Le départ d’un salarié et l’utilisation par ce dernier de son propre réseau professionnel pour développer son activité en concurrence avec celle de son ex employeur, même si elle est en soi une cause de désorganisation, n’engage pas nécessairement la responsabilité de l’ancien salarié.
La simple concomittance d’actes ayant pour effet de désorganiser un concurrent ne peut suffire à établir l’existence d’actes déloyaux de désorganisation (V. Par ex Com, 24 septembre 2013, n° 1222413).
La Cour a analysé les différents arguments des parties concernant les actes de concurrence déloyale allégués par PROCOMM contre FMVS. Après examen des pièces et des arguments présentés, la Cour a conclu que PROCOMM n’a pas réussi à démontrer de manière convaincante que FMVS avait commis des actes de concurrence déloyale tels que le détournement de fichiers, de commandes et de clientèle, le dénigrement de PROCOMM, ou le détournement de fonds. Cependant, la Cour a retenu que FMVS avait effectivement détourné des documents commerciaux de PROCOMM et avait dénigré cette dernière, ce qui a causé un préjudice moral à PROCOMM. En conséquence, FMVS a été condamnée à verser à PROCOMM une somme de 40 000 euros pour le préjudice moral et une somme de 12 000 euros pour le préjudice lié au traitement du litige. Les autres demandes indemnitaire de PROCOMM ont été rejetées faute de preuves suffisantes. Les demandes accessoires de FMVS ont également été rejetées. Enfin, FMVS a été condamnée à payer les dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’une indemnité de procédure.
L’affaire oppose la société Procomm-MMC à la société Full Motion Video Systems (FMVS) pour des actes de concurrence déloyale suite à la démission de M. [T] de Procomm pour créer FMVS. Le tribunal de commerce de Melun a jugé en faveur de FMVS, déboutant Procomm de ses demandes. Procomm a interjeté appel et demande à la Cour de condamner FMVS pour concurrence déloyale et parasitaire, réclamant des dommages et intérêts. FMVS demande la confirmation du jugement initial et réclame des dommages pour procédure abusive. La décision finale est en attente de l’ordonnance de clôture rendue le 5 décembre 2023.
Sur les actes de concurrence déloyale
PROCOMM accuse FMVS d’avoir commis des actes de concurrence déloyale en profitant de la connaissance acquise par M. [T] lorsqu’il était salarié de PROCOMM. FMVS conteste ces accusations en soulignant l’absence de clause de non-concurrence valable liant M. [T] à PROCOMM.
Sur la collusion
PROCOMM dénonce la collaboration active entre FMVS et M. [T] dès janvier 2015, tandis que FMVS nie toute implication de M. [T] dans sa création. La cour retient que PROCOMM n’a pas suffisamment prouvé la collusion alléguée.
Sur les détournements de fichiers et documents financiers
PROCOMM affirme que FMVS a détourné des informations confidentielles lui appartenant, tandis que FMVS soutient que M. [T] a laissé le fichier client de PROCOMM à cette dernière. La cour estime que PROCOMM n’a pas prouvé ces détournements.
Sur les détournements de commandes et de clientèle
PROCOMM accuse FMVS d’avoir détourné des clients et des commandes, notamment en se présentant faussement comme le représentant exclusif de Haivision. La cour conclut que PROCOMM n’a pas démontré ces détournements.
Sur le détournement de fonds
PROCOMM affirme que M. [T] a passé une commande fictive à son préjudice, mais la cour estime que PROCOMM n’a pas prouvé ce détournement de fonds.
Sur la désorganisation de PROCOMM au bénéfice de FMVS
PROCOMM soutient que FMVS a contribué à la désorganisation de son entreprise, mais la cour estime que PROCOMM n’a pas prouvé que cette désorganisation était due à des actes déloyaux de FMVS.
Sur le dénigrement
PROCOMM accuse FMVS de dénigrer son entreprise, mais la cour estime que PROCOMM n’a pas prouvé ces accusations de dénigrement.
Sur les demandes indemnitaires
La cour accorde à PROCOMM des dommages et intérêts pour le préjudice moral et le préjudice lié au traitement du litige, mais rejette le surplus des demandes indemnitaire faute de preuve de préjudice.
Sur les autres demandes
La cour rejette la demande de FMVS de cesser toute commercialisation auprès de la clientèle PROCOMM et la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive. FMVS est condamnée à payer les dépens et une indemnité de procédure.
