Mme [C] [E] a été engagée en tant que chef comptable par la société Bayard en octobre 2013. En mars 2018, la société a proposé une rupture conventionnelle à Mme [V], qui a refusé et a été licenciée pour faute grave en avril 2018. Mme [V] a contesté son licenciement devant le conseil de prud’hommes de Lyon, demandant diverses indemnités et dommages-intérêts. Le conseil de prud’hommes a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société à verser des sommes à Mme [V]. Les deux parties ont interjeté appel, avec Mme [V] demandant des dommages et intérêts supplémentaires pour divers motifs, et la société Bayard demandant la confirmation du licenciement pour cause réelle et sérieuse. Le débat est en attente de clôture.
Sur l’exécution du contrat de travail
Mme [V] conteste l’exécution du contrat de travail par la société Bayard, notamment en ce qui concerne la convention de forfait en jours et les heures supplémentaires non rémunérées. Elle souligne le non-respect des garanties prévues par la loi et la convention collective, ainsi que l’absence d’entretien annuel pour examiner sa charge de travail. La société Bayard réplique en affirmant que la convention répond aux exigences légales et qu’aucune heure supplémentaire n’a été effectuée par la salariée.
Sur le droit à la santé et au repos
La salariée invoque le non-respect des dispositions légales et conventionnelles en matière de durée du temps de travail, notamment en ce qui concerne les repos journaliers et hebdomadaires. Elle souligne que la société Bayard n’a pas respecté les seuils et plafonds prévus. La cour confirme que la société Bayard n’a pas respecté les temps de repos et les durées maximales hebdomadaires de travail, et la condamne à payer des dommages-intérêts à la salariée.
Sur la convention de forfait en jours et les heures supplémentaires
La salariée conteste la validité de la convention de forfait en jours établie par la société Bayard, ainsi que le non-paiement des heures supplémentaires effectuées. Elle fournit des éléments précis pour étayer sa demande, notamment des tableaux récapitulatifs de ses horaires et des échanges de mails avec sa supérieure hiérarchique. La cour estime que la convention de forfait en jours est privée d’effet et condamne la société Bayard à payer des heures supplémentaires non rémunérées à la salariée.
Sur le harcèlement moral
La salariée dénonce des faits de harcèlement moral au sein de l’entreprise, notamment liés à sa charge de travail et aux pressions exercées par sa supérieure hiérarchique. Elle fournit des éléments concrets pour étayer ses accusations. La cour constate que les faits invoqués laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral et condamne la société Bayard à verser des dommages-intérêts à la salariée.
Sur la nullité du licenciement
La cour considère que le licenciement de la salariée est nul, en raison de la dénonciation de faits de harcèlement moral et des circonstances abusives du licenciement. La société Bayard n’a pas démontré l’absence de lien entre la dénonciation de ces faits et le licenciement. La cour condamne la société Bayard à verser des indemnités pour licenciement nul à la salariée.
Sur les conséquences de la rupture
La cour accorde à la salariée des dommages-intérêts pour licenciement nul, ainsi que des intérêts au taux légal. Elle rejette la demande de dommages-intérêts pour les circonstances abusives du licenciement, faute de preuves suffisantes. La société Bayard est condamnée à payer des frais irrépétibles et des dépens à la salariée.
1. Assurez-vous de respecter les dispositions légales et conventionnelles en matière de temps de travail, de repos et de durée maximale de travail. Veillez à ce que les conventions de forfait en jours soient établies en conformité avec les accords collectifs et les dispositions légales, et assurez-vous de respecter les droits des salariés en matière de temps de repos et de durée de travail.
2. Tenez des décomptes précis des heures de travail accomplies par les salariés et assurez-vous de disposer de documents de contrôle faisant apparaître le nombre d’heures travaillées, les repos pris, et les jours de congés. Veillez à ce que les salariés bénéficient d’entretiens annuels pour examiner leur charge de travail, l’organisation du travail dans l’entreprise, et l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale.
3. En cas de litige relatif à un licenciement, veillez à respecter les dispositions légales en matière de licenciement nul. Assurez-vous de démontrer l’absence de lien entre la dénonciation d’agissements de harcèlement moral et le licenciement, et prouvez que la rupture du contrat de travail est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Sur l’exécution du contrat de travail
Mme [V] conteste l’exécution du contrat de travail par la société Bayard, notamment en ce qui concerne la convention de forfait en jours et les heures supplémentaires. Elle soulève des manquements de l’employeur aux dispositions légales et conventionnelles en matière de durée du travail et de repos. La société Bayard se défend en affirmant que la convention de forfait en jours est conforme aux accords collectifs en vigueur et que la salariée n’a pas effectué d’heures supplémentaires.
Le droit à la santé et au repos
La salariée invoque le droit à la santé et au repos, soulignant que les dispositions légales et conventionnelles en matière de durée du travail et de repos n’ont pas été respectées par l’employeur. Elle se réfère aux directives européennes et à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne pour appuyer sa demande. La société Bayard se défend en affirmant que les règles en matière de durée du travail ont été respectées.
Sur la demande de remboursement des jours de RTT
Mme [V] conteste la demande de remboursement des jours de RTT formulée par la société Bayard, arguant que cette demande est nouvelle en appel et non étayée. La société Bayard réplique en affirmant que sa demande est justifiée et accessoire à sa propre demande.
Sur la demande en dommages-intérêts pour non-respect des dispositions légales et conventionnelles
La salariée réclame des dommages-intérêts pour le non-respect des dispositions légales et conventionnelles en matière de durée du travail et de repos. Elle met en avant les manquements de l’employeur à ces règles. La société Bayard se défend en affirmant avoir respecté les règles en vigueur.
Sur la rupture du contrat de travail
La salariée conteste la cause et la procédure de son licenciement, arguant que la société Bayard a agi de manière précipitée et abusive. Elle soulève des irrégularités dans la procédure de licenciement. La société Bayard se défend en affirmant que le licenciement est justifié par des faits graves commis par la salariée.
Sur les conséquences de la rupture
La salariée réclame des dommages-intérêts pour licenciement nul et pour les circonstances abusives du licenciement. Elle estime avoir subi un préjudice moral du fait des circonstances de son licenciement. La société Bayard conteste ces demandes, arguant que le licenciement était justifié.
Sur les autres demandes
Les parties s’opposent sur les demandes d’intérêts au taux légal, de frais irrépétibles et de dépens. La salariée réclame également des dommages et intérêts pour les circonstances abusives du licenciement. La société Bayard conteste ces demandes et réclame des frais irrépétibles.
Réglementation applicable
– Code du travail
– Directive 1993/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993
– Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003
– Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne
– Code de procédure civile
– Loi n°2008-789 du 20 août 2008
– Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016
– Loi n° 2018-1088 du 8 août 2016
– Articles L. 3121-39, L. 3171-4, L. 1152-1, L. 1154-1, L. 1152-2, L. 1152-3, L. 1235-3-1 du Code du travail
– Articles 17, 19 de la directive 2003/88/CE
– Articles 17, 4 de la directive 1993/104/CE
– Articles 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne
– Articles 905-2, 908 à 910, 910-4 du Code de procédure civile
– Articles 1240 et suivants du Code civil
Avocats
– Me Sophie BONNET-SAINT-GEORGES
– Me Philippe GAUTIER
– Me CAPSTAN
Mots clefs
– Convention de forfait en jours
– Heures supplémentaires
– Entretien annuel
– Charge de travail
– Organisation du travail
– Vie personnelle et familiale
– Rémunération
– Accord d’entreprise
– Durée maximale du travail
– Repos quotidien
– Repos hebdomadaire
– Directive européenne
– Durée du temps de travail
– Durée annuelle du travail
– Contrôle du nombre de jours travaillés
– Document de contrôle
– Entretien avec le supérieur hiérarchique
– Convention individuelle de forfait
– Durée du travail
– Durée du repos
– Durée du préavis
– Congés payés
– Rupture conventionnelle
– Harcèlement moral
– Dommages-intérêts
– Licenciement nul
– Indemnité compensatrice
– Préjudice moral
– Intérêts au taux légal
– Frais irrépétibles
– Dépens d’appel
– Salaire moyen brut
– Ancienneté
– Préjudice distinct
– Taux de majoration
– Bulletin de paie
– Directive 1993/104/CE
– Directive 2003/88/CE
– Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne
– Code du travail
– Convention collective
– Métallurgie
– Cour de Cassation
– Contrat de travail
– Clause de forfait
– Durée du préavis
– Dispense d’activité
– Boîte mail
– Huissier de justice
– Procès-verbal
– Rupture du contrat de travail
– Mesures d’instruction
– Préjudice moral
– Responsabilité civile
– Code civil
– Intérêts au taux légal
– Dépens d’appel
– Salaire moyen brut
– Indemnité compensatrice
– Préjudice moral
– Taux de majoration
– Bulletin de paie
– Directive 1993/104/CE
– Directive 2003/88/CE
– Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne
– Code du travail
– Convention collective
– Métallurgie
– Cour de Cassation
– Contrat de travail
– Clause de forfait
– Durée du préavis
– Dispense d’activité
– Boîte mail
– Huissier de justice
– Procès-verbal
– Rupture du contrat de travail
– Mesures d’instruction
– Préjudice moral
– Responsabilité civile
– Code civil
Définitions juridiques
————————-
– Convention de forfait en jours: accord entre l’employeur et le salarié permettant de définir un nombre de jours de travail par an, indépendamment de la durée réelle du travail
– Heures supplémentaires: heures travaillées au-delà de la durée légale du travail, donnant lieu à une majoration de salaire
– Entretien annuel: rencontre entre le salarié et son supérieur hiérarchique pour faire le point sur l’année écoulée et fixer des objectifs pour l’année à venir
– Charge de travail: quantité de travail à réaliser dans un temps donné
– Organisation du travail: manière dont les tâches sont réparties et réalisées au sein de l’entreprise
– Vie personnelle et familiale: ensemble des activités et relations en dehors du travail
– Rémunération: ensemble des sommes perçues par le salarié en contrepartie de son travail
– Accord d’entreprise: accord conclu entre l’employeur et les représentants des salariés au sein de l’entreprise
– Durée maximale du travail: durée légale au-delà de laquelle il est interdit de faire travailler un salarié
– Repos quotidien: période de repos obligatoire entre deux journées de travail
– Repos hebdomadaire: journée de repos obligatoire par semaine
– Directive européenne: texte adopté par l’Union européenne pour harmoniser les législations des États membres
– Durée du temps de travail: temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur
– Durée annuelle du travail: nombre d’heures de travail à réaliser sur une année
– Contrôle du nombre de jours travaillés: vérification du respect de la durée du travail par l’employeur
– Document de contrôle: document permettant de justifier du respect de la durée du travail
– Entretien avec le supérieur hiérarchique: rencontre entre le salarié et son responsable pour discuter de son travail
– Convention individuelle de forfait: accord entre l’employeur et un salarié pour définir un nombre de jours de travail par an
– Durée du travail: temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur
– Durée du repos: période de repos obligatoire entre deux journées de travail
– Durée du préavis: délai à respecter en cas de rupture du contrat de travail
– Congés payés: période pendant laquelle le salarié est en repos tout en étant rémunéré
– Rupture conventionnelle: accord entre l’employeur et le salarié pour mettre fin au contrat de travail
– Harcèlement moral: comportements répétés ayant pour but ou pour effet une dégradation des conditions de travail
– Dommages-intérêts: somme versée en réparation d’un préjudice subi
– Licenciement nul: licenciement jugé irrégulier par les tribunaux
– Indemnité compensatrice: somme versée en compensation d’un préjudice subi
– Préjudice moral: atteinte aux droits de la personne entraînant une souffrance psychologique
– Intérêts au taux légal: taux d’intérêt fixé par la loi
– Frais irrépétibles: frais engagés lors d’une procédure judiciaire et non remboursables
– Dépens d’appel: frais engagés lors d’un appel judiciaire
– Salaire moyen brut: rémunération moyenne avant déduction des charges sociales et fiscales
– Ancienneté: durée pendant laquelle le salarié est employé dans l’entreprise
– Préjudice distinct: préjudice distinct du préjudice moral
– Taux de majoration: taux appliqué pour calculer la rémunération des heures supplémentaires
– Bulletin de paie: document remis au salarié chaque mois indiquant sa rémunération et les cotisations sociales
– Directive 1993/104/CE: directive européenne relative à l’aménagement du temps de travail
– Directive 2003/88/CE: directive européenne relative à certains aspects de l’aménagement du temps de travail
– Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne: texte proclamant les droits fondamentaux des citoyens de l’Union européenne
– Code du travail: recueil de lois et de règlements régissant les relations de travail
– Convention collective: accord conclu entre les partenaires sociaux d’une branche professionnelle
– Métallurgie: branche professionnelle regroupant les entreprises du secteur de la métallurgie
– Cour de Cassation: plus haute juridiction de l’ordre judiciaire en France
– Contrat de travail
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE
N° RG 20/03314 – N° Portalis DBVX-V-B7E-NALI
[E]
C/
Société BAYARD
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON
du 28 Mai 2020
RG : 18/02843
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 13 MARS 2024
APPELANTE :
[C] [E] épouse [V]
née le 12 Mars 1970 à [Localité 4]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Sophie BONNET-SAINT-GEORGES, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
Société BAYARD
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Philippe GAUTIER de la SELARL CAPSTAN RHONE-ALPES, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me CAPSTAN de la SCP CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 19 Décembre 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Catherine MAILHES, Présidente
Nathalie ROCCI, Conseillère
Anne BRUNNER, Conseillère
Assistés pendant les débats de Mihaela BOGHIU, Greffière.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 13 Mars 2024, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine MAILHES, Présidente, et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Mme [C] [E] épouse [V] a été engagée à compter du 7 octobre 2013 par la société Bayard (la société), par contrat à durée indéterminée, en qualité de chef comptable.
La société employait habituellement au moins 11 salariés au moment du licenciement.
Le 7 mars 2018, la société Bayard a remis à Mme [V] une invitation pour le 16 mars 2018 pour discuter d’une possible rupture conventionnelle et l’a dispensée d’activité.
Par courrier du 12 mars 2018, la salariée a adressé un courrier à son employeur par lequel elle dit ne jamais avoir convenu avec la société de discuter du principe d’une rupture conventionnelle et soutient avoir été évincée de la société et subir une situation de harcèlement.
Le 21 mars 2018, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour le 6 avril 2018.
Par lettre du 11 avril 2018, la société lui a notifié son licenciement pour faute grave, lui reprochant la suppression de données financières et comptables.
Le 21 septembre 2018, Mme [V], contestant son licenciement, a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon aux fins de voir prononcer la nullité de son licenciement et voir la société Bayard condamnée à lui verser :
un rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et l’indemnité de congés payés afférente,
une indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité de congés payés afférente,
des rappels de salaire sur heures supplémentaires et l’indemnité de congés payés afférente,
des dommages-intérêts pour non-respect des temps de repos et des durée maximales de travail,
des dommages-intérêts pour travail dissimulé,
un rappel de salaire pour congés non pris, outre l’indemnité de congés payés afférente,
une indemnité de licenciement,
des dommages et intérêts pour licenciement nul et subsidiairement pour licenciement irrégulier sans cause réelle et sérieuse
des dommages-intérêts pour les circonstances vexatoires et abusives du licenciement,
de dommages-intérêts pour harcèlement moral et subsidiairement, manquement à l’obligation de sécurité,
outre une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, à lui remettre les bulletins de salaire et documents de fin de contrat rectifiés avec astreinte, au paiement des intérêts au taux légal.
La société Bayard a été convoquée devant le bureau de conciliation et d’orientation par courrier recommandé avec accusé de réception.
Elle s’est opposée aux demandes de la salariée et a sollicité à titre reconventionnel la condamnation de celle-ci au versement de la somme de 3 000 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 28 mai 2020, le conseil de prud’hommes de Lyon a :
jugé que la convention de forfait jours est inopposable et de nul effet et en conséquence, condamné la société à verser à Mme [V] :
6 815,60 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires, 681,56 euros au titre de congés payés afférents ;
623 euros à titre de rappel de salaire sur congés payés non pris, 62,30 euros au titre des congés payés afférents ;
débouté Mme [V] de ses demandes au titre du travail dissimulé, du non-respect des temps de repos et des durées maximales de travail, du harcèlement moral, du non-respect de l’obligation de sécurité, des circonstances vexatoires et abusives du licenciement ;
débouté Mme [V] de ses demandes fondées sur la nullité du licenciement ;
considéré que le licenciement de Mme [V] est dénué de cause réelle et sérieuse condamné la société à verser à Mme [V] les sommes de :
14 463,90 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 1 446,39 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés ;
5 725,29 euros à titre d’indemnité de licenciement ;
2 200,30 euros au titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire outre 220,03 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés ;
19 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
condamné la société Bayard à payer à Mme [C] [V] la somme de 1 700 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
ordonné d’office en application de l’article L. 1235-4 du code du travail le remboursement par la société Bayard aux organismes concernée des indemnités de chômage dans la limite de trois mois ;
rappelé que les condamnations au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, du salaire et de l’indemnité conventionnelle de licenciement sont assortis de plein droit de l’exécution provisoire selon les dispositions de l’article R. 1454-28 du Code du Travail,
fixé pour l’application de ce texte la moyenne des salaires la somme de 4 821,30 euros ;
condamné la société Bayard aux dépens et aux frais d’exécution forcée du jugement.
Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 27 juin 2020, Mme [V] a interjeté appel dans les formes et délais prescrits de ce jugement qui lui a été notifié le 29 mai 2020, aux fins d’infirmation en ce qu’il a rejeté ses demandes au titre du travail dissimulé, du non-respect des temps de repos et des durées maximales de travail, du harcèlement moral, du non-respect de l’obligation de sécurité, des circonstances vexatoires et abusives du licenciement, de ses demandes fondées sur la nullité du licenciement, la condamnation de la société Bayard à lui payer la somme de 19 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le rejet du surplus de ses demandes.
Aux termes des dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 27 octobre 2023, Mme [V] demande à la cour de :
confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit que la convention de forfait jours est inopposable et de nul effet, condamné la SAS BAYARD à lui verser les sommes de 6 815,60 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires, outre 681,56 euros au titre de congés payés afférents, 623 euros à titre de rappel de salaire sur congés payés non pris outre 62,30 euros au titre des congés payés afférents, de 14 463,90 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 1 446,39 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés, de 5 725,29 euros à titre d’indemnité de licenciement, de 2 200,30 euros au titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire outre 220,03 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés et la somme de 1 700 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
l’infirmer pour le surplus, et statuant à nouveau :
condamner la société Bayard à lui verser :
la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de l’irrespect des temps de repos et des durées maximales de travail,
la somme de 25 000 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé
la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
dire et juger le licenciement nul,
condamner la société Bayard à verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
Subsidiairement, condamner la société Bayard à verser la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,
Subsidiairement, confirmer le jugement déféré en ce qu’il a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
condamner la société Bayard à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Plus subsidiairement, condamner la société Bayard à verser la somme de 24 106,50 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
condamner la société Bayard à lui verser la somme de 12 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique et professionnel,
condamner la société Bayard à lui verser la somme de 12 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du Préjudice moral,
En toute hypothèse,
déclarer irrecevable la demande nouvelle en remboursement de jours de RTT de la société Bayard,
débouter la société Bayard de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
condamner la société Bayard à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant des circonstances vexatoires et abusives du licenciement,
dire que les intérêts courent au taux légal à compter de la saisine du Conseil des Prud’hommes pour les créances de nature salariale et à compter du jugement du Conseil des Prud’hommes pour les autres sommes allouées,
condamner la société Bayard à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
condamner la société Bayard aux entiers dépens de l’instance,
Selon les dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 8 novembre 2023, ayant fait appel incident, la société Bayard demande à la cour d’infirmer partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau de :
A titre principal :
dire et juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ;
dire et juger que la convention de forfait jours est parfaitement opposable à Mme [V]
débouter Mme [V] de l’ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire :
réduire ses demandes à de plus justes proportions,
Dans l’hypothèse où la Cour devait considérer que la convention de forfait-jours est privée d’effet :
condamner Mme [V] au paiement de la somme de 7 776,53 euros à titre de remboursement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention devenu indue
En tout état de cause :
condamner Mme [V] à verser à la Société Bayard la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
condamner Mme [V] aux entiers dépens.
La clôture des débats a été ordonnée le 9 novembre 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.
SUR CE,
Sur l’exécution du contrat de travail
Sur la convention de forfait en jours et les heures supplémentaires :
Mme [V] fait valoir que la convention de forfait en jours est établie en référence d’un accord d’entreprise qui ne reprend pas les garanties prévues dans la convention collective de la Métallurgie ni celles prévues par la loi puisqu’aucun entretien annuel n’est prévu pour examiner la charge de travail de la salariée, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que la rémunération.
Elle ajoute que la société Bayard n’a pas mis en oeuvre les garanties prévues par les dispositions légales et conventionnelles ; que notamment, elle n’a pas bénéficié d’entretien.
Elle ajoute qu’elle n’a jamais tenu de décompte précis des horaires accomplis et n’est donc en mesure de retracer les heures supplémentaires qu’a minima ; qu’outre le récapitulatif de ses horaires, elle verser des éléments pour étayer et notamment, les échanges avec sa supérieure hiérarchique.
Elle précise qu’elle limite sa demande à la période de juillet 2017 à février 2018.
La société Bayard réplique que :
la convention répond aux exigences légales ;
elle applique l’accord collectif de la Métallurgie du 28 juillet 1998, dont la validité a été confirmées par la Cour de Cassation, complété par l’accord d’entreprise du 11 décembre 2013, selon lequel le plafond de jours travaillés est réduit de 218 à 213 jours, les salariés bénéficiant de 17 jours de repos en plus des 25 jours de congés payés et 3 jours de congés d’assiduité ;
la salariée n’a jamais effectué d’heures supplémentaires et n’apporte aucun élément permettant de constater qu’elle en a réalisées ;
le décompte produit par la salariée n’est corroboré que par très peu d’éléments.
***
Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.
Il résulte des articles 17, paragraphe 1, et 4 de la directive 1993/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, ainsi que des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.
Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
Et il appartient au juge de le vérifier, même d’office.
Aux termes de l’article L. 3121-39 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce, (version en vigueur du 22 août 2008 au 10 août 2016 issue de la loi n°2008-789 du 20 août 2008), la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l’année doit être prévue par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche qui détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi et qui fixe les caractéristiques principales de ces conventions.
L’accord d’entreprise du 16 décembre 2013 prévoit, en son article 5.1.2 que :
le forfait-jours est mis en oeuvre par application directe des dispositions de l’accord UIMM du 28 juillet 1998 modifié par l’avenant du 29 janvier 2000, sous réserve de certaines adaptations précisées ci-après ;
le nombre de jours travaillés est fixé à 213 jours maximum pour une année complète de travail ;
les salariés doivent bénéficier de 17 jours de repos au titre du forfait
une journée de repos devra être prise chaque mois, à défaut, elle sera perdue sauf autorisation de la direction
Selon l’article 14 de l’accord du 28 juillet 1998 sur l’organisation du travail dans la métallurgie, le forfait en jours s’accompagne d’un contrôle du nombre de jours travaillés, afin de décompter le nombre de journées ou de demi-journées travaillées, ainsi que celui des journées ou demi-journées de repos prises.
L’employeur est tenu d’établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail.
Ce document peut être tenu par le salarié sous la responsabilité de l’employeur ; le supérieur hiérarchique du salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours assure le suivi régulier de l’organisation du travail de l’intéressé et de sa charge de travail. En outre, le salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours bénéficie, chaque année, d’un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées l’organisation et la charge de travail de l’intéressé et l’amplitude de ses journées d’activité. Cette amplitude et cette charge de travail devront rester raisonnables et assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé.
Le contrat de travail de Mme [C] [V] stipule qu’elle sera soumise à une convention de forfait-jours aux dispositions prévues dans l’accord d’entreprise.
Cet accord d’entreprise renvoyant à l’accord du 28 juillet 1998 est de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis à la convention de forfait en jours. Il appartient à l’employeur d’établir qu’il a respecté les stipulations de l’accord, or, il ne verse aux débats aucun entretien sur la charge de travail ni document de contrôle.
La convention de forfait en jours est ainsi privée d’effet. Mme [V] peut solliciter un rappel de salaire pour heures supplémentaires, sur la base d’un décompte hebdomadaire des heures de travail accomplies.
Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Mme [V] verse aux débats, en pièce n°38, un tableau récapitulant, entre le 3 juillet 2017 et le 16 février 2018, quotidiennement, ses heures d’arrivée et de sortie, la durée de la journée déduction faite d’une pause de 30 minutes ou d’une heure, le nombre d’heure de chaque semaine et en pièce n°39, la ventilation, semaine après semaine, des heures supplémentaires selon le taux de majoration applicable et le calcul de la somme due. Elle retient, d’une semaine à l’autre, de 2 heures à 19 heures supplémentaires par semaine.
Ces éléments sont suffisamment précis et permettent à l’employeur d’y répondre, or, la société Bayard ne produit aucun élément de contrôle de la durée du travail.
La salariée étaye son décompte d’échanges de mail, reçus ou envoyés à des heures tardives ou en journée alors qu’elle était en congé ou en RTT.
L’employeur ne pouvait ignorer que la salariée travaillait en soirée ou pendant ses congés.
La nécessité des heures supplémentaires est établie par le contenu des mails : ainsi : les « conversations » avec Mme [O], le 7 septembre 2017, entre 23h33 et 0H45 à propos des mentions et valeurs à inscrire sur les comptes, ou le 8 novembre 2017, entre 22h16 et 0H08, à propos des comptes consolidés.
Au vu des éléments versés aux débats par la salariée, la cour dispose d’éléments permettant de fixer le nombre d’heures supplémentaires effectuées et non rémunérées entre le 3 juillet 2017 et le 16 février 2018 à 229 heures et la créance salariale à ce titre à 6 815,60 euros, outre celle de 681,56 euros pour congés payés afférents. Le jugement sera confirmé.
Sur la demande de remboursement des jours de RTT
Mme [V] soulève l’irrecevabilité de cette demande au motif qu’elle est nouvelle en appel et formulée pour la première fois dans les conclusions déposées le 25 janvier 2021 et non pas dans les premières conclusions de l’intimée.
Elle ajoute que la demande est prescrite car formulée plus de trois ans après le versement des salaires concernés.
Elle fait valoir que la demande n’est pas étayée et que le droit au remboursement ne peut être envisagé que pour la « durée de la période de suspension de la convention individuelle de forfait en jours.
La société Bayard répond que :
sa demande est destinée à répliquer aux conclusions adverses tendant à voir dire que la convention de forfait en jours est privée d’effet ;
elle est l’accessoire de sa propre demande portant sur la validité de la convention de forfait ;
au cours des trois années précédant son licenciement, Mme [V] a pris 50 jours de repos qu’elle doit rembourser.
***
Aux termes de l’article 910-4 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
Dans ses premières conclusions d’intimée, notifiées le 16 décembre 2020, la société Bayard ne formulait pas de demande de remboursement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention de forfait.
Cette demande est présentée, pour la première fois dans ses conclusions du 25 janvier 2021, lesquelles ont été notifiées à la suite des premières conclusions d’intimée, sans que l’appelante n’ait conclu entre temps. Cette prétention n’est pas destinée à répliquer aux conclusions adverses, puisque la demande de rappel de salaire sur heures supplémentaires a été formulée dès la première instance, que l’appelante sollicitait la confirmation du chef du jugement y faisant droit, de sorte que, dès ses premières conclusions d’intimée, la société Bayard avait la faculté de formuler une telle demande.
Faute pour elle de l’avoir fait, elle n’est plus recevable à le faire. La demande de remboursement des jours de RTT sera déclarée irrecevable.
Sur la demande en dommages-intérêts pour non-respect des disposition légales et conventionnelles :
La salariée soutient que la violation des dispositions, qui sont édictées pour garantir les droits du salarié en matière de santé et de sécurité, lui cause nécessairement un préjudice ; qu’elle n’a pas pu bénéficier des temps de repos quotidien et hebdomadaire prévus par la loi et la convention collective.
La société Bayard réplique qu’elle a toujours respecté les temps de repos et les durées maximales hebdomadaires de travail.
***
Aux termes de l’article L. 3131-1 du code du travail, dans sa version postérieure à l’entrée en vigueur à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, tout salarié bénéficie d’un repos quotidien d’une durée minimale de onze heures consécutives, sauf dans les cas prévus aux articles L. 3131-2 et L. 3131-3 ou en cas d’urgence, dans des conditions déterminées par décret.
Le seuil communautaire, qui résulte de la Directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, modifiée par la Directive 2000/34/CE du Parlement et du Conseil du 22 juin 2000, fixant à 11 heures consécutives la période minimale du repos journalier, se traduit en droit interne par l’interdiction de dépasser l’amplitude journalière de 13 heures, celle-ci étant définie comme le temps séparant la prise de poste de sa fin.
Or, la charge de la preuve du respect des seuils et plafonds prévus en matière de temps de travail tant par le droit de l’Union européenne que par le droit interne incombe à l’employeur.
En l’espèce, la société Bayard, qui n’apporte aucun élément de contrôle de la durée du travail, ne justifie pas du respect des seuils et plafonds.
Il ressort des décomptes produits par la salariée que celle-ci n’a pas bénéficié de 11 heures de repos quotidien au mois de septembre 2017 et que son temps de travail hebdomadaire a dépassé 48 heures au mois de juillet 2017, au mois d’août 2017 et de septembre 2017.
Il y a lieu de condamner la société Bayard à payer à Mme [C] [V], à titre de dommages-intérêts, la somme de 3 000 euros, le jugement étant infirmé en ce sens.
Sur l’indemnité au titre du travail dissimulé :
Mme [V] estime que le seul manquement de la société Bayard à ses obligations légale et conventionnelles suffit à caractériser l’élément intentionnel ; que sa supérieure hiérarchique ne s’est jamais inquiétée du fait que ses amplitudes de travail dépassaient les durées maximales.
L’employeur réplique que l’élément intentionnel ne saurait se déduire de la seule application d’une convention de forfait illicite.
***
La dissimulation d’emploi salarié prévue par l’article L. 8221-5 2°du code du travail n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué. Le caractère intentionnel ne peut pas se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.
Il ne résulte pas des éléments du dossier que l’employeur aurait entendu se soustraire à ses obligations déclaratives et aurait sciemment omis de rémunérer des heures de travail dont il avait connaissance qu’elles avaient été accomplies.
Le jugement, qui n’a pas fait droit à la demande de la salariée à ce titre, sera confirmé.
Sur les jours de congés non pris
La salariée soutient que, compte tenu de la charge de travail, elle a été amenée à travailler certains jours de congés et que l’employeur ne l’a pas payée.
L’employeur ne fait pas d’observations.
***
La salariée justifie par la production de ses fiches de paie, de ses jours de congés et par les mails expédiés ainsi que les accusés de réception de déclaration fiscale qu’elle a travaillé ces jours-là.
Le jugement sera confirmé.
Sur le harcèlement moral :
La salariée fait valoir que :
elle a été fragilisée par la charge de travail et les problèmes récurrents de personnel dans son service, sans aucune embauche ;
à l’arrivée de sa supérieure hiérarchique, Mme [O], elle a espéré des améliorations mais a au contraire, constaté une aggravation de sa situation ;
la multiplication des heures supplémentaires au cours de l’année 2017 démontre l’impossibilité dans laquelle elle se trouvait de faire face à sa charge de travail ;
lorsqu’elle s’est plainte de ses conditions de travail, elle s’est trouvée en butte à des réflexions désobligeantes ;
le 9 février, elle a découvert d’une offre de recrutement pour son poste avait été publiée par la société ;
lorsqu’elle a exposé ses difficultés à Mme [O], celle-ci a organisé un audit de son service, consistant à demander publiquement aux salariés de venir reporter directement auprès d’elle et la court-circuitant ;
il est évident que ces faits ont eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail, ce dont la société était consciente, puisque lorsque le médecin du travail, alerté par l’infirmière, a convoqué Mme [V] à un entretien, Mme [O] a aussitôt (dès le lendemain) déclenché une procédure de rupture de son contrat et tenté d’annuler le rendez-vous avec le médecin.
La société Bayard répond que :
les rapports de Mme [V] avec sa supérieure hiérarchique, Mme [O] étaient cordiaux ;
Mme [V] n’a pas subi de reproches incessants ni pressions continuelles ni directives contradictoires.
***
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l’article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-1088 du 8 août 2016, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En application de l’article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction postérieure à la loi précitée, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
La salariée invoque les faits suivants :
la fragilisation par la charge de travail et les problèmes récurrents de personnel ;
La salariée verse aux débats :
l’entretien annuel en date du 15 décembre 2015 ; elle a écrit « Absences nombreuses dans le service (MDA, IFA, CKA, VPR) n’ont pas permis de finaliser les sujets de fond ; équipe difficile à gérer. Demandes Groupe en augmentation avec des délais toujours plus courts. », à quoi sa responsable a répondu « année 2015 difficile (absence et contraintes en augmentation) Peu de temps de réflexion sur réorganisation du service. ». En conclusion, la salariée a écrit « Ambiance générale de la société « lourde » : incertitude par rapport à l’avenir (changement notable depuis 2 ans) » ;
l’entretien annuel en date du 9 décembre 2016, elle a écrit « Année difficile et décevante ‘ changement de DAF. Période intérim DAF catastrophique, avec exclusion totale de [C] qui a conduit à une grande démotivation. Organisation après départ d'[N] [X], avec des caractères difficiles au sein de l’équipe n’a pas permis une bonne répartition des tâches. Peu de communication (attentes, changements,’) du management donc difficile de s’organiser et d’anticiper. » à quoi sa responsable a répondu « avis partagé- besoin impératif de revoir la répartition des tâches au sein de l’équipe. [C] doit déléguer beaucoup plus pour se libérer du temps pour une meilleure qualité dans son travail et une meilleure prise de recul (gestion courrier chèques) et gestion de son temps. ».
Pour autant la charge de travail n’a pas diminué. La salariée, ainsi qu’il a été dit précédemment, a réalisé des heures supplémentaires, sans que soient respectés les temps de repos ni les durées hebdomadaires.
Le fait est établi.
l’attitude de sa supérieure hiérarchique
La salariée verse aux débats un mail du 13 février 2018 que Mme [O] lui a adressé « Vendredi, j’ai bien pris acte de ton questionnement quant à ta mission de chef comptable.
Le problème avait déjà été soulevé fin 2017 et janvier 2018 devait augurer de meilleures perspectives.
Il y a effectivement eu un enchainement d’évènements qui ont rendu les mois derniers difficiles et la tenue des échéances n’a pas été respecté.
Nous en étions tous conscients et je pense que l’ensemble de l’équipe Finance à proposer(sic) son aide à maintes reprises, en plus des ressources mis à disposition.
Je suis convaincu (sic) que le « Diagnostique Qualité » lancé hier matin va nous permettre d’y voir plus clair d’ici quelques semaines et de finaliser la réorganisation de l’équipe compta. [‘] Je ne te cache pas mon étonnement quant à la teneur de ton discours de vendredi. A plusieurs reprises, je t’ai demandé de quoi tu avais besoin’malheureusement, j’attends encore la réponse. D’où ma décision de lancer le « diagnostique » dès hier. Si tu n’arrives pas à mettre des mots sur les maux du service, une analyse méthodique me le permettra. Je reste à ta disposition pour en reparler de façon constructive. ».
Après l’avoir invitée à « déléguer beaucoup plus » fin 2016, Mme [O] la sollicitait à des heures tardives aux mois de septembre et octobre 2017.
Puis au mois de février 2018, elle lançait un « diagnostic » par un mail dont il ressort qu’elle ne voyait pas que la charge de travail était trop importante.
Elle persistait à la solliciter dans l’urgence (par exemple le 5 mars 2018, par mail à 14h13 « tu me dis quand c’est chargé, il me faut les chiffres d’ici 15 heures pour que je puisse y jeter un ‘il avant notre revue de 16 h et impérativement avant le codir de 18 h’ »).
Ainsi, alors que la question de l’importante charge de travail avait été abordée, la supérieure hiérarchique de Mme [C] [V] lui répondait en l’incitant à déléguer puis en estimant qu’un diagnostic était nécessaire tout en la sollicitant davantage.
Aucune solution n’a été apportée à la problématique de la charge de travail.
Le fait est établi.
la publication d’une offre de recrutement pour son poste
La salariée verse aux débats une offre d’emploi, figurant sur un site internet StepStone, pour un poste de responsable comptable et fiscal, basé dans l’Est lyonnais, en date du 9 février 2018, puisque l’annonce, imprimée le 26 février 2018, a été « publiée il y a 17 jours ». La société Bayard ne conteste pas être à l’origine de la publication de cette annonce.
Le fait est établi.
l’annulation du rendez-vous avec le médecin du travail,
Mme [V] verse aux débats :
la convocation, en date du 3 janvier 2018, adressée par le service de santé au travail pour une visite d’information et de prévention périodique, fixée au 24 janvier 2018, avec une infirmière ;
la convocation, en date du 6 mars 2018, la concernant, adressée à la société Bayard, par le service de santé au travail « rendez-vous à la demande du médecin du travail », pour une visite prévue le 13 mars 2018 et sur laquelle il est indiqué que la présence de la salariée est obligatoire et expressément mentionné « ne pas remplacer par un autre salarié ».
Il ressort du courrier adressé le 14 mars par la société Bayard à Mme [C] [V] que cette visite médicale a été déprogrammée et qu’il « s’agit d’une procédure mise en place au sein du service des ressources humaines applicable à l’ensemble des salariés dont le contrat de travail est suspendu ».
Le fait est établi.
La proposition de rupture conventionnelle, par courrier du 7 mars 2018 de la société Bayard, est établie.
Enfin, alors que par courrier du 12 mars 2018, la salariée s’est plainte du harcèlement dont elle faisait l’objet depuis quelques mois, l’employeur s’est borné à nier « avec la plus grande fermeté toute situation de harcèlement » et n’a pas diligenté d’enquête.
Ces faits, matériellement établis, pris dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral.
L’employeur ne prouve pas que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le jugement sera infirmé et la société Bayard condamnée à payer à Mme [C] [V] la somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Sur la rupture du contrat de travail
Sur la cause du licenciement
La salariée soutient que la procédure de licenciement n’a pas été respectée, « dans l’esprit », car :
le 14 mars, sa boîte mail était déjà désactivée, alors même qu’aucune procédure de licenciement n’avait encore été engagée, ce qui établit que l’employeur avait pris la décision de la licencier avant d’engager la procédure ;
alors que la suppression des mails avait été constatées par procès-verbal d’huissier de justice le 13 mars 2018, l’employeur n’en a pas fait état lors de l’entretien du 16 mars 2018, au cours duquel a été évoquée la rupture conventionnelle.
Elle conteste la réalité et le sérieux du grief invoqué à l’appui de son licenciement et fait valoir que :
la société Bayard a consulté sa boite mail, personnelle et nominative, sans l’en avertir ;
la société Bayard ne justifie pas des déclaration qu’elle a dû faire à la CNIL ;
le constat d’huissier est irrecevable ;
ce constat n’apporte aucun élément permettant de rapporter la preuve qu’elle aurait supprimé des mails le 7 mars ;
le constat de l’huissier démontre sans ambiguïté que d’autres personnes qu’elle sont intervenues sur sa boîte mail après son « renvoi » ;
la société Bayard ne peur la licencier pour avoir fait du tri dans sa boîte mail ;
les éléments comptables de la société Bayard ne sont pas stockés sur sa boîte mail mais enregistrées sur le serveur.
La société Bayard objecte que :
la suppression de document professionnel est une faute grave, or, Mme [V] a détruit sa boite e-mail professionnelle, qui contenait des données comptables appartenant à l’entreprise ;
la récupération de la majorité des éléments supprimés n’est pas intégrale ;
le classement a été supprimé, ce qui nécessitera plusieurs jours de travail
la faute est d’autant plus grave que la salariée exerçait des fonctions financières et avait, dans ses missions, une fonction de documentation des procédures ;
la salariée ne peut ignorer l’importance des informations supprimées puisqu’elle les a elle-même archivées ;
la salariée ne conteste pas la réalité des faits
la mise en place d’une messagerie professionnelle ne nécessite pas de déclaration auprès de la CNIL ;
***
La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire.
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi libellée :
« A la suite de notre entretien du vendredi 6 avril 2018, nous avons le regret de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave et ceci pour les motifs exposés lors de cet entretien et qui vous sont rappelés ci-après.
Le 7 octobre 2013, vous avez été engagée par la société, afin d’exercer les fonctions de chef comptable.
A ce titre, vous êtes responsable de la production de la comptabilité générale des deux sociétés françaises du groupe. Vous avez pour principales missions de superviser les opérations comptables en norme française, d’établir les états financiers (c’est-à-dire de produire, en particulier, les bilans et liasses fiscales…), d’établir le reporting mensuel et la réconciliation des comptes et d’établir les déclarations fiscales.
Pour mener à bien ces missions, vous disposez d’une équipe de 3 collaborateurs que vous devez animer.
Compte-tenu de vos fonctions, vous recevez, essentiellement par e-mails, des informations financières que vous avez la charge de traiter, au fur et à mesure, et de classer afin qu’elles puissent être retrouvées. Ces informations devront, en effet, pouvoir être réutilisées pour l’arrêté des comptes de l’année et dans l’hypothèse d’un contrôle fiscal ou Urssaf.
Une partie de ces informations peut également être conservée sur le disque partagé de l’entreprise. Mais une autre partie importante est conservée sur votre boite e-mails professionnels.
Il s’agit des échanges intervenus avec vos différents interlocuteurs (groupe, commissaires aux comptes, banques, votre responsable…) qui portent la mémoire des choix comptables faits par la société (raison d’une provision, raison de l’absence de paiement ou d’un retard dans le paiement d’une facture…) et de certains évènements (rejet d’un virement, erreurs commises à un moment).
Par ailleurs, ces éléments conservés sur votre boite e-mails professionnels permettent également d’avoir un double électronique des factures et de nos relevés bancaires dans l’hypothèse où certains ne seraient pas classés correctement, ce qui inévitablement arrive de manière régulière.
Compte-tenu de cette nécessité de classement, vous avez créé au sein de votre boite e-mail d’archivage un dossier, dénommé « clôtures mensuelles ». Ce dossier contenait des sous dossiers dénommés FYI 4 à FYI 8, l’acronyme FY signifiant « Fiscal Year » pour les années 2014 à 2018. Chacun de ces sous dossiers, contenant encore des sous dossiers intitulés du mois et de l’année considérée : 01-2018 pour le mois de janvier 2018, 02-2018 pour le mois de février 2018…
L’exercice fiscal s’étendant du 1er octobre de l’année n-1 au 30 septembre de l’année n, le dossier « clôtures mensuelles » que vous aviez créé contenait une partie importante des informations comptables de la société d’octobre 2013 à mars 2018.
Or, le 7 mars 2018 entre 10 heures 57 et 11 heures 49, soit en 52 minutes, vous avez supprimé de votre boite e-mails professionnels, plus de 1150 e-mails, soit une moyenne supérieure à 22 e-mails par minute. Cette suppression d’e-mails s’est également poursuivie le 7 mars dans l’après-midi et le 8 mars 2018 alors que vous étiez en dispense d’activité.
Pour cette destruction, non seulement, vous avez placé ces e-mails dans vos éléments supprimés, mais vous avez égaiement vidé l’onglet « éléments supprimés », faisant ainsi en sorte de rendre la récupération de ces e-mails très difficile.
Les e-mails professionnels que vous avez détruits étaient en grande partie directement relatifs à la comptabilité de la société. Ainsi :
dans le sous-dossier FY 2018 (d’octobre 2017 à aujourd’hui) seul le dossier 01-2018 n’a pas été supprimé ;
le sous dossier FY 2017 (d’octobre 2016 à septembre 2017) a été entièrement supprimé. La totalité des clôtures de l’exercice comptable 2017 est manquante ;
le sous dossier FY 2016 (d’octobre 2015 à septembre 2016) ne contient plus que trois dossiers : « Clôture 01-16 « Clôture 02-16 » et « Clôture 03-16 ».
Vous avez donc notamment supprimé des informations concernant l’exercice fiscal 2018 (octobre 2017 à septembre 2018) alors même qu’aucun arrêté des comptes n’a encore été effectué pour cette période.
De même, vous avez supprimé toutes les informations disponibles sur votre boite e-mails professionnels concernant l’exercice fiscal 2017, alors même que la société en avait besoin pour l’arrêté des comptes de cette année fiscale qui était encore en cours jusqu’au 28 mars 2018 et dont la société aura besoin en cas de contrôle fiscal ou de contrôle URSSAF.
Par ces opérations, vous avez tenté de détruire les traces de votre activité comptable sur l’ensemble des périodes pour lesquelles vous aviez effectuées des erreurs et en particulier sur l’exercice fiscal 2017 pour lequel il existait une erreur de plusieurs millions d’euros, qui a justifié l’intervention spécifique de nos commissaires aux comptes pendant plusieurs journées, Une suspicion de fraude ayant même été soulevée le 23 janvier 2018.
Vous souhaitiez ainsi probablement nous priver de la possibilité de vérifier votre activité comptable à un moment où vous nous aviez indiqué vouloir quitter l’entreprise, et où nous avions accepté d’entrer dans des discussions relatives à une rupture conventionnelle.
Toutefois, par la destruction d’e-mails professionnels et des fichiers professionnels qu’ils contiennent vous avez également tenté de nous priver de la possibilité d’exploiter des informations comptables qui appartiennent à la société.
Cette tentative de destruction de données appartenant à l’entreprise est grave et ce d’autant plus :
que, compte-tenu de vos fonctions, vous ne pouviez pas ignorer la nature des informations que vous supprimiez et leur importance pour l’entreprise ;
que votre supérieur hiérarchique, la Directrice Administrative et Financière, Madame [O] ne connait pas l’historique comptable de la société, dès lors qu’elle a pris ses fonctions le 15 novembre 2016 ;
que votre comportement est en complète contradiction avec les règles applicables dans l’entreprise.
Votre action est susceptible de nous causer un préjudice important. Il apparait, en effet, que la récupération de vos e-mails professionnels n’est pas intégrale et, en tout état de cause, que le classement auquel vous aviez procédé a été totalement supprimé, ce qui nécessitera plusieurs jours de travail pour disposer, à nouveau, d’éléments exploitables.
Ce préjudice aurait été encore plus important si nous ne nous étions pas rapidement rendu compte de vos manoeuvres, dès lors que nous n’aurions pas pu récupérer l’essentiel des e-mails que vous avez supprimé.
L’ensemble de ces éléments nous contraignent à procéder à votre licenciement qui prendra effet à compter de ce jour, date à laquelle votre contrat de travail sera définitivement rompu. ».
L’employeur verse aux débats un constat d’huissier réalisé par la SCP Bergeon Bonnand le 13 mars 2018. L’huissier mentionne que la société Bayard lui a exposé que :
elle connaît des difficultés avec Mme [C] [V], qui l’ont conduite à la dispenser de son activité à compter du 7 mars 2018, à 12 heures ;
Mme [C] [V] a restitué son ordinateur portable ainsi que son mot de passe ;
Mme [C] [V] conservait la possibilité de se connecter sur sa boîte mail à distance ;
la boîte mail de Mme [C] [V] contenait des mails relatifs aux exercices comptables 2016, 2017 et 2018 ;
Mme [O] s’est aperçue que des mails relatifs aux exercices comptables 2016, 2017 et 2018 ont été supprimés de la boîte mail de Mme [V], ces suppressions ayant été effectuées principalement dans la journée du 7 mars, et notamment après le départ de Mme [V].
L’huissier a constaté que de nombreux mails avaient été supprimés le 7 mars 2018, à partir de 10H57 jusqu’à 11H49, relevé que la campagne de suppression des mails s’est poursuivie de 14h37 à 22h23 et noté que des mails ont également été supprimés les 8 et 10 mars 2018.
Ensuite, il a été procédé à la récupération des mails supprimés.
L’huissier a constaté que :
la boîte mail disposait d’une colonne dans laquelle les dossiers ont été créés afin d’organiser la sauvegarde des mails
il existait un dossier dénommé « Clôtures mensuelles » contenant 4 sous-dossiers dénommés FY14, FY15, FY16 et FY18 ;
le sous-dossier FY 18 contient un dossier 01-2018 et ne contient pas de dossiers 02-2018, 03-2018, 04-2018 et 05-2018 ;
le dossier FY 16 contient trois dossiers Clôture 01-16, Clôture 02-16 et Clôture 03-16 ;
le dossier FY 15 contient 12 dossiers de clôture classés par mois ;
il n’existe pas de sous-dossiers FY 17 et la totalité des clôtures de l’année est manquante.
Il ressort du courrier du 7 mars 2018 de la société Bayard que Mme [C] [V] est dispensée d’activité à compter du 7 mars 2018 à 12 heures.
Des mails ont été supprimés avant 12 heures le 7 mars 2018, la salariée n’étant pas alors dispensée d’activité, ces suppressions peuvent lui être imputées.
Il ressort du constat d’huissier que Mme [V] a restitué son ordinateur et son mot de passe, et que Mme [O] a consulté la boîte mail de Mme [V].
Il n’existe aucune certitude que les suppressions postérieures au 7 mars à 12 h soit le fait de Mme [V].
Ensuite, il s’agissait de la boite mail nominative de Mme [V] « [Courriel 5] », s’il ressort du constat d’huissier que la salariée avait fait choix de classer les mails qu’elle recevait par année fiscale, il n’est pas établi qu’en les supprimant, elle a fait disparaître des documents comptables des années en question.
Il ne ressort nullement du constat d’huissier qu’une partie importante des informations comptables est conservée sur la boîte mail de Mme [V]. Aucun mail supprimé le 7 mars 2018 et récupéré lors des opérations de constat de l’huissier n’a été ouvert par ce dernier de sorte que le contenu des mails supprimés n’est pas connu.
L’employeur n’établit pas non plus que Mme [C] [V] aurait tenté de détruire les traces de son activité comptable sur l’ensemble des périodes pour lesquelles elle aurait fait des erreurs pas plus qu’il ne démontre lesdites erreurs.
La société Bayard n’explique pas en quoi la suppression de mails par un salarié serait fautive et ne soutient pas que Mme [C] [V] avait obligation de conserver ses mails.
En conclusion, les premiers juges ont exactement considéré que le licenciement n’avait pas de cause réelle et sérieuse.
Le jugement, qui a fait droit aux demandes de la salariée au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, de l’indemnité de licenciement et du rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et congés payés afférents, sera confirmé.
Sur la nullité du licenciement
La salariée affirme que le licenciement est nul car :
la société Bayard l’a licenciée en raison de ses doléances sur ses conditions de travail et le harcèlement moral dont elle était victime, et des répercussions de ce harcèlement sur son état de santé ;
la société BAYARD a engagé précipitamment les diligences pour rompre le contrat de travail, lorsque le médecin du travail est intervenu à la demande de l’infirmière, en adressant, le 6 mars 2018, une convocation pour une consultation ;
les termes mêmes de la lettre du 7 mars montrent que la rupture du contrat était déjà arrêtée pour l’employeur à cette date ;
elle a refusé de céder aux pressions ainsi exercées et répondu que la manoeuvre s’inscrivait dans la continuité du harcèlement dont elle faisait l’objet depuis quelques mois ;
le vrai motif du licenciement est discriminatoire, puisque motivé par ses accusations de harcèlement moral et les craintes de l’employeur face à la réaction du médecin du travail à ce titre.
La société Bayard objecte que le licenciement n’est en rien lié à la dénonciation de faits de harcèlement moral puisque la lettre de licenciement se fonde sur des faits précis et que la faute de Mme [V] a été constatée par huissier de justice.
Elle ajoute que la salariée a prétendu être harcelée une seule fois, le 12 mars 2018, pendant une période de discussion sur une rupture conventionnelle, où elle était dispensée d’activité et avait pris la décision de quitter l’entreprise.
***
Aux termes de l’article L. 1152-2 du code du travail, dans sa version applicable à l’espèce, en vigueur du 8 août 2012 au 1er septembre 2022, aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
Aux termes de l’article L. 1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.
Enfin, selon l’article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Il résulte de ces textes que lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement, il appartient au salarié de démontrer que la rupture de son contrat de travail constitue une mesure de rétorsion à une plainte pour harcèlement moral ou sexuel. Dans le cas contraire, il appartient à l’employeur de démontrer l’absence de lien entre la dénonciation par le salarié d’agissements de harcèlement moral ou sexuel et son licenciement. (Soc. 18 octobre 2023, pourvoi n°22-18-678).
En l’espèce, le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, il appartient donc à la société Bayard de démontrer l’absence de lien entre la dénonciation d’agissements de harcèlement moral, faite par la salariée dans son courrier du 12 mars 2018 (« je suis très choquée par ce renvoi brutal, qui vient s’inscrire dans la continuité du harcèlement dont je fais l’objet depuis quelques mois ») et le licenciement.
La société Bayard se borne à affirmer que les motifs contenus dans la lettre de licenciement sont existants tout en soulignant que la dénonciation des faits de harcèlement est concomitante à la rupture du contrat de travail.
Elle ne démontre pas l’absence de lien entre cette dénonciation et la mesure de licenciement.
En conséquence, le licenciement de Mme [V] est nul. Le jugement sera infirmé.
Sur les conséquences de la rupture :
Sur les dommages-intérêts pour licenciement nul :
La salariée affirme que son salaire moyen brut, heures supplémentaires inclues, s’élève à 4 821,30 euros ; qu’elle avait une ancienneté de 4 ans et demi au moment de son licenciement.
Elle rappelle qu’en cas de licenciement nul, l’indemnité n’est pas soumise au plafonnement prévu à l’article L. 1235-3 du code du travail et ne peut être inférieure à six mois de salaire.
L’employeur réplique que la charge de la preuve concernant l’existence d’un préjudice pèse sur le demandeur ; que Mme [C] [V] ne rapporte pas la preuve de sa difficulté à retrouver un emploi.
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Aux termes de l’article L. 1235-3-1 du code du travail, dès lors que licenciement est entaché de nullité par application des dispositions de l’article L. 1152-3, l’indemnité octroyée ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
En considération de sa situation particulière, notamment de son âge, des circonstances de la rupture, de sa capacité à retrouver un emploi compte tenu de sa formation, il y a lieu, sur la base d’une rémunération mensuelle brute de 4 821,30 euros, de condamner la société Bayard, à verser à Mme [C] [V] la somme de 32 000 euros brut à titre d’indemnité pour licenciement nul, le jugement étant infirmé en ce sens.
Sur la demande de dommages-intérêts pour les circonstances abusives du licenciement :
La salariée estime que les circonstances de son licenciement sont vexatoires.
L’employeur réplique que la salariée ne fait état d’aucun fait laissant penser qu’il aurait commis une faute ayant causé un préjudice distinct de celui du licenciement.
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Le licenciement peut causer au salarié un préjudice distinct de celui lié à la perte de son emploi, en raison des circonstances brutales ou vexatoires qui l’ont accompagné, permettant au salarié de demander réparation de son préjudice moral, sur le fondement de la responsabilité civile prévue aux articles 1240 et suivants du code civil dans leur version applicable à l’espèce.
Mme [V] ne démontre pas avoir subi un préjudice distinct de celui résultant de sa perte d’emploi, ni un préjudice distinct de celui qui a été réparé par l’allocation des dommages et intérêts dans le cadre du harcèlement moral qu’elle a subi. Le jugement qui a rejeté sa demande à ce titre sera confirmé.
Sur la demande d’intérêts au taux légal
Les intérêts au taux légal portant sur les créances indemnitaires courent à compter du jugement dans la limite du montant de 19 000 euros et à compter de ce jour pour le surplus.
Sur les autres demandes :
Les dispositions du jugement déféré relatives aux frais irrépétibles et dépens seront confirmées.
La société Bayard, partie qui succombe au sens de l’article 696 du code de procédure civile, sera déboutée de sa demande en indemnisation de ses frais irrépétibles et condamnée à payer à Mme [C] [V] la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et ce, en sus des entiers dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition, contradictoirement
Dans la limite de la dévolution,
INFIRME le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour non-respect du temps de repos et des durées maximales de travail, harcèlement moral, accordé une somme de 19 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, rejeté les demandes au titre de la nullité du licenciement ;
Statuant à nouveau,
DIT nul le licenciement de Mme [V] ;
CONDAMNE la société Bayard à payer à Mme [C] [V] :
la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des temps de repos et des durées maximales de travail ;
la somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;
la somme de 32 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;
RAPPELLE que les sommes allouées par la cour sont exprimées en brut ;
DIT que les intérêts au taux légal sur les créances de nature indemnitaires courent à compter du jugement sur la somme de 19 000 euros et à compter de ce jour pour le surplus ;
CONFIRME le jugement pour le surplus ;
Y ajoutant,
DIT irrecevable la demande de la société Bayard en remboursement des jours de RTT ;
CONDAMNE la société Bayard aux dépens d’appel ;
CONDAMNE la société Bayard à payer à Mme [C] [V] la somme de 1 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE