1. Aucun salarié ne doit subir des agissements de harcèlement moral ou sexuel au travail, conformément aux articles L 1152-1, L 1153-1, L 1152-2, L 1153-2 et L 1153-3 du code du travail. Tout licenciement motivé par des faits de harcèlement est nul et peut entraîner des conséquences financières importantes pour l’employeur.
2. En cas de licenciement nul, le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois, conformément à l’article L 1235-3-1 du code du travail. Il peut également prétendre à une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité de licenciement et d’autres indemnités en fonction de son ancienneté et de sa situation professionnelle.
3. L’employeur a l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, y compris en matière de harcèlement moral et sexuel. En cas de manquement à cette obligation, l’employeur peut être tenu responsable et condamné à verser des dommages-intérêts au salarié victime. Il est essentiel de mettre en place des mesures de prévention, d’information et de formation pour lutter contre le harcèlement au travail.
Mme [S] [R] a été engagée en tant qu’aide soignante par l’association AGEM. Suite à des faits d’agression à caractère sexuel commis par le vice-président de l’association, elle a été licenciée pour faute grave. Mme [S] [R] a contesté son licenciement devant le conseil de prud’hommes d’Annonay, qui a jugé la demande fondée et a prononcé la nullité du licenciement. L’AGEM a interjeté appel de cette décision. Les parties ont des prétentions divergentes concernant les faits reprochés à Mme [S] [R], notamment en ce qui concerne la distribution des médicaments, l’organisation des transports des usagers, les soins d’hygiène aux résidents, et le rangement des médicaments. Mme [S] [R] conteste également l’obligation de sécurité de l’AGEM et soutient qu’une enquête interne a été mise en place pour la décrédibiliser. L’affaire est en attente d’examen devant la cour.
Sur la nullité du licenciement
Mme [R] soutient qu’elle a été licenciée pour avoir dénoncé des faits de harcèlement sexuel à son encontre de la part de M. [L], vice-président de l’association AGEM. La cour a confirmé la nullité du licenciement en raison du lien établi entre le harcèlement dénoncé et le licenciement.
Sur les conséquences financières du licenciement nul
En cas de licenciement nul, le salarié peut prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois. En l’espèce, Mme [R] a obtenu une réparation financière ainsi que des indemnités compensatoires conformément à la loi.
Sur l’obligation de sécurité
L’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs, y compris en matière de harcèlement sexuel. En l’absence de mesures préventives adéquates, l’employeur a été condamné à verser des dommages-intérêts à la salariée.
Sur l’exécution déloyale du contrat de travail
La cour a retenu que l’employeur avait manqué à son obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail en menant une enquête interne partiale. L’employeur a été condamné à verser une somme à la salariée pour ce préjudice.
Sur les demandes accessoires
L’équité a conduit à l’application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’intimée. Les dépens d’appel ont été laissés à la charge de l’association AGEM.
– Mme [S] [R] : 3000 euros
– Dépens : Montant non spécifié
Réglementation applicable
– Code du travail
– Article L 1152-1: Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
– Article L 1153-1: Aucun salarié ne doit subir des faits de harcèlement sexuel constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante, soit consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle.
– Article L 1152-2: Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral.
– Article L 1153-2: Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement sexuel.
– Article L 1153-3: Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
– Article L 1152-3: Toute rupture du contrat de travail ou tout acte contraire à ces textes sont nuls.
– Code du travail
– Article L 1235-3-1: En cas de licenciement nul, le salarié peut prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois.