– 40.000 euros au titre du préjudice moral lié au trouble commercial pour la société PROCOMM-MMC
– 12.000 euros au titre du préjudice lié au traitement du litige pour la société PROCOMM-MMC
– 10.000 euros d’indemnité de procédure pour la société PROCOMM-MMC
Réglementation applicable
– Article 1382 du code civil
– Article 1383 du code civil
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Me Jacques Bellichach, avocat au barreau de Paris
– Me Valérie Marx, substituant Me Daniel Rota, du cabinet FIDAL AVOCATS avocats au barreau des Hauts de Seine
– Me Benjamin Moisan de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de Paris
– Me Marie Fernet, avocat au barreau des Hauts de Seine
Mots clefs associés
– concurrence déloyale
– FMVS
– PROCOMM
– M. [T]
– gérant
– responsabilité civile délictuelle
– clause de non-concurrence
– connaissances professionnelles
– collaboration active
– création de FMVS
– collusion
– détournement de fichiers et documents
– détournement de commandes et de clientèle
– détournement de fonds
– désorganisation
– dénigrement
– préjudice moral
– trouble commercial
– indemnités
– dépens
– procédure abusive
– Concurrence déloyale : pratique commerciale trompeuse ou agressive visant à détourner la clientèle d’un concurrent de manière déloyale
– FMVS : Fichier des Marques et des Ventes Stratégiques, base de données regroupant des informations stratégiques sur les marques et les ventes
– PROCOMM : Programme de Communication, outil de communication interne ou externe mis en place par une entreprise
– M. [T] : Nom d’une personne physique ou morale impliquée dans un litige juridique
– Gérant : Personne physique ou morale chargée de la gestion d’une entreprise
– Responsabilité civile délictuelle : Obligation de réparer un dommage causé à autrui en dehors de tout contrat
– Clause de non-concurrence : Clause contractuelle interdisant à une personne de concurrencer son ancien employeur pendant une certaine période
– Connaissances professionnelles : Savoir-faire et compétences spécifiques liés à un domaine professionnel
– Collaboration active : Participation active et engagée à un projet ou une activité
– Création de FMVS : Mise en place du Fichier des Marques et des Ventes Stratégiques
– Collusion : Entente secrète entre plusieurs personnes pour tromper autrui
– Détournement de fichiers et documents : Action de s’approprier des fichiers ou documents appartenant à autrui sans autorisation
– Détournement de commandes et de clientèle : Action de détourner des commandes ou une clientèle appartenant à un concurrent
– Détournement de fonds : Action de détourner des fonds appartenant à une entreprise ou à des tiers
– Désorganisation : Perturbation de l’organisation d’une entreprise ou d’une activité
– Dénigrement : Action de déprécier la réputation d’une personne ou d’une entreprise
– Préjudice moral : Atteinte aux droits moraux d’une personne causant un préjudice non matériel
– Trouble commercial : Perturbation de l’activité commerciale d’une entreprise
– Indemnités : Somme d’argent versée en réparation d’un préjudice subi
– Dépens : Frais engagés dans le cadre d’une procédure judiciaire
– Procédure abusive : Utilisation malveillante ou excessive d’une procédure judiciaire
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 4
ARRET DU 03 AVRIL 2024
(n° , 1 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 22/06206 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFRBU
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Mars 2022 – Tribunal de Commerce de Melun – RG n° 2020F00153
APPELANTE
S.A.S. PROCOMM-MMC agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au registre national des entreprises de Créteil sous le numéro 328 178 751
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentée par Me Jacques Bellichach, avocat au barreau de Paris, toque : G0334 assisté de Me Valérie Marx, substituant Me Daniel Rota, du cabinet FIDAL AVOCATS avocats au barreau des Hauts de Seine
INTIMEE
S.A.S.U. FULL MOTION VIDEO SYSTEMS (sigle FMVS) prise en la personne de ses représentants légaux, domicilés en cette qualité audit siège
immatriculée au registre national des entreprises de Melun sous le numéro 809 841 307
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Benjamin Moisan de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de Paris, toque : L34
assisté de Me Marie Fernet, avocat au barreau des Hauts de Seine
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 31 janvier 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Agnès Bodard-Hermant, présidente de la chambre 5.4
Madame Brigitte Brun-Lallemand, première présidente de la chambre
Madame Sophie Depelley, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame [W] Bodard-Hermant dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Monsieur Maxime Martinez
ARRET :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Agnès Bodard-Hermant, présidente de la chambre 5.4 et par Maxime Martinez, Greffier, auquel la minute du présent arrêt a été remis par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
La société Procomm-MMC (PROCOMM), créée en 1983, a pour activité la vente, la conception, la réalisation de matériels et logiciels informatiques, la vidéoconférence, la télémédecine, les télécommunications par satellites et tout support radio électrique, maintenance électronique maritime (Sbm), développement et intégration de systèmes de transmission audio-vidéo-data pour le secteur de la défense et de la sécurité.
La société Full Motion Video Systems (FMVS), créée en 2015, a pour activité l’étude, le développement, la location, la vente, l’installation, la formation, la maintenance en sous traitance d’équipements de transmission dédiés à l’audio, la vidéo data, les données transmission terre air mer.
PROCOMM a engagé M. [T] le 24 juillet 2009, au poste de « technico-commercial vidéoconférence et transmission satellite » chargé des comptes du secteur de la défense. Ce dernier l’a informée par lettre recommandée du 30 mai 2015 de sa démission à compter du 31 juillet 2015.
Lui reprochant divers actes de concurrence déloyale à la faveur de la création de FMVS, dont il est devenu actionnaire et gérant, PROCOMM l’a assigné par acte du 17 juin 2020 devant le tribunal de commerce de Melun pour obtenir la réparation des préjudices en découlant prétendument.
Par jugement du 7 mars 2022, ce tribunal a :
– Jugé que la société Full Motion Video Systems n’a commis aucun acte de concurrence déloyale à l’encontre de la société Procomm-MMC,
– Dit que la procédure de la société Procomm-MMC n’a pas de caractère abusif ;
– Débouté la société Procomm-MMC de l’ensemble de ses demandes ;
– Débouté la société Full Motion Video Systems de sa demande d’amende civile ;
– Débouté la société Full Motion Video Systems de sa demande de dommages-intérêts ;
– Condamné la société Procomm-MMC à payer à la société Full Motion Video Systems une indemnité de procédure de trois mille euros (3 000 euros) et aux dépens.
– Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 23 mars 2022 PROCOMM a interjeté appel de ce jugement et, par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 2 janvier 2023, elle demande à la Cour de :
Vu les articles nouveaux 1240 et 1241 (anciens articles 1382 et 1383) du code civil,
Vu le procès-verbal de constat d’huissier en date du 20 mars 2017.
Vu le rapport d’expertise judiciaire en date du 17 juillet 2018,
Vu les pièces et la jurisprudence.
– D’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
* Jugé que la société Full Motion Video Systems n’avait commis aucun acte de concurrence déloyale à l’encontre de la société Procomm-MMC
* Débouté la société Procomm-MMC de l’ensemble de ses demandes
* Condamné la société Procomm-MMC à payer à la société Full Motion Video Systems, la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
* Condamné la société Procomm-MMC aux entiers dépens ;
Statuant de nouveau,
– Juger que la société Full Motion Video Systems a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaires à l’encontre de Procomm-MMC, en conséquence :
– Condamner la société Full Motion Video Systems à lui verser :
* la somme de 422 492,64 euros à parfaire (quatre cent vingt-deux mille quatre cent quatre-vingt-douze euros et soixante-quatre cts) sauf à parfaire, en réparation des préjudices matériels subis par la société Procomm-MMC ;
* la somme de 50 000 euros (cinquante mille euros), sauf à parfaire en réparation du préjudice moral et du trouble commercial causés par les actes de concurrence déloyale et parasitaire.
