Madame E a été licenciée pour ne pas avoir respecté les objectifs de durée moyenne de traitement des appels, malgré un accompagnement et une formation. Elle a saisi le conseil de prud’hommes pour obtenir des dommages-intérêts pour licenciement abusif, violation de l’obligation de formation, exécution déloyale du contrat de travail et violation de l’obligation de santé au travail. Le conseil des prud’hommes a jugé le licenciement comme étant avec cause réelle et sérieuse, mais a condamné l’employeur à payer diverses sommes à Madame E. Les deux parties ont interjeté appel. Madame E demande des dommages-intérêts plus importants, tandis que la société YZEE SERVICES conteste la décision du conseil des prud’hommes. L’affaire a été mise en délibéré pour le 26 janvier 2023.
Contestation du licenciement
En l’espèce, le licenciement de Madame [E] pour faute grave n’est pas justifié, car les retards et non-respects des temps de pause reprochés ne sont pas suffisants pour constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. De plus, aucun objectif fixé par l’employeur n’a été prouvé. Le jugement est donc réformé sur ce point.
Conséquences indemnitaires
Madame [E] se voit octroyer des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu’une indemnité de licenciement et une indemnité compensatrice de préavis. Cependant, sa demande de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de formation de l’employeur est rejetée.
Remboursement des allocations de chômage
La salariée devra rembourser les allocations de chômage versées, dans la limite de quatre mois.
Exécution déloyale du contrat
La demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail est rejetée, car le système de double écoute mis en place par l’employeur ne constitue pas une violation de la vie privée de la salariée.
Obligation relative à la santé au travail
La demande de dommages-intérêts pour méconnaissance de l’obligation de l’employeur relative à la santé au travail est également rejetée, car aucun manquement n’a été prouvé.
Dépens et demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile
La société YZEE SERVICES est condamnée aux dépens et à verser des sommes à Madame [E] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
1. Assurez-vous que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse, conformément à l’article L1232-1 du code du travail. Les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.
2. En cas de contestation du licenciement pour faute grave, vérifiez si les faits reprochés constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La lettre de licenciement fixe les limites du litige, mais le juge doit rechercher si les faits peuvent constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.
3. En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié peut demander des dommages et intérêts. Selon l’article 1235-3 du code du travail, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise ou octroyer une indemnité entre les montants minimaux et maximaux fixés par la loi. Il est important de calculer correctement les indemnités de licenciement et compensatoires de préavis pour éviter tout litige ultérieur.
————————-
Sur la contestation du licenciement
En application de l’article L1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. La cause doit être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.
La faute grave privative du préavis prévu à l’article L.1234-1 du même code résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée limitée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l’employeur.
La lettre de licenciement pour faute grave fixe les limites du litige. Cependant, à défaut de caractériser une faute grave, le juge doit rechercher si les faits peuvent constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.
En l’espèce, il est fait grief à Madame [E] de ne pas avoir respecté les horaires de travail qui lui étaient fixés par le planning à plusieurs reprises entre le 20 juin et le 10 juillet 2018.
Le règlement intérieur de la société produit aux débats mentionne que «tout salarié doit scrupuleusement respecter les horaires de travail qui lui sont attribués dans le cadre des règles de fonctionnement de l’entreprise et du service auquel il est affecté. Tout retard doit être immédiatement indiqué et justifié. Tout retard non motivé par des circonstances particulières constitue une faute passible de sanctions. La durée de travail s’entendant du temps effectif de travail, le personnel doit être à son poste de travail aux heures fixées par l’horaire affiché, du début à la fin du travail, hors pauses autorisées et pointées».
Une note de service du 27 octobre 2016 précise que le retard doit être exceptionnel, et qu’en cas de retard, le salarié ne peut prendre son travail avant de s’être présenté à son supérieur hiérarchique ou au poste de pilotage pour l’informer de son retard et des raisons de ce retard.
Il résulte également de cette note qu’un retard de moins de 15 minutes, est imputé en ARTT, qu’aucun justificatif n’est demandé au salarié ; que le retard compris entre 15 min et 3 heures est imputé en absence autorisée non rémunérée et qu’un justificatif peut éventuellement être demandé par le supérieur hiérarchique, et qu’un retard de plus de 3 heures, est imputé en absence autorisée non rémunérée et qu’un justificatif doit être demandé par le supérieur hiérarchique. Il est indiqué qu’en cas de renouvellement fréquents de retards, des sanctions disciplinaires pourront être envisagées.
