Fraude au phishing : les enseignements de l’affaire Qonto

Notez ce point juridique

Vous ne pourrez pas obtenir de remboursement de votre banque pour opération frauduleuse si vous faites preuve de négligences graves en communiquant vos codes secrets par SMS à une personne se présentant comme un conseiller (QONTO )et en communiquant également par mail des informations confidentielles.


La société NADGATIMO a été victime de virements frauduleux sur son compte bancaire domicilié à la banque OLINDA. Elle a saisi le tribunal de Paris pour obtenir le remboursement de la somme de 24.231,00 € correspondant aux montants virés aux escrocs. La société NADGATIMO soutient que la banque OLINDA a reconnu le caractère frauduleux des virements et doit donc lui rembourser la somme totale des opérations frauduleuses. La banque OLINDA affirme que les opérations ont été dûment authentifiées et consenties par le titulaire du compte, excluant ainsi toute obligation de remboursement. Elle soulève également la possibilité que l’épouse du gérant de la société NADGATIMO soit à l’origine des opérations contestées. L’affaire a été mise en délibéré pour le 4 avril 2024.

Remboursement des virements frauduleux

La société NADGATIMO a été victime d’une fraude au « phishing » où elle a communiqué ses codes secrets à une personne se faisant passer pour un conseiller QONTO. En conséquence, la société sera déboutée de ses demandes de remboursement des virements frauduleux.

Responsabilité de la banque OLINDA

La banque OLINDA n’a pas commis de faute dans ses obligations de vigilance en autorisant les virements, étant donné que les informations confidentielles ont été divulguées par la société NADGATIMO. Par conséquent, la société sera déboutée de ses demandes contre la banque.

Frais irrépétibles et dépens

La société NADGATIMO sera condamnée aux dépens de l’instance, mais ne recevra pas de compensation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.


Réglementation applicable

L’article L.133-6 – I du code monétaire et financier dispose que : « I. – Une opération de paiement est autorisée si le payeur a donné son consentement à son exécution ».

L’article L.133-19 IV) du code monétaire et financier dispose que : «IV. – Le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées si ces pertes résultent d’un agissement frauduleux de sa part ou s’il n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations mentionnées aux articles L. 133-16 et L. 133-17 ».

L’article L.133-23 du même code ajoute que : « Lorsqu’un utilisateur de services de paiement nie avoir autorisé une opération de paiement qui a été exécutée, ou affirme que l’opération de paiement n’a pas été exécutée correctement, il incombe à son prestataire de services de paiement de prouver que l’opération en question a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu’elle n’a pas été affectée par une déficience technique ou autre ».

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Maître Parfait HABA
– Maître Jean-Philippe GOSSET

Mots clefs associés

– Remboursement des virements frauduleux
– Consentement à l’exécution d’une opération de paiement
– Pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées
– Fraude au « phishing » ou hameçonnage
– Négligences graves
– Responsabilité de la banque OLINDA
– Obligation de vigilance de la banque
– Anomalies et irrégularités manifestes
– Dépens et frais irrépétibles

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

9ème chambre 3ème section

N° RG :
N° RG 22/11695 – N° Portalis 352J-W-B7G-CX5YC

N° MINUTE : 1

Assignation du :
27 Septembre 2022

JUGEMENT
rendu le 04 Avril 2024
DEMANDERESSE

S.C.I. NADGATIMO
[Adresse 4]
[Localité 3]

représentée par Maître Parfait HABA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0220

DÉFENDERESSE

S.A.S. OLINDA
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Maître Jean-Philippe GOSSET de la SELARL CABINET GOSSET, avocats au barreau de PARIS, avocat constitué et plaidant, vestiaire #B0812

Décision du 04 Avril 2024
9ème chambre 3ème section
N° RG 22/11695 – N° Portalis 352J-W-B7G-CX5YC

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Béatrice CHARLIER-BONATTI, Vice-présidente
Monsieur Gilles MALFRE, 1er Vice-président adjoint
Monsieur Hadrien BERTAUX, Juge

assistée de Pierre-Louis MICHALAK, Greffier,

DÉBATS

A l’audience du 29 Février 2024 tenue en audience publique devant Madame Béatrice CHARLIER-BONATTI, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 04 Avril 2024.

JUGEMENT

Prononcé en audience publique
Contradictoire
en premier ressort

FAITS ET PROCÉDURE

La société NADGATIMO, dont le gérant est Monsieur [I],est une société civile immobilière, titulaire d’un compte bancaire domicilié à la banque OLINDA SAS, ayant pour nom commercial QONTO.

