Peut être licencié pour faute grave, le salarié qui tient des propos inadaptés, humiliants, discriminants à certains de ses collaborateurs, et de fait qui a un comportement anxiogène au sein de son équipe (dégradation de la qualité de vie au travail).
Le comportement d’un cadre responsable qui, par des propos outranciers ou dévalorisants, une attitude méprisante et déstabilisante, des agissements excessifs et outranciers provoque un climat de travail délétère générant une situation de stress et de souffrance au travail subie par le personnel et entraînant une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à leur dignité ou d’altérer leur santé physique ou mentale caractérise la faute grave justifiant un licenciement immédiat.
L’employeur démontre que par des agissements excessifs et outranciers, M. [L] a provoqué un climat de travail anxiogène pour certains salariés générant une situation de stress et de souffrance au travail, de sorte que le licenciement pour faute grave prononcé est justifié.
La faute grave s’entend d’une faute d’une particulière gravité ayant pour conséquence d’interdire le maintien du salarié dans l’entreprise.
La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe à l’employeur et à lui seul et il appartient au juge du contrat de travail d’apprécier au vu des éléments de preuve figurant au dossier si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, et s’ils ont revêtu un caractère de gravité suffisant pour justifier l’éviction immédiate du salarié de l’entreprise.
Sur le licenciement
Au soutien de la contestation de la légitimité de son licenciement, le salarié considère qu’aucune enquête sérieuse n’a été diligentée par l’employeur, qu’aucune mesure de prévention n’avait été prise par la société concernant des faits de harcèlement moral. Il conteste la réalité des faits invoqués, soutient que son licenciement a été prononcé dans un contexte particulier de remaniement de postes, qu’il a été informé dès le mois de mai 2020 du projet de la direction de promouvoir M. [R] au poste qu’il occupait, la société envisageant de le nommer au poste de directeur commercial Etats Unis.
La société expose que fin mai 2020, Mme [E], cadre commercial depuis 10 années, a souhaité mettre un terme à son contrat de travail, a alerté la direction sur les conditions de travail des salariés évoluant sous la hiérarchie de M. [L]. L’employeur précise que le 16 juin 2020, à l’occasion d’un entretien avec les dits salariés, il a été informé de l’existence d’un mal-être de ces derniers en raison du comportement et des agissements relevant du harcèlement moral de M. [L] à leur égard. L’employeur précise avoir diligenté une enquête interne, avoir entendu les salariés ainsi que M. [L]. Il soutient que l’enquête a été réalisée contradictoirement.
La faute grave s’entend d’une faute d’une particulière gravité ayant pour conséquence d’interdire le maintien du salarié dans l’entreprise.
Il est établi que M. [L] exerçait les fonctions de directeur commercial international, qu’il occupait des fonctions de manager du personnel au niveau international. Le contrat de travail du salarié stipule notamment en son article 2 ‘M. [L] sera responsable de créer et de maintenir les conditions d’une vie saine, ambitieuse et équilibrée au sein des divers services commerciaux, où chaque salarié doit pouvoir s’épanouir à son poste, en conscience de son niveau de responsabilité, et exercer un travail de qualité.’
La cour rappelle que le respect des droits de la défense et du principe de la contradiction n’impose pas que, dans le cadre d’une enquête interne destinée à vérifier la véracité des agissements dénoncés par d’autres salariés, le salarié soit entendu sur les griefs susceptibles de lui être ultérieurement reprochés ni que le rapport d’enquête précise le contenu et la formulation des questions posées aux autres salariés, dès lors que les éléments dont l’employeur dispose pour fonder sa décision peuvent, le cas échéant, être ultérieurement discutés devant les juridictions de jugement.
Si le salarié soutient que la décision de licenciement avait été prise par son employeur avant la tenue de l’entretien préalable, il y a lieu de constater qu’il ne l’établit pas en ce que seuls des mails rédigés par ses soins sont versés aux débats ; mails au sein desquels il rapporte des propos qui lui auraient été tenus par le directeur RH.
Il ressort des éléments produits par l’employeur que M. [L] a tenu des propos discriminants à l’encontre de certains de ses collaborateurs, qu’il a adopté des comportements humiliants à leur encontre, que les relations de travail se sont particulièrement dégradées en raison du comportement de M. [L], de ses réactions impulsives, parfois colériques.
Il ressort des éléments produits, de l’attestation établie par M. [R], que lors de l’échange avec la direction le 17 juin 2020, M. [J] [K] a craqué, s’est effondré en larmes à l’annonce d’un retour possible de M. [L].
Mme [S], chef des ventes GFH, témoigne du fait que sa relation avec M. [L] s’est progressivement dégradée, qu’elle s’est sentie infantilisée par ce dernier en ce qu’il contrôlait tout son travail, qu’il lui reprochait parfois d’arriver à 9h10, qu’elle a pris le parti d’éviter les affrontements tout en souffrant de cette situation.