Un courriel datée du 16 juillet 2018 indique que la salariée qui devait pointer lors de sa prise de poste chaque matin et après la pause de déjeuner, s’est présentée en retard sur son poste de travail à plusieurs reprises, avec les durées concernées les 3, 5 et 15 mai, 4 juin, 21 juin, 25 juin, 26 juin, 30 juin, 3 juillet, et 9 juillet. L’existence de ces retards ressort également des feuilles de pointage versées aux débats.
Madame [E] ne conteste pas l’existence de ces retards, indiquant seulement que l’un des retards s’explique par la survenue d’un accident de trajet, et que l’employeur ne respectait pas lui-même l’heure de fin de journée fixée à 18h puisque le salarié en communication téléphonique devait d’abord terminer son appel avant de partir. Cependant la salariée ne verse aucune pièce susceptible de démontrer l’accident de trajet dont elle se prévaut pour expliquer l’un de ses retards sans d’ailleurs en préciser la date.
En outre, il était prévu par la note de service dans son paragraphe consacré au pointage que le salarié devait se déconnecter à l’heure exacte à laquelle est planifiée son heure de départ ou quelques minutes après son heure de départ planifiée s’il devait finir de traiter un appel téléphonique qu’il a pris juste avant la fin de son horaire de travail. Ainsi, il ressort des pièces que la journée de travail de Madame [E] était planifiée pour se terminer
Réglementation applicable
– Article L1232-1 du code du travail
– Article L.1234-1 du code du travail
– Article 1235-3 du code du travail
– Article L1234-9 du code du travail
– Article R1234-2 du code du travail
– Article L1234-5 du code du travail
– Article L.6321-1 du code du travail
– Article L 632-1 du code du travail
– Article 1222-1 du code du travail
– Article 1121-1 du code du travail
– Article 4121-1 du code du travail
– Article L3121-60 du code du travail
– Article 696 du code de procédure civile
– Article 700 du code de procédure civile
Avocats
– Me Gérald VAIRON
– Me Loïc LE ROY
– Me Mikaël PELAN
– Me Francois MACQUERON
Mots clefs
– Licenciement
– Motif personnel
– Cause réelle et sérieuse
– Faute grave
– Horaires de travail
– Retards
– Temps de pause
– Objectifs
– Indemnités
– Formation
– Double écoute
– Vie privée
– Santé au travail
– Dépens
– Article 700 du code de procédure civile
Définitions juridiques
– Licenciement: rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur
– Motif personnel: raison liée à la personne du salarié justifiant un licenciement
– Cause réelle et sérieuse: motif légitime et vérifiable justifiant un licenciement
– Faute grave: manquement du salarié à ses obligations contractuelles justifiant un licenciement immédiat
– Horaires de travail: période pendant laquelle le salarié est tenu d’être présent au travail
– Retards: arrivée tardive au travail pouvant entraîner des sanctions
– Temps de pause: période pendant laquelle le salarié peut se reposer pendant sa journée de travail
– Objectifs: buts à atteindre fixés par l’employeur pour évaluer la performance du salarié
– Indemnités: sommes versées au salarié en cas de licenciement pour compenser la perte de revenus
– Formation: acquisition de compétences professionnelles par le salarié pour améliorer ses performances
– Double écoute: principe consistant à entendre les deux parties lors d’un conflit ou d’une situation litigieuse
– Vie privée: sphère personnelle du salarié protégée par la loi et l’employeur
– Santé au travail: ensemble des mesures prises pour préserver la santé et la sécurité des salariés au travail
– Dépens: frais engagés dans le cadre d’une procédure judiciaire
– Article 700 du code de procédure civile: disposition légale permettant au juge de condamner la partie perdante à verser une somme à l’autre partie pour ses frais de justice
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT DU
26 Janvier 2024
N° 46/24
N° RG 21/00936 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TUVM
NRS/CH
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LENS
en date du
10 Mai 2021
(RG 19/00156 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 26 Janvier 2024
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANTE :
Mme [L] [E]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Gérald VAIRON, avocat au barreau de BETHUNE
INTIMÉE :
S.A.R.L. YZEE SERVICES
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Loïc LE ROY, avocat au barreau de DOUAI, assisté de Me Mikaël PELAN, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Francois MACQUERON, avocat au barreau de PARIS
DÉBATS : à l’audience publique du 13 Décembre 2023
Tenue par Nathalie RICHEZ-SAULE
magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Nadine BERLY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Muriel LE BELLEC
: conseiller faisant fonction de PRÉSIDENT DE CHAMBRE
[V] [O]
: CONSEILLER
Nathalie RICHEZ-SAULE
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 26 Janvier 2024,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Muriel LE BELLEC, conseiller désigné pour exercer les fonctions de président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 15 novembre 2023
Madame [E] a été embauchée en qualité de conseiller clientèle services clients débutant, à temps complet position hiérarchique A223 classification administratif et tertiaire de la Convention Collective d’entreprise ASF du 30 avril 1998, par contrat à durée indéterminée en date du 25 juin 2013 par la société ASF nouvellement dénommée, YZEE SERVICES, qui exploite une activité de centre téléphonique et de centre d’appels et emploie plus de 11 salariés.