* la somme de 71 820 euros (soixante et onze mille huit cent vingt euros), sauf à parfaire en réparation de la perte subie du fait du temps passé par le dirigeant de Procomm-MMC à traiter le litige relatif aux actes de concurrence déloyale et parasitaire commis par la société Full Motion Video Systems.
– Condamner la société Full Motion Video Systems à :
* cesser toute commercialisation auprès de la clientèle PROCOMM, à en justifier dans les meilleurs délais, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard et par infraction constatée à compter de la signification de l’arrêt à intervenir.
* procéder à la publication, à ses frais, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, dans les (2) revues militaires suivantes :
° Magazine Operations Speciales, [Adresse 1],
° Magazine Raids, [Adresse 2]
du texte ci-dessous dans un encadré de dix centimètres de large sur dix centimètres de haut, en caractères gras de couleur noire sur fond blanc, d’une taille suffisante pour recouvrir intégralement la surface réservée à cet effet, et au minimum d’une taille équivalente à la police 12 « Times New Roman », sous le titre « publication judiciaire » en caractères gras majuscules d’un centimètre de hauteur :
[La société Full Motion Video Systems dirigée par Mr [N] [T] a été condamnée le [date de la decision, N° de Répertoire général) par la Cour d’appel de Paris pour concurrence déloyale et parasitaire du fait du détournement de clientèle de la société Procomm-MMC, par dénigrement, utilisation de fausses accréditations, ainsi que des fichiers, documents commerciaux et commandes de Procomm-MMC]
* la mise en ligne, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, du texte ci-dessous, pendant un mois et à ses frais, sur la partie supérieure de la page d’accueil des sites internet : http://fmvs.fr/ de façon visible et, en toute hypothèse, au-dessus de la ligne de flottaison, sans mention ajoutée, et en police de caractères « Times New Roman » de taille 14, droits, de couleur noire sur fond blanc, dans un encadré de 468 x 210 pixels, en dehors de tout encart publicitaire, le texte devant être précédé du titre « publication judiciaire », en lettres capitales et en police de caractères Arial de taille 16 :
[La société FMVS dirigée par Mr [N] [T] a été condamnée le [date de la decision, N° de Répertoire général) par la Cour d’appel de Paris pour concurrence déloyale et parasitaire du fait du détournement de clientèle de la société Procomm-MMC, par dénigrement, utilisation de fausses accréditations, ainsi que des fichiers, documents commerciaux et commandes de Procomm-MMC]
En tout état de cause
– Rejeter toutes prétentions adverses ;
– Condamner la société Full Motion Video Systems à payer à lui payer une indemnité de procédure de 70 000 euros et aux dépens.
FMVS, par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 3 octobre 2022, demande à la Cour de :
Vu les articles 1240 et 1241 du code civil
Vu les articles 32-1 et 700 du code de procédure civile,
– Confirmer le jugement rendu le 7 mars 2022 par le jugement entrepris en ce qu’il a:
* Jugé que la société Full Motion Video Systems n’avait commis aucun acte de concurrence déloyale ;
* Dit que la procédure contre Procomm-MMC n’avait pas de caractère abusif ;
* Débouté la société Procomm-MMC de l’ensemble de ses demandes,
– Infirmer le jugement rendu le 7 mars 202 en ce qu’il a débouté la société Full Motion Video Systems de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
En conséquence, statuant à nouveau,
– Débouter la société Procomm-MMC de l’ensemble de ses demandes ;
– Condamner la société Procomm-MMC à payer à la société Full Motion Video Systems la somme de 200 000 euros au titre de la réparation du préjudice subi du fait de cette procédure abusive ;
– Condamner la société Procomm-MMC à payer à la société Full Motion Video Systems une indemnité de procédure de 10 000 euros et aux dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 décembre 2023.
SUR CE LA COUR
PROCOMM soutient que FMVS a commis depuis janvier 2015 les six types d’actes de concurrence déloyale repris ci-dessous en profitant déloyalement de la connaissance de PROCOMM acquise par M. [T] alors qu’il était son salarié, que M. [T] a informé sinon dirigé FMVS dès sa création, avant d’en racheter rapidement les parts et d’en être le gérant et que ces agissements déloyaux ont créé une rupture d’égalité entre concurrents conférant à FMVS un avantage illégitime, ce pour quoi elle engage sa responsabilité civile délictuelle pour concurrence déloyale et parasitaire au visa des articles 1382 et 1383 anciens du code civil.
FMVS soutient, sans toujours répondre précisément aux multiples griefs adverses, qu’en l’absence de clause de non-concurrence valable liant M. [T] à PROCOMM, celui-ci avait le droit d’entrer au service d’une société concurrente, d’en racheter les parts et d’en devenir dirigeant et que le fait pour ce dernier de s’être transféré quelques mails et d’être resté en contact avec les acteurs d’un marché que PROCOMM ne devait la connaissance qu’à lui, ne sauraient constituer des actes positifs de concurrence déloyale de FMVS. Elle en déduit que les allégations adverses « apparaissent pour ce qu’elles sont : les gesticulations désespérées d’une société qui s’est montrée incapable d’insérer au contrat de travail une clause de non-concurrence valide, et qui tente désormais de limiter la capacité de son ancien salarié à exercer son activité professionnelle dans le secteur qui est le sien depuis plus de 15 ans ».
L’argumentaire détaillé des parties sera repris sous chacun des points qui le concerne.
