L’affaire concerne le licenciement de M. [E] [S] par la société Transports rapides automobiles (TRA) pour faute grave, contesté par le salarié qui a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny. Le conseil de prud’hommes a requalifié le licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse et a condamné TRA à verser à M. [S] diverses sommes au titre des indemnités légales de licenciement, compensatrice de préavis, congés payés, ainsi que des dommages et intérêts. TRA a interjeté appel de cette décision, demandant l’infirmation du jugement et le rejet des demandes de M. [S]. Les parties ont formulé des demandes contradictoires en appel, notamment concernant l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les dommages et intérêts pour inexécution du contrat de travail, et l’annulation de la mise à pied disciplinaire. L’affaire est en attente de jugement de la cour.
Contestation de la mise à pied disciplinaire
M. [S] conteste la mise à pied disciplinaire qui lui a été notifiée par la société TRA, affirmant qu’aucune preuve probante n’a été fournie. Il conteste l’attestation du contrôleur et souligne l’absence de son nom sur le compte rendu.
Justification de la sanction disciplinaire
La société TRA estime que l’utilisation du téléphone portable pendant la conduite constitue une violation de l’obligation de sécurité du salarié. Elle fournit des éléments prouvant cette utilisation, justifiant ainsi la sanction disciplinaire.
Bien-fondé du licenciement pour faute grave
Le licenciement de M. [S] pour faute grave est contesté. L’employeur invoque des faits prouvant l’utilisation du téléphone au volant et le non-respect de l’itinéraire du bus, constituant une faute grave. La société TRA produit des éléments de preuve, tels qu’une réclamation client et un constat d’huissier, corroborant ces faits.
Demande de dommages et intérêts
M. [S] demande des dommages et intérêts pour inexécution de bonne foi du contrat de travail, arguant que son licenciement quelques mois avant sa retraite est déloyal. La société TRA s’oppose à cette demande, affirmant que la rupture n’a pas été décidée pour priver le salarié de son droit à la retraite.
Demandes accessoires
La société TRA demande le remboursement des sommes versées à M. [S] en vertu du jugement déféré. L’arrêt infirmatif ouvre droit à la restitution des sommes versées par l’appelant. M. [S] est condamné à supporter les dépens et à indemniser la société TRA pour ses frais irrépétibles.
1. Assurez-vous de respecter les règles de sécurité au travail, telles que l’interdiction d’utiliser un téléphone portable en conduisant, conformément au règlement intérieur de l’entreprise et au code de la route. Tout manquement à ces règles peut entraîner des sanctions disciplinaires, y compris une mise à pied ou un licenciement pour faute grave.
2. En cas de contestation d’une sanction disciplinaire, veillez à fournir des éléments probants pour étayer vos arguments. Assurez-vous de contester les faits reprochés de manière claire et précise, en apportant des preuves tangibles pour appuyer votre position.
3. Si vous êtes confronté à un licenciement pour faute grave, assurez-vous que l’employeur apporte la preuve de l’existence d’une faute grave imputable au salarié. En cas de doute, la présomption d’innocence profite au salarié. Veillez à contester les motifs de licenciement de manière argumentée et à apporter des éléments pour défendre votre position.
Contestation de la mise à pied disciplinaire
M. [S] conteste la mise à pied disciplinaire qui lui a été notifiée pour utilisation de son téléphone portable au volant. La société TRA affirme détenir des preuves de cette utilisation, justifiant ainsi la sanction. Après examen des éléments fournis par les deux parties, la juridiction conclut que la mise à pied est justifiée.
Annulation de la sanction disciplinaire
La juridiction confirme le jugement du conseil de prud’hommes qui a débouté M. [S] de sa demande d’annulation de la sanction disciplinaire. Les preuves fournies par l’employeur démontrent que le salarié a enfreint les règles de sécurité en utilisant son téléphone au volant, justifiant ainsi la sanction.
Licenciement pour faute grave
Le licenciement de M. [S] pour faute grave est confirmé. Les preuves apportées par l’employeur, notamment la réclamation client et les images de vidéosurveillance, démontrent que le salarié a commis une faute grave en utilisant son téléphone au volant et en ne respectant pas son itinéraire. Ces faits justifient le licenciement sans préavis ni indemnité.
Demande de dommages et intérêts
La demande de dommages et intérêts de M. [S] pour inexécution de bonne foi du contrat de travail est rejetée. Le licenciement pour faute grave étant justifié, l’employeur n’a pas manqué à son obligation de loyauté envers le salarié.
Demandes accessoires
La société TRA obtient le remboursement des sommes versées à M. [S] en vertu du jugement déféré. M. [S] est condamné à supporter les dépens et à indemniser la société TRA pour ses frais irrépétibles. Le jugement de première instance est infirmé.
Réglementation applicable
– Code du travail
– Code de la route
– Code de procédure civile
Avocats
– Me Martial JEAN, avocat au barreau de l’ESSONNE
– Me Nicolas BORDAÇAHAR, avocat au barreau de PARIS
Mots clefs
– Contestation de la mise à pied disciplinaire
– Utilisation du téléphone portable au volant
– Preuve de l’utilisation du téléphone
– Sanction justifiée et proportionnée
– Régularité de la procédure disciplinaire
– Annulation d’une sanction disciplinaire
– Faute grave
– Licenciement pour faute grave
– Motivation de la lettre de licenciement
– Utilisation du téléphone portable en conduisant
– Utilisation de la vidéosurveillance
– Respect des obligations de sécurité
– Licenciement sans cause réelle et sérieuse
– Demande de dommages et intérêts
– Obligation de loyauté
– Restitution des sommes versées
– Dépens et frais irrépétibles
Définitions juridiques
– Contestation de la mise à pied disciplinaire: action visant à contester une sanction disciplinaire de mise à pied
– Utilisation du téléphone portable au volant: utilisation d’un téléphone portable pendant la conduite d’un véhicule
– Preuve de l’utilisation du téléphone: éléments permettant de démontrer l’utilisation du téléphone portable
– Sanction justifiée et proportionnée: sanction disciplinaire qui est appropriée et équilibrée par rapport à la faute commise
– Régularité de la procédure disciplinaire: respect des règles et des étapes prévues par la loi dans la mise en œuvre d’une sanction disciplinaire
– Annulation d’une sanction disciplinaire: action visant à annuler une sanction disciplinaire jugée injuste ou irrégulière
– Faute grave: faute commise par un salarié qui rend impossible le maintien de la relation de travail
– Licenciement pour faute grave: licenciement d’un salarié pour une faute grave commise dans le cadre de son travail
– Motivation de la lettre de licenciement: explication des motifs justifiant le licenciement d’un salarié dans une lettre officielle
– Utilisation du téléphone portable en conduisant: utilisation d’un téléphone portable pendant la conduite d’un véhicule, pouvant entraîner des sanctions
– Utilisation de la vidéosurveillance: utilisation de caméras de surveillance pour surveiller et enregistrer des lieux ou des personnes
– Respect des obligations de sécurité: obligation de respecter les règles et les mesures de sécurité en vigueur dans un environnement de travail
– Licenciement sans cause réelle et sérieuse: licenciement d’un salarié sans motif valable et sérieux, pouvant entraîner des dommages et intérêts
– Demande de dommages et intérêts: demande de réparation financière pour compenser un préjudice subi
– Obligation de loyauté: devoir pour un salarié de faire preuve de loyauté envers son employeur et de ne pas nuire à ses intérêts
– Restitution des sommes versées: obligation de rembourser des sommes perçues de manière indue ou injustifiée
– Dépens et frais irrépétibles: frais engagés dans le cadre d’une procédure judiciaire et non susceptibles d’être remboursés
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 7
ARRÊT DU 15 FÉVRIER 2024
(n° 72, 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/01130 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDCB7
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 décembre 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY – RG n° F 19/01170
APPELANTE
S.A.S. TRANSPORTS RAPIDES AUTOMOBILES
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentée par Me Martial JEAN, avocat au barreau de l’ESSONNE
INTIMÉ
Monsieur [E] [S]
chez Mme [V] [N] [S]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Nicolas BORDAÇAHAR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1833
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 janvier 2024, en audience publique, double rapporteur, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre, et Madame Marie SALORD, présidente de chambre, entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre
Madame Marie SALORD, présidente de chambre
Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Alisson POISSON
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Marie SALORD, présidente de chambre et par Madame Alisson POISSON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société Transports rapides automobiles (ci-après TRA) a pour activité l’exploitation de lignes de transport. Elle emploie plus de 10 salariés et applique la convention collective des transports urbains de voyageurs.
M. [E] [S] a été embauché par la société TRA par contrat à durée indéterminée, le 12 juillet 2004, en qualité de conducteur receveur stagiaire, puis à compter du 12 juillet 2005 en qualité de conducteur receveur.
La société TRA a notifié à M. [S] par lettre recommandée avec accusé de réception :
– du 3 janvier 2017 une mise en garde,
– du 6 mars 2018 une mise à pied disciplinaire pendant 5 jours.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 janvier 2019, M. [S] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 12 février 2019 suivi, conformément à la convention collective, d’une audience d’instruction le 18 février 2019 et d’une audience devant le conseil de discipline le 21 février 2019.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 1er mars 2019, la société TRA a notifié à M. [S] son licenciement pour faute grave.
Contestant la mesure de licenciement et la mise à pied disciplinaire, M. [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny le 10 avril 2019.
Par jugement contradictoire du 15 décembre 2020, notifié le 22 décembre 2020, le conseil de prud’hommes de Bobigny, dans sa formation paritaire, a :
– requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse,
– condamné la société TRA à verser à M. [S] :
10.418,41 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
5.696,98 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
569,68 euros au titre des congés payés afférents,
1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– rappelé que les créances salariales porteront intérêts de droit à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation, soit le 13 mai 2019, et les créances à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du présent jugement,
– ordonné à la société TRA de remettre à M. [S] les documents sociaux conformes au présent jugement,
– débouté M. [S] du surplus de ses demandes.
– débouté la société TRA de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamné la société TRA aux dépens.
Par déclaration notifiée par le RPVA le 19 janvier 2021, la société TRA a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 18 mars 2022, la société TRA demande à la cour:
– d’infirmer le jugement, sauf en ce qu’il a débouté M. [S] de ses demandes suivantes :
indemnité pour licenciement sans cause réelle sérieuse : 37.803,72 euros,
dommages et intérêts pour inexécution du contrat de travail : 12.000 euros,
annulation de la mise à pied disciplinaire notifiée le 6 mars 2018,
et, statuant à nouveau :
– juger infondées les demandes de M. [S],
en conséquence,
– débouter M. [S] de toutes ses demandes, fins et prétentions,
– ordonner à M. [S] le remboursement à la société des sommes versées au titre de l’exécution provisoire de droit,
– condamner M. [S] à lui payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [S] en tous les dépens.
Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 1er avril 2022, M. [S] demande à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a requalifié son licenciement en cause réelle et sérieuse,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société TRA à lui verser les sommes suivantes :
indemnité légale de licenciement : 10.418,41 euros,
indemnité compensatrice de préavis : 5.696,98 euros,
congés payés afférents : 569,68 euros,
article 700 du code de procédure civile : 1.200 euros,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rappelé que les créances de nature salariales porteront intérêts de droit à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation, soit le 13 mai 2019, et les créances à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du présent jugement,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société TRA à lui remettre ses documents sociaux conformes au jugement,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société TRA aux entiers dépens,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [S] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [S] de sa demande de dommages et intérêts pour inexécution de bonne foi du contrat de travail,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [S] de sa demande d’annulation de la mise à pied disciplinaire notifiée le 6 mars 2018,
en conséquence,
– condamner la société TRA à lui verser les sommes suivantes :
indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 34.180,80 euros,
dommages et intérêts pour inexécution de bonne foi du contrat de travail : 12.000
euros,
article 700 code de procédure civile : 2.500 euros,
– annuler la mise à pied disciplinaire notifiée le 6 mars 2018,
– ordonner :
la remise d’un bulletin de salaire récapitulatif conforme au jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 8ème suivant la notification de la décision à intervenir,
la prise en charge des éventuels dépens de l’instance par la société appelante au visa des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.
L’instruction a été déclarée close le 15 novembre 2023.
MOTIFS :
Sur la contestation de la mise à pied disciplinaire
M. [S] demande l’annulation de la mesure disciplinaire de mise à pied qui lui a été notifiée le 6 mars 2018 suite à la prétendue utilisation de son téléphone portable au volant le 17 janvier 2018. Selon lui, la société TRA ne verse aucune pièce probante au débat. Il affirme qu’il n’a pas été contrôlé le 17 janvier 2018 et relève que le compte rendu n’indique pas le nom de son auteur. Il conteste l’attestation du prétendu contrôleur qui ne reprend pas la date des faits.
La société TRA estime que le fait d’avoir utilisé son téléphone pendant la conduite constitue une violation de l’obligation de sécurité à laquelle est soumise le salarié et qu’elle démontre cette utilisation, si bien que la sanction est justifiée et proportionnée.
Il résulte des dispositions de l’article L. 1333-1 du code du travail qu’en cas de litige relatif à une sanction disciplinaire, la juridiction saisie apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, que l’employeur fournit les éléments retenus pour prendre la sanction et qu’au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, la juridiction forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’elle estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Aux termes de l’article L. 1333-2 du même code, la juridiction peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.
Par lettre recommandée du 6 mars 2018, l’employeur a notifié à M. [S] une mise à pied de 5 jours, du 26 mars au 1er avril 2018 suite à l’utilisation de son téléphone portable pendant qu’il roulait, le 17 janvier 2018, alors qu’il était conducteur du bus sur la ligne 610, à [Localité 4], entre les arrêts [D] [C] et Cimetière, ce fait ayant été constaté par un contrôleur d’exploitation dans le cadre d’un contrôle qualité. La lettre fait référence à une enquête interne, aux explications que le salarié a fournies lors d’entretiens et à une lettre de mise en garde du 3 janvier 2017 au terme de laquelle il est reproché au salarié de ne pas avoir marqué l’arrêt pour permettre la montée et la descente des clients mais continué de glisser sur la chaussée et avoir eu une conduite brusque, faits ayant fait l’objet d’une réclamation client. Outre la mise à pied, l’employeur enjoint à M. [S] de participer à la formation ‘conduite responsable’.
L’employeur produit un document, qui ne porte ni le nom de son auteur, ni signature, qui mentionne la date du 17 janvier, le nom du salarié, le numéro du bus, les deux arrêts mentionnés dans la lettre du 6 mars 2018 et un horaire réel de 7h05. La case ‘téléphone’ est cochée et il est mentionné au verso ‘le CR roule avec son téléphone portable dans la main gauche (comme s’il envoyait des messages)’. Par ailleurs, la société TRA verse au débat une attestation de [M] [U], en date du 17 juillet 2020, qui indique qu’il est responsable du compte rendu et que ‘lors du trajet du conducteur M. [S] de la gare de [Localité 5]/[Localité 6] qui relie la gare de [Localité 7] j’ai vu le conducteur vers l’arrêt cimetière avec le téléphone dans la main gauche. Le téléphone avait sa lumière éclairée et le conducteur pianotait dessus’.
L’employeur justifie au vu de son contrat de travail que [M] [U] occupait depuis le 28 novembre 2016 la fonction de contrôleur d’exploitation.
M. [S] ne conteste pas avoir été le 17 janvier 2018 de service sur la ligne 610 à l’horaire indiqué, ce qui est justifié par sa feuille de route et son planning (pièce 11 de la société STA).
M. [S] n’a pas contesté sa mise à pied et ne produit aucun élément de nature à remettre en cause l’utilisation de son téléphone portable au volant.
La réalité du contrôle de M. [S] par [M] [U] et le fait que ce dernier a vu le conducteur utiliser son téléphone portable en conduisant sont démontrés par l’attestation qui est suffisamment précise pour corroborer le compte rendu.
Il s’ensuit que le grief est établi.
Le règlement intérieur de l’entreprise en vigueur au moment des faits, dans son article 45, interdit l’utilisation d’un téléphone portable en conduisant, ce qui constitue une contravention prévue par l’article R. 412-6-1 du code de la route. Selon le règlement intérieur, ‘toute situation constatée est passible de sanction’.
Au regard de la nature du poste occupé par le salarié, responsable de la sécurité des usagers qu’il transporte et dont la conduite peut aussi avoir des conséquences pour les autres usagers de la route, la mise à pied n’apparaît pas disproportionnée, d’autant qu’elle est intervenue alors que M. [S] avait fait l’objet un an plus tôt d’une mise en garde pour conduite dangereuse.
Le jugement du conseil de prud’hommes sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [S] de sa demande d’annulation de la sanction disciplinaire.
Sur le bien-fondé du licenciement pour faute grave :
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables, sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.
La faute grave qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il appartient à l’employeur qui l’invoque, de rapporter la preuve de l’existence d’une faute grave.
Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, si un doute subsiste, il profite au salarié.
La lettre de licenciement pour faute grave du 1er mars 2019 est ainsi rédigée :
‘ Par courrier recommandé avec accusé de réception daté du 18 janvier 2019, nous vous avons convoqué à un entretien préalable le 12 février 2019 (à la suite de vos congés payés), en vue d’une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement, auquel vous vous êtes présenté seul.
Au cours de cet entretien, nous vous avons signifié les motifs pour lesquels nous avons envisagé à votre encontre une mesure de licenciement. Ceux-ci sont rappelés ci-après :
Le dimanche 25 novembre 2018, alors que vous étiez affecté sur le service 10753M, sur la ligne 607,qui prévoyait une prise de service à 05h39 et une fin de service à 12h23, à bord du véhicule 46971, vous avez adopté une attitude inappropriée et dangereuse au volant du véhicule qui vous était confié dans le cadre de vos fonctions professionnelles.
En effet, vers 11h45, alors que vous vous trouviez à l’arrêt « Marcos » sur la commune du [Localité 4], en direction de [Localité 8], vous avez été surpris en pleine conversation téléphonique avec votre téléphone portable personnel. Tel était le cas depuis votre départ de [Localité 6] – 08 Mai 1945 selon les propos d’un client. Cette utilisation à des fins personnelles est un manquement aux dispositions internes et au respect du Code de la route.
De surcroît, vous sembliez totalement distrait par ladite conversation téléphonique, puisque comme vous l’avez confirmé lors d’un entretien avec votre responsable de secteur, vous en avez oublié partiellement votre itinéraire, et n’avez de ce fait pas desservi deux arrêts de votre course initialement prévue,provoquant ainsi un fort désagrément auprès de notre clientèle que vous transportiez ce jour-là, puisque ce comportement nous a valu une réclamation client.
Nous vous rappelons, au regard des exigences en matière auxquelles nous sommes tenus dans le cadre de l’exercice de notre activité de transporteur investi d’une mission de service public et de la réglementation routière, que l’usage du téléphone portable, des écouteurs ainsi que du kit mains-libres est interdit au volant.
Par cette attitude, vous avez donc placé en totale insécurité les voyageurs de cette ligne, et avez nuit à l’image de marque de l’entreprise, allant ainsi à l’encontre de la qualité de service que nous attendons de la part de nos conducteurs et ne nous permettant pas d’assurer convenablement notre mission de service public.
Le comportement que vous avez adopté est d’autant plus intolérable que vous avez déjà fait l’objet d’une sanction disciplinaire du second degré qui vous a été notifiée le 06 mars 2018, de laquelle ressortait un manquement aux dispositions internes de l’entreprise et du Code de la route, à savoir l’usage de votre téléphone au volant du bus, en roulant, faisant elle-même suite à une mise en garde du 03 janvier 2017 pour le même fait fautif. Nous regrettons de constater que vous n’avez visiblement pas cru bon tenir compte de ces dernières sanctions, puisqu’à ce jour, vous poursuivez votre activité professionnelle en persistant dans la poursuite de ce comportement fautif.
Nous vous rappelons encore une fois que le métier de conducteur-receveur exige une totale implication quant à la sécurité des passagers que nous transportons et des usagers de la route, et ce dans toute circonstance. Une telle attitude de votre part aurait pu dégénérer avec des conséquences qui auraient pu atteindre un niveau de gravité regrettable.
Vous avez encore failli à votre devoir de sécurité, ce qui est tout-à-fait inadmissible et en inadéquation avec l’exercice du métier de conducteur-receveur.
Les explications que vous nous avez fournies lors de votre entretien ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits.
Par conséquent, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave qui prendra effet à la date de notification du présent courrier, sans préavis ni indemnité’.
M. [S] estime que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il conteste tout manquement dans l’exercice de ses fonctions. Concernant le grief tiré de l’utilisation de son portable, il relève que la réclamation client est d’une minute postérieure à cette prétendue utilisation et qu’il apparaît impossible qu’elle ait pu être formalisée aussi vite. Selon lui, la réclamation est dépourvue de force probante en l’absence d’identité de la passagère. Concernant le constat d’huissier portant sur la vidéosurveillance installée dans le bus, il conteste l’utilisation de ce dispositif à des fins disciplinaires et estime que le constat d’huissier n’apporte pas la preuve des griefs.
Il relève qu’il n’a pas fait l’objet d’une mise à pied conservatoire et a travaillé pendant plus de trois mois, ce qui est étonnant s’il avait adopté un comportement dangereux.
L’employeur soutient qu’il démontre que le salarié a fait usage de son téléphone au volant et n’a pas respecté l’itinéraire du bus, faute de ne pas avoir desservi deux arrêts et que ces faits constituent une faute grave.
La société TRA produit un mail transféré qui comporte une réclamation client, ayant pour origine le web, en date du 25 novembre 2018 à 11h46. Elle justifie de l’existence d’une application Transdev en Ile de France permettant par un formulaire d’adresser une réclamation en ligne.
L’incident est daté du 25 novembre 2018 à 11h45 et la réclamation indique ‘le conducteur était au téléphone depuis notre départ de [Localité 6]. Il en a loupé la route et nous a détourné par les pompiers de [Localité 4] route du 609. Bus 46971. C’est inadmissible d’être au téléphone dangereux pour les passagers car manque de concentration’.
La société TRA verse au débat un procès-verbal de constat d’huissier de justice du 19 décembre 2018. L’huissier de justice a exploité la vidéosurveillance du bus 46971 circulant sur la ligne 619 le 25 novembre 2018 à compter de 11h39.
Le système de vidéosurveillance installé dans les bus de la société TRA a été déclaré à la CNIL le 22 juillet 2016 avec pour finalité la sécurisation des biens et personnes. Les personnes concernées par le traitement sont les salariés. Un arrêté préfectoral du 30 octobre 2017 a autorisé l’utilisation de ce système dont l’information sur la consultation dans les locaux a été présentée au conseil d’entreprise du 11 octobre 2017. Il s’ensuit que l’employeur a respecté ses obligations et que le salarié avait connaissance de l’utilisation dans les bus du dispositif de vidéosurveillance.
En l’espèce, l’utilisation de la vidéosurveillance pour enquêter suite au signalement d’un usager portant sur l’utilisation par le conducteur d’un téléphone portable concerne la sécurité des personnes.
M. [S] ne conteste pas avoir été le conducteur de ce bus le 25 novembre 2018, expliquant d’ailleurs dans ses conclusions qu’il ne connaissait pas le parcours et avait dû remplacer un collègue sur cette ligne, ce qui explique notamment l’absence d’arrêt à ceux prévus.
Le constat d’huissier reproduit des images issues de la vidéosurveillance qui sont décrites. Il démontre qu’une passagère a actionné le bouton ‘arrêt demandé’ à 11h41 et 02 secondes. Suite à son mouvement vers la cabine et à un échange avec le conducteur, celui-ci a ralenti et arrêté immédiatement le bus à 11h41 et 35 secondes. La passagère s’est adressée au conducteur l’air exaspéré avant de descendre du bus à 11h41 et 39 secondes. Avant que la passagère ne s’avance vers le conducteur, elle avait fait un signe à un autre passager qui avait fait un geste de téléphone avec sa main avant de montrer le conducteur. L’huissier constate en outre que cette passagère a fait un geste de téléphone avec sa main gauche avant de s’adresser une dernière fois au conducteur.
Ces éléments corroborent parfaitement ceux contenus dans la réclamation en ligne dont l’horaire d’établissement n’est pas incompatible avec les faits constatés. Ils démontrent que M. [S] a utilisé son téléphone au volant, ce qui constitue une atteinte à l’obligation de sécurité du salarié auquel il est soumis tant en vertu de l’article L. 4122-1 du code du travail que du règlement intérieur qui interdit l’utilisation du téléphone au volant. Ils établissent aussi qu’il n’a pas respecté un arrêt.
L’absence de mise à pied avant le licenciement n’ôte pas à la faute son caractère de gravité et le délai entre les faits et la lettre de convocation était nécessaire pour exploiter la réclamation.
Etant relevé que le salarié avait fait l’objet d’une mise à pied pour des faits de même nature moins de neuf mois plus tôt, il se déduit de ce qui précède que les faits avérés sont d’une telle gravité qu’ils rendaient impossible le maintien de M. [S] au sein de l’entreprise et justifient son licenciement sans préavis, ni indemnité.
M. [S] sera ainsi débouté de l’ensemble de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et le jugement sera infirmé en conséquence.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l’inexécution de bonne foi du contrat de travail
M. [S] fait valoir que la société TRA a manqué à son obligation de loyauté dans l’exécution de son contrat de travail en le licenciant quelques mois avant sa retraite.
La société TRA s’oppose à cette demande et soutient que la rupture n’a pas été décidée pour priver M. [S] de son droit à la retraite.
En application de l’article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail est présumé exécuté de bonne foi, de sorte que la charge de la preuve de l’exécution de mauvaise foi dudit contrat incombe à celui qui l’invoque.
En l’espèce, il a été jugé que le licenciement pour faute grave était justifié, si bien que l’employeur n’a commis aucune faute en licenciant son salarié.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [S] de cette demande.
Sur les demandes accessoires :
La société TRA sollicite le remboursement des sommes versées à l’intimé en vertu du jugement déféré.
Le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées par l’appelant en exécution du jugement de première instance. Il n’y a donc pas lieu d’en ordonner le remboursement.
M. [S] qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d’appel et sera débouté de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Il devra indemniser la société TRA à hauteur de 400 euros au titre de ses frais irrépétibles en première instance et en cause d’appel.
Le jugement sera infirmé en conséquence.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement en ce qu’il a débouté M. [E] [S]
– de sa demande tendant à voir annuler la sanction disciplinaire de mise à pied prononcée le 6 mars 2018 par la société Transports rapides automobiles,
– de sa demande de dommages et intérêts pour inexécution de bonne foi du contrat de travail,
INFIRME le jugement pour le surplus :
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT que le licenciement de M. [E] [S] est fondé sur une faute grave,
DÉBOUTE M. [E] [S] de l’ensemble de ses demandes,
DIT n’y avoir lieu à ordonner le remboursement des sommes versées par la société Transports rapides automobiles au titre de l’exécution provisoire,
CONDAMNE M. [E] [S] aux dépens de la première instance et de l’appel et à payer à société Transports rapides automobiles la somme de 400 euros au titre des frais irrépétibles.
La greffière, La présidente.