Il ressort des éléments produits, de l’attestation établie par M. [R], que lors de l’échange avec la direction le 17 juin 2020, M. [J] [K] a craqué, s’est effondré en larmes à l’annonce
Réglementation applicable
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Me Anne-Laure COCONNIER de la SELARL VERDIER MOUCHABAC
– Me Mickael LE BORLOCH
– Me Marie YSCHARD
Mots clefs associés
– Licenciement
– Enquête interne
– Harcèlement moral
– Conditions de travail
– Activité partielle
– Economies de salaires
– Faute grave
– Management
– Dignité
– Santé mentale et physique
– Témoignages
– Contradictoire
– Entretien préalable
– Comportements inadaptés
– Relations de travail
– Souffrance au travail
– Climat de travail délétère
– Stress
– Préjudice moral
– Arrêt de travail
– Traitement médical
– Frais irrépétibles
– Dépens
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 22/02049 – N° Portalis DBV2-V-B7G-JDNR
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 04 AVRIL 2024
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE LOUVIERS du 25 Mai 2022
APPELANT :
Monsieur [I] [L]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Anne-Laure COCONNIER de la SELARL VERDIER MOUCHABAC, avocat au barreau de l’EURE
INTIMÉE :
S.A.S. ERLAB DFS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Mickael LE BORLOCH, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Marie YSCHARD, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 21 Février 2024 sans opposition des parties devant Madame BIDEAULT, Présidente, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame POUGET, Conseillère
Madame DE BRIER, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme DUBUC, Greffière
DEBATS :
A l’audience publique du 21 février 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 04 avril 2024
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 04 Avril 2024, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La société Erlab (la société ou l’employeur) a pour activité le développement de technologies en matière de filtration de l’air. Elle est présente sur trois continents. Sur le site de [Localité 3], elle emploie 85 salariés.
Elle applique la convention collective nationale de la métallurgie.
M. [L] (le salarié) a été embauché par la société en qualité de directeur commercial international, statut cadre, position IIIA, coefficient 135 aux termes d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 11 septembre 2017.
Aux termes de l’avenant du 23 janvier 2020, son salaire brut annuel a été porté à 108 000 euros et il a bénéficié en sus d’une rémunération variable pouvant atteindre 35 % du brut annuel.
Le salarié a été placé en arrêt de travail du 24 juin au 11 juillet 2020.
M. [L] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 6 juillet 2020 par lettre du 23 juin précédent, mis à pied à titre conservatoire puis licencié pour faute grave par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 9 juillet 2020 motivée comme suit :
‘Nous faisons suite à notre entretien préalable du 6 juillet 2020 et sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour faute grave, compte tenu des éléments suivants:
Fin mai, une cadre commerciale nous fait parvenir son souhait de quitter l’entreprise. Suite à cet événement, nous apprenons que des tensions existent entre vous et vos équipes et que, sans ces tensions, le départ de la commerciale n’aurait pas eu lieu. Par conséquent, le 10 juin 2020, le directeur général reçoit les chefs de zone et constate effectivement des tensions entre certaines personnes et vous-même. Dans un objectif d’amélioration du climat social, le directeur général ainsi que le président vous reçoivent le 15 juin 2020. Le 16 juin 2020, l’ensemble des chefs de zone sont reçus par la direction qui leur annonce qu’ils vous avaient vu et que la situation allait être améliorée. A cette annonce, un chef de zone s’effondre en larmes. Nous suspectons alors un malaise plus profond. Le 17 juin 2020, inquiet de la situation de la veille, le directeur général ainsi que le président vous reçoivent afin d’évoquer la situation. Vous vous proposez alors une nouvelle mission, sans lien avec l’équipe commerciale, et suggérez que Monsieur [T] [R] prenne la tête du service commercial Europe. Cette proposition sera à l’étude. En parallèle, le 18,19 et 22 juin 2020, le responsable juridique et social recueillera les témoignages des salariés souhaitant faire remonter des propos ou situation inappropriés qu’ils ont pu connaître. Il lui a donc été reporté, par plusieurs personnes de votre service, des comportements inadaptés, notamment un double langage visant à semer le trouble entre les différents collaborateurs, mais surtout des agissements constitutifs de harcèlement moral.
Premièrement, selon les plaintes d’un chef de zone, votre attitude et les propos que vous teniez étaient humiliants et altéraient ses conditions de travail ainsi que sa santé. Pour exemple, le chef de zone nous fait remonter que le 28 février 2020 vous survenez, de façon brutale, dans son bureau en lui hurlant dessus ‘il est où ton rapport’, ceci devant son équipe. Le salarié répond qu’il est prêt mais qu’il est en ligne avec un client. Sans attendre la fin de son explication vous lui lancez agressivement ‘non mais c’est tout de suite’. Vous ressortez en claquant la porte et mettez mal à l’aise l’ensemble des personnes témoins de cette scène. Ces faits, étant marquants pour son équipe, sont recoupés dans les témoignages d’une assistance commerciale présente ce jour. Par ailleurs, lors d’une réunion en date du 5 mai 2020 ce chef de zone vous avez fait part de son point de vue sur votre façon de manager vos équipes, notamment en vous mentionnant que votre ‘management était inhumain’. Le 12 mai 2020, ce chef de zone, suite à une visite médicale, apprend que des plaques rouges (du psoriasis) présentent sur son corps sont dues au stress et à ses conditions de travail.
