Mme [T] a été embauchée par la société Alstom renewable power hydro France en 2012 en tant qu’ingénieur d’études. Après son congé maternité, elle n’a pas retrouvé son activité antérieure et a été déclarée inapte à son poste. Elle a été licenciée pour inaptitude avec impossibilité de reclassement en juin 2019. Mme [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Grenoble pour discrimination fondée sur son sexe, sa situation familiale et sa grossesse, ainsi que pour exécution déloyale du plan de sauvegarde de l’emploi. Le conseil de prud’hommes a débouté Mme [T] de ses demandes. En appel, Mme [T] demande la reconnaissance de la discrimination, des rappels de salaire, des dommages et intérêts, et la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur. La société GE Hydro France s’oppose à ces demandes. La cour doit statuer sur la discrimination, le respect du principe « à travail égal, salaire égal », la perte de chance de bénéficier des mesures du PSE, la résiliation judiciaire du contrat de travail, et les demandes indemnitaires afférentes à la rupture.
Ordonnance de remise de documents
Il y a lieu d’ordonner à la société GE Hydro France de remettre à Mme [T] une attestation France travail (ex Pôle emploi), un certificat de travail et le reçu de solde de tout compte conformes au présent arrêt, sans qu’il soit nécessaire de prévoir en l’état une astreinte.
Demandes accessoires
Au visa de l’article 696 du code de procédure civile, il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris, de condamner la société GE Hydro France, partie perdante, aux dépens de première instance et d’appel.
Infirmant le jugement entrepris, l’équité commande de condamner la société GE Hydro France à payer à Mme [O] [T] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Les parties sont déboutées du surplus de leurs prétentions au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
#NAME?
Réglementation applicable
Selon l’article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.
Aux termes de l’article L. 1134-1 du même code, lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Selon l’article L. 1225-25 du même code, à l’issue du congé de maternité, la salariée retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente.
L’article L. 1225-27 du même code dispose que la salariée qui reprend son activité à l’issue d’un congé de maternité a droit à l’entretien professionnel mentionné au I de l’article L. 6315-1.
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Me Sophie BAUER
– Me Alexis GRIMAUD
– Me Bérangère DE NAZELLE
Mots clefs associés
– société GE Hydro France
– Mme [T]
– attestation France travail
– certificat de travail
– reçu de solde de tout compte
– arrêt
– astreinte
– article 696 du code de procédure civile
– dépens
– équité
– somme de 3 000 euros
– article 700 du code de procédure civile
– parties
– jugement
– demandes accessoires
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
C 2
N° RG 22/01306
N° Portalis DBVM-V-B7G-LJTT
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
Me Sophie BAUER
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section B
ARRÊT DU JEUDI 04 AVRIL 2024
Appel d’une décision (N° RG 19/00254)
rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Grenoble
en date du 03 mars 2022
suivant déclaration d’appel du 31 mars 2022
APPELANTE :
Madame [O] [T]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Sophie BAUER, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMEE :
S.A.S. GE HYDRO FRANCE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,
et par Me Bérangère DE NAZELLE, avocat plaidant au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,
M. Jean-Yves POURRET, Conseiller,
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,
DÉBATS :
A l’audience publique du 14 février 2024,
Jean-Yves POURRET, conseiller chargé du rapport et Frédéric BLANC, conseiller faisant fonction de président, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;
Puis l’affaire a été mise en délibéré au 04 avril 2024, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L’arrêt a été rendu le 04 avril 2024.
EXPOSE DU LITIGE
Mme [O] [T], née le 2 août 1984, a été embauchée par la société Alstom renewable power hydro France, au bureau d’études hydromécaniques, le 1er juillet 2012 suivant contrat à durée indéterminée en qualité d’ingénieur d’études, statut cadre, position 2, coefficient 100 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972.
Le 1er août 2015, Mme [T] a intégré l’équipe « offres et ventes’» en qualité de «’sales and tendering manager junior’», correspondant à la classification interne «’PB.’».
Au dernier état de la relation contractuelle, elle est positionnée au niveau 11, coefficient 108 de la convention collective susmentionnée et perçoit en contrepartie une rémunération brute moyenne mensuelle de 3’445 euros.
A compter de mars 2017, son contrat de travail a été transféré au profit de la société GE Hydro France.
Mme [T] a été placée en congé pathologique à compter du 10 février 2017 en raison de sa grossesse, puis en congé maternité du 24 février au 15 juin 2017, à l’issue duquel elle a fait l’objet d’un arrêt maladie du 16 juin au 31 juillet 2017.
A la suite de périodes successives de congés payés et d’arrêts maladie, elle a repris son poste le 15 janvier 2018 dans le cadre d’une reprise progressive tel que prévu par un accord d’entreprise.
Du 6 février au 9 mars 2018, elle a de nouveau fait l’objet d’un arrêt maladie et s’est ensuite absentée à plusieurs reprises au cours du premier semestre 2018.
Parallèlement, la société GE Hydro France a conclu le 22 mai 2018, un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) avec l’ensemble des organisations syndicales représentatives.