– Code du travail
– Article L 4121-1: L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
– Code du travail
– Article L.1222-1: Le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Me Emmanuelle VAJOU
– Me David LACHASSAGNE
– Me Auriel DUCHENAUD
Mots clefs associés
– Harcèlement moral
– Harcèlement sexuel
– Licenciement nul
– Obligation de sécurité
– Mesures de prévention
– Enquête interne
– Exécution déloyale du contrat de travail
– Indemnités
– Dommages-intérêts
– Article L 1152-1 du code du travail
– Article L 1153-1 du code du travail
– Article L 1152-2 du code du travail
– Article L 1153-2 du code du travail
– Article L 1153-3 du code du travail
– Article L 1152-3 du code du travail
– Article L 1153-4 du code du travail
– Article L 1235-3-1 du code du travail
– Article L 4121-1 du code du travail
– Article L 4121-23 du code du travail
– Article L.1222-1 du code du travail
– Article 700 du code de procédure civile
– Harcèlement moral: ensemble de comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié
– Harcèlement sexuel: fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle
– Licenciement nul: licenciement jugé comme étant sans cause réelle et sérieuse par le juge
– Obligation de sécurité: devoir de l’employeur de protéger la santé physique et mentale de ses salariés
– Mesures de prévention: actions mises en place par l’employeur pour prévenir les risques professionnels, notamment en matière de harcèlement
– Enquête interne: investigation menée au sein de l’entreprise pour vérifier des faits de harcèlement ou de discrimination
– Exécution déloyale du contrat de travail: manquement de l’employeur à ses obligations contractuelles envers le salarié
– Indemnités: sommes versées au salarié en réparation d’un préjudice subi
– Dommages-intérêts: réparation financière accordée à la victime d’un préjudice
– Articles du code du travail: dispositions légales encadrant le harcèlement et les obligations de l’employeur en matière de sécurité et de prévention
– Article 700 du code de procédure civile: article permettant au juge de condamner la partie perdante à verser une somme à l’autre partie pour ses frais de justice
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/00761 – N° Portalis DBVH-V-B7G-ILNJ
MS EB
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE D’ANNONAY
27 janvier 2022
RG :F 21/00009
Association AGEM
C/
[R]
Grosse délivrée le 02 AVRIL 2024 à :
– Me
– Me
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 02 AVRIL 2024
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage d’ANNONAY en date du 27 Janvier 2022, N°F 21/00009
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
M. Michel SORIANO, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
M. Michel SORIANO, Conseiller
Madame Leila REMILI, Conseillère
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l’audience publique du 11 Janvier 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 02 Avril 2024.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
Association AGEM
FOYER [3] [Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LX NIMES, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me David LACHASSAGNE, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
Madame [S] [R]
née le 02 Septembre 1987 à [Localité 8]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Auriel DUCHENAUD, avocat au barreau de LYON
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 11 Décembre 2023
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 02 Avril 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :
Mme [S] [R] a été engagée à compter du 4 novembre 2019, suivant contrat à durée déterminée puis en contrat à durée indéterminée à compter de janvier 2020, en qualité d’aide soignante par l’association gestionnaire d’établissements médicaux sociaux (AGEM).
Mme [S] [R] a déposé plainte le 4 août 2020 auprès de la gendarmerie de [Localité 6] pour des faits d’agression à caractère sexuel commis par M. [L], vice président de l’association, et a fait part de cette agression au CSE et à la direction, par courrier du 3 août 2020.
Par courrier du 2 septembre 2020, Mme [S] [R] a été convoquée à un entretien préalable.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 octobre 2020, Mme [S] [R] a été licenciée pour faute grave, en ces termes :
« …
– Le 31 juillet 2020, un parent a trouvé dans la pochette médicale de sa fille une ordonnance
médicamenteuse prescrite le 23 juillet 2020.
Le parent vous a interrogé à ce propos le 31 juillet 2020 et vous lui avez fait savoir que vous n’étiez pas allé chercher les médicaments et qu’ainsi ces médicaments n’avaient pas été distribués à la résidente du foyer pour laquelle la prescription avait été faite. De plus, vous n’avez pas organisé la prise de ce traitement avant le milieu de la semaine suivante.
Vous avez reconnu avoir oublié de gérer cela.
– Le 3 août 2020 vous nous avez envoyé un courriel détaillé à 14H40 et ce, alors que la chef de service vous avait demandé par sécurité d’être présente avec l’infirmière qui conditionnait les piluliers.
En effet, le foyer devant fermer 3 semaines consécutives, il fallait être vigilant sur la constitution
des piluliers pour les personnes handicapées.
De ce fait, il vous avait été demandé donc d’être présente pour veiller à la bonne mise en ‘uvre de la préparation des piluliers pour les vacances des usagers de l’établissement.
La rédaction de ce message ne faisait assurément pas parti de ce que vous deviez mettre en ‘uvre à ce moment-là.
– Par ailleurs, vous gérer de manière habituelle l’organisation des transports des usagers pour les rendez-vous médicaux.
D’ailleurs il est prévu dans votre contrat de travail que vous devez accompagner les personnes sur les rendez-vous médicaux.
Monsieur [F] [C] avait un rendez-vous médical chez le spécialiste à [Localité 5] pour le jeudi 10 septembre 2020.
L’avis de rendez-vous envoyé par l’hôpital dans lequel Monsieur [F] [C] devait se rendre, présente une date antérieure à juillet 2020.
Ne l’accompagnant pas vous n’avez pourtant pas prévu son transport en ambulance.
L’entente préalable n’avait pas été faite à temps pour le transport sanitaire.
Il a donc fallu reporter ce rendez-vous médical en octobre 2020.
– Vos négligences dans l’organisation des transports se sont encore manifestées lorsque deux
rendez-vous ont été programmés simultanément le mardi 15 septembre 2020.
L’un à [Localité 7] et l’autre à [Localité 4]. Ces deux rendez-vous auraient dû être programmés à des moments différents.
– Nous avons également constaté dans votre agenda professionnel une prescription de TSH pour
Monsieur [A] personne handicapée de l’établissement.