De plus, ce même salarié nous a fait savoir, à propos de problèmes de garde d’enfants que vous ne comprenez pas, que vous lui avez demandé, par un email du 8 avril 2020, de se renseigner précisément sur le mari d’une collaboratrice, en lui précisant ultérieurement que: ‘si le chiffre de la société continuait à baisser que des décisions devaient être prises quant à de potentiels licenciements, les premières personnes concernées seraient celles n’ayant pu travailler pendant le confinement ou celles qui ne pourraient pas venir en présentiel.’ Vous avez, lors de l’entretien du 6 juillet 2020, confirmé avoir demandé ces questions sur le travail de son mari.
Par ailleurs, ce chef de zone a été témoin d’une scène dans laquelle vous avez tenu des propos très dures envers une salariée en V.I.E. En effet, le 20 mai 2020, vous vous déplaciez pour faire un point avec la salariée en VIE. Vous lui avez affirmé que ‘quand on positionne quelqu’un dans un nouveau marché, et que cela ne fonctionne pas, c’est soit un problème de pays, soit de personne; ici, on sait que ce n’est pas le pays…’ et également présenté que ‘si les chiffres ne remontent pas, on ne renouvellera pas ton contrat à la fin de l’année’. Ces propos ont profondément touché notre collaboratrice.
Ce chef de zone ainsi que le directeur commercial France ont également été témoins de propos déplacés que vous avez tenus lors d’une réunion en janvier 2020 en déclarant que ‘les femmes qui partent en congé maternité sont un frein au bon fonctionnement du service commercial et que cela pénalise tout le monde’. Vous avez tenu ces propos en présence d’une chef de zone qui était récemment revenue d’une période de congés maternité et qui nous atteste qu’en raison du fait qu’elle était la seule femme avec enfant lors de cette réunion et revenue depuis peu de congé maternité, elle s’est sentie évidemment visée.
Par ailleurs, une assistante commerciale nous remonte, concernant la gestion d’un litige, que ‘Monsieur [L] n’a pas pris connaissance de l’ensemble des éléments nécessaires à une juste compréhension permettant de prendre la meilleure décision, a donné une consigne de fait inapplicable qu’il m’a fallu adapter et contourner, ce qu’il m’a reproché en m’appelant du bureau de la logistique, haut-parleur allumé. Le sentiment d’humiliation par des remontrances d’un supérieur hiérarchique en public a rendu ma tentative d’explication de ce qu’il s’était passé avec le client et justification très difficile. N’ayant cependant aucun désir d’emmener ce malaise chez moi le soir, je suis allée le voir dans son bureau pour en reparler de manière apaisée et clarifier la situation, ce qu’il a cependant refusé.’
D’autre part, à chaque réunion mensuelle une autre assistante commerciale se sentait acculée par votre comportement et notamment par vos questionnements répétitifs. En effet, elle nous remonte que ‘ces questionnements incessants ont provoqué un malaise chez moi, le sentiment d’être assaillie des mêmes questions à répétition et provoquant une sensation d’être acculée devant l’équipe. De ce fait, ce comportement a provoqué chez moi une appréhension des prochaines réunions.’
Par ailleurs, des propos inadaptés ont aussi été relevés envers la responsable des ventes GFH. En effet, vous avez annoncé, fin avril 2019, de manière sèche et agacée, à cette salariée que vous n’avez ‘jamais été autant énervé par personne en entreprise que par elle’. D’autre part, en février 2020, lors d’une conversation, la responsable des ventes GFH a manifesté un désaccord sur une requête, suite à cela vous lui avait indiqué de manière sèche quelle pouvait ‘aller voir ailleurs’. Cette réflexion a particulièrement touchée la salariée. Par ailleurs, une remarque, que la salariée a ressenti comme une humiliation, a eu lieu à la fin du mois de mars. En effet, la salariée était en attente de certains éléments d’un client pour pouvoir transmettre, en interne, la commande pour validation, suite à cela et devant un de ses collègues vous lui avait brutalement rétorqué que ‘si on te demande de le faire tu le fais!’. Cette salariée nous confie que cette situation a affecté profondément son moral et sa motivation et qu’à deux reprises elle a craqué et pleuré devant son nouveau responsable.
La liste des exemples cités ci-dessus n’est pas exhaustive, d’autres faits similaires ayant eu lieu au cours de ces derniers mois nous ont été remontés par ces salariés.
L’ensemble de ces faits a eu pour conséquence la dégradation de la qualité de vie au travail en donnant notamment lieu à un départ d’une commerciale cadre, à un changement de poste d’une autre cadre commerciale qui a préféré dépendre d’une autre personne que vous directement mais également à dégrader la santé d’un chef de zone.