Cet accord a été validé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) le 1er juin 2018 et contenait, entre autres mesures, un plan de départs volontaires qui a débuté le 11 juin suivant.
Mme [T] a postulé à ce plan dans le cadre d’un projet de création d’entreprise. Sa candidature a été rejetée en application des critères prévus par le plan.
Elle a alors postulé en qualité de bénéficiaire indirect, mais là aussi, la commission de suivi du 5 octobre 2018 a rejeté sa candidature au motif d’une absence de remplaçant souhaitant reprendre ses fonctions.
Le 19 mars 2019, dans le cadre d’une visite de reprise faisant suite à un arrêt maladie, Mme [T] a été déclarée’« inapte à tout poste dans son service actuel, mais pourrait occuper un poste équivalent dans un autre collectif de travail y compris au sein du groupe General electric’» par le médecin du travail.
Après recherches de reclassement et consultation des délégués du personnel le 17 mai 2019, la société GE Hydro France a convoqué Mme [T] à l’entretien préalable à son licenciement fixé au 4 juin 2019, auquel elle n’est pas présentée.
Le 7 juin 2019, Mme [T] a été licenciée pour inaptitude avec impossibilité de reclassement.
Par requête du 27 mars 2019, Mme [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Grenoble aux fins de voir constater une situation de discrimination fondée sur son sexe, sur sa situation familiale et sa grossesse, reconnaitre une exécution déloyale du plan de sauvegarde de l’emploi par son employeur, d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur et la condamnation de son employeur à lui payer les indemnités afférentes à ces différentes prétentions.
La société GE Hydro France s’est opposée aux prétentions adverses.
Par jugement du 3 mars 2022, le conseil de prud’hommes de Grenoble a’:
Dit que la discrimination et la violation du principe « à travail égal, salaire égal’» ne sont pas avérées’;
Dit n’y avoir lieu à reclassification de Mme [T]’;
Dit que la société GE Hydro France a appliqué loyalement le plan de sauvegarde de l’emploi’;
Dit n’y avoir lieu à résiliation judiciaire du contrat de travail’;
Débouté Mme [T] de l’ensemble de ses demandes’;
Débouté la société GE Hydro France de sa demande reconventionnelle’;
Condamné Mme [T] aux dépens.
La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signé le 4 mars 2022 pour Mme [T] et tamponné le 4 mars 2022 pour la société General electric hydro France.
Par déclaration en date du 31 mars 2022, Mme [T] a interjeté appel.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 1er décembre 2023, Mme [T] sollicite de la cour de’:
Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Grenoble le 3 mars 2022 en ce qu’il a :
– Dit que la discrimination et la violation du principe « à travail égal, salaire égal » ne sont pas avérés’;
– Dit n’y avoir lieu à reclassification de Mme [T]’;
– Dit que la société GE Hydro France a appliqué loyalement le plan de sauvegarde de l’emploi’;
– Dit n’y avoir lieu à résiliation judiciaire du contrat de travail’;
– Débouté Mme [T] de l’ensemble de ses demandes, à savoir :
Constater que Mme [T] a été victime d’une discrimination fondée sur le sexe et sur la situation familiale et la grossesse’;
Et, subsidiairement, que le principe général « à travail égal, salaire égal » a été violé et que la société GE Hydro France n’a pas respecté les dispositions impératives relatives au retour d’une salariée après un congé maternité’;
Attribuer à Mme [T] :
– La classification LPB propre à la société GE Hydro France depuis le 1er janvier 2016′;
– La classification SPB depuis le 1er janvier 2018′;
– La position III, indice 135, en application de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie’;
Condamner la société GE Hydro France à payer à Mme [T] les rappels de salaire suivants du fait de la discrimination subie (et subsidiairement de la violation de la règle « à travail égal, salaire égal») :
– A titre principal au titre du salaire de base de :
Avril 2016 à mars 2017 : 10 712 euros brut outre 1’071,20 euros brut au titre des congés payés afférents’;
Avril à juillet 2017 : 3’548,15 euros brut outre 354,82 euros brut au titre des congés payés afférents’;
Août 2017 à avril 2018 : 7’717,51 euros brut outre 771,75 euros brut au titre des congés payés afférents’;
Mai 2018 à avril 2019 : 11’747,50 euros brut outre 1’174,75 euros brut au titre des congés payés afférents’;
Mai 2019 : 988,50 euros brut outre 98,85 euros brut au titre des congés payés afférents’;
– A titre subsidiaire au titre du salaire de base de :
Avril 2016 à mars 2017 : 4’557,20 euros brut outre 455,72 euros brut au titre des congés payés afférents’;
Avril à juillet 2017 : 1’339,60 euros brut outre 133,96 euros brut au titre des congés payés afférents’;
Août 2017 à avril 2018 : 2’913,73 euros brut outre 291,37 euros brut au titre des congés payés afférents’;
Mai 2018 à avril 2019 : 4 407 euros brut outre 440,70 euros brut au titre des congés payés afférents’;
Mai 2019 : 373,21 euros brut outre 37,32 euros brut au titre des congés payés afférents’;
– Au titre du variable pour l’année 2018′:
A titre principal, 8’361,40 euros brut outre 836,14 euros brut au titre des congés payés afférents’;
A titre subsidiaire, 7’271,55 euros brut outre 727,16 euros brut au titre des congés payés afférents’;
A titre infiniment subsidiaire, 6’485,70 euros brut outre 648,57 euros brut au titre des congés payés afférents’;
– A titre de dommages et intérêts :