I / sur les actes de concurrence déloyale
Vu les articles 1382 et 1383 anciens du code civil,
1. Sur la collusion
Moyens des parties
PROCOMM dénonce les attestations adverses de MM [B] et [J] comme étant de complaisance et soutient que :
– de très nombreuses pièces établissent la collaboration active, depuis janvier 2015, entre FMVS, dirigée par M. [V] jusqu’en octobre 2015 et M. [T], y compris dans la mise en ‘uvre d’agissements déloyaux et parasitaires,
– M. [T] avait pour projet de démissionner afin de créer sa propre entreprise dans le même secteur d’activité avec certains fournisseurs de PROCOMM et qu’il s’est tourné vers M. [V], spécialisé dans le broadcast,
– FMVS a été créée le 5 janvier 2015 par M. [V] qui a agi en tant que « dirigeant de paille » afin de préparer la reconversion de M. [T], alors son salarié,
Elle en déduit que M. [T] a été, sinon le dirigeant de fait de FMVS dès son origine, du moins, son informateur, voire son collaborateur, et FMVS a ainsi bénéficié dès le mois de janvier 2015 de l’activité et des connaissances sur PROCOMM que celui-ci lui a transmises.
FMVS soutient que :
– aucune pièce ne démontre que M. [T] a été à l’origine de la création de FMVS ou qu’il en était l’informateur, PROCOMM ne fournissant, malgré les mesures d’instruction in futurum, aucun élément tangible à l’appui de sa thèse de la gérance de paille
– l’expérience professionnelle de M. [V] le rend légitime pour créer FMVS
– l’argumentation de PROCOMM vise à démontrer que M. [T] a fait preuve de déloyauté vis-à-vis de son employeur alors que M. [T] n’est pas partie à la présente procédure, qui n’est pas une procédure prud’homale.
Réponse de la cour
Le jugement entrepris retient exactement, par des motifs dont PROCOMM ne remet pas en cause la pertinence, d’une part, que M. [V] et M. [T] sont deux connaissances professionnelles anciennes qui ont pu se rapprocher, même avant la démission de ce dernier, ce qui ne caractérise pas, pour autant, une collusion et, d’autre part, que PROCOMM procède par affirmation sur la gérance de fait ou de droit de FMVS alors que la compétence de M. [V] pour créer cette société est justifiée par son expérience professionnelle.
Il suffira d’ajouter ce qui suit.
Sur la collusion, il n’est pas contesté que M. [T] travaillait dans le secteur en cause depuis de très nombreuses années lors de sa démission, y ayant acquis un fort relationnel de contacts auprès des entreprises du secteur et des corps armés. Et le courriel du 8 février 2017 dont la traduction libre est contestée (pièce appelante 10-2) ne suffit pas à établir qu’il est le fondateur de FMVS. En effet, PROCOMM soutient que M. [T] y énonce clairement qu’il a créé FMVS deux ans plus tôt soit en février 2015, tandis que FMVS soutient que M. [T] précise juste qu’elle a été créée deux ans plus tôt, sans mentionner, par souci de simplicité, qu’il a repris FMVS le 8 octobre 2015. Il en est de même de l’immatriculation de FMVS au registre du commerce et des sociétés de Versailles depuis le 26 février 2015, indifférente à cet égard.
Quant à l’intervention active alléguée de M. [T], dès avant sa démission, par des agissements déloyaux et parasitaires, comme informateur voire collaborateur pour détourner fichiers, documents, commandes et clients au profit de FMVS, PROCOMM ne décrit ces actes qu’à titre d’exemples (devis COS ; accords de confidentialité avec les sociétés SAGEM et Haivision, avec une société PMN ; misson avec le GT SIC AERO) et renvoie expressément aux points dénigrement et désorganisation. La cour retient donc ce qui suit.
Ses pièces 71-74 sur les devis et propositions COS émanent de FMVS, sans lien quelconque avec M. [T] et sont donc inopérantes pour étayer une activité prétendument déloyale de ce dernier.
Sa pièce 70 n’est pas une carte de visite de M. [T] et rien ne renseigne sur le titulaire du numéro de téléphone portable qui y figure, de même que pour la pièce 13 ; elle n’atteste au demeurant nullement de son utilisation effective.
Sa pièces 26 intitulée « inscription sur la liste de diffusion fournisseurs » ne justifie pas de son envoi effectif dès le 6 mai 2015 alors que FMVS explique que cette date figurant sur ce document est la date initialement prévue pour le départ de M. [T] et finalement reportée au 31 juillet 2015.
Les activités de dirigeant de fait prétendu de M. [T], postérieurement à sa démission sont sans emport dès lors au demeurant que PROCOMM n’explique pas utilement en quoi elles constituent à ce titre de la collusion alléguée. Ainsi, la pièce 14 concernant l’accord de confidentialité signé par M. [T] pour FMVS avec une société PMN n’est pas traduite et, en tout état de cause, elle est datée du 22 septembre 2015 soit postérieurement à la fin du contrat de travail liant M. [T] à PROCOMM. Ainsi encore, PROCOMM n’explique pas en quoi ses pièces 27 et 28 caractérisent des manoeuvres de FMVS afin de s’approprier une mission lui appartenant prétendument auprès du GT SIC AERO, aucun contrat ni accord d’exclusivité n’étant relié à cette affirmation (ses conclusions p. 26 et 44).
Quant à la légitimité de M. [V], elle est dûment justifiée par l’attestation de M. [X] [D] (pièce intimée 16) dont la validité n’est pas utilement contestée au vu de sa pièce d’identité et de la mention de sa qualité de gérant de la société Radiotek, de sorte qu’elle présente des garanties suffisantes pour emporter la conviction. Ce document atteste à suffisance de l’expérience de M. [V], ancien collaborateur de TDCOM, société leader du secteur d’activité en cause, pour laquelle il a travaillé avant 2015 et qui a pour objet de fournir l’ensemble des moyens vidéos et de transmissions à l’ensemble des unités de la Défense (DRM, COS, 41 RT, 13 RDP etc).