Après renseignement rapide, il s’avère qu’une TSH est un acte de prélèvement de sang réalisable
sur place au foyer par une infirmière.
Pourtant vous n’avez pas organisé cela en prenant rendez-vous.
Rien n’était réalisé au 4 septembre 2020 alors que cette TSH était prescrite le 28 juillet 2020.
– Le mardi 8 septembre 2020 sur votre agenda professionnel un rendez-vous chez le dermatologue était programmé pour Madame [B] [M] résidente très dépendante du foyer.
Nous avons dû décommander son rendez-vous faute d’information quant à l’objet de ce rendez vous. Nous n’avions aucun courrier d’accompagnement du médecin.
Dans ces conditions, compte tenu de votre absence nous étions dans l’incapacité d’assurer ce
rendez-vous en vous remplaçant.
– Il est prévu que vous donniez des douches aux usagers le matin.
Vous devez veiller de manière plus générale à l’état d’hygiène des résidents cela fait partie de vos missions fondamentales comme cela est rappelé dans votre contrat de travail.
Pourtant vous participez à la rédaction du protocole d’hygiène des usagers.
Vous les voyez tous les jours notamment lors de la distribution des médicaments.
Le jeudi 6 août 2020, Mademoiselle [J] avait les cheveux sales lorsqu’elle est partie en famille d’accueil.
Monsieur [E] résident du foyer était également dans un état de malpropreté notoire à tel point que sa mère qui est le venue le chercher nous a appelé immédiatement et nous a adressé un message pour s’en plaindre.
– Enfin, vous allez chercher à la pharmacie les médicaments prescrits par les professionnels médicaux.
Les boîtes de médicaments sont mis par vos soins soit dans la petite bannette individuelle de chaque résident, soit dans l’armoire à deux portes en face de votre bureau.
Il apparaît que de nombreuses boîtes de médicaments ne sont pas identifiées et ces boîtes ne sont pas contenue dans les sacs en papier individualisés pour chaque résident.
Nous ne sommes donc pas en mesure de dire à qui appartient ces produits médicamenteux. Il en va de même pour les pommades stockées près de l’évier.
Vos négligences répétées dans la mise en ‘uvre des tâches qui vous incombent sont très préjudiciables au bon fonctionnement de l’association.
Ces négligences sont de surcroît de nature à avoir un impact négatif sur l’état de santé des personnes accueillies au sein de notre foyer.
Ces faits inacceptables constituent une faute grave, et nous sommes donc contraints de mettre fin à votre contrat de travail, votre attitude rendant impossible la poursuite, même temporaire, de votre activité professionnelle, au sein de notre association ».
Par requête du 5 février 2021, Mme [S] [R] a saisi le conseil de prud’hommes d’Annonay aux fins de voir condamner l’AGEM au paiement de diverses sommes indemnitaires.
Par jugement du 27 janvier 2022, le conseil de prud’hommes d’Annonay a :
– dit et jugé que la demande de Mme [S] [R] est fondée,
– prononcé la nullité du licenciement de Mme [S] [R],
– condamné l’AGEM à verser au titre :
– de l’indemnité pour nullité : 15 840 euros
– de l’indemnité compensatrice de préavis : 1760 euros
– des congés payés afférents : 176 euros
– de l’indemnité de licenciement : 404 euros
– du manquement à l’obligation de sécurité : 5000 euros
– de l’exécution déloyale du contrat de travail et du préjudice moral afférent : 1 000 euros
– au titre de l’article 700 du code de procédure civile : 1500 euros
– débouté la défenderesse de sa demande à lui verser la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– condamné l’AGEM aux entiers dépens.
Par acte du 24 février 2022, l’AGEM a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 7 juillet 2022, l’AGEM demande à la cour de :
Statuant sur l’appel formé par l’association AGEM, à l’encontre de la décision rendue le par le conseil de prud’hommes d’Annonay,
Le déclarant recevable et bien fondé,
Y faisant droit,
– infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a :
– dit et jugé que la demande de Mme [S] [R] est fondée,
– prononcé la nullité du licenciement de Mme [S] [R],
– condamné l’AGEM à verser au titre :
– de l’indemnité pour nullité 15 840 euros,
– de l’indemnité compensatrice de préavis 1 760 euros,
– des congés payés afférents 176 euros,
– de l’indemnité de licenciement 404 euros,
– du manquement à l’obligation de sécurité 5000 euros,
– de l’exécution déloyale du contrat de travail et du préjudice moral afférent 1000 euros,
– au titre de l’article 700 à 1500 euros,
– débouté la défenderesse de sa demande de lui verser 2000 euros au titre de l’article 700,
– condamné l’AGEM aux entiers dépens.