Nous vous rappelons que, le 22 août 2017, vous avez signé un contrat de travail dont l’article 2 ‘Missions confiées à Monsieur [L] [I]’ dispose que ‘Monsieur [L] [I] sera responsable de créer et maintenir les conditions d’une vie saine, ambitieuse et équilibrée au sein des divers services commerciaux, où chaque salarié doit pouvoir s’épanouir à son poste, en conscience de son niveau de responsabilité, et exercer un travail de qualité.’
D’autre part, que conformément à l’article L 1152-1 du code du travail, ces faits sont caractéristiques de harcèlement moral et que l’employeur, conformément à l’article L 1152-4 du code du travail, est tenu de prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir de tels agissements.
De surcroît, en tant qu’employeur, nous nous devons de respecter notre obligation de sécurité et, ainsi, de prendre toutes les mesures nécessaires afin d’assurer la santé physique et mentale de nos collaborateurs. Il a donc été décidé, dès le 23 juin 2020 ; de vous mettre à pied à titre conservatoire.
Au vu de ces événements, il a été, en conséquence, décidé de prendre la sanction susmentionnée.
Par ailleurs, vos explications recueillies lors de notre entretien du 6 juillet 2020 ne sont pas de nature à modifier notre décision.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible. Votre licenciement intervient donc à la notification de cette lettre, soit à la date d’envoi du présent courrier, sans préavis ni indemnité de licenciement.
Vous trouverez ci-joint, votre solde de tout compte et vos documents sociaux. A titre informatif, la mise à pied conservatoire dont vous avez fait l’objet n’est pas une période rémunérée. (…)’
Contestant la légitimité de son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits au titre de la rupture de son contrat de travail, M. [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Louviers, lequel, par jugement du 25 mai 2022, l’a débouté de l’intégralité de ses demandes, l’a condamné au paiement d’une indemnité de procédure de 1 500 euros ainsi qu’aux entiers dépens.
M. [L] a interjeté appel le 20 juin 2022 à l’encontre de cette décision.
La société a constitué avocat par voie électronique le 8 juillet 2022.
Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 8 mars 2023, le salarié appelant sollicite l’infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de condamner son ancien employeur à lui verser les sommes suivantes :
4 781 euros brut au titre de la mise à pied conservatoire outre 478,10 euros au titre des congés payés afférents,
46 256 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 4 625,6 euros au titre des congés payés afférents,
9 135,56 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,
10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi,
70 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à titre principal,
40 474 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire,
5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.
Il demande en outre qu’il soit ordonné à la société de lui remettre ses documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 30 euros par jour de retard et par document.
Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 25 août 2023, la société intimée, réfutant les moyens et l’argumentation de la partie appelante, sollicite pour sa part :
– à titre principal, la confirmation de la décision déférée et la condamnation de l’appelant au paiement d’une indemnité de procédure de 3 000 euros ainsi qu’aux dépens,
– à titre subsidiaire, la réduction à de plus justes proportions de l’indemnisation de M. [L] et demande de limiter les condamnations prononcées aux sommes suivantes :
9 055,63 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
36 000 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 3 600 euros brut au titre des congés payés afférents,
34 436,91 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
le débouté du salarié de ses autres demandes.
L’ordonnance de clôture en date du 1er février 2024 a renvoyé l’affaire pour être plaidée à l’audience du 21 février 2024.
Il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel aux écritures des parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur le licenciement
Au soutien de la contestation de la légitimité de son licenciement, le salarié considère qu’aucune enquête sérieuse n’a été diligentée par l’employeur, qu’aucune mesure de prévention n’avait été prise par la société concernant des faits de harcèlement moral. Il conteste la réalité des faits invoqués, soutient que son licenciement a été prononcé dans un contexte particulier de remaniement de postes, qu’il a été informé dès le mois de mai 2020 du projet de la direction de promouvoir M. [R] au poste qu’il occupait, la société envisageant de le nommer au poste de directeur commercial Etats Unis.
Il considère qu’à travers son licenciement, la société a procédé à des économies de salaires. Il rappelle que certains faits reprochés sont en lien avec la période de confinement pendant laquelle un dispositif d’activité partielle a été mis en place au sein de l’entreprise ; précisant que cette période a été particulièrement difficile à vivre pour les membres de son équipe, la société n’ayant pas défini de plan de continuité de l’activité, les conditions de travail étant régulièrement modifiées, ses propres interventions étant remises en cause par la direction qui le plaçait en porte à faux vis-à-vis de ses collaborateurs. Ainsi, il expose que courant mai 2020 il lui a été demandé d’affecter ses collaborateurs à la production, qu’ainsi certains commerciaux ont effectué des travaux de soudure pour lesquels ils ne disposaient d’aucune qualification.
Le salarié conteste la valeur probante de certains témoignages produits, verse aux débats des copies d’échanges avec ses collaborateurs aux fins d’établir l’existence de relations cordiales avec eux.
La société expose que fin mai 2020, Mme [E], cadre commercial depuis 10 années, a souhaité mettre un terme à son contrat de travail, a alerté la direction sur les conditions de travail des salariés évoluant sous la hiérarchie de M. [L]. L’employeur précise que le 16 juin 2020, à l’occasion d’un entretien avec les dits salariés, il a été informé de l’existence d’un mal-être de ces derniers en raison du comportement et des agissements relevant du harcèlement moral de M. [L] à leur égard. L’employeur précise avoir diligenté une enquête interne, avoir entendu les salariés ainsi que M. [L]. Il soutient que l’enquête a été réalisée contradictoirement.
La société constate qu’il ressort de cette enquête et des témoignages versés aux débats que M. [L] a adopté des comportements inadaptés envers ses collaborateurs, qu’il leur a tenu des propos humiliants, vexants et discriminatoires ayant pour effet de compromettre leur dignité, leur santé mentale et physique ainsi que leur présence au sein de l’entreprise.
Il observe que le salarié a pu reconnaître des ‘incidents’ à l’égard de ses subordonnés les qualifiant d’isolés et de contextuels.
L’employeur conteste toute volonté de l’entreprise de réduire sa masse salariale indiquant que l’appelant a été remplacé sur son poste par M. [R], lui-même remplacé par glissement de poste ; une embauche d’une technico commerciale et d’une assistante commerciale étant réalisées postérieurement au congédiement de M. [L].
Sur ce ;
La faute grave s’entend d’une faute d’une particulière gravité ayant pour conséquence d’interdire le maintien du salarié dans l’entreprise.
La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe à l’employeur et à lui seul et il appartient au juge du contrat de travail d’apprécier au vu des éléments de preuve figurant au dossier si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, et s’ils ont revêtu un caractère de gravité suffisant pour justifier l’éviction immédiate du salarié de l’entreprise.
Il est établi que M. [L] exerçait les fonctions de directeur commercial international, qu’il occupait des fonctions de manager du personnel au niveau international. Le contrat de travail du salarié stipule notamment en son article 2 ‘M. [L] sera responsable de créer et de maintenir les conditions d’une vie saine, ambitieuse et équilibrée au sein des divers services commerciaux, où chaque salarié doit pouvoir s’épanouir à son poste, en conscience de son niveau de responsabilité, et exercer un travail de qualité.’
En l’espèce, il ressort des éléments du dossier que l’employeur a diligenté une enquête interne à la suite des propos tenus par Mme [E] lors de son départ de l’entreprise.
Il résulte du compte-rendu versé aux débats que le 10 juin 2020, le directeur a discuté avec l’ensemble des N-1 de M. [L] ; que le 15 juin 2020, ce dernier a été reçu par la direction ; que le 16 juin, l’ensemble des chefs de zone (N-1) ont été reçus par la direction ; que le 17 juin 2020, M. [L] était à nouveau reçu et proposait, lors de cette réunion, qu’il soit positionné sur une mission sans lien avec l’équipe commerciale et que M. [R], directeur commercial France, prenne la tête du service commercial Europe.
Le compte-rendu d’enquête précise qu’en parallèle, les 18, 19 et 22 juin 2020, le responsable RH a reçu un par un les salariés souhaitant faire connaître les propos ou situations pouvant relever d’un harcèlement moral ; qu’ainsi ont été recueillis les témoignages de deux assistantes commerciales, deux chefs de zone, du directeur commercial France.
Le salarié conteste le caractère contradictoire de l’enquête réalisée affirmant d’une part ne pas avoir été entendu ; reprochant d’autre part à l’employeur de ne pas produire les témoignages recueillis en annexe de l’enquête et considérant enfin que la décision de licenciement avait été prise avant la tenue de l’entretien préalable.
La cour rappelle que le respect des droits de la défense et du principe de la contradiction n’impose pas que, dans le cadre d’une enquête interne destinée à vérifier la véracité des agissements dénoncés par d’autres salariés, le salarié soit entendu sur les griefs susceptibles de lui être ultérieurement reprochés ni que le rapport d’enquête précise le contenu et la formulation des questions posées aux autres salariés, dès lors que les éléments dont l’employeur dispose pour fonder sa décision peuvent, le cas échéant, être ultérieurement discutés devant les juridictions de jugement.
En outre, M. [L], a lui-même écrit dans un mail du 23 juin 2020 adressé à son employeur ‘lundi 15 juin, vous m’avez convoqué pour m’annoncer que les 5 managers de mon équipe ont formulé des plaintes contre moi’ puis ‘le jeudi 18, vous me rencontrez pour m’indiquer que [T] [R] reprendrait la direction Europe’, ce dont il ressort qu’il a été informé des plaintes.
En dernier lieu, il n’est pas contesté que lors de l’entretien préalable au licenciement qui a duré plus de 4 heures, les résultats de l’enquête interne ont été communiqués au salarié, qu’il s’est expliqué sur l’ensemble des griefs reprochés selon le compte rendu de l’entretien préalable rédigé par son propre conseiller, qu’il verse lui-même aux débats.