2. Sur les détournements de fichiers et documents financiers
Moyens des parties
PROCOMM soutient que :
– FMVS a détourné des informations confidentielles lui appartenant dès le premier semestre 2015, via M. [T] qui a utilisé un ordinateur portable personnel pour gérer les courriels professionnels, s’affranchissant ainsi de tous les protocoles de sécurité informatique mis en place
– M. [T] a ainsi transféré et envoyé sur sa messagerie personnelle « [Courriel 8] » des documents lui appartenant et couverts par le secret des affaires, notamment des projets marketing et listing clients.
FMVS soutient que M. [T] a constitué le fichier PROCOMM client et constructeur qu’il a laissé en totalité à cette dernière, son ex-employeur, sans transférer aucun document vers sa boîte personnelle, se bornant à utiliser son ordinateur personnel pour travailler depuis son domicile lorsqu’il était salarié.
Réponse de la cour
PROCOMM justifie par ses pièces produites – pour l’essentiel des échanges de mails entre M. [T] et des tiers et divers documents de commande ou facturation – de détournements par FMVS de ses fichiers et documents commerciaux détenus par M. [T] sur sa messagerie et son ordinateur personnels alors qu’il était son salarié :
– documents relatifs à la clientèle (pièces 34-35),
– listes de barèmes et prix adressées à PROCOMM par ses partenaires (pièces 31-1 ; 37),
– bons de commande et de livraison entre PROCOMM et sa clientèle (pièces 60-61).
Par suite, FMVS dont M. [T], ancien salarié de PROCOMM, est désormais le gérant, détient des informations confidentielles relatives à l’activité de PROCOMM sa concurrente, obtenues par M. [T] pendant l’exécution de ce contrat de travail au sein de PROCOMM, ce qui constitue un acte de concurrence déloyale.
3. Sur les détournements de commandes et de clientèle
Moyens des parties
PROCOMM fait valoir que M. [T], son ancien salarié, avait la responsabilité de clients dont les commandes étaient en cours en 2014 et 2015 et soutient que FMVS lui a déloyalement fait perdre l’exclusivité que la société Haivision (ci-après Haivision) lui avait concédée pour détourner la plupart de ces clients et de leurs commandes, notamment, son client SAGEM et, en se présentant faussement comme le représentant exclusif de Haivision afin d’entretenir une confusion dans leur esprit, ses clients GT SIC AERO et COS.
FMVS oppose à cet argumentaire l’absence de clause de non concurrence et d’exclusivité dont elle déduit que M. [T] qui n’a commis aucun acte de concurrence déloyale était libre de démarcher la clientèle de son ex-employeur au service de FMVS à qui l’on ne peut donc reprocher aucun détournement de clientèle ou de commande.
Réponse de la cour
3.1 – Sur le prétendu détournement du client GT SIC AERO relativement à une commande de maintenance en cours
PROCOMM soutient ici que FMVS a détourné ses marchés et clients en se présentant faussement comme le représentant exclusif de Haivision pour entretenir une confusion dans l’esprit des clients PROCOMM dès mars 2015 (sa pièce 47), après avoir exposé qu’elle était représentant exclusif de Haivision suivant accord du 11 février 2013 (sa pièce 45) remis en cause par cette dernière le 19 octobre 2015 puis rétabli sans exclusivité le 21 octobre suivant (sa pièce 46).
Cet argumentaire manque en fait dès lors qu’il ne résulte pas de ces pièces que FMVS se soit présentée dès mars 2015 comme le représentant exclusif Haivision de sorte qu’il ne peut être utilement soutenu qu’elle a ainsi entretenu une confusion à son profit dans l’esprit des clients PROCOMM.
En effet, l’attestation Haivision du 19 octobre 2015 sur laquelle il se fonde, utilisée en PJ d’un mail du 29 janvier 2016 de FMVS à ses contacts (sa pièce 47, p. 2), se borne à énoncer que PROCOMM « is no longer the unique VAR for Haivision in France », soit, librement traduit en français par la cour, qu’il n’en est plus l’unique distributeur. Au surplus, PROCOMM ne relie à aucune pièce son affirmation selon laquelle FMVS s’est ainsi présentée dès mars 2015. En tout état de cause, l’agrément accordé à PROCOMM le 11 février 2013 (sa pièce 45) ne mentionne aucune exclusivité, laquelle est cependant reconnue par Haivision qui y met un terme, les 19 et 21 octobre 2015 (sa pièce 46), de sorte que le détournement allégué de cette exclusivité ne peut se déduire de cette communication du 29 janvier 2016.
Par suite, PROCOMM n’explique pas utilement non plus que ses échanges de mails avec GT SIC AERO des 8 au 18 octobre 2015 (ses conclusions p. 46 in fine et sa pièce 55) caractérisent des manoeuvres déloyales de FMVS pour détourner ses clients.
En effet, il s’agit d’échanges au cours desquels un client, GT SIC AERO, répond aux questions de PROCOMM sur l’éviction litigieuse, alors en cours, en expliquant :
– le 14 octobre, qu’il a estimé « à ce moment là » devoir contacter FMVS, au vu de deux attestations d’exclusivité Haivision au profit de cette dernière,
– et, le 19 octobre suivant, que PROCOMM « a une exclusivité sans date de fin et qui n’est pas démentie par Haivision si j’ai bien compris et FMVs a également une exclusivité de Haivision pour 5 ans en date du 6 mars 2015 … Avouez que la situation est pour le moins cocasse… ».
Il en résulte certes une confusion sur l’existence d’une exclusivité concédée par Haivision à PROCOMM et/ou FMVS. Néanmoins PROCOMM ne met pas la cour en mesure d’apprécier son imputabilité prétendument fautive à FMVS, dès lors qu’elle ne verse pas aux débats les « attestions d’exclusivité » citées dans ces échanges, alors que l’attestation Haivision produite, du 19 octobre 2015 ne constitue pas, comme déjà indiqué, une attestation d’exclusivité Haivision/FMVS mais atteste que l’exclusivité Haivision/PROCOMM a cessé à compter de cette date, ce qui est exact.