Au mois de juillet 2022, la société NADGATIMO a été victime de plusieurs virements frauduleux au profit de plusieurs bénéficiaires inconnus. Elle a déposé plainte.

Par assignation en date du 27 septembre 2022, la société NADGATIMO a saisi le tribunal de Paris a saisi le tribunal de Paris afin de solliciter la condamnation de la banque OLINDA au remboursement de la somme de 24.231,00 € correspondant aux montants virés aux escrocs.

Par conclusions en date du 20 décembre 2023, la SCI NADGATIMO demande au tribunal de:

“DÉCLARER la société NADGATIMO recevable et bien fondée en ses demandes ;

À titre principal,
CONDAMNER la banque OLINDA SAS à rembourser à la société NADGATIMO la somme de 23.679,00 € correspondant au montant des sommes indûment virées aux escrocs outre le paiement des intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2022 et ce sous astreinte de 80 € par jour de retard à l’expiration d’un délai de 7 jours suivant la signification de la décision à intervenir jusqu’au complet paiement de la créance ;
À titre subsidiaire,
CONDAMNER la banque OLINDA SAS à payer et porter à la société NADGATIMO la somme de 23.679,00 € sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, outre le paiement des intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2022 et ce sous astreinte de 80 € par jour de retard à l’expiration d’un délai de 7 jours suivant la signification de la décision à intervenir jusqu’au complet paiement de la créance ;
ORDONNER la capitalisation des intérêts échus pour l’ensemble des sommes dues en application de l’article 1343-2 du code civil ;
REJETER la demande formée par la société OLINDA à l’encontre Madame [N] [C] [V], épouse [I], qui n’est pas partie à la présente procédure ;

En tout état de cause,
DÉBOUTER la société OLINDA de l’ensemble de ses demandes, fin et conclusions à l’encontre de la société NADGATIMO ;
DIRE n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;
CONDAMNER la banque OLINDA SAS à verser à la société NADGATIMO la somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, déduction faite ;
CONDAMNER la banque OLINDA SAS aux dépens.”

La société NADGATIMO soutient que la banque OLINDA a reconnu le caractère frauduleux des virements, qu’elle a ainsi l’obligation de lui rembourser le montant total des opérations frauduleuses, soit la somme de 23.679,00 €.

Elle expose qu’en matière de « phishing » ou de « spoofing », la jurisprudence a rendu plusieurs décisions d’où il ressort que trois conditions cumulatives doivent être réunies pour que la banque soit exonérée de sa responsabilité : le banquier doit démontrer que l’opération en cause a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu’elle n’a pas été affectée par une déficience technique ou autre.

Par conclusions récapitulatives signifiées par RPVA le 23 novembre 2023, la société OLINDA demande au tribunal de:

“RECEVOIR la société OLINDA en ses conclusions, l’y déclarant bien fondée ;
JUGER que la société NADGATIMO ne peut obtenir le remboursement par l’établissement de paiement OLINDA d’opérations cartes qu’elle a elle-même autorisées et, en toute hypothèse, exécutées suite à ses négligences graves ;
JUGER en outre que Madame [V], associée de la société NADGATIMO est susceptible d’avoir réalisé les opérations carte contestées ;
DEBOUTER en conséquence la société NADGATIMO de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l’encontre de la société OLINDA;
CONDAMNER la société NADGATIMO à verser à la société OLINDA la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
La CONDAMNER aux entiers dépens.”

La société OLINDA expose qu’elle a justifié de l’authentification forte mise en œuvre concernant l’autorisation des paiements par carte en ligne et que cette procédure exclut toute obligation de remboursement des opérations à l’égard de la société NADGATIMO dès lors que les opérations ont été dûment authentifiées et juridiquement consenties par le titulaire du compte.

Elle rappelle qu’elle a constaté que les opérations cartes litigieuses ont été authentifiées par ses services sans aucune déficience technique.

Elle soulève le fait que Madame [N] [C] [V], l’épouse de Monsieur [I], est également associée de la société NADGATIMO et qu’il ne serait pas impossible qu’elle soit à l’origine des opérations cartes que la société NADGATIMO conteste.

Enfin elle expose que la société NADGATIMO a divulgué ses informations confidentielles suite à des demandes reçues par SMS et mail.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées pour l’exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 1er février 2024 avec fixation à l’audience de plaidoirie du 29 février 2024. L’affaire a été mise en délibéré au 4 avril 2024.