5000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la stagnation de son salaire’;
15 000 euros en réparation du préjudice spécifique subi du fait de la discrimination fondée sur le sexe et subsidiairement du fait de la violation de la règle « à travail égal, salaire égal »’;
15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice spécifique découlant de la discrimination fondée sur la situation de famille et la grossesse et de l’absence de réintégration après le congé maternité sur son précédent emploi ;
Condamner la société GE Hydro France à verser à Mme [T] à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier des dispositions favorables du PSE du fait de l’exécution déloyale de celui-ci par l’entreprise :
– A titre principal si la discrimination était retenue, 110’000 euros’;
– A titre subsidiaire, si la discrimination n’était pas reconnue mais que la violation de la règle «’à travail égal, salaire égal’» était constatée : 102 000 euros’;
– A titre infiniment subsidiaire sur la base du salaire réel : 97 000 euros’;
Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de Mme [T] aux torts exclusifs de la société GE Hydro France à la date du 8 juin 2019 et dire qu’elle produit les effets d’un licenciement nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse’;
En conséquence,
Condamner la société GE Hydro France à verser à Mme [T] les sommes suivantes au titre de:
– L’indemnité compensatrice de préavis :
A titre principal, 16’252,11 euros brut outre 1’625,21 euros brut au titre des congés payés afférents’;
A titre subsidiaire, 13’014,14 euros brut outre 1’301,41 euros brut au titre des congés payés afférents’;
A titre infiniment subsidiaire, 12’817,67 euros brut outre 1’281,77 euros brut au titre des congés payés afférents’;
– Du solde de l’indemnité légale de licenciement’:
A titre principal : (5 348.29 € x ¿ x 6,33) ‘ 6’355,71 = 2’107,95 euros net’;
A titre subsidiaire : (4 651,17 x ¿ x 6,33) ‘ 6’355,71 = 1’004,77 euros net’;
– Des dommages et intérêts pour nullité de la rupture et subsidiairement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 56 000 euros net’;
Ordonner la remise d’une fiche de paie récapitulative, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle emploi, reprenant les différentes condamnations prononcées et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard’;
Condamner la société GE Hydro France aux entiers dépens et au règlement de la somme de 3’500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
– Condamné Mme [T] aux dépens’;
Statuant à nouveau,
Constater que Mme [T] n’a pas été réintégrée dans ses fonctions à compter de janvier 2018′;
Constater que la société GE Hydro France n’a pas respecté les dispositions impératives relatives au retour d’une salariée après un congé maternité et a violé les articles L.’1225-25 à L. 1225-27 du code du travail’;
Constater Mme [T] a été victime d’une discrimination fondée sur le sexe et sur la situation familiale et la grossesse et subsidiairement que le principe général « à travail égal, salaire égal »’;
Attribuer à Mme [T]’:
– La classification LPB propre à la société GE Hydro France depuis le 1er janvier 2016′;
– La classification SPB depuis le 1er janvier 2018′;
– La position III, indice 135, en application de la convention collectives nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie’;
– Condamner la société GE Hydro France à payer à Mme [T] les rappels de salaire suivants du fait de la discrimination subie (et subsidiairement de la violation de la règle « à travail égal, salaire égal ») :
Au titre du salaire de base :
– En 2016 (d’avril à décembre) : 337,03 x 9 mois = 3’033,25 euros brut, outre 303,32 euros brut au titre des congés payés afférents’;
– En 2017 : 337,04 euros x 3 mois + 341,47 euros x 4 mois + 346,45 x 5 mois = 4’109,19 euros brut outre 410,92 euros brut au titre des congés payés afférents’;
– En 2018 : 346,46 euros x 4 mois + 367,25 euros x 8 mois = 4’323,80 euros brut outre 432,38 euros brut au titre des congés payés afférents’;
– En 2019 : 367,25 x 4 mois + 373,21 euros brut= 1’866,04 euros brut outre 186,60 euros brut au titre des congés payés afférents’;
Au titre de variable pour l’année 2018′:
– A titre principal 6’944,20 euros brut, outre 694,42 euros brut au titre des congés payés afférents’;
– A titre subsidiaire 6’312,91 euros brut, outre 631,29 euros brut au titre des congés payés afférents’;
Au titre du variable pour l’année 2017 :
– A titre principal 3’283,13 euros brut, outre 328,31 euros brut au titre des congés payés afférents’;
– A titre subsidiaire 2’872,21 euros brut, outre 287,22 euros brut au titre des congés payés afférents’;
A titre de dommages et intérêts :
– 15 000 euros en réparation du préjudice spécifique subi du fait de la discrimination fondée sur le sexe et subsidiairement du fait de la violation de la règle « à travail égal, salaire égal »’;
– 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice spécifique découlant de la discrimination fondée sur la situation de famille et la grossesse et de l’absence de réintégration après le congé maternité sur son précédent emploi ;
Condamner la société GE Hydro France à verser à Mme [T] à titre de dommage et intérêts pour perte de chance de bénéficier des dispositions favorables du PSE du fait de l’exécution déloyale de celui-ci par l’entreprise, la somme de 110’000 euros’;
Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de Mme [T] aux torts exclusifs de la société GE Hydro France à la date du 8 juin 2019 et dire qu’elle produit les effets d’un licenciement nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse’;
