparation de ses préjudices matériels, qui n’auraient selon lui pas eu lieu sans l’exécution du contrat de cession litigieux, et plus spécialement de sa perte de chance d’obtenir les gains attendus, découlant de sa perte de revenus, par suite des très faibles revenus retirés de la société après sa cession.
Et le préjudice allégué afférent aux apports en société et en compte courant, réalisés dans la suite du début d’exploitation de la société après sa cession, ont nécessairement trait à la réparation d’une perte de chance d’obtenir les gains attendus.
Or l’indemnisation de ces postes, portant sur les suites de l’exécution du contrat dont l’acheteur n’a pas demandé l’annulation, ne pourra manifestement pas prospérer.
A l’inverse, il peut être retenu que les dommages résultant du coût du prêt bancaire engagé pour financer l’acquisition, ainsi que le coût de l’acte de cession et du coût de l’annonce légale sont en relation directe et certaines avec l’acquisition que le cessionnaire aurait été susceptible d’éviter, ou de conclure à de meilleures conditions.
Mais il reste à caractériser cette perte de chance dans son principe et son étendue.
Compte tenu de l’activité de la société en négoce, et vente de cartouche d’encres et consommable papeterie, petites fournitures et de tout matériel informatique et bureautique, de la faiblesse des derniers résultats comptables (4421 euros avec un report à nouveau négatif de 14 152 euros au 31 décembre 2018, et un résultat de 309,11 euros avec un report à nouveau négatif de 9731,11 euros au 31 décembre 2019), de la faible valorisation du stock et des équipements, dont la valeur de cession résulte essentiellement de la cession des contrats en cours, notamment du droit au bail et du contrat de concession d’enseigne, il y aura lieu de considérer que si le cessionnaire avait eu connaissance du seul élément retenu par la cour au titre du dol, à savoir de la volonté du seul salarié responsable du seul point de vente de la société de la quitter à bref délai, il n’est pas établi que Monsieur [D] aurait pu contracter à des conditions plus avantageuses, mais il ressort que celui-ci peut se prévaloir uniquement d’une perte de chance de ne pas contracter, que la cour estimera devoir fixer à 50 %.
Au bénéfice des observations figurant plus haut, il y aura lieu de retenir que l’assiette des préjudices indemnisable sera entièrement constituée par les postes suivants :
– 33 500 euros au titre du coût du prêt bancaire relatif à l’acquisition ;
– 1650 euros hors taxes au titre du coût de la rédaction de l’acte de cession ;
– 158 euros hors taxes au titre de l’annonce légale ;
soit un total de 35 308 euros.
Il y aura lieu d’infirmer le jugement en ce qu’il a dit que Monsieur [D] avait subi un préjudice estimé à la somme de 77 254 euros (30 000 euros de crédit, 39 769 euros de pertes de revenu et 7458 euros d’apports et frais divers).
Il y aura donc lieu d’allouer à Monsieur [D] en réparation de sa perte de chance de ne pas contracter une indemnité évaluée à 17 654 euros (35 308 euros x 50 %), que le seul Monsieur [L] sera condamné à lui payer.
* * * * *
Le présent arrêt vaudra titre de restitution des sommes allouées en exécution du jugement déféré.
Le jugement sera infirmé pour avoir condamné in solidum les consorts [L] au titre des dépens de première instance et frais irrépétibles de première instance.
Succombant à son égard, Monsieur [D] sera débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles des deux instances dirigée contre Madame [L].
Succombant, Monsieur [L] sera débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles des deux instances, et il en ira de même s’agissant de Madame [L], certes triomphante, mais à laquelle aucune considération d’équité ne conduira à allouer d’indemnité de procédure.
Mais Monsieur [L] sera condamné aux entiers dépens des deux instances et à payer à Monsieur [D] la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances.
PAR CES MOTIFS:
La Cour,
statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Déclare recevable l’appel formé par Monsieur [P] [L] et Madame [I] [L] ;
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau :
Déboute Monsieur [W] [D] de toutes ses prétentions à l’encontre de Madame [I] [L] ;
Condamne Monsieur [P] [L] à payer à Monsieur [W] [D] la somme de 17 654 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de chance de ne pas contracter ;
Rappelle que le présent arrêt vaut titre de restitution des sommes allouées en exécution du jugement déféré ;
Déboute Madame [I] [L] de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel ;
Condamne Monsieur [P] [L] aux entiers dépens de première instance et d’appel et à payer à Monsieur [W] [D] la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,