Statuant à nouveau,
– juger que le licenciement pour faute grave de Mme [S] [R] est parfaitement fondé et justifié
– juger l’absence de manquement par l’AGEM à son obligation de sécurité
– juger l’absence d’exécution déloyale du contrat de travail par l’AGEM
– débouter Mme [S] [R] de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires et de son appel incident
– condamner Mme [S] [R] à payer à l’association AGEM la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de 1ère
instance et d’appel.
L’association soutient essentiellement que :
– sur le licenciement
La négligence dans la distribution des médicaments
– dans son email du 3 août 2020, Mme [R] reconnaît sa faute.
– il ressort expressément de la fiche de poste d’aide-soignante que cette dernière était en charge
de la mise à jour des ordonnances, peu importe qui a emmené le patient chez le médecin.
L’absence à son poste de travail
– Mme [R] s’était absentée pour rédiger un email pour se plaindre du comportement de M. [L] après que ce dernier ait découvert que la salariée avait omis d’aller chercher les médicaments de sa fille.
– la salariée pouvait rédiger son email en dehors de son temps de travail ou à tout le moins à un moment où la présence à son poste était moins primordiale.
Les négligences dans l’organisation des transports des usagers à leur rendez-vous médicaux
– Mme [R] était en charge de l’organisation des transports des résidents pour leurs rendez-vous médicaux et devait accompagner les résidents à leur rendez-vous médicaux.
– la salariée n’avait pas prévu le transport en ambulance à l’avance de M. [F] si bien qu’il a fallu reporter ce rendez-vous au 1er octobre 2020.
– en outre, deux rendez-vous ont été programmés simultanément le mardi 15 septembre 2020.
L’un à [Localité 7] et l’autre à [Localité 4].
Or, ces deux rendez-vous auraient dû être programmés à des moments différents pour que Mme [R] puisse être présente aux deux rendez-vous.
La mauvaise organisation dans la prise des rendez-vous médicaux
– elle a également constaté dans l’agenda professionnel de la salariée une prescription de TSH pour M. [A] datant du 28 juillet 2020, laquelle n’avait toujours pas été réalisée le 4 septembre 2020.
– le mardi 8 septembre 2020 un rendez-vous chez le dermatologue était programmé pour Mme
Pradel résidente très dépendante du foyer.
En l’absence de précision quant à l’objet de ce rendez-vous, ce dernier a été annulé.
La négligence dans les soins d’hygiène aux usagers
– cela concerne trois résidents, Mme [R] soutenant qu’elle était débordée à la veille des départs en vacances et qu’elle n’était pas en charge des douches ce jour-là, ce qui est inexact.
Les négligences dans le rangement des médicaments
– de nombreuses boîtes de médicaments n’étaient pas identifiées ni placées dans les sacs en papier individualisés pour chaque résident.
– la fiche de fonction de Mme [R] prévoyait pourtant très clairement qu’elle devait assurer le rangement des médicaments.
– la procédure de licenciement n’a rien à voir avec la dénonciation d’un harcèlement par la salariée.
– sur l’obligation de sécurité
– elle a mis en place les mesures légales permettant de prévenir toute situation de harcèlement sexuel.
– le document unique d’évaluation des risques mentionne les actions entreprises concernant le risque harcèlement sexuel.
– sur l’exécution déloyale du contrat de travail
– le fait que l’enquête menée par la direction, suite à la dénonciation de Mme [S] [R], ait été ouverte postérieurement à la convocation à un entretien préalable de cette dernière n’a pas de lien avec une exécution déloyale du contrat de travail.
– la publication de l’annonce d’un poste à pourvoir ne peut pas plus constituer une exécution déloyale du contrat de travail dans la mesure où il s’agissait d’un contrat à durée déterminée.
En l’état de ses dernières écritures en date du 21 juillet 2022, contenant appel incident, Mme [S] [R] a demandé à la cour de :
– confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes d’Annonay en ce qu’il a :
– prononcé la nullité du licenciement de Mme [S] [R]
– condamné l’AGEM à lui verser la somme de 1760 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis
– condamné l’AGEM à lui verser la somme de 176 euros au titre des congés payés afférents
– condamné l’AGEM à lui verser la somme de 404 euros au titre de l’indemnité de licenciement
– condamné l’AGEM à lui verser la somme de 5000 euros au titre du manquement à l’obligation de sécurité
– condamné l’AGEM aux entiers dépens
– débouté l’AGEM de sa demande de condamnation de Mme [S] [R] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– infirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes d’Annonay en ce qu’il a :
– condamné l’AGEM à lui verser la somme de 15 840 euros pour nullité du licenciement
– condamné l’AGEM à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail et du préjudice moral afférent
– condamné l’AGEM à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Statuant à nouveau,
– dire et juger recevables et bien fondées l’ensemble des demandes de Mme [S] [R],
– condamner l’association AGEM à verser à Mme [S] [R] les sommes suivantes :
A titre principal :
– dommages et intérêts pour licenciement nul (12 mois) : 21 120 euros
A titre subsidiaire :
– dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (6 mois) : 10 560 euros
A titre infiniment subsidiaire :
– dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (1 mois) : 1 760 euros
En tout état de cause :
– préjudice moral/exécution déloyale du contrat de travail : 5 000 euros
– condamner l’association AGEM à verser à Mme [S] [R] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outres les entiers dépens de l’instance et de ses suites.