En conséquence,
Condamner la société GE Hydro France à verser à Mme [T] les sommes suivantes au titre :
– De l’indemnité compensatrice de préavis :
A titre principal, 12’315,88 euros brut outre 1’231,59 euros brut au titre des congés payés afférents’;
A titre subsidiaire, 11’196,25 euros brut outre 1’119,63 euros brut au titre des congés payés afférents’;
– Du solde de l’indemnité légale de licenciement pour un montant de 2’784,49 euros net’;
– Des dommages et intérêts pour nullité de la rupture et subsidiairement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 56 000 euros net’;
Ordonner la remise d’une fiche de paie récapitulative, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle emploi, reprenant les différentes condamnations prononcées et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard’;
Condamner la société GE Hydro France aux entiers dépens et au règlement de la somme de 4’500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
Débouter la société de toutes ses demandes reconventionnelles.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 22 novembre 2023, la société GE Hydro France sollicite de la cour de’:
A titre principal,
Déclarer irrecevable la nouvelle demande de rappel de rémunération variable au titre de l’année 2017;
Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Grenoble du 3 mars 2022 ;
En conséquence,
Débouter Mme [T] de l’ensemble de ses demandes ;
Condamner Mme [T] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens’;
A titre subsidiaire,
– Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :
Si par extraordinaire, la cour devait considérer que la résiliation judiciaire devait produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle limiterait les condamnations aux sommes suivantes :
Indemnité compensatrice de préavis : 10 335 euros ;
Congés payés afférents : 1 033,50 euros ;
Indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse : 10 335 euros ;
– Sur la demande de dommages et intérêts pour perte de chance des dispositions favorables du PSE :
Limiter le montant des dommages et intérêts à de plus justes proportions ;
– Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice subi en raison de la discrimination sur le sexe et sur la situation de famille et la maternité et subsidiairement de la violation du principe « à travail égal, salaire égal »’;
Limiter le montant des dommages et intérêts à de plus justes proportions ;
Débouter Mme [T] du surplus de ses demandes.
Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l’article 455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 7 décembre 2023.
L’affaire, fixée pour être plaidée à l’audience du 14 février 2024, a été mise en délibéré au 4 avril 2024.
EXPOSE DES MOTIFS
I ‘ Sur la recevabilité de la demande nouvelle de rappel de rémunération variable au titre de l’année 2017
Selon l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
Aux termes de l’article 566 du même code, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
En l’espèce, la demande de rappel de rémunération variable pour l’année 2017, présentée pour la première fois en appel, est la conséquence ou le complément nécessaire de la demande de reclassification présentée en première instance.
Cette demande nouvelle est par conséquent recevable.
II – Sur la discrimination prohibée’
Selon l’article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.
Aux termes de l’article L. 1134-1 du même code, lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Selon l’article L. 1225-25 du même code, à l’issue du congé de maternité, la salariée retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente.
L’article L. 1225-27 du même code dispose que la salariée qui reprend son activité à l’issue d’un congé de maternité a droit à l’entretien professionnel mentionné au I de l’article L. 6315-1.
* En raison de la situation de famille ou de la grossesse
Premièrement, Mme [T] objective les éléments de fait suivants :
– Elle fait valoir qu’au retour de son congé maternité en janvier 2018, elle n’a pas eu l’entretien professionnel prévu par les dispositions précitées, qu’aucun document écrit n’a donc été établi et qu’elle n’a pas eu droit à une quelconque formation.
Quoique l’employeur se fonde sur une attestation de l’ancien responsable de la salariée pour contester cette absence d’entretien, il reconnaît explicitement dans ses écritures qu’aucun écrit n’a été rédigé à cette occasion. Au demeurant, ladite attestation qui émane d’un représentant direct de l’employeur n’a aucune valeur probante dès lors qu’elle n’est corroborée par aucune autre pièce.
Il est donc retenu l’absence d’établissement d’un écrit remis à la salariée consacré spécialement aux perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi, à l’occasion d’un entretien professionnel à son retour de congé.
– Elle expose encore qu’à son retour de congé maternité, aucune mission ne lui a été confiée sur une période de neuf mois, soit jusqu’en octobre de la même année. Pour en justifier, elle verse aux débats un courriel en date du 25 juillet 2018 dans lequel elle écrit «’ma charge est de zéro depuis mon retour de congé maternité’» ainsi que le courriel qu’elle a adressé à l’inspecteur du travail en date du 2 octobre 2018 dans lequel elle évoque cette «’mise au placard’» par sa hiérarchie puisqu’elle n’a «’plus aucun projet, plus aucune tâche à faire, plus aucune communication’».
Pris dans leur ensemble, ces éléments de fait laissent présumer l’existence d’une discrimination prohibée à raison de l’état de grossesse puisqu’il n’a pas été rédigé d’écrit matérialisant la réalité d’un entretien professionnel de reprise à son retour de congé maternité et dès lors que la salariée n’a pas retrouvé son activité antérieure.
Deuxièmement, la société GE Hydro France n’apporte pas les justifications étrangères à toute discrimination prohibée en ce que :
– Alors qu’il reconnaît l’absence d’écrit, l’employeur ne la justifie pas et au surplus, il ne démontre pas qu’indépendamment de cette absence d’écrit, des mesures concrètes ont réellement été mises en ‘uvre pour accompagner ce retour, spécialement en matière de formation professionnelle. Comme précédemment indiqué, la seule attestation de son représentant évoquant une formation en ligne n’est pas probante en l’absence d’autres justificatifs.
Ensuite, son moyen selon lequel la salariée ne s’en est plainte que plus d’un an plus tard à l’occasion de son action introduite le 25 mars 2019 est inopérant.
– Pour contester l’absence d’activité comparable à son activité antérieure au congé maternité, la circonstance évoquée par l’employeur que la salariée a conservé sa qualification et sa rémunération est indifférente dès lors que la cour ne peut en déduire l’existence d’une activité effective.
Il importe peu également d’une part que le terme légal du congé maternité ait été le 15 juin 2017, puisqu’il est admis par l’employeur, que la reprise effective après différentes absences justifiées (congés maladie ou congés payés) n’est intervenue qu’en janvier 2018 et d’autre part que Mme [T] n’ait pas eu recours à un congé parental durant cette période dont elle ne se plaint pas.
Quoique la salariée ait eu de nombreux jours d’absence sur la période de janvier à août 2018 comme mentionné dans les bulletins de paie (congés sans solde, absence pour maladie notamment), l’employeur reconnaît dans ses écritures une activité de 6,5 jours en janvier, 2 jours en février, 5 jours en mars, 6 jours en avril, 9 jours en mai, 12 jours en juin et 18 jours en juillet.
Le moyen général selon lequel l’avancement des projets et la rédaction des offres sont encadrés par des délais stricts fixés par le client est insuffisant pour démontrer qu’aucune activité ne pouvait être confiée à la salariée compte tenu de ses multiples absences. Au surplus, s’il affirme que Mme [T] est cependant intervenue en soutien à ses collègues, sur différentes offres, il n’en justifie qu’insuffisamment, en produisant un courriel du 24 octobre 2018.
Bien qu’elle établisse que l’activité était limitée durant cette période qui est également celle de la négociation d’un PSE, la société GE Hydro France s’abstient de justifier des modalités objectives d’attribution des offres et plus généralement de la répartition des tâches ou de la diminution d’activité pour l’ensemble des salariés du service.
Le fait que la salariée se soit de nouveau vu confier quelques tâches fin 2018 puis la rédaction d’une offre en janvier 2019 n’explique pas et encore moins ne justifie l’absence d’activité antérieure depuis son retour en janvier 2018.
Il est également indifférent que parallèlement la salariée ait postulé au plan de départ volontaire et encore que dans ce cadre elle ait confié au consultant en charge des accompagnements dans ce projet avoir initié une intense prospection commerciale afin de faire connaître sa démarche et commencer de formaliser des projets pendant le dernier trimestre 2018, date envisagée pour démarrer l’activité.
Il est encore sans emport qu’elle n’ait pas confié aux représentants du personnel ou aux organisations syndicales subir une discrimination à la date des faits.
La société GE Hydro France est en outre mal fondée à invoquer un manque de formation de la salariée alors qu’il lui appartenait le cas échéant de lui proposer de se former, observation faite que l’employeur ne peut soutenir qu’il a bien proposé des formations en se fondant sur une attestation sans valeur probante rédigée par son représentant.
Eu égard à l’ensemble de ces considérations, l’employeur ne prouve pas que ses agissements sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en raison de la situation de famille ou de la grossesse.
Il convient donc, par réformation du jugement entrepris, de dire que Mme [T] a été victime d’une discrimination prohibée à raison de sa situation de famille ou de sa grossesse.
Cette discrimination a directement causé un préjudice moral subi par Mme [T].
Infirmant le jugement entrepris, la société GE Hydro France est condamnée à payer à Mme [O] [T] la somme de 10’000 euros net à titre de dommages et intérêts.
* En raison du sexe’:
Premièrement, Mme [T] objective les éléments de fait suivants :
– Elle justifie (pièce n°49 et pièces adverses n°32 à 37) qu’alors que depuis que l’entreprise a été transférée au sein de GE Hydro France la classification interne des salariés commerciaux internationaux s’effectue en trois catégories croissantes à savoir’: Professional Band (PB), Lead Professional band (LPB) et Senior Professional Band (SPB), tous les salariés de l’équipe sont passés de PB à LPB en 2016 et de LPB à SPB au plus tard en mai 2017, sauf une autre salariée pour qui le passage est intervenu en janvier 2019 et elle-même qui est restée PB.
Elle démontre également avoir effectué des demandes de modification de sa classification fin 2016, début 2017 mais également avoir de nouveau évoqué la question en février 2018 et encore en juillet 2018 en produisant différents courriels en ce sens.
– Elle établit qu’elle a le salaire le plus bas des huit salariés de l’équipe en août 2018.
Deuxièmement, la société GE hydro France apporte les justifications étrangères à toute discrimination prohibée en ce que :
– S’agissant de la question de la classification, en reprenant un tableau effectué par la salariée elle-même sur la base de la situation des huit salariés du service présents dans l’entreprise en août 2018, l’employeur justifie que Mme [T] est celle qui a la plus faible ancienneté dans l’entreprise (6 ans) alors que celle des autres s’étalent entre 8 et 15 ans (voire même 33 ans pour l’une) mais également et surtout que dans le service lui-même, elle a aussi la plus faible expérience (3 ans) alors que celles des autres évoluent entre 6 ans et 12 ans. Ce faisant, l’employeur objective incontestablement une différence d’expérience dans le service puisque la salariée en a, a minima, deux fois moins que les autres.
Plus avant, à partir de l’analyse de leurs curriculum vitae, l’employeur établit aussi a minima que quatre autres salariés du service ont effectué des fonctions classables PB comme Mme [T] pendant 5 à 8 ans avant d’être classables LPB alors que cette dernière revendique une évolution de classification vers ce statut LPB au terme de quelques mois seulement dans le service.
Encore, l’analyse détaillée comparée des curriculum vitae des membres de l’équipe montre qu’à la différence d’elle, tous ont une expérience significative dans le domaine hydroélectrique ([B]’; [W]) ou dans le domaine de la rédaction et le montage d’offres ([P]’; [S]’; [L]). En revanche, Mme [T] ne disposait pas de la même expérience et des mêmes compétences commerciales avant son arrivée dans le service. En outre, avant d’intégrer l’entreprise en 2012 elle disposait d’une expérience restreinte en hydromécanique et d’aucune en électromécanique.
Quoiqu’elle ait en revanche à son avantage des compétences en langues étrangères (ukrainien et russe) ou en sciences politiques, ce qui a objectivement représenté un atout pour sa candidature dans l’entreprise et le service auquel elle est rattachée, ces éléments ne compensent pas la différence d’expérience dans le domaine avec la faible ancienneté d’autant que les projets sur lesquels elle justifie avoir travaillé sont situés au Portugal ou en Grèce.
La société GE Hydro France verse par ailleurs diverses pièces pour établir que sur les projets Ampilochia, Amari ou encore Tamega sur lesquels la salariée a oeuvré, elle n’était pas seule mais sous la responsabilité d’un autre salarié, de telle manière qu’il ne peut être retenu qu’elle travaillait en totale autonomie sur la globalité des projets pour revendiquer les changements de classification dès janvier 2016, soit quelques mois après son arrivée dans le service.
Il ne peut être déduit de la seule confirmation de la transmission d’une demande de changement de classification au service des ressources humaines par son supérieur dans un courriel laconique de mars 2017 que sa classification ne correspondait pas à la réalité de son travail.
– En ce qui concerne la différence de rémunération de 545 euros évoquée entre M. [E] qui a quitté l’entreprise en janvier 2016 ayant la même classification que Mme [T], elle est expliquée objectivement par la différence d’ancienneté dans l’entreprise et par les expériences antérieures différentes entre les deux salariés.
La différence de rémunération entre M. [V] et la salariée est également objectivement expliquée par la différence de classification, l’expérience dans le poste et l’expérience antérieure.
En ce qui concerne la situation de Mme [K], la seule autre seule femme exerçant dans le service, sa situation est objectivement différente de celle de Mme [T] puisqu’elle a douze ans d’expérience dans le service et trente-trois ans dans l’entreprise. Aussi, quoiqu’il apparaisse curieux qu’elle ait dû attendre janvier 2019 pour atteindre la classification SPB, ce dont l’employeur a manifestement convenu en procédant parallèlement à une augmentation substantielle de son salaire, il ne peut s’en déduire pour autant que Mme [T] a elle aussi été moins bien traitée que des hommes du service alors précisément que les développements qui précèdent montrent que ce n’est pas le cas.
Eu égard à l’ensemble de ces éléments, l’employeur démontre que si la salariée n’a pas atteint la classification LPB en 2016 comme l’intégralité des autres salariés puis la classification SPB en 2017 comme la plupart des autres salariés, c’est parce qu’elle avait de manière objective une expérience interne et/ou externe au service significativement inférieure et que même à la date de son licenciement elle n’avait toujours pas atteint l’expérience en années équivalente à celle de la moyenne de ses collègues hommes pour atteindre la classification intermédiaire LPB.