Si le salarié soutient que la décision de licenciement avait été prise par son employeur avant la tenue de l’entretien préalable, il y a lieu de constater qu’il ne l’établit pas en ce que seuls des mails rédigés par ses soins sont versés aux débats ; mails au sein desquels il rapporte des propos qui lui auraient été tenus par le directeur RH.
Au terme de la lettre de congédiement, l’employeur reproche au salarié d’avoir tenu des propos inadaptés, humiliants, discriminants à certains de ses collaborateurs, d’avoir créé un comportement anxiogène au sein de son équipe, d’avoir été à l’origine de la dégradation de la qualité de vie au travail.
Outre le compte-rendu de l’enquête interne diligentée, la société verse aux débats les témoignages de membres de l’équipe de M. [L] et de ses collègues, des attestations étant établies par Mme [E], M. [R], M. [J] [K], Mme [S], Mme [N], Mme [B].
Il ressort des éléments produits par l’employeur que M. [L] a tenu des propos discriminants à l’encontre de certains de ses collaborateurs, qu’il a adopté des comportements humiliants à leur encontre, que les relations de travail se sont particulièrement dégradées en raison du comportement de M. [L], de ses réactions impulsives, parfois colériques.
M. [J] [K], chef de zone, atteste que M. [L] pouvait faire preuve de maladresse, d’impulsivité et s’emporter en tenant des propos durs, démesurés dans un contexte professionnel. Il précise que ses conditions de travail se sont dégradées en raison des réactions de M. [L]. Il expose ainsi que le 28 février 2020, alors qu’il devait rendre à l’appelant son rapport d’activité mensuel de service, M. [L] a fait irruption dans son bureau, énervé, le visage fermé, en criant de manière agressive ‘il est où ton rapport », qu’à la suite de sa réponse, il lui a coupé la parole en lui indiquant ‘c’est tout de suite’ puis est sorti en claquant la porte violemment.
Mme [B], assistante commerciale export, confirme avoir été témoin de ces faits et relève le caractère humiliant de ce comportement à l’égard d’un responsable de service, devant les membres de son équipe.
M. [J] [K] relate qu’au cours de la période de confinement, le 5 mai 2020, M. [L] a envisagé de mettre en place un ‘reporting quotidien’ afin que chaque membre des services commerciaux détaille l’ensemble des tâches effectuées, comptabilise chaque appel. L’ensemble des chefs de zone a indiqué à M. [L] que ce système, dans le contexte du confinement, s’apparentait à ‘du flicage’ , que l’initiative serait mal vécue par les collaborateurs. Il a précisé que M. [L] a abandonné cette méthode mais qu’il avait été abasourdi par sa volonté de mettre en place cet outil et qu’il lui avait signifié que son management n’était pas humain.
M. [R], directeur commercial, atteste avoir constaté que M. [J] [K] était très affecté par les relations pesantes existant avec M. [L], qu’il l’avait entendu lui reprocher de ne pas être humain.
M. [J] [K] affirme que le 17 avril 2020, M. [L] lui a téléphoné vers 12h30 alors qu’il était en congés, qu’il s’est montré particulièrement agressif à son égard et qu’il lui notamment indiqué ‘qu’il était le pire de tous avec qui négocier’, qu’il avait ‘toujours un couteau sous la table’, qu’il lui a raccroché au nez en lui indiquant qu’il n’avait plus envie de lui parler.
Le même jour, il est établi que le salarié a adressé un mail à M. [L] en lui transmettant une proposition de planning, alors qu’il était en congé, et relatant que la conversation téléphonique s’était terminée de façon abrupte.
M. [J] [K] indique avoir été témoin d’une attitude humiliante de M. [L] le 29 mai 2020 à l’égard de Mme [M], collaboratrice en VIE détachée à Stockolm, M. [L] s’énervant après elle et suggérant qu’elle représentait un problème.
Il précise avoir progressivement limité ses interactions avec M. [L] dans la crainte de la survenance de conflits, indique avoir été suivi médicalement en mai 2020 pour une poussée de psoriasis liée au stress.
Il ressort des éléments produits, de l’attestation établie par M. [R], que lors de l’échange avec la direction le 17 juin 2020, M. [J] [K] a craqué, s’est effondré en larmes à l’annonce d’un retour possible de M. [L].
Mme [S], chef des ventes GFH, témoigne du fait que sa relation avec M. [L] s’est progressivement dégradée, qu’elle s’est sentie infantilisée par ce dernier en ce qu’il contrôlait tout son travail, qu’il lui reprochait parfois d’arriver à 9h10, qu’elle a pris le parti d’éviter les affrontements tout en souffrant de cette situation.
Elle relate que fin avril 2019, au sujet d’une campagne publicitaire pour un client suédois, M. [L] s’est opposé au projet, que devant la persistance de sa position, il lui a indiqué ‘ne jamais avoir été autant énervé par personne en entreprise que par elle’.
De nouveau en février 2020, agacé par sa résistance, il lui a indiqué de manière sèche qu’elle pouvait ‘aller voir ailleurs’ puis, en mars 2020, il lui a rétorqué brutalement au terme d’un échange ‘si on te demande de le faire, tu le fais’.