Mme [S] [R] fait essentiellement valoir que :
– sur le licenciement
– les termes de la lettre de licenciement ne souffrent d’aucune ambiguïté et démontrent à eux seuls le lien entre les faits dénoncés et son licenciement.
– subsidiairement, les griefs reprochés ne sont pas sérieux et ils ne sauraient en aucun cas constituer une faute grave.
– le premier grief est particulièrement vague et imprécis, puisqu’aucun patient n’est nommé.
– de plus, ce n’est pas elle qui a emmené la patiente chez le médecin où elle a reçu ladite prescription. Dès lors celle-ci n’a pas été portée à sa connaissance.
– elle n’a jamais reconnu la réalité de ce grief.
– le deuxième grief lui reproche d’avoir dénoncé les faits de harcèlement dont elle a été la victime pendant son temps de travail, ce qui ne saurait constituer une faute grave.
– concernant le troisième grief, les rendez-vous d’ambulances et de taxis conventionnés s’organisent en moyenne dans les 3 jours qui précèdent le trajet à effectuer. Or, elle était en arrêt maladie dès sa reprise après les congés estivaux en date du 2 septembre 2020.
Elle ne pouvait donc pas se charger de réserver un moyen de transport pour le patient.
– concernant le quatrième grief, elle était en arrêt maladie depuis le 2 septembre 2020 de telle sorte qu’aucun reproche ne saurait lui être fait sur une période où elle ne travaillait pas.
En outre, l’employeur ne peut fonder le licenciement sur un grief intervenu postérieurement à l’entretien préalable.
– concernant le cinquième grief, elle était en congés à compter du 7 août 2020 puis en arrêt maladie dès sa reprise le 1er septembre 2020.
– le sixième grief vise un fait intervenu pendant son arrêt de travail.
– concernant le septième grief, il existe un conflit entre Mme [J] et les salariés de l’établissement qui ont dénoncé l’état de saleté avancé de la patiente lors de son arrivée à l’établissement suite à son séjour en famille d’accueil, cette dernière étant un couple d’amis de la direction et ayant déposé plainte à l’encontre de l’équipe éducative pour diffamation.
– l’état de saleté de Mme [J] avait été signalé dès la réunion des 20 et 27 juillet 2020.
– en tout état de cause, ce jeudi 6 août 2020, jour de départ en vacances, l’ensemble de l’équipe était débordé. Elle n’a pas procédé aux douches des patients puisqu’elle était en charge ce jour de préparer les sorties et autres missions d’intendance confiées par sa chef de service.
– n’étant pas en charge des douches ce jour-là, aucun grief relatif à l’état de malpropreté des patients ne peut-lui être reproché.
– le huitième grief n’est pas daté, il est vague et imprécis.
– en tout état de cause, il ne lui appartient pas, en tant qu’aide soignante, de définir le protocole de rangement des médicaments mais au chef de service.
– aucun protocole n’a été mis en place laissant l’aide soignante se débrouiller seule, sans aucune consigne ou process pré-défini.
La distribution des médicaments en dehors des piluliers repose donc en pratique sur les épaules de l’aide soignante, ce qui n’est pas légal au regard de ses compétences.
– sur l’obligation de sécurité
– Mme [K] [T] et Mme [N] [V] ont rapporté des faits identiques à l’encontre de M. [L], dans le cadre de l’enquête, par l’intermédiaire d’une de leur collègue, Mme [H].
– l’association AGEM n’a rien mis en place pour éviter qu’une telle situation ne se produise et ce d’autant qu’il y avait déjà eu une salariée qui s’était plaint du comportement de M. [L].
– aucun affichage, aucune formation, ni aucune mesure de prévention n’a été mise en ‘uvre pour protéger les salariés.
– sur l’exécution déloyale du contrat de travail
– postérieurement à la remise de sa convocation à un entretien préalable, le directeur de l’association a mis en place une enquête suite aux faits révélés.
– l’enquête interne avait pour seul objectif de la décrédibiliser et légitimer le licenciement.
– le directeur est manifestement passé outre les témoignages concordants pour conclure, contre l’évidence, à l’absence de harcèlement sur sa personne.
– M. [L] est le vice président de l’association. Il ne nie pas les faits, même s’il les minimise fortement en reconnaissant simplement avoir tenu les propos dénoncés.
– M. [P], membre du CSE et référent harcèlement sexuel, conteste le contenu de l’enquête et a alerté l’inspection du travail par courriel du 1er octobre 2020, sollicitant que soit annulée cette enquête pour qu’il soit procédé à une nouvelle enquête impartiale menée cette fois-ci par l’inspection du travail.
– le 7 août 2020, soit à peine 4 jours après qu’elle ait dénoncé son agression par écrit à son directeur, l’employeur avait déjà mis une annonce en ligne sur le site de Pôle emploi pour pourvoir à son remplacement.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 28 juin 2023, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 11 décembre 2023 à 16 heures et fixé l’examen de l’affaire à l’audience du 11 janvier 2024.
MOTIFS
Sur la nullité du licenciement
Mme [R] soutient qu’elle a été licenciée pour avoir dénoncé des faits de harcèlement sexuel à son encontre de la part de M. [L], vice-président de l’association AGEM.
Aux termes de l’article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L’article L 1153-1 dispose qu’aucun salarié ne doit subir des faits, soit de harcèlement sexuel constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante, soit consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.
Aux termes des articles L 1152-2, L 1153-2 et L 1153-3, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou sexuel pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
Les articles L 1152-3 et L 1153-4 disposent que toute rupture du contrat de travail ou tout acte contraire à ces textes sont nuls.
La lettre de licenciement mentionne, en son deuxième grief :
‘Le 3 août 2020 vous nous avez envoyé un courriel détaillé à 14H40 et ce, alors que la chef de service vous avait demandé par sécurité d’être présente avec l’infirmière qui conditionnait les piluliers.
En effet, le foyer devant fermer 3 semaines consécutives, il fallait être vigilant sur la constitution des piluliers pour les personnes handicapées.
De ce fait, il vous avait été demandé donc d’être présente pour veiller à la bonne mise en ‘uvre de la préparation des piluliers pour les vacances des usagers de l’établissement.
La rédaction de ce message ne faisait assurément pas parti de ce que vous deviez mettre en ‘uvre à ce moment-là’.
Dans les trois premiers paragraphes, il est reproché à la salariée son absence auprès de l’infirmière qui conditionnait les piluliers.
Dans le dernier paragraphe, l’employeur estime que la teneur du courriel ne justifiait pas son absence et qu’elle devait ainsi prioriser son travail malgré les faits dont elle se disait avoir été victime.
Il en résulte que l’employeur a nécessairement pris en compte les faits de harcèlement sexuel dénoncés par la salariée, mais ne les a pas considérés suffisamment graves pour justifier son absence.
La nullité du licenciement est encourue lorsqu’il est démontré que le harcèlement est à l’origine du licenciement. La seule démonstration de l’existence d’une situation de harcèlement ne suffit pas à entraîner la nullité du licenciement, dès lors que le salarié n’établit pas le lien entre le harcèlement et le licenciement.
En l’espèce, l’employeur avait reçu Mme [R] le 1er septembre 2020 suite au courriel de dénonciation de la salariée et l’a convoquée à un entretien préalable par lettre du lendemain, fixé au 10 septembre 2020.
La cour relève encore que la lettre de licenciement vise des faits qui se seraient déroulés postérieurement à la lettre de convocation à l’entretien préalable, ce qui démontre qu’à la date du 2 septembre 2020, l’employeur n’avait aucune faute à reprocher à la salariée, hormis celle du 31 juillet 2020 (qu’il n’avait pas jugée suffisamment grave pour engager une procédure disciplinaire) et le courriel de dénonciation des faits de harcèlement du 3 août 2020 visé dans la lettre de licenciement.
Le lien entre les faits ainsi dénoncés et le licenciement est dans ces circonstances rapporté, justifiant la nullité du licenciement litigieux.
Le jugement querellé sera, par ces motifs ajoutés, confirmé.
Sur les conséquences financières du licenciement nul
En application de l’article L 1235-3-1 du code du travail, issu de l’ordonnance du 22 septembre 2017, en cas de licenciement nul, le salarié peut prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois.
Eu égard au montant de la rémunération mensuelle perçue par la salariée (1760 euros bruts), à son ancienneté au sein de l’entreprise ( moins d’une année), à son âge (33 ans), à sa capacité à retrouver un emploi, et en l’absence d’information sur sa situation professionnelle depuis la rupture, la réparation du préjudice résultant pour la salariée de la perte de son emploi s’élève à la somme de 15840 euros, le jugement étant confirmé de ce chef .
Mme [R] peut également prétendre à :
– une indemnité compensatrice de préavis d’un montant de 1760 euros bruts, outre celle de 176 euros bruts pour les congés payés afférents,
– une indemnité de licenciement d’un montant de 404 euros (avec une ancienneté de 11 mois).