Confirmant le jugement entrepris, il est dit que Mme [T] n’a pas été discriminée en raison de son sexe. Mme [T] est par conséquent déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.
III ‘ Sur le respect de la règle «’à travail égal, salaire égal’»
Il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe «’à travail égal, salaire égal’» de soumettre au juge des éléments de faits susceptibles de caractériser une inégalité et ensuite, le cas échéant, à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs justifiant cette différence.
En l’espèce, alors que Mme [T] affirme qu’elle exerçait les mêmes fonctions que ses collègues promus en LPB en 2016 puis SPB en 2017, il ressort au contraire des développements qui précèdent et des différentes pièces concernant les projets sur lesquels elle a travaillé qu’à chaque fois elle est seulement intervenue sur une spécialité du projet et non sur l’intégralité en accompagnement d’un collègue de telle manière qu’elle n’objective pas une inégalité dans sa situation relativement à celle des autres salariés.
Confirmant le jugement entrepris, il est dit que l’employeur n’a pas manqué au principe «’à travail égal, salaire égal’».
IV ‘ Sur les demandes de rappel de salaire
Compte tenu du débouté de Mme [T] de ses demandes de dire qu’elle a été discriminée en raison de son sexe et que l’employeur n’a pas respecté le principe «’à travail égal, salaire égal’», elle ne justifie pas qu’elle devait être reclassée et bénéficier d’augmentations tant du salaire de base que de sa rémunération variable.
Confirmant le jugement déféré, Mme [O] [T] est déboutée de ses demandes de rappel de salaire de base et variable.
V – Sur la perte de chance de bénéficier des mesures du PSE
Premièrement, en ce qui concerne le rejet de sa candidature au départ volontaire, Mme [T] soutient qu’elle aurait dû bénéficier de six points si elle s’était vu attribuer deux points au titre de sa performance.
Or, les parties versent aux débats le formulaire de données personnelles qu’elle a signé ainsi que les modalités de calcul des qualités professionnelles selon l’accord de sauvegarde de l’emploi.
L’application de la formule de calcul conduit à retenir qu’avec un code de performance de 1 pour la période d’avril 2015 à mars 2016, et de 2 pour la période d’avril 2016 à décembre 2016, elle obtenait 0 point au titre des qualités professionnelles.
Quoiqu’elle soutienne que dans la mesure où elle sollicitait une évolution de carrière avec un changement de classification, elle aurait dû obtenir une note de performance de trois ce qui lui aurait permis d’obtenir deux points (en réalité un point en appliquant correctement la formule de calcul) au titre de ses qualités professionnelles, elle n’en justifie pas alors au demeurant qu’il a été précédemment retenu qu’il n’y avait pas de discrimination en raison de son sexe sur la période s’achevant en décembre 2016 compte tenu de sa faible expérience dans le service.
Eu égard à ces éléments, la salariée n’établit pas de manquement de l’employeur à son obligation d’exécuter loyalement le PSE.
Deuxièmement, pour se plaindre de l’impossibilité de bénéficier indirectement du plan de départ volontaire, elle allègue que le poste publié avec la qualification PB qu’elle conteste et qu’elle estime non conforme à la réalité n’a pas permis qu’un candidat se positionne’; ce qui a fait obstacle à son départ.
Cependant, dans la mesure où il a été précédemment retenu que sa classification n’était pas erronée compte tenu de sa récente arrivée dans le service, elle n’établit pas de manquement de l’employeur à ce titre.
Au surplus, l’employeur justifie qu’un candidat s’est bien positionné sur le poste de Mme [T] mais qu’il ne remplissait pas les conditions pour en bénéficier.
Confirmant le jugement entrepris, Mme [O] [T] est déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre de la perte de chance de bénéficier des dispositions du PSE.
VI ‘ Sur la demande de résiliation judiciaire
Le salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur en cas de manquements suffisamment graves de ce dernier à ses obligations contractuelles.
Il lui appartient d’établir la réalité des manquements reprochés à l’employeur et de démontrer que ceux-ci sont d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation contractuelle. En principe, la résiliation prononcée produit les mêmes effets qu’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Toutefois, la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur fondée sur des faits de discrimination, produit les effets d’un licenciement nul.
Il relève du pouvoir souverain des juges du fond d’apprécier si l’inexécution de certaines obligations résultant d’un contrat synallagmatique présente une gravité suffisante pour en justifier la résiliation.
Le juge, saisi d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, doit examiner l’ensemble des griefs invoqués au soutien de celle-ci, quelle que soit leur ancienneté.
Lorsqu’un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée.
En cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d’effet de la résiliation ne peut être fixée qu’au jour de la décision qui la prononce, sauf si le salarié a été licencié dans l’intervalle de sorte qu’elle produit alors ses effets à la date de l’envoi de la lettre de licenciement.
En l’espèce, la cour a précédemment retenu que Mme [T] a été discriminée en raison de sa situation de famille ou de sa grossesse à son retour postérieurement à son congé maternité en janvier 2018 notamment en ce qu’elle n’a pas retrouvé son activité antérieure.