M. [R] atteste avoir découvert à deux reprises Mme [S] en pleurs en raison d’un comportement déplacé de M. [L] à son égard.
Mme [E], cadre commercial, atteste du fait que le comportement de M. [L] à son égard a changé à compter d’octobre 2019, que le ton de ses remarques récurrentes sur ses horaires de travail, son organisation et son travail l’ont faite douter et culpabiliser.
Elle relate qu’en janvier, il a affirmé que les femmes qui partent en congé maternité sont un frein au bon fonctionnement du service commercial et que cela pénalise tout le monde ; qu’elle s’est sentie visée puisqu’elle revenait de congé maternité. Elle affirme que M. [L] a ouvertement cherché à l’évincer de la réunion des chefs de zone, qu’il lui a reproché d’avoir accordé des jours de chômage partiel à son équipe parce qu’ils étaient accolés à un week-end.
Elle affirme que l’accumulation des faits et des remarques déplacées au quotidien ont entraîné une perte de confiance, une baisse de motivation, de sorte qu’elle a fait part à la société de sa volonté de quitter l’entreprise.
M. [R] confirme avoir entendu M. [L] tenir des propos sur l’impact négatif des femmes enceintes sur l’organisation du service, en présence de Mme [E], jeune mère.
Mme [N], assistante commerciale, indique que lors de chaque réunion mensuelle, M. [L] la questionnait sur la nature de ses tâches quotidiennes et sur ses missions alors que celles-ci n’avaient pas changé depuis plusieurs années ; qu’elle avait le sentiment de devoir sans cesse se justifier et s’expliquer devant l’équipe, que ces questionnements incessants ont provoqué chez elle un malaise, la sensation d’être acculée devant l’équipe.
Mme [B] rapporte qu’à l’occasion de la gestion d’un litige livraison, en raison de l’absence de son responsable, elle s’est adressée à M. [L] (N+2), que ce dernier lui a donné une consigne inapplicable ; qu’il l’a ensuite accablée de reproches en l’appelant du bureau de la logistique, haut-parleur allumé, de sorte que ses collègues pouvaient entendre la conversation. Elle précise que le sentiment d’humiliation ressenti a rendu sur le fait sa tentative d’explication difficile, qu’elle a souhaité lui en reparler de façon plus apaisée ultérieurement mais qu’il a refusé d’échanger.
Le salarié conteste la matérialité des faits évoqués et verse aux débats la copie d’échanges avec ses collègues ou collaborateurs aux fins d’établir qu’il entretenait des relations cordiales et apaisées avec chacun.
Ainsi, concernant ses relations avec Mme [E], il observe que cette dernière a adressé un mail collectif expliquant que son départ avait été mûri durant la période de confinement, qu’elle avait pris plaisir à travailler avec chacun.
Il justifie l’avoir félicitée lors de la naissance de son enfant, s’être montré prévenant à son égard.
Il affirme que le départ de la société de Mme [E] est lié au fait qu’elle s’est vue dépossédée d’une partie de ses fonctions par la direction générale pendant la période de confinement.
M. [L] conteste s’être emporté envers M. [J] ; verse aux débats les échanges SMS avec celui-ci aux fins d’établir qu’il s’est toujours montré courtois à son égard. Il soutient qu’au regard de la configuration des locaux de l’entreprise, tout bruit intempestif était nécessairement entendu par le directeur général.
Il ne conteste pas avoir suggéré la mise en place d’un reporting quotidien mais affirme qu’aucune contestation de fond n’a été émise, qu’il a en tout état de cause renoncé au projet.
Concernant la conversation téléphonique du 17 avril 2020, il reconnaît son caractère houleux mais affirme d’une part avoir pris le soin de demander à M. [J] s’il pouvait le déranger durant ses congés et, d’autre part, considère que ce dernier, supportant mal le confinement, a entamé un long monologue sur ses conditions de travail et sur sa vie personnelle, ce qui l’a conduit à abréger la conversation sans toutefois raccrocher au nez de son interlocuteur.
M. [L] considère qu’au regard des pièces produites, il n’est pas possible de relier l’état de santé supposé de M. [J] à une dégradation de ses conditions de travail.
M. [L] observe que ni Mme [H] ni Mme [M] n’ont attesté dans le dossier. Il conteste avoir tenu les propos incriminés à leur encontre ainsi qu’à l’égard de Mme [B] et de Mme [S].
Concernant les témoignages de M. [R], le salarié expose que ce dernier était sous l’emprise d’un fort lien de subordination, qu’il l’a remplacé sur son poste postérieurement à son licenciement. Il considère qu’il n’atteste pas de faits précis et vérifiables, qu’il fait état de ressentis ce qui permet de constater l’acrimonie dissimulée qu’il ressentait à son égard, rappelant qu’il était son supérieur hiérarchique.
Il verse aux débats un SMS échangé le 4 mai 2020 avec M. [R] aux termes duquel ce dernier déclare apprécier leurs échanges sur l’amélioration des pratiques managériales.
De façon plus générale, le salarié indique que lors des périodes de confinement, il a été contraint d’appliquer des consignes émanant de sa direction avec lesquelles il n’était pas en accord, que les organisations mises en place se révélaient changeantes, de sorte qu’il était régulièrement placé en porte à faux.
S’il ressort de l’ensemble de ces éléments que les périodes de confinement ont été difficilement vécues au sein de l’entreprise par M. [L] ainsi que par une partie des salariés, qu’elles ont pu, comme pour tout travailleur, être source de questionnements, d’inquiétudes voire d’angoisses, la cour constate que le salarié ne produit pas d’élément de nature à remettre utilement en cause la pertinence et la valeur probante des témoignages concordants communiqués par l’employeur.
Si M. [L] produit des copies d’échanges avec ses collaborateurs et collègues, la cour constate d’une part qu’une partie de ceux-ci est antérieure aux faits reprochés et, d’autre part, que pour l’exécution d’une partie de ses missions, le salarié faisait preuve d’un ton adapté.
Ces éléments ne sont cependant pas suffisants pour remettre en cause l’existence de comportements managériaux inadaptés de la part de M. [L], comportements ayant généré de la souffrance chez certains de ses collaborateurs.
Si le salarié soutient que son licenciement était motivé par des économies salariales pour l’entreprise, cette dernière établit que M. [L] a effectivement été remplacé à son poste, que des remplacements en cascade sont intervenus au sein de la société et que des embauches ont été réalisées.
Le comportement d’un cadre responsable qui, par des propos outranciers ou dévalorisants, une attitude méprisante et déstabilisante, des agissements excessifs et outranciers provoque un climat de travail délétère générant une situation de stress et de souffrance au travail subie par le personnel et entraînant une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à leur dignité ou d’altérer leur santé physique ou mentale caractérise la faute grave justifiant un licenciement immédiat.
L’employeur démontre que par des agissements excessifs et outranciers, M. [L] a provoqué un climat de travail anxiogène pour certains salariés générant une situation de stress et de souffrance au travail, de sorte que le licenciement pour faute grave prononcé est justifié.
Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.
Par voie de conséquence, le jugement entrepris est également confirmé en ce qu’il a débouté M. [L] de ses demandes au titre du rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, de l’indemnité compensatrice de préavis, de l’indemnité de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la remise sous astreinte de nouveaux documents de fin de contrat.
2/ Sur la demande au titre du licenciement brutal et vexatoire
M. [L] soutient que le licenciement s’est déroulé dans des circonstances particulièrement vexatoires en ce qu’il a été déstabilisé, que la direction générale a réuni son équipe afin de recueillir des témoignages à son encontre, que sa probité a été mise en cause.
Il affirme avoir subi un préjudice dont il demande réparation à hauteur de 25 000 euros.
La société, qui soutient que le licenciement était justifié, considère que le salarié n’apporte pas la preuve de ce qu’elle aurait commis une faute ni que le licenciement revêtirait un caractère vexatoire.
Sur ce ;
Le salarié peut réclamer la réparation d’un préjudice particulier lié au caractère abusif et vexatoire de la procédure.
Il lui appartient d’établir à cet égard un comportement fautif de l’employeur.
En l’espèce, il ne résulte pas des pièces versées aux débats des éléments établissant des circonstances particulières de mise en oeuvre de la procédure de licenciement de manière brutale ou vexatoire, l’employeur ayant uniquement diligenté une enquête interne à la suite des propos tenus par une salariée.
Par confirmation du jugement entrepris, l’appelant est débouté de sa demande.
3/ Sur la demande au titre du préjudice moral
Le salarié indique avoir été particulièrement affecté par son licenciement. Il précise avoir été placé en arrêt de travail dès le 24 juin 2020, avoir suivi un traitement anti dépresseur et anxiolytique durant 3 mois.
L’employeur, qui rappelle que le licenciement était justifié, soutient que c’est à bon droit que le salarié a été mis à pied à titre conservatoire. En outre, il précise que le salarié n’indique pas sur quel fondement juridique il forme sa demande.
Sur ce ;
Il a été précédemment jugé que le licenciement du salarié était justifié par une faute grave.
M. [L] n’établissant pas que son employeur a commis une faute génératrice d’un préjudice doit être débouté de sa demande.
Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.
4/ Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il serait inéquitable de laisser à la charge de l’employeur les frais non compris dans les dépens qu’il a pu exposer.
Il convient en l’espèce de condamner le salarié, appelant succombant dans la présente instance, à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel et de confirmer la condamnation à ce titre pour les frais irrépétibles de première instance.
Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de M. [L] les frais irrépétibles exposés par lui.
Il y a également lieu de condamner le salarié appelant aux dépens d’appel et de confirmer sa condamnation aux dépens de première instance.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant contradictoirement, en dernier ressort ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes de Louviers du 25 mai 2022 ;
Y ajoutant :
Condamne M. [I] [L] à verser à la société Erlab DFS la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne M. [I] [L] aux dépens d’appel.
La greffière La présidente