Enfin, l’accord d’entente commercial Haivision/FMV, non daté et signé de M. [V] pour FMVS (pièce 13 et 53) ne suffit pas à établir les manoeuvres déloyales de détournement de clientèle alléguées, s’agissant d’un accord entre une société concurrente et un acteur du marché, régit par les principes de libre entreprise et de libre concurrence, accord dont aucun élément sérieux ne remet en cause la légitimité.
En tout état de cause, le contrat relatif à cette commande de maintenance prétendument détournée ne s’évince pas clairement de la commande du matériel correspondant (pièce 52-1) qui ne vise pas les références reprises par PROCOMM (conclusions p. 44), peu important que PROCOMM en ait réalisé une partie
En conséquence, PROCOMM ne démontre aucune manoeuvre déloyale de FMVS pour l’évincer de cette exclusivité et détourner ses clients.
3.2 – Sur le prétendu détournement du client COS relativement à une commande de maintenance en cours
PROCOMM reprend le même argumentaire que précédemment sur son éviction prétendument déloyale de l’exclusivité concédée par Haivision, ce qui appelle des réponses similaires :
– l’attestation Haivision du 19 octobre 2015 sur laquelle PROCOMM se fonde (sa pièce 47, p. 2) se borne à énoncer que PROCOMM « is no longer the unique VAR for Haivision in France » soit librement traduit en français par la cour, qu’il n’en est plus l’unique distributeur
– et PROCOMM n’explique pas utilement en quoi l’envoi par FMVS au COS, le 10 novembre 2015, de l’accord d’entente commercial Haivision/FMV portant sur les équipements que PROCOMM a vendu à ce dernier, accord non daté et signé de M. [V] pour FMVS (pièce 13 et 57) caractérise l’intention « d’entretenir la confusion », le préjudice de PROCOMM résultant de cet accord étant insuffisant à cet égard.
Pour le surplus, les pièces PROCOMM 41 et 51, datées des 23 et 29 février/7 et 10 mars 2016 ne suffisent pas non plus à caractériser, en l’état des pièces en débat, la prétendue communication déloyale de FMVS avec les clients de PROCOMM afin d’évincer cette dernière de son partenariat avec Haivision, compte tenu de leurs dates respectives, postérieures à celle de la résiliation de l’accord d’exclusivité de Haivision avec PROCOMM, le 19 octobre 2015. Ce d’autant qu’il est expressément mentionné (pièce 51) un préavis de 90 jours dû à PROCOMM et que le client « défense » concerné rappelle à Haivision que le dossier est toujours sous la responsabilité de PROCOMM, qui le lie en copie, tant qu’il ne sera pas clôturé.
En conséquence, PROCOMM ne démontre aucune manoeuvre déloyale de FMVS pour l’évincer et détourner ses clients.
3.3 – Sur le prétendu détournement du client Sagem
La cour retient que l’accord de confidentialité Haivision/Sagem/FMVS du 9 avril 2015 (pièce PROCOMM 25-1) ne constitue pas une manoeuvre déloyale de détournement de clientèle ou commande au profit de FMVS dès lors que :
– PROCOMM ne justifie d’aucune exclusivité concédée par Sagem à son profit
– l’accord est signé pour FMVS par M. [V] et non M. [T]
– l’association de M. [T] à cet accord n’est pas suffisamment étayée par les circonstances que ce dernier était chargée du secteur en cause lorsqu’il était salarié de PROCOMM et que SAGEM était un client significatif.
Par suite, PROCOMM ne caractérise pas les actes de concurrence déloyale par détournements de clientèle ou commandes qu’elle allègue.
4. Sur le détournement de fonds
Moyens des parties
PROCOMM soutient que :
– le 9 juin 2015, M. [T], alors son salarié, a passé une commande à son préjudice sur le fondement d’un devis IPSTICK surévalué par rapport à celle du client (pièces n°61 et 62), correspondant à des prestations fictives pour un montant de 115 000 euros,
– elle a porté plainte contre X le 21 novembre 2019 (pièce n°81) et s’est constitué partie civile à la suite du classement sans suite de cette plainte.
FMVS conteste tout détournement de fonds à son profit.
Réponse de la cour
PROCOMM fonde les prétendues prestations fictives de 115.000 euros sur la différence entre les quantités commandées par son client pour un prix total de 254 970 euros TTC (Pièce 60) et celles du devis IPBRICK correspondant pour un montant total de 169.000 euros TTC (pièce 61) dont M. [T] son salarié a demandé l’exécution(pièce 63).
Or, d’une part, le bon de commande, non signé, ne renseigne ni sur les quantités ni sur le prix unitaire de chacun des deux types de licence commandées, peu important la livraison en rapport avec ce bon de commande, de 80 licences de l’un et 20 licence de l’autre, insuffisante à établir ces quantités et ce prix unitaire de la commande, alors même qu’aucune facture n’est produite.
Ce bon de comande ne peut donc servir de base à la démonstration d’une prestation fictive, à hauteur de 36 licences supplémentaires par rapport au bon de commande (pièces 61 et 63). Ce d’autant qu’aucune référence ne relie ce devis IPBRICK à cette commande.
D’autre part, le prix de 115.000 euros pour ces 36 licences prétendument supplémentaires n’est ni détaillé ni, a fortiori, justifié, étant observé que le prix unitaire allégué de 2.362,50 euros n’est en cohérence ni avec cette quantité globale et ni avec le fait que deux types de licences distincts sont en cause.