SUR CE:

I. Sur la demande principale de remboursement des virements frauduleux:

L’article L.133-6 – I du code monétaire et financier dispose que : « I. – Une opération de paiement est autorisée si le payeur a donné son consentement à son exécution ».

L’article L.133-19 IV) du code monétaire et financier dispose que : «IV. – Le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées si ces pertes résultent d’un agissement frauduleux de sa part ou s’il n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations mentionnées aux articles L. 133-16 et L. 133-17 ».

L’article L.133-23 du même code ajoute que : « Lorsqu’un utilisateur de services de paiement nie avoir autorisé une opération de paiement qui a été exécutée, ou affirme que l’opération de paiement n’a pas été exécutée correctement, il incombe à son prestataire de services de paiement de prouver que l’opération en question a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu’elle n’a pas été affectée par une déficience technique ou autre ».

Au cas présent, il apparait qu’une semaine après l’envoi de SMS frauduleux, le fraudeur a appelé Monsieur [I] le matin, en se faisant passer pour un conseiller QONTO, lui indiquant qu’il lui a envoyé des SMS et un lien auxquel le concluant n’a jamais répondu.
Le fraudeur a insisté, en lui demandant de se connecter sur son interface pour faire une mise à jour, puis a mis fin à la communication. Monsieur [I] s’est alors connecté.

La société NADGATIMO a ainsi été victime d’une fraude dite au « phishing » ou hameçonnage par laquelle le client d’une banque authentifie de manière parfaitement conforme une opération en répondant à une tierce personne se faisant passer pour son conseiller bancaire et en lui transmettant par la suite ses données confidentielles d’authentification bancaires.

La société NADGATIMO a ainsi répondu à un certain « Lucas from Qonto » dont l’adresse mail apparente ne correspond pas à celle de la banque.

Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que les codes personnels choisis ont été communiqués par SMS suite à une demande par SMS d’une personne se présentant comme un conseiller QONTO.

Ainsi, la société NADGATIMO a fait preuve de négligences graves en communiquant ses codes secrets par SMS à la personne se présentant comme un conseiller QONTO et en communiquant également par mail ses informations confidentielles.

En conséquence, la société NADGATIMO sera déboutée de ses demandes à ce titre.

II. Sur la demande subsidiaire de responsabilité de la banque OLINDA pour manquement à ses obligations de vigilance et de vérification:

L’article 1231-1 du code civil dispose que «le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure».

Lorsque le dépositaire est un établissement de crédit ou une banque, il a une obligation de vigilance qui engage sa responsabilité vis-à-vis du client ou des tiers lorsque qu’il ne s’oppose pas à des opérations dont l’anomalie est apparente.

Sur cette obligation générale de vigilance, au regard du principe de non-ingérence, la banque ne peut pas procéder à des investigations particulières pour déterminer notamment l’identité du bénéficiaire ou l’objet de l’opération, ni intervenir pour empêcher son client d’effectuer un acte inopportun ou dangereux pour ses intérêts. La banque n’a donc pas à se préoccuper de la destination des fonds ou de l’opportunité des opérations effectuées et engagerait d’ailleurs sa responsabilité si elle n’exécutait pas les opérations régulièrement ordonnées par son client.

Il en va différemment si elle se trouve confrontée, à l’occasion d’opérations demandées par son client, à des anomalies et irrégularités manifestes qu’elle doit détecter, conformément à son obligation de vigilance.

A défaut d’anomalies apparentes, intellectuelles ou matérielles, le banquier teneur de compte n’a pas à s’immiscer dans les affaires de son client.

La société NADGATIMO n’établit pas les fautes dans les manquements à son devoir de vigilance dont la teneur est rappelée ci-dessus, qu’aurait commise la banque OLINDA en autorisant certains virements et ce d’autant plus que ces virements ont été rendus possibles avec la divulgation des informations confidentielles par la société NADGATIMO.

En conséquence de quoi, la société NADGATIMO sera déboutée de ses demandes fondées sur le défaut de vigilance de la banque OLINDA.

III. Sur les frais irrépétibles et les dépens:

Succombant à l’instance, la société NADGATIMO sera condamnée aux dépens, sur le fondement de l’article 696 du code de procédure civile.

Compte tenu du contexte, il n’apparait cependant pas inéquitable de ne pas faire droit aux demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe :

DEBOUTE la SCI NADGATIMO de l’ensemble de ses demandes ;

REJETTE les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SCI NADGATIMO aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 04 Avril 2024

Le GreffierLa Présidente

 

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x
Scroll to Top