Le jugement sera confirmé sur ces points.
Sur l’obligation de sécurité
Aux termes de l’article L 4121-1 du code du travail, « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
· Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;
· Des actions d’information et de formation ;
· La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes »
Pour la mise en ‘uvre des mesures ci-dessus prévues, l’employeur doit s’appuyer sur les principes généraux suivants visés à l’article L.4121-23 du code du travail:
· Eviter les risques
· Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
· Combattre les risques à la source ;
· Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
· Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
· Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
· Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis par l’article L. 1142-2-1 ;
· Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
· Donner les instructions appropriées aux travailleurs.
La réparation d’un préjudice résultant d’un manquement de l’employeur suppose que le salarié qui s’en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d’une part la réalité du manquement et d’autre part l’existence et l’étendue du préjudice en résultant.
Enfin, l’employeur peut s’exonérer de sa responsabilité en démontrant qu’il a pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail pour assurer la sécurité des salariés.
L’employeur ne manque pas à son obligation de sécurité quand il ne pouvait anticiper le risque auquel le salarié a été exposé et qu’il a pris des mesures pour faire cesser la situation de danger.
L’employeur est tenu envers ses salariés d’une obligation de sécurité en matière de santé et de sécurité et notamment en matière de harcèlement moral et sexuel.
Ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement sexuel, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement sexuel , a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser. (Soc., 29 juin 2022, pourvoi nº 21-12.777).
Mme [R] reproche à l’employeur de n’avoir rien mis en place pour éviter qu’une telle situation ne se produise et ce d’autant qu’il y avait déjà eu deux salariées qui avaient été victimes du comportement de M. [L].
L’employeur produit à ce titre une attestation de Mme [S] [W], assistante de direction, qui indique que ‘les affichages obligatoires ont toujours été affichés au foyer [3] à côté de l’ascenseur’, précisant qu’elle travaille au sein de l’association depuis 2016.
M. [O] [P], éducateur, membre du CSE et référent contre le harcèlement sexuel, contredit le témoignage de Mme [W] en ces termes :
‘…
J’atteste sur l’honneur, selon la loi n°2018-771 du 5 septembre 2018 du code pénal et l’article L1153-5 du code du travail, que les affichages obligatoires, explicitant notamment l’article 222-33 du code pénal, les coordonnées du médecin du travail, de l’inspection du travail et du référent harcèlement, afin de prévenir d’un harcèlement au travail, n’étaient pas affichées avant le 31 juillet 2020, mais ne l’ont été qu’à partir du mois de septembre 2020. Également ne figuraient pas dans le règlement intérieur de l’association, les clauses ayant pour sujet le harcèlement ne figuraient pas dans le règlement intérieur de l’AGEM, ni dans le DUERP, et que le nouveau règlement incluant ces articles ont été présentés aux membres du CSE le 26 février 2021.
Aucune prévention, ni même aucun discours sur la thématique du harcèlement au travail n’a été exposée avant le 31 juillet, lors des réunions éducatives, des réunions CSE ou lors des entretiens de nouveaux salariés.
En tant que référent de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes, je n’ai eu connaissance de mon droit à une formation qu’après les événements survenus le 31 juillet 2020 à l’encontre de Madame [R], et pus passer la formation le 4 février 2021.
…’
Ce témoignage particulièrement précis, à l’inverse de celui de Mme [W], sera retenu par la cour, l’employeur ne produisant aucun élément permettant de mettre en doute les déclarations de M. [P].
Il en résulte que l’employeur ne démontre pas avoir pris les différentes mesures nécessaires pour prévenir les agissements de harcèlement sexuel, alors qu’il ressort de l’enquête diligentée par l’employeur que M. [L] aurait eu d’autres comportements ambigüs envers Mme [K] et Mme [V].
Dès lors, l’association AGEM ayant ainsi manqué à son obligation de sécurité résultant des dispositions précitées, il convient de réparer le préjudice spécifique non contestable subi par la salariée de ce chef en lui accordant une somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts, et ce par confirmation du jugement.
Sur l’exécution déloyale du contrat de travail
Aux termes de l’article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. Il en résulte qu’un salarié peut engager la responsabilité contractuelle de son employeur lorsque ce dernier a manqué à son obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail. La bonne foi contractuelle étant présumée, il incombe au salarié de rapporter la preuve que les faits qu’il allègue sont exclusifs de la bonne foi contractuelle.
Dès lors qu’un salarié recherche la responsabilité de son employeur pour exécution déloyale du contrat de travail, il lui incombe de préciser et d’établir les griefs au soutien de sa prétention d’une part et de prouver le préjudice qui en est résulté d’autre part.
En l’espèce, Mme [R] reproche à l’employeur les faits suivants :
– Postérieurement à la remise de sa convocation à un entretien préalable, l’employeur a mis en place une enquête suite aux faits révélés.