Il n’existe donc pas de lien manifeste, contrairement à ce qu’affirme PROCOMM, entre ce montant de prestations prétendument fictives à hauteur de 115.000 euros et la mention de la somme de « 115.000 euros suite au pack de licences » figurant sur l’échange de mail FMVS/IPBRICK (pièce 69), ni entre ce montant et celui d’un devis de FMVS à IPBRICK pour des prestation de formation à hauteur de 114.999 euros (pièce 63).
Enfin, les développements relatifs à ses pièces 64 à 68 correspondant à des échanges entre FMVS et IPBRICK destinés à établir le soutien de IPBRICK au détournement de fonds qu’elle impute à M. [T], ne sont pas de nature à établir cette facturation fictive qu’ils ne concernent pas.
Par suite, PROCOMM n’établit ce détournement de fonds.
5. Sur la désorganisation de PROCOMM au bénéfice de FMVS
Moyens des parties
PROCOMM soutient que :
– FMVS a usé de man’uvres déloyales afin de l’exclure de son partenariat exclusif avec Haivision, en particulier pour les opérations sur les équipements vendus aux ministères de l’Intérieur et de la Défense,
– son exclusion de ce partenariat s’est réalisée de manière abrupte et imprévisible au mois d’octobre 2015, sous l’impulsion de FMVS et à son profit,
– Haivision et FMVS avaient entrepris, depuis le mois de février 2015, de démarcher à son insu ses clients.
– Haivision a décidé de nommer FMVS comme distributeur agréé pour démarcher les clients de PROCOMM, compte tenu des informations privilégiées et confidentielles la concernant que détenait son ex salarié.
FMVS renvoie aux motifs du jugement entrepris, conteste l’exclusivité prétendue de PROCOMM auprès de Haivision qui explique clairement dans un courrier du 1er avril 2017 que c’est l’incompétence de PROCOMM qui l’a poussé à se tourner vers un autre acteur du secteur et soutient que c’est Haivision qui a informé Sagem directement de l’éviction de PROCOMM.
Réponse de la cour
Le jugement entrepris retient exactement que si le départ de M. [T] de PROCOMM et l’utilisation par ce dernier de son propre réseau professionnel pour développer son activité était en soi une cause de désorganisation de celle-ci puisqu’il était en charge de sa part de marché ‘ »défense », mais que cette désorganisation de PROCOMM ne peut être pour autant imputée à faute à M. [T].
Il suffira d’ajouter que la simple concomittance d’actes ayant pour effet de désorganiser un concurrent ne peut suffire à établir l’existence d’actes déloyaux de désorganisation (V. Par ex Com, 24 septembre 2013, n° 1222413).
Or, PROCOMM, comme déjà jugé, n’établit pas que FMVS s’est employée par des manoeuvres déloyales à l’évincer de l’exclusivité que lui avait concédé Haivision en se prévalant de sa fausse qualité de distributeur unique de cette société pour détourner à son profit la clientèle PROCOMM à qui elle a laissé croire que PROCOMM n’était plus agréée.
En effet, PROCOMM ne justifie en quoi la perte de son statut de distributeur exclusif de Haivision ne résulte pas de la libre concurrence entre opérateurs concurrents d’un même marché mais au contraire des manoeuvres alléguées, dès lors que :
– la brutalité de cette perte, postérieure au départ de M. [T] son ex-salarié, ne suffit pas à l’établir,
– elle procède par affirmation quant aux démarches entamées dès février 2015 par Haivision et FMVS pour démarcher ses clients, qui ne résultent pas de sa pièce 46,
– elle énonce manifestement faussement, pour les motifs énoncés ci-dessus, que « FMVS a communiqué l’attestation d’exclusivité établie le 19 octobre 2015 – d’ailleurs également reproduite dans un support de présentation de FMVS – mentionnant que FMVS était l’unique distributeur pour Haivision en France »(ses conclusions p. 40 renvoyant à sa pièce 47),
– ses pièces 41 et 51 datées février et mars 2016 ne suffisent pas, comme déjà jugé, à caractériser la prétendue communication déloyale de FMVS avec les clients de PROCOMM,
– enfin, l’hypothèse de PROCOMM selon laquelle « Haivision a décidé de nommer FMV comme distributeur agréé pour démarcher les clients de PROCOMM (not. EMAA et Sagem), car FMVS était en réalité gérée par M. [T] disposant d’informations privilégiées et confidentielles en qualité de salarié de PROCOMM en mars 2015 » qui n’est pas utilement étayée en fait, ne suffit pas à caractériser de telles manoeuvres déloyales.
6. Sur le dénigrement
Moyens des parties
PROCOMM soutient que :
– FMVS a employé des man’uvres déloyales pour capter sa clientèle et ses partenaires et a ainsi notamment :
* affirmé que PROCOMM ne réglait pas ses fournisseurs de manière régulière, n’aurait pas une communication fluide et que son exclusivité serait sans valeur,
* sollicité de ses contacts l’arrêt de toute communication avec PROCOMM ainsi que la signature d’accord d’exclusivité pendant cinq ans,
* insisté auprès de Haivision pour qu’elle retire tout agrément à PROCOMM ainsi que tout accès au support et en avertisse les clients,
– utilisé des documents falsifiés aux fins de faire croire à la clientèle de PROCOMM qu’elle bénéficiait d’accréditations exclusives spécifiques.
FMVS, après avoir rappelé la notion de dénigrement et la nécessaire prise en compte de la liberté d’expression, invoque l’absence de clause de non concurrence et reprend à son compte les motifs du jugement entrepris.
Réponse de la cour
Il est constant que le dénigrement consiste à jeter publiquement le discrédit sur une personne, une entreprise ou un produit dans le but de l’évincer (par ex Com, 9 janvier 2019, n° 1718350).