Quoiqu’il soit établi que la salariée s’est vu confier quelques tâches fin octobre 2018 et que cette dernière reconnaisse dans ses écritures qu’il lui a été proposé de rédiger une offre ferme en janvier 2019 après l’intervention de son conseil auprès de l’employeur, Mme [T] a été en arrêt maladie le 23 janvier 2019 et à l’issue de la visite de reprise en date du 19 mars 2019 le médecin du travail a indiqué «’inapte à tout poste dans son service actuel, mais pourrait occuper un poste équivalent dans un autre collectif de travail, y compris au sein de General electric’».
Il s’infère nécessairement de cet avis qu’à la suite de cette discrimination dénoncée à l’employeur notamment par son conseil en décembre 2018, son état de santé ne permettait pas un retour dans son service, mais uniquement dans celui-ci.
Ces éléments établissent un manquement suffisamment grave de l’employeur et persistant au jour de la saisine du conseil de prud’hommes justifiant de prononcer la résolution du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement nul à la date du 7 juin 2019.
VII ‘ Sur les demandes indemnitaires afférentes à la rupture
Premièrement, en application de l’article L. 1234-5 du code du travail, compte tenu de ce que le contrat est résilié et qu’il produit les effets d’un licenciement nul, en l’absence de moyens utiles de l’employeur sur les montants sollicités, infirmant le jugement déféré, la société GE Hydro France est condamnée à payer à Mme [T] les sommes de 11 196,25 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, et de 1 119,63 euros brut au titre des congés payés afférents.
Deuxièmement, Mme [T] ayant déjà perçu une indemnité de licenciement et dans la mesure où elle a été précédemment déboutée de sa demande de rappel de salaire, elle n’est pas fondée à obtenir un complément prenant en compte la reclassification qu’elle n’a pas obtenue. Confirmant le jugement entrepris, elle est déboutée de sa demande au titre du solde de l’indemnité de licenciement.
Troisièmement, selon l’article L. 1235-3-1 du code du travail, dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Mme [T] justifie avoir perçu une allocation d’aide au retour à l’emploi à compter du 1er juillet 2019 jusqu’en décembre 2020 puis avoir ouvert un lieu d’accueil pour des activités culturelles, éducatives et de loisirs dans le pays voironnais.
Agée de 34 ans au jour du licenciement et ayant une ancienneté de plus de six années complètes dans l’entreprise, infirmant le jugement entrepris, la société GE Hydro France est condamnée à payer à Mme [T] la somme de 31’000 euros brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.
Il y a lieu d’ordonner à la société GE Hydro France de remettre à Mme [T] une attestation France travail (ex Pôle emploi), un certificat de travail et le reçu de solde de tout compte conformes au présent arrêt, sans qu’il soit nécessaire de prévoir en l’état une astreinte.
VIII ‘ Sur les demandes accessoires
Au visa de l’article 696 du code de procédure civile, il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris, de condamner la société GE Hydro France, partie perdante, aux dépens de première instance et d’appel.
Infirmant le jugement entrepris, l’équité commande de condamner la société GE Hydro France à payer à Mme [O] [T] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Les parties sont déboutées du surplus de leurs prétentions au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l’appel, et après en avoir délibéré conformément à la loi’;
DECLARE recevable en appel la demande de rappel de rémunération variable pour l’année 2017,
INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes, sauf en ce qu’il a’:
– dit que Mme [T] n’a pas été discriminée en raison de son sexe,
– débouté Mme [T] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la discrimination en raison de son sexe,
– dit que l’employeur n’a pas manqué au principe «’à travail égal, salaire égal’».
– débouté Mme [O] [T] de ses demandes de rappel de salaire de base et variable,
– débouté Mme [O] [T] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la perte de chance de bénéficier des dispositions du PSE,
– débouté Mme [O] [T] de sa demande au titre du solde de l’indemnité de licenciement,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
DIT que Mme [T] a été victime d’une discrimination prohibée à raison de sa situation de famille ou de sa grossesse,
CONDAMNE la société GE Hydro France à payer à Mme [O] [T] la somme de 10’000 euros net (dix mille euros) à titre de dommages et intérêts au titre de la discrimination en raison de sa situation de famille et de sa grossesse,
PRONONCE la résolution du contrat de travail aux torts de la société GE Hydro France produisant les effets d’un licenciement nul à la date du 7 juin 2019,
CONDAMNE la société GE Hydro France à payer à Mme [T] les sommes de’:
– 11 196,25 ‘euros brut (onze mille cent quatre-vingt-seize euros et vingt-cinq centimes) au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 1 119,63 euros brut (mille cent dix-neuf euros et soixante-trois centimes) au titre des congés payés afférents,
– 31’000 euros brut (trente-et-un mille euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
– 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
ORDONNE à la société GE Hydro France de remettre à Mme [T] une attestation France travail (ex Pôle emploi), un certificat de travail et le reçu de solde de tout compte conformes au présent arrêt,
DIT n’y avoir lieu en l’état d’assortir cette dernière condamnation d’une astreinte,
CONDAMNE la société GE Hydro France aux dépens de première instance et d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière Le Président