Par lettre remise en main propre le 19 juillet 2018, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à une mesure disciplinaire fixé au 1er août.
Par lettre du 16 août 2018, Madame [E] a été licenciée pour faute grave pour les motifs suivants :
«-dépassement de pauses :
Nous avons hélas constaté que vous dépassiez régulièrement vos pauses :
Le 19 juin 2018 : 19 minutes et 59 secondes de dépassement de pause journalier
Le 21 juin 2018 : 58 secondes de dépassement de pause journalier
Le 25 juin 2018 : 27 minutes de dépassement de pause journalier
Le 26 juin 2018 : 9 minutes et 58 secondes de dépassement de pause journalier
Le 28 juin 2018 : 12min58 de dépassement de pause journalier
Le 29 juin 2018 : 6 minutes de dépassement de pause journalier
Le 02 juillet 2018 : 21 minutes de dépassement de pause journalier
Le 03 juillet 2018 : 3 minutes et 58 secondes de dépassement de pause journalier
Le 04 juillet 2018 : 58 secondes de dépassement de pause journalier
Le 05 juillet 2018 : 24 minutes de dépassement de pause journalier
Le 06 juillet 2018 : 9 minutes et 58 secondes de dépassement de pause journalier
Le 09 juillet 2018 : 15 minutes et 58 secondes de dépassement de pause journalier
Entre le 19 juin et le 9 juillet vous cumulez un dépassement de pause journalier cumulé de 2 heures 32 minutes et 45 secondes.
Soit sur 15 jours de travail effectif, vous avez 12 jours sur lesquels vous dépassez vos pauses.
Lors de l’entretien, vous dites faire attention à vos pauses.
Nous vous rappelons les termes de notre règlement intérieur (III- discipline B ‘ organisation de travail) qui précise que les salariés sont tenus de respecter leur planning : tout salarié doit respecter scrupuleusement les horaires de travail qui lui sont attribués dans le cadre des règles de fonctionnement’ du service auquel il est affecté.
Les règles en vigueur au sein de la société indiquent que le nombre et la durée des pauses sont fixés par le chef de service. Le salarié doit respecter le nombre et la durée des temps de pause fixés. En effet les plannings horaires sont élaborés de manière à gérer, dans des conditions optimales, les variations d’appels tout au long de la journée et donc d’assurer la qualité de service que nous nous devons d’offrir aux clients aux clients de notre donneur d’ordre.
Or vous ne respectez pas ces modalités et ce, en dépit des différents rappels que peut vous faire votre hiérarchie. Force est de constater, que vous persistez à ne pas respecter votre temps de pause planifié et que vous dépassez quasiment systématiquement ce dernier.
-Retards
Nous avons hélas constaté à plusieurs reprises que vous avez pris votre poste de travail en retard :
Le 20 juin 2018, vous deviez débuter votre poste de travail à 09h00, vous avez pris votre poste à 09h01, soit avec 1 minute de retard.
Le 21 juin 2018, vous deviez reprendre votre poste de travail à 13h45, vous l’avez repris à 14h16, soit avec 31 minutes de retard.
Le 22 juin 2018, vous deviez débuter votre poste de travail à 09h00, vous avez pris votre poste à 09h01, soit avec 1 minute de retard.
Le 25 juin 2018, vous deviez reprendre votre poste de travail à 13h45, vous l’avez repris à 15h07, soit avec 1 heure et 22 minutes de retard.
Le 26 juin 2018, vous deviez débuter votre poste de travail à 09h00, vous avez pris votre poste à 09h01, soit avec 1 minute de retard.
Le 26 juin 2018, vous deviez reprendre votre poste de travail à 13h45, vous l’avez repris à 14h06, soit avec 21 minutes de retard.
Le 29 juin 2018, vous deviez débuter votre poste de travail à 09h00, vous avez pris votre poste à 09h02, soit avec 2 minutes de retard.
Le 30 juin 2018, vous deviez débuter votre poste de travail à 09h00, vous avez repris votre poste à 09h20, soit avec 20 minutes de retard.
Le 03 juillet 2018, vous deviez débuter votre poste de travail à 09h00, vous avez pris votre poste à 09h 13, soit avec 13 minutes de retard.
Le 04 juillet 2018, vous deviez débuter votre poste de travail à 09h00, vous avez pris votre poste à 09h02, soit avec 2 minutes de retard.
Le 05 juillet 2018, vous deviez débuter votre poste de travail à 09h00, vous avez pris votre poste à 09h02, soit avec 2 minutes de retard.
Le 09 juillet 2018, vous deviez débuter votre poste de travail à 09h00, vous avez pris votre poste à 09h06, soit avec 6 minutes de retard.
Le 10 juillet 2018, vous deviez débuter votre poste de travail à 09h00, vous avez pris votre poste à 09h03, soit avec 3 minutes de retard.
Lors de l’entretien du 1er août, vous évoquez prévenir l’entreprise de vos retards. Vous invoquez notamment un accident de voiture sur le trajet du travail : après vérification, nous n’avons trouvé aucune déclaration en ce sens.
Soit en cumulé, 12 jours où vous avez pris ou repris votre poste de travail en retard, sur une période de 15 jours de travail entre le 20 juin et le 10 juillet 2018.
Ces 12 retards représentent en cumulé 3 heures et 5 minutes de retards.
Or, votre superviseur vous sensibilise régulièrement sur l’importance de rendre et reprendre votre poste de travail à l’heure. Force est de constater que vous persistez à ne pas respecter vos horaires.
Ces non-respects répétés des règles en vigueur en matière d’horaire de travail ont notamment pour conséquence de dégrader la qualité de service que nous nous devons d’offrir à notre client donneur d’ordres et de pénaliser vos collègues qui doivent de ce fait assumer les appels que vous auriez dû gérer.
-Non atteinte des objectifs
Nous avons constaté que vos résultats depuis 2 mois sont nettement en deçà des attentes que nous pouvons avoir à votre égard, et ce en dépit de l’accompagnement de votre superviseur.
Sur le mois de juin 2018, l’objectif «0 transfert et 0 rappel» (dit OTOR) n’a pas été atteint. Vous deviez atteindre 73 %, or vous étiez à 66,60 % sur cette période. Cela prouve que vous ne répondez pas aux demandes clients et que ces derniers rappellent ou doivent être transférés.
Nous vous demandons également de bien prendre en charge vos clients afin de veiller à ce qu’ils ne rappellent pas le lendemain. Il s’agit de l’indicateur «réitération à 1 jour». Nous constatons que vous ne respectez jamais cet indicateur dans la mesure où vous êtes à 11,80 % en juin et à 10,80 % en juillet, là où votre objectif est de 9,50 %.
Par ailleurs, concernant le TEP, en juin 2018, vous atteignez 00 % et 37,50 % en juillet pour un objectif fixé à 61 %. Le TEP correspond à l’enquête de satisfaction client que les clients que vous avez eu en ligne reçoivent. En juin sur 3 enquêtes répondues par les clients que vous avez eu en ligne, toutes sont OK.
Sur le mois de juillet 2018, un des extraits de verbatim client indique «conseiller qui me maintient jusqu’au bout que je ne dispose pas du renouvellement du mobile alors que j’ai bien cette option. Un «lisez moi ce que vous avez sur votre…» condescendant jusqu’à se rendre compte de son erreur».
Enfin, votre durée moyenne de traitement générale (DMTG) qui correspond à moyenne du temps de communication, n’est pas à l’objectif. Vos résultats doivent être inférieurs à 8 minutes 50 secondes. Or nous avons constaté qu’en juin et en juillet vous ne respectez pas cet objectif dans la mesure ou vous avez une DMTG respectivement de 10 minutes 14 secondes et de 9 minutes 40 secondes.
Lors de l’entretien, vous dites : «je prends mes clients comme il faut, je traite mes appels correctement». Vous avez pourtant fait l’objet d’un accompagnement de la part de votre superviseur, Monsieur [Y] qui vous reçoit chaque semaine pour faire une revue de production au cours de laquelle il fait un point avec vous sur vos résultats et sur l’importance de les atteindre.
Vous avez également participé en juin 2018 à une formation « posture incomparable » de 7 heures afin de vous faire un rappel des éléments essentiels à avoir en termes de posture et de discours client, dans un objectif de satisfaction et d’enchantement client.
A l’aune de ces éléments il apparaît que vous persistez à ne pas mettre pas en oeuvre les consignes et la formation que vous avez reçues. Vous avez pourtant une parfaite connaissance de l’importance d’atteindre ces objectifs au regard des enjeux contractuels d’ASF envers notre donneur d’ordre Orange.
Ces éléments rendent impossible votre maintien dans l’entreprise».
Le 13 mai 2019, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Lens afin d’obtenir la condamnation de l’employeur à lui payer diverses sommes au titre des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité de licenciement, des dommages intérêts pour violation de l’obligation par l’employeur à son obligation de formation, pour exécution déloyale et de mauvaise foi du contrat de travail, et pour violation de l’obligation de santé au travail à l’égard de la salariée.
Par jugement du 10 mai 2021, le conseil des prud’hommes a :
-dit et jugé que le licenciement de Madame [E] est un licenciement avec cause réelle et sérieuse
-condamné la société YZEE SERVICES au paiement des sommes suivantes :
2385,76 euros nets au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
1789,32 euros nets au titre de l’indemnité légale de licenciement,
1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-débouté les parties de leurs autres demandes et condamné la société YZEE SERVICES aux entiers frais et dépens.
Le 31 mai 2021, Madame [E] a interjeté appel de cette décision. La société YZEE SERVICES a formé appel incident de certaines dispositions du jugement.
Aux termes de ses conclusions notifiées par le RPVA le 30 juin 2021, Madame [E] demande à la cour de :
– juger que le licenciement intervenu à l’encontre de la salariée est abusif et dénué de cause réelle et sérieuse, et de condamner l’employeur à payer à la requérante une somme de 12 000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2 385,76 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, et la somme de 1 789,32 euros à titre d’indemnité de licenciement.
-juger que l’employeur s’est rendu coupable d’une violation de son obligation de formation et de le condamner à payer à la salariée une somme de 3 000 euros à titre de dommages intérêts,
-juger que l’employeur s’est rendu coupable d’une exécution déloyale et de mauvaise foi du contrat de travail, et lui payer une somme de 10 000 euros de dommages intérêts sur ce fondement,
-juger que l’employeur s’est rendu coupable d’une violation de l’obligation de santé au travail à l’égard de la salariée et de le condamner à lui payer une somme de 8 000 euros à titre de dommages intérêts,
– condamner l’employeur à payer à la salariée une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et de le condamner aux dépens.
Aux termes de ses conclusions notifiées par le RPVA le 30 septembre 2021, la société YZEE SERVICES demande à la cour de :
-Déclarer Madame [E] mal fondée en son appel principal ;
-Déclarer YZEE SERVICES bien fondée en son appel incident ;
-Infirmer le jugement déféré du Conseil de Prud’hommes de Lens du 10 mai 2021 en ce qu’il a jugé que le licenciement de Madame [E] était avec cause réelle et sérieuse, condamné la société YZEE SERVICES au paiement des sommes suivantes : 2385,76 euros nets au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, 1789,32 euros nets au titre de l’indemnité légale de licenciement, 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et en ce qu’il a débouté la société YZEE SERVICES de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné la société YZEE SERVICES aux entiers frais et dépens,
-Confirmer le jugement déféré du Conseil de Prud’hommes de Lens du 10 mai 2021 en ce qu’il a débouté Madame [E] de ses autres demandes,
Statuant à nouveau :
-Juger que le licenciement de Madame [E] fondé sur une faute grave et non une faute simple,
-Débouter Madame [E] de l’ensemble de ses demandes,
-Condamner Madame [E] à verser à la société YZEE SERVICES 2.000 euros en application de l’article 700 au titre de la première instance et de la procédure d’appel,
-Condamner Madame [E] aux entiers frais et dépens.
Il convient de se référer aux dernières conclusions des parties régulièrement notifiées par le RPVA pour l’exposé de leurs moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile.
La clôture des débats a été prononcée par ordonnance du 15 novembre 2023.
L’affaire a été appelée à l’audience du 13 décembre 2023 et mise en délibéré au 26 janvier 2023.
MOTIFS
Sur la contestation du licenciement
En application de l’article L1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. La cause doit être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.
La faute grave privative du préavis prévu à l’article L.1234-1 du même code résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée limitée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l’employeur.
La lettre de licenciement pour faute grave fixe les limites du litige. Cependant, à défaut de caractériser une faute grave, le juge doit rechercher si les faits peuvent constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.
En l’espèce, il est fait grief à Madame [E] de ne pas avoir respecté les horaires de travail qui lui étaient fixés par le planning à plusieurs reprises entre le 20 juin et le 10 juillet 2018.
Le règlement intérieur de la société produit aux débats mentionne que «tout salarié doit scrupuleusement respecter les horaires de travail qui lui sont attribués dans le cadre des règles de fonctionnement de l’entreprise et du service auquel il est affecté. Tout retard doit être immédiatement indiqué et justifié. Tout retard non motivé par des circonstances particulières constitue une faute passible de sanctions. La durée de travail s’entendant du temps effectif de travail, le personnel doit être à son poste de travail aux heures fixées par l’horaire affiché, du début à la fin du travail, hors pauses autorisées et pointées».
Une note de service du 27 octobre 2016 précise que le retard doit être exceptionnel, et qu’en cas de retard, le salarié ne peut prendre son travail avant de s’être présenté à son supérieur hiérarchique ou au poste de pilotage pour l’informer de son retard et des raisons de ce retard.
Il résulte également de cette note qu’un retard de moins de 15 minutes, est imputé en ARTT, qu’aucun justificatif n’est demandé au salarié ; que le retard compris entre 15 min et 3 heures est imputé en absence autorisée non rémunérée et qu’un justificatif peut éventuellement être demandé par le supérieur hiérarchique, et qu’un retard de plus de 3 heures, est imputé en absence autorisée non rémunérée et qu’un justificatif doit être demandé par le supérieur hiérarchique. Il est indiqué qu’en cas de renouvellement fréquents de retards, des sanctions disciplinaires pourront être envisagées.
Un courriel datée du 16 juillet 2018 indique que la salariée qui devait pointer lors de sa prise de poste chaque matin et après la pause de déjeuner, s’est présentée en retard sur son poste de travail à plusieurs reprises, avec les durées concernées les 3, 5 et 15 mai, 4 juin, 21 juin, 25 juin, 26 juin, 30 juin, 3 juillet, et 9 juillet. L’existence de ces retards ressort également des feuilles de pointage versées aux débats.
Madame [E] ne conteste pas l’existence de ces retards, indiquant seulement que l’un des retards s’explique par la survenue d’un accident de trajet, et que l’employeur ne respectait pas lui-même l’heure de fin de journée fixée à 18h puisque le salarié en communication téléphonique devait d’abord terminer son appel avant de partir. Cependant la salariée ne verse aucune pièce susceptible de démontrer l’accident de trajet dont elle se prévaut pour expliquer l’un de ses retards sans d’ailleurs en préciser la date.
En outre, il était prévu par la note de service dans son paragraphe consacré au pointage que le salarié devait se déconnecter à l’heure exacte à laquelle est planifiée son heure de
départ ou quelques minutes après son heure de départ planifiée s’il devait finir de traiter un appel téléphonique qu’il a pris juste avant la fin de son horaire de travail. Ainsi, il ressort des pièces que la journée de travail de Madame [E] était planifiée pour se terminer tous les jours à 17h15, et non à 18h et que les seuls dépassements se limitaient à 1 ou 2 minutes, à l’exception de la journée du 20 juin, au terme de laquelle Madame [E] a pointé à 17h24 au lieu de 17h15. Le grief reproché à la salariée est donc établi.
Il est également reproché à la salarié d’avoir dépassé les temps de pause prévus entre le 10 juin et le 9 juillet 2018. L’employeur précise que la salariée a dépassé d’une durée de 58 secondes à 19 minutes les temps de pause fixés par un planning défini par le chef de service.
La convention collective ASF dans son article 34 prévoit que les pauses sont prises par unité de travail pour ne pas perturber le fonctionnement du service et que c’est le chef de service qui définit l’unité de travail. Il est également indiqué que sauf contraintes du service, ce sont les salariés qui choisissent le moment des pauses, leur nombre et leur durée tout en respectant les minima prévus, soit pour une durée de travail effectif de 6 heures, une pause de 20 minutes minimum ou deux pauses de 10 minutes minimum. A ces pauses prévues s’ajoutent des pauses aisances.
Les feuilles de pointage démontrent que sur le planning de Madame [E] étaient prévues des temps de pause de 30 minutes sur sa journée de travail commençant à 9h et se terminant à 17h15, et que ces temps de pause n’ont pas été respectés par la salariée à plusieurs reprises comme détaillé dans la lettre de licenciement. Ce grief est donc également établi.
Cependant, il ne ressort d’aucune pièce que l’attention de Madame [E] ait été attirée sur l’importance de respecter les plannings fixés, ou qu’elle ait été préalablement sanctionnée pour ces motifs, de sorte que ces deux griefs tenant aux retards et au non-respect des temps de pause sur une durée réduite de trois semaines ne peuvent caractériser une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, et sont insuffisants pour constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Il est enfin reproché à Madame [E] de ne pas avoir atteint les objectifs qui lui étaient fixés concernant l’objectif «0 transfert et 0 rappel» et TEP correspondant à l’enquête de satisfaction client, et de ne pas respecter l’indicateur «réitération à 1 jour», ni celui de la durée moyenne de traitement générale (DMTG). Or, l’employeur ne verse aucune pièce susceptible de démontrer qu’il avait fixé à la salariée de tels objectifs avant la période considérée, et se contente de produire aux débats un courriel daté du 16 juillet
2018 contenant un tableau des objectifs atteints par la salariée sur les mois d’avril, mai, juin et juillet 2018, par rapport à celui qu’elle aurait dû atteindre compte tenu de l’objectif du donner d’ordre orange, sans aucun élément de comparaison concernant notamment les autres salariés. Ce grief n’est donc pas établi.
Eu égard à l’ensemble de ces éléments, les faits reprochés à Madame [E] tenant aux retard et au non-respect des temps de pause, bien que réels, ne sont pas suffisants pour justifier un licenciement pour faute grave, ni constituer une cause sérieuse de licenciement, dès lors que ces retards ont été constatés sur une brève période,
et que la salariée n’a jamais fait l’objet d’aucune sanction préalable pour ces motifs. Le jugement entrepris qui a retenu que licenciement pour cause réelle et sérieuse, mais non pour faute grave était justifié sera réformé sur ce point.
Sur les conséquences indemnitaires
Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
En application de l’article 1235-3 du code du travail, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur entre les montants minimaux et maximaux fixés par la loi, soit pour un salarié ayant 6 ans d’ancienneté une indemnité comprise entre 3 et 7 mois de salaire mensuel brut.
En l’espèce, Madame [E] avait une ancienneté de 6 ans au moment de son licenciement. Elle était âgée de 34 ans au moment de la rupture du contrat. Elle ne fournit aucun élément sur sa situation actuelle, mais justifie avoir bénéficié d’une allocation d’aide au retour à l’emploi à compter du 18 août 2018 jusqu’au 29 octobre 2018. Au regard de l’ancienneté de la salariée, de son âge, de sa rémunération moyenne mensuelle brute et de sa situation, il convient de lui allouer la somme de 7 000 euros, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
Sur l’indemnité de licenciement et sur l’indemnité compensatrice de préavis
L’article L1234-9 du code du travail dispose que «Le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte 8 mois d’ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.
Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire, ou le cas échéant par voie conventionnelle, lorsqu’ils sont plus favorables au salarié».
L’article R1234-2 du code du travail prévoit que «L’indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :
1° Un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans ;
2° Un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années à partir de dix ans».
Par ailleurs, aux termes de l’article L1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n’exécute pas le préavis, il a droit, sauf s’il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice, qui se cumule avec l’indemnité de licenciement. L’inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l’employeur, n’entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.
En l’espèce, le calcul de l’indemnité de licenciement présenté par le salarié qui sollicite l’application des dispositions réglementaires n’est pas contesté. Dès lors, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné l’employeur à verser au salarié la somme de 1 789,32 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement.
En outre, Madame [E], qui dispose d’une ancienneté supérieure à 2 ans, sollicite le paiement d’une indemnité compensatrice de préavis d’une durée de deux mois de salaires, soit la somme de 2385,76 euros. Dès lors que le principe et le montant de cette indemnité ne sont pas contestés par l’employeur, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a fait droit à la demande de Madame [E] sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de formation de l’employeur
L’article L.6321-1 du Code du Travail prévoit «L’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail.
Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.
Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu’à la lutte contre l’illettrisme, notamment des actions d’évaluation et de formation permettant l’accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret.
Les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de développement des compétences mentionné au 1° de l’article L 632-1. Elles peuvent permettre d’obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l’acquisition d’un bloc de compétences».
En l’espèce, il est établi que l’employeur a proposé à la salariée qui l’a effectuée une formation de 4 semaines en 2016 lors de son changement de poste. Il ressort également des pièces que le 6 juin 2018, Madame [E] a accepté d’effectuer de suivre une autre formation complémentaire.
En conséquence, Madame [E] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour violation par l’employeur de son obligation de formation.
Sur le remboursement des allocations de chômage
Les conditions d’application de L 1235-4 du code du travail étant réunies, il convient d’ordonner le remboursement des allocations de chômage versées à la salarié dans la limite de quatre mois. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts pour l’exécution déloyale du contrat
Aux termes de l’article 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. Par ailleurs l’article 1121-1 du même code prévoit que «Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché».
En l’espèce, Madame [E] soutient qu’elle aurait été sans arrêt scrutée par ses supérieurs par le système de double écoute mis en place, en violation des dispositions de l’article 9 du code civil garantissant le respect de la vie privée du salariée.
Cependant il est établi que l’employeur a déclaré auprès de la CNIL le dispositif d’écoute et d’enregistrement des appels traités par les conseillers clientèle et du dispositif de réécoute de certains appels traités par les conseillers clientèle.
La Charte de double écoute et enregistrement en vigueur dans l’entreprise et annexé au règlement intérieur de l’entreprise précisent que les doubles écoutes et/OU enregistrements des appels téléphoniques ont pour objectifs la formation des conseillers, leur évaluation, et l’amélioration de la qualité du service, qu’ils se dérouleront de façon ponctuelle tout au long de l’année et ne seront jamais permanents. Il est également prévu que les enregistrements ne seront pas conservés au-delà d’un délai maximum de 6 mois à compter de la date de leur collecte.
Le règlement intérieur prévoit également que ce système de double écoute a un objectif de formation des conseillers clientèle, et rappelle son caractère ponctuel.
L’employeur verse aux débats un courriel de son supérieur hiérarchique qui établi qu’entre le 1er juin et le 16 juillet 2018, la salariée n’avait été écoutée qu’à deux reprises tandis que la salariée ne verse aucune pièce à l’appui de ses allégations selon lesquelles elle aurait été «fliquée» par la mise en place de ce système.
Il résulte de ces éléments que le système de double écoute mis en place ne constitue pas une exécution déloyale du contrat de travail, et ne porte pas atteinte à l’intimité de la vie privée du salarié.
Madame [E] soutient par ailleurs que l’employeur ne lui aurait pas accordé de temps de pause. Or, les planning et feuilles de pointage démontrent que ces temps de pause étaient planifiés et que madame [E] a pris ses pauses, les dépassant à plusieurs reprises, ce qui lui a été reproché dans la lettre de licenciement. En outre, contrairement à ce qu’affirme la salariée, il est prévu par le règlement intérieur de l’entreprise que les salariés peuvent prendre des pauses aisances non planifiées, de manière exceptionnelle.
Il n’est donc pas démontré que l’employeur aurait exécuté de manière déloyale le contrat de travail.
En conséquence, le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Sur la demande de dommages et intérêts pour méconnaissance par l’employeur de son obligation relative à la santé au travail
L’employeur prend, en application de l’article 4121-1 du code du travail, les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : des actions de prévention des risques professionnels ; des actions d’information et de formation ; la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures
pour tenir compte du changement de circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.
L’article L3121-60 du code du travail prévoit également «L’employeur s’assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail».
En l’espèce, la salariée soutient qu’il incombe à l’employeur de rapporter la preuve qu’il a respecté les stipulations de l ‘accord collectif destinées à assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés soumis à un régime d’annualisation ou de forfait en jours, et qu’il lui appartient de démontrer que dans le cadre de l’évolution de l’exécution de la convention de forfait, le salarié a été soumis à un contrôle de sa charge de travail et de l’amplitude de son temps de travail.
Cependant, Madame [E] non-cadre n’était pas soumis à la convention de forfait jours, et dès lorsqu’elle pointait, l’amplitude de sa journée de travail était surveillée. Elle rencontrait également une fois par semaine son superviseur. Enfin, Madame [E], tout en évoquant la possibilité d’une surcharge de travail, ne sollicite le paiement d’aucune heure supplémentaire.
Au regard de ces éléments, Madame [E] sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à son obligation relative à la santé au travail.
Sur les dépens et la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Partie perdante, la société YZEE SERVICES sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel, en application de l’article 696 du code de procédure civile. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Eu égard à la condamnation aux dépens, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société YZEE SERVICES à payer à Madame [E] une somme de 1500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. Au regard de l’issue du litige, il convient de condamner la société YZEE SERVICES à payer à la salariée une somme supplémentaire de 1000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant après débats en audience publique par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
-Infirme le jugement en ce qu’il a jugé que le licenciement de Madame [E] est un licenciement avec cause réelle et sérieuse, et en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-Condame la société YZEE SERVICES à payer à Madame [E] la somme de 7000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-Confirme le jugement pour le surplus,
Y ajoutant,
-Condamne la société YZEE SERVICES à payer à Madame [E] la somme de 1000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
-Condamne la société YZEE SERVICES aux dépens d’appel.
le greffier
Nadine BERLY
le conseiller désigné pour exercer les fonctions de président de chambre
Muriel LE BELLEC