Il n’est pas contestable que Mme [R] a porté à la connaissance de l’employeur les faits de harcèlement sexuel dont elle s’estimait victime, dès le 3 août 2020 et que celui-ci a attendu le 1er septembre suivant pour la recevoir et diligenter à la suite une enquête interne.
L’employeur se justifie en invoquant l’arrêt de travail de la salariée et son retour au sein de l’association le 1er septembre 2020, ce qui n’est pas contesté par l’intimée.
Aucun reproche ne saurait dès lors être retenu à l’encontre de l’employeur sur ce point.
– Cette enquête interne n’a été qu’un simulacre n’ayant que pour seul objectif de la décrédibiliser et légitimer le licenciement.
Mme [R] conteste les conditions dans lesquelles s’est déroulée l’enquête interne.
Elle produit à ce titre le témoignage de M. [P] qui indique :
« …
Son déroulement n’a pas été conçu pour favoriser la sérénité des salariés invités et le bon fonctionnement impartial.
En effet, les salariés étaient prévenus au dernier moment de cette enquête.
Les entretiens étaient en présence à la fois du directeur et du président, ce qui peut être intimidant pour les salariés surtout au vu du contexte dans lequel se trouvent les salariés du foyer [3].
L’ambiance malsaine que la hiérarchie créée dans l’association depuis plusieurs années et suite à la situation de Madame [R] qui a écopé d’une convocation à un entretien préalable au moment de l’enquête, les salariés ne pouvaient être dans une situation sereine lors de ces entretiens et pouvaient appréhender des représailles de la direction.
Je constate également le manque d’objectivité de Monsieur [X] et Monsieur [I] pendant les entretiens, prenant position pour Monsieur [L] lors de ces entretiens.
Monsieur [X] a demandé à plusieurs salariés lors de l’enquête si Madame [R] avait pour habitude de porter des vêtements provocants.
Cela sous-entendrait t-il qu’un harcèlement sexuel ou un attouchement était justifié ‘
De plus, je fis remarquer quelques dysfonctionnements par exemple lors de l’interview de Monsieur [X], qui a exposé une version laissant des doutes sur son manque d’implication de cette situation.
De surcroit, dans les conclusions du directeur de cette enquête, conclusions exposés aux membres du CSE le 2 octobre 2020, Monsieur [X] explique que Madame [R] n’a pas fait son signalement le jour même de l’évènement indésirable mais quelques jours plus tard, qu’elle n’a pas interpelée Monsieur [I] qu’elle a croisé le mardi 4 août, ni Madame [Y], d’astreinte au moment des faits. Est-ce que cela sous entend que son signalement n’était pas crédible ‘»
Ces difficultés ont été portées à la connaissance de l’inspection du travail par M. [P] le 1er octobre 2020, sollicitant une enquête diligentée par cet organisme, et abordées lors de la réunion du CSE du 2 octobre 2020.
La lecture de l’enquête montre un partialité certaine de l’employeur qui, sans mettre en doute la parole de la salariée et de Mmes [K] et [V], estime qu’il n’y a pas d’élément, alors que dans le courrier qu’il adresse au conseil de l’intimée le 17 décembre 2020, il reconnaît que M. [L] ait ‘pu, de manière isolée, avoir une expression, qui, sortie de son contexte, pouvait être interprétée de diverse manière, aucun élément ne permet de confirmer que Monsieur [L] aurait pu avoir un geste déplacé à l’égard de Madame [R].’
L’employeur semble ainsi considérer qu’un harcèlement sexuel doit s’accompagner d’un contact physique alors que des propos ou des comportements peuvent constituer des actes de harcèlement sexuel.
Dans son courrier adressé à l’employeur dans le cadre de l’enquête interne, M. [L] a reconnu a minima les paroles suivantes adressées à Mme [R] : ‘Vous mériteriez une fessée [S]’, ce qui constitue incontestablement des propos à caractère sexuel et sexiste.
Ce faisant, l’attitude de l’employeur qui a cherché à excuser le comportement et les paroles de M. [L] témoigne d’une exécution déloyale du contrat de travail.
Le jugement mérite ainsi confirmation en ce qu’il a condamné l’employeur au paiement de la somme de 1000 euros.
Sur les demandes accessoires
L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’intimée.
Les dépens d’appel seront laissés à la charge de l’association AGEM.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort
Confirme le jugement rendu le 27 janvier 2022 par le conseil de prud’hommes d’Annonay en toutes ses dispositions,
Condamne l’association gestionnaire d’établissements médicaux sociaux (AGEM) à payer à Mme [S] [R] la somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne l’association gestionnaire d’établissements médicaux sociaux (AGEM) aux dépens,
Arrêt signé par le président et par le greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,