PROCOMM ne démontre pas, au vu de ce qui précède, en quoi la demande d’exclusivité de FMVS à ses clients du 6 janvier 2017 qui s’accompagne, en conséquence, d’une demande de cessation de communication avec PROCOMM ou l’échange du 23 février 2016 de FMVS avec Haivision sur les suites à donner à leur accord d’exclusivité (pièces 40-41) constituent un tel dénigrement de PROCOMM. Elle ne démontre pas non plus en quoi consisteraient les manoeuvres déloyales auprès de ses partenaires qu’elle impute à FMVS, aucun envoi effectif ne résultant de l’attestation d’exclusivité IPBRICK, fut-elle un faux (pièce 42-43).
Les propos de M. [T] qui répond par « je croyais qu’il était mort … 🙂 » à la question de son client lui demandant » [A] [PROCOMM] ne doit pas être content dis moi ‘ » (mail du 4 février 2016; pièce 39) s’analyse en une plaisanterie de mauvais goût et non comme le dénigrement de PROCOMM afin de lui nuire.
Les propos tenus, par mails du 26 octobre 2016 de M. [T] à [Courriel 7] , relatifs à la portée de l’agrément de PROCOMM par Haivision, qui ne jette pas le discrédit sur PROCOMM et n’engage au demeurant que leur auteur, ne constitue pas un acte de dénigrement.
Au surplus, PROCOMM n’est pas fondée à soutenir, au seul vu de sa pièce 44-1 que FMVS n’hésite pas à antidater les documents commerciaux pour « se couvrir », dès lors que :
– la lettre d’entente commerciale Haivision/FMVS (sa pièce 13) n’est pas datée,
– l’accord Haivision/FMVS du 21 septembre 2015 prétendument antidaté n’est pas signé par Haivision (sa pièce 44-2),
– la lettre d’entente commerciale Projet EMAA entre Haivision et FMVS du 3 septembre 2015 n’est pas signée par FMVS (44-3),
– la « doc actualisée » jointe au mail du 1er décembre 2015 de M. [T] à M. [V] n’est pas produite avec ce mail sans texte.
En revanche, les propos relatifs aux retards de paiement d’IPBRICK par PROCOMM et au manque de communication de cette dernière (pièce 38 – mails précités du 26 octobre 2016 de M. [T] à [Courriel 7]), tenus sans nécessité d’informer le public destinataire, même dans un contexte de concurrence directe, portent atteinte à l’image commerciale de cette dernière, peu important qu’ils soient exacts, PROCOMM ayant reconnu avoir bloqué ses paiements à IPBRICK (ses conclusions p. 50).
***
PROCOMM est donc fondée à reprocher à FMVS le détournement de documents et le dénigrement ci-dessus retenu.
II /Sur les demandes indemnitaires
Moyens des parties
PROCOMM formule ces demandes à divers titres repris dans le dispositif de ses conclusions, demandes qu’elles développent dans la discussion de celles-ci.
FMVS les conteste comme non fondées faute de preuve d’un queconque préjudice.
Réponse de la cour
Il est constant qu’un préjudice s’infèrent nécessairement des actes de concurrence déloyale retenus ci-dessus au titre de la détention par FMVS de documents commerciaux de PROCOMM et du dénigrement par elle de cette dernière et que PROCOMM doit néanmoins en établir l’étendue, la réparation devant être proportionnée à ce préjudice.
La société Procomm justifie d’un préjudice moral lié au trouble commercial occasionné par le détournement de fichiers et le dénigrement retenus, que la Cour évalue au regard des pièces versées aux débats à la somme de 40 000 euros.
De même, le préjudice lié au traitement du litige, en partie justifiée, qui s’infère également dans cette limite des deux actes de concurrence déloyale précités, peut être évalué, au prorata de la tarification alléguée à hauteur de 71.820 €, telle qu’attestée par expert-comptable (pièce 91), à la somme de 12.000 euros.
FMVS doit donc être condamnée à payer ces deux sommes à PROCOMM.
En revanche, le surplus des demandes indemnitaire PROCOMM doit être rejeté, faute pour elle de justifier d’un lien de causalité entre ces deux actes de concurrence déloyales d’une part et, d’autre part, les pertes subies, les gains manqués ou les dépenses induites qu’elle prétend subir en conséquence. En effet, les pièces qu’elle verse au débat (devis 2015 et prévisionnels 2014 internes non certifiés) ne sont de nature à identifier, ni les affaires dont, de ces deux seuls faits de concurrence déloyale, elle aurait été privée, ni les commandes fermes effectivement annulées de ces chefs. Ce d’autant que le détournement allégué de ses clients et commandes, notamment GT SIC AERO, COS et SAGEM n’a pas été retenu, qu’elle ne justifie pas d’accord d’exclusivité, à tout le moins au-delà du 19 octobre 2015 pour Haivision et qu’elle n’a pas convenu d’une clause de non concurrence avec M. [T].
III / Sur les autres demandes
La demande de FMVS tendant à voir « cesser toute commercialisation auprès de la clientèle PROCOMM », trop vague pour être exécutable et en tout état de cause, injustifié en l’état de l’absence de toute clause de non concurence comme de toute justification d’une exclusivité concédée par sa clientèle à PROCOMM, ne peut aboutir et aucune circonstance en débat ne justifie les publication et mise en ligne sollicitées.
Le sens de l’arrêt conduit au rejet la demande de FMVS en condamnation de PROCOMM à lui payer des dommages-intérêts pour procédure abusive.
IV/ Sur les demandes accessoires
FMVS, partie perdante, doit supporter les dépens de première instance et d’appel et l’équite commande de la condamner comme suit au paiement d’une indemnité de procédure.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu’il a rejeté la demandes en réparation des préjudices matériels, de cessation de toute commercialisation auprès de la clientèle PROCOMM, de mesures de publicités et de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société FMVS à payer à la société PROCOMM-MMC :
– la somme de 40.000 euros au titre de son préjudice moral lié à son trouble commercial ;
– la somme de 12.000 euros au titre de son préjudice lié au traitement du litige ;
– une indemnité de procédure de 10.000 euros ;
Condamne la société FMVS aux dépens de première instance et d’appel ;
Rejette toute autre demande.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE