Mme [L] [B] a été engagée par la S.A.R.L. Guy Chaussures en 1980 en tant que vendeuse responsable de magasin. Après plusieurs modifications de son contrat de travail, elle a été licenciée pour motif économique en 2018. Elle a saisi le conseil de prud’hommes d’Alès pour demander sa requalification en tant que cadre de catégorie 8, des rappels de salaires, des indemnités de congés payés, un complément de prime d’ancienneté et des dommages et intérêts. Le conseil de prud’hommes l’a déboutée de la plupart de ses demandes. Mme [B] a interjeté appel de cette décision. La cour doit maintenant statuer sur les demandes de Mme [B], qui soutient avoir droit à une requalification en tant que cadre et à des rappels de salaires, ainsi que sur les arguments de la société Shamantha et de l’UNEDIC délégation AGS CGEA.
Le salaire de base est composé d’une partie fixe et parfois d’une partie variable sous forme de commissions ou de bonus, appelés primes d’objectif. Les accessoires du salaire sont octroyés sous forme de primes diverses, qui peuvent avoir une origine légale, conventionnelle, contractuelle ou résulter de la volonté de l’employeur (usage, accord atypique ou engagement unilatéral).
A l’opposé, se trouvent les libéralités appelées encore gratifications bénévoles, dont le versement ne présente aucun caractère obligatoire puisque résultant d’une décision de l’employeur tant sur leur opportunité que sur leur montant.
Ainsi coexistent en droit positif la rémunération variable contractuelle sur objectifs déterminés, obligatoire pour l’employeur, même lorsqu’il fixe lui-même unilatéralement les objectifs, qui doivent être réalisables, fixés en début d’exercice et connus du salarié, et la rémunération variable à la discrétion de l’employeur, dénommée bonus, qui n’est acquise ni dans son principe ni dans son montant et est, de ce fait, dépourvue de caractère obligatoire.
Le fait qu’une prime soit qualifiée d’exceptionnelle ou d’objectif n’exclut pas forcément sa nature salariale. Il faut vérifier les conditions concrètes d’attribution de cette prime. Sont ainsi été considérés comme éléments de salaire:
– une gratification dite exceptionnelle, qui est en réalité attribuée périodiquement,
– un bonus exceptionnel qui vient remplacer un bonus généré par l’activité de vente du salarié et de son équipe initialement prévu au contrat de travail,
– les primes, de nature contractuelle, qui reposent sur des critères objectifs indépendants de la volonté de l’employeur,
– une prime de fin d’année dont le montant a été en progression constante pendant quinze ans, qui a toujours été calculée selon des règles arithmétiques précises, ne présente pas un caractère discrétionnaire,
– une prime présentant un caractère de fixité dès lors que son montant est en progression constante suit l’évolution des salaires et ne dépend pas des résultats de l’entreprise .
– si elles ne sont ni aléatoires ni dépendantes de la situation individuelle du salarié, par exemple – les primes de vacances et de fin d’année et les primes de treizième mois.
A l’inverse, sont exclus les éléments de rémunération présentant un caractère aléatoire ou de libéralité :
– une prime de non accident, indépendante de l’activité professionnelle, dépendant de la survenance ou non d’accident,
– une prime de fin d’année qui était remise en cause chaque année, était décidé par le conseil d’administration de l’association en fonction des résultats financiers de celle-ci même si son montant était indépendant de ces résultats et que ces conditions d’attribution avaient été portées à la connaissance des délégués du personnel,
– un bonus exceptionnel, une gratification bénévole dont l’employeur fixe discrétionnairement les montants et les bénéficiaires et qui est attribuée à l’occasion d’un événement unique ,
-un avantage octroyé à plusieurs reprises par décision du conseil d’administration, selon une procédure qui écartait tout automatisme, constitue une gratification dont le montant et l’attribution dépendent de l’employeur
– une prime liée à des considérations financières qui présente un caractère aléatoire.
Rappel de salaire en raison des fonctions effectivement exercées
En l’espèce, Mme [L] [B] demande un rappel de salaire pour les années 2015 à 2018, arguant qu’elle devait être classée en catégorie cadre 8 au lieu de vendeuse responsable de magasin catégorie 8. Cependant, les preuves apportées ne démontrent pas de manière concluante qu’elle exerçait les fonctions d’un cadre de catégorie 8. Par conséquent, sa demande de rappel de salaire est rejetée.
Motifs de la décision
Les premiers juges ont débouté Mme [L] [B] de sa demande de classification en catégorie cadre 8 et de ses demandes de rappel de salaire, la classant en catégorie agent de maîtrise 5. Cette décision est confirmée en raison du manque de preuves suffisantes concernant les fonctions effectivement exercées par la salariée.
Dommages et intérêts
Mme [L] [B] réclame des dommages et intérêts pour les préjudices subis en raison des manquements de l’employeur. Cependant, étant donné le rejet de ses demandes de rappel de salaire, sa demande de dommages et intérêts est également rejetée. Les règles de prescription en matière de salaire limitent les sommes auxquelles elle peut prétendre.
1. Il est essentiel de bien documenter et prouver les fonctions effectivement exercées pour pouvoir revendiquer une classification professionnelle supérieure et un salaire correspondant. Les attestations doivent être précises et détaillées pour appuyer la demande.
2. Il est important de vérifier les conditions d’attribution des primes et bonus pour déterminer s’ils ont un caractère obligatoire ou discrétionnaire. Les éléments de rémunération doivent être analysés pour déterminer s’ils sont considérés comme des salaires ou des libéralités.
3. En cas de litige concernant le rappel de salaire, il est déterminant de se référer aux dispositions légales et conventionnelles en vigueur pour déterminer le montant minimal garanti et vérifier si le salaire perçu est conforme. Il est également important de respecter les délais de prescription pour toute demande de rappel de salaire.
Rappel de salaire en raison des fonctions effectivement exercées
En l’espèce, Mme [L] [B] demande un rappel de salaire pour les années 2015 à 2018, arguant qu’elle aurait dû être classée en catégorie cadre 8 au lieu de vendeuse responsable de magasin catégorie 8. Cependant, les preuves apportées ne suffisent pas à démontrer qu’elle exerçait effectivement les fonctions d’un cadre de catégorie 8. Par conséquent, sa demande de rappel de salaire est rejetée.
Motifs
La charge de la preuve de l’exercice de fonctions relevant d’une classification conventionnelle supérieure incombe au salarié. En l’occurrence, les attestations fournies par Mme [L] [B] ne sont pas suffisantes pour prouver qu’elle exerçait les fonctions d’un cadre de catégorie 8. De plus, son salaire mensuel était supérieur au salaire minimal garanti pour un agent de maîtrise – 5. Par conséquent, sa demande est rejetée.
Dommages et intérêts
Mme [L] [B] réclame des dommages et intérêts pour les préjudices subis en raison des manquements de l’employeur. Cependant, étant donné le rejet de ses demandes de rappel de salaire, sa demande de dommages et intérêts est également rejetée. Elle ne peut obtenir des sommes auxquelles elle n’a pas droit en raison des règles de prescription des salaires.
Réglementation applicable
– Article 9 du code de procédure civile
– Article 1315 ancien ou 1353 nouveau du code civil
– Classification conventionnelle des personnels des détaillants de chaussures
– Grille de conversion entre l’ancienne et la nouvelle classification
– Salaires minima pour les différentes catégories
– Composition du salaire de base
– Différence entre rémunération variable contractuelle et rémunération variable à la discrétion de l’employeur
– Qualification des primes en fonction de leur nature salariale
– Exclusion des éléments de rémunération présentant un caractère aléatoire ou de libéralité
– Exemple de primes considérées comme éléments de salaire
– Exemple de primes exclues des éléments de salaire
– Preuve de l’exercice de fonctions relevant d’une classification conventionnelle supérieure
– Demande de rappel de salaire en raison des fonctions effectivement exercées
– Demande de dommages et intérêts pour préjudices subis
Avocats
– Me [R] [Z]
– Me Sylvie SERGENT
– Me Jean-charles JULLIEN
Mots clefs
– Motifs
– Rappel de salaire
– Charge de la preuve
– Classification conventionnelle
– Niveaux de classification
– Salaire minimum
– Rémunération variable
– Primes
– Libéralités
– Attestations
– Bulletin de salaire
– Grille de conversion
– Fonctions exercées
– Agent de maîtrise
– Cadre
– Preuve
– Déboutée
– Dommages et intérêts
– Préjudices subis
– Prescription des salaires
Définitions juridiques
– Motifs: Raisons ou justifications pour prendre une décision ou une action.
– Rappel de salaire: Montant d’argent dû à un employé pour des heures supplémentaires ou un salaire non payé.
– Charge de la preuve: Responsabilité de prouver un fait ou une allégation.
– Classification conventionnelle: Système de classification des emplois basé sur des conventions collectives.
– Niveaux de classification: Différents niveaux hiérarchiques dans une classification professionnelle.
– Salaire minimum: Montant minimum légal que les employeurs doivent payer à leurs employés.
– Rémunération variable: Partie du salaire qui varie en fonction de certains critères.
– Primes: Somme d’argent supplémentaire donnée en récompense pour un travail bien fait.
– Libéralités: Avantages ou cadeaux accordés de manière discrétionnaire par l’employeur.
– Attestations: Documents officiels confirmant un fait ou une situation.
– Bulletin de salaire: Document détaillant les éléments de rémunération d’un employé pour une période donnée.
– Grille de conversion: Tableau permettant de convertir des données d’une unité à une autre.
– Fonctions exercées: Tâches ou responsabilités effectuées dans le cadre d’un emploi.
– Agent de maîtrise: Employé ayant des responsabilités de supervision sur d’autres employés.
– Cadre: Employé occupant un poste de direction ou de gestion.
– Preuve: Éléments permettant de démontrer la véracité d’une allégation.
– Déboutée: Rejet d’une demande ou d’une plainte par une autorité compétente.
– Dommages et intérêts: Somme d’argent accordée à une partie lésée pour compenser un préjudice subi.
– Préjudices subis: Dommages ou pertes subis par une personne en raison d’une action ou d’une négligence.
– Prescription des salaires: Délai légal au-delà duquel une action en justice pour récupérer des salaires impayés n’est plus possible.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 20/01342 – N° Portalis DBVH-V-B7E-HW6S
CRL/DO
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE CPH D’ALES
13 mai 2020
RG :18/00175
[B]
C/
S.A.S.U. SHAMANTHA
S.E.L.A.R.L. SBCMJ
AGS CGEA [Localité 4]
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 10 JANVIER 2023
APPELANT :
Monsieur [L] [B]
né le 17 Janvier 1960 à [Localité 3] ([Localité 3])
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représenté par M. [K] [F] (Délégué syndical ouvrier)
INTIMÉES :
S.E.L.A.R.L. SBCMJ Prise en la personne de son gérant en exercice, Me [R] [Z], agissant es qualité de mandataire liquidateur de la SASU SHAMATHA
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Sylvie SERGENT de la SCP DELRAN-BARGETON DYENS-SERGENT- ALCALDE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
AGS CGEA [Localité 4]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représenté par Me Jean-charles JULLIEN de la SCP LAICK ISENBERG JULLIEN SAUNIER GARCIA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 11 Octobre 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 25 Octobre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 10 Janvier 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 10 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
Mme [L] [B] a été engagée par la S.A.R.L. Guy Chaussures à [Localité 7] à compter du 16 juin 1980 suivant contrat à durée indéterminée en qualité de vendeuse responsable de magasin catégorie employé 8 de la convention collective des détaillants de chaussures.
Le 5 janvier 1996, Mme [B] était licenciée pour motif économique suite à la fermeture de l’établissement de [Localité 7]. Le 15 mars 1996, la société Guy Chaussures abandonnait la procédure de licenciement à l’encontre de Mme [B] et réorganisait le temps de travail de cette dernière.
Par avenants du 15 janvier 1997 et du 1er mars 1999, la durée de travail de Mme [B] était modifiée. Puis, à compter de l’avenant du 30 octobre 2011, Mme [B] bénéficiait d’un contrat à temps complet.
En 2017, suite à une cession de fonds de commerce, le contrat de travail de Mme [B] était transféré à la SASU Shamatha.
Par jugement du 19 septembre 2018, le tribunal de commerce de Nîmes prononçait la liquidation judiciaire de la société Shamantha et désignait Me [R] [Z] en qualité de liquidateur judiciaire.
Par lettre du 21 septembre 2018, Me [Z] convoquait Mme [B] à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement.
Le 04 octobre 2018, Mme [B] était licenciée pour motif économique.
Estimant que son employeur ne lui avait jamais appliqué la nouvelle classification de la convention collective des détaillants de chaussure, le 21 décembre 2018, Mme [B] saisissait le conseil de prud’hommes d’Alès afin de solliciter sa requalification en qualité de cadre de catégorie 8 avec pour conséquence un rappel de salaires, d’indemnités de congés payés, un complément de prime d’ancienneté outre des dommages et intérêts.
Par jugement de départage du 13 mai 2020, le conseil de prud’hommes d’Alès a :
– débouté Mme [L] [B] de sa demande de requalification en qualité de cadre catégorie 8,
– dit que Mme [L] [B] doit être qualifiée d’agent de maîtrise de catégorie 5 à compter du 1er janvier 2016,
– débouté Mme [L] [B] de sa demande de rappels de salaires et de congés payés sur rappels de salaires,
– débouté Mme [L] [B] de sa demande de rappel de prime d’ancienneté,
– débouté Mme [L] [B] de sa demande de dommages et intérêts,
– débouté Mme [L] [B] de sa demande de remise de documents sous astreinte,
– condamné Mme [L] [B] aux entiers dépens,
– condamné Mme [L] [B] à verser à Me [R] [Z], ès qualité de liquidateur judiciaire de la SASU Shamantha, le somme de 1000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté toute demande plus ample ou contraire.
Par acte du 2 juin 2020 reçu le 8 juin 2020, Mme [L] [B] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance en date du 13 juillet 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 11 octobre 2022 à 16 heures. L’affaire a été fixée à l’audience du 25 octobre 2022 à 14 heures.
Aux termes de ses dernières conclusions reçues le 07 septembre 2020, Mme [L] [Z] demande à la cour de :
– réformer la décision rendue par le conseil de prud’hommes d’Alès du 13 mai 2020,
– dire et juger qu’elle rapporte bien les preuves des fonctions qu’elle a réellement exercées et la classe au statut de cadre 8 de la convention collective,
– faire droit à ses demandes sur :
* requalification de responsable de magasin au statut de cadre n°8
* rappels de salaires de décembre 2015 à décembre 2018 : 34 531,46 euros brut
* rappel des primes d’ancienneté de décembre 2015 à décembre 2018: 5 179,71 euros brut
* rappel des congés payés sur rappels des salaires : 3 453,13 euros
* 5000 euros de dommages et intérêts en réparation des divers préjudices subis
– ordonner la remise d’un bulletin de salaire et d’une attestation Pôle Emploi englobant les rappels de salaires, les primes d’ancienneté et les congés payés sous astreinte de 50 euros par jours de retard
– réserver les dépens.
Mme [L] [B] soutient que :
– à compter du 08 décembre 2014, elle aurait dû bénéficier du statut de cadre catégorie 8 compte tenu de l’avenant N°78 signé dans le cadre de la convention collective nationales des détaillants en chaussures,
– la nouvelle convention collective la place automatique dans la fonction de cadre et plus dans celle d’agent de maîtrise,
– par ailleurs, sa qualification allait au-delà d’agent de maîtrise compte tenu des fonctions qu’elle assumait réellement et de la mention qui figure sur ses bulletins de salaire,
– en raison de cette requalification, elle est en droit de revendiquer des rappels de salaires sur trois ans en application de l’article 5 de l’avenant N°78 du 8 décembre 2014,
– elle a subi un préjudice financier car si l’employeur avait appliqué l’avenant N°78 du 08 décembre 2014, elle aurait eu droit depuis 2014, à un salaire plus important, mais en raison de la prescription, elle ne peut réclamer un rappel de salaire pour la période antérieure au 31 décembre 2015, ce préjudice devant être réparé par l’octroi de dommages et intérêts.
En l’état de ses dernières écritures en date du 03 décembre 2020, la SELARL SBCMJ – Me [R] [Z] en sa qualité de mandataire liquidateur de la SASU Shamantha demande la cour de :
– confirmer purement et simplement le jugement du conseil de prud’hommes d’Alès en date du 13 mai 2020,
– débouter en conséquence Mme [L] [B] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
– la condamner au paiement d’une somme de 3.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Il fait valoir que :
– contrairement à la présentation réalisée par la partie adverse, le débat ne porte pas sur le poste de travail occupé par Mme [B] mais sur la classification sollicitée par cette dernière, à savoir celle de cadre,
– Mme [B] fait une lecture erronée des dispositions conventionnelles:
* la grille conventionnelle des classifications des emplois des détaillants de chaussures a été clarifiée par avenant du 8 décembre 2014, celle-ci étant applicable depuis le 1er janvier 2016
* l’ancienne classification de la convention collective comprenait huit catégories et Mme [B] occupait le poste de responsable de magasin catégorie 8 ;
* la nouvelle classification prévoit quatre catégories pour les employés de vente et deux catégories (5 et 6) pour les agents de maîtrise affectés à la vente, les dispositions conventionnelles prévoyant d’ailleurs une grille de correspondance entre l’ancienne et la nouvelle classification.
* la grille de conversion fait correspondre la catégorie employé 8 de l’ancienne classification à la catégorie agent de maîtrise 5 ou 6 de la nouvelle classification,
– Mme [B] aurait donc dû bénéficier, à compter du 1er janvier 2016, de la catégorie ‘agent de maîtrise 5″ selon la nouvelle classification conventionnelle, ce que la société Shamantha a omis de mentionner sur les bulletins de salaire de la salariée,
– cette omission n’a eu aucune incidence en termes de rémunération pour Mme [B] puisque cette dernière bénéficiait d’un taux horaire brut bien supérieur au minimum conventionnel,
– contrairement à ce que soutient la salariée, il n’y avait pas de catégorie agent de maîtrise sous l’ancienne classification conventionnelle qui la plaçait dans une classification 8 mais de catégorie employé,
– Mme [B] n’établit pas que les fonctions qu’elle exerçait relevaient de la classification cadre 8,
– la demande de dommages et intérêts de Mme [B] est abusive, erronée et dépourvue de toute base légale et ce d’autant plus qu’elle ne justifie d’aucun préjudice.
L’UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 4], reprenant ses conclusions transmises le 05 novembre 2011, demande à la cour de :
– confirmer la décision rendue,
– rejeter la demande de rappel de salaire et d’indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire telle que formulée par Mme [L] [B],
– débouter Mme [L] [B] de sa demande de paiement de rappel de prime d’ancienneté,
– débouter Mme [L] [B] de sa demande de dommages et intérêts,
– faire application des dispositions législatives et réglementaires du code de commerce,
– lui donner acte de ce qu’elle revendique le bénéfice exprès et d’ordre public des textes légaux et décrets réglementaires applicables, tant au plan de la mise en oeuvre du régime d’assurance des créances des salariés, que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément les articles L.3253-8, L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l’audience.
MOTIFS
Rappel de salaire en raison des fonctions effectivement exercées
L’article 9 du code de procédure civile dispose « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ». Selon l’article 1315 ancien ou 1353 nouveau du code civil : « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ».
En application de ces textes la charge de la preuve de l’exercice de fonctions relevant d’une classification conventionnelle supérieure incombe au salarié.
La classification conventionnelle concernant les personnels des détaillants de chaussures, applicable à compter du 1er janvier 2016, figurant en annexe de la convention collective des détaillants de chaussures et correspondant à l’avenant du 8 décembre 2014, définit en son article 3 les nouvelles classifications professionnelles, selon 8 niveaux, en distinguant les postes en vente et ceux en administratif et logistique, et notamment pour les postes en vente :
* dans la catégorie ‘ agent de maîtrise’ :
– niveau 5 : -Responsable de magasin : gère le stock courant (commandes, avoirs, litiges simples avec les fournisseurs) selon les directives de sa hiérarchie – Anime l’équipe de vente – Gère les conflits avec la clientèle – Alerte la hiérarchie sur les problèmes de non-conformité des livraisons – Est sous la responsabilité d’un cadre ou de l’employeur – Délégation pour l’animation et le conseil d’une équipe
– Responsable de magasin : Anime une équipe de plus de 5 employés
Peut participer à la politique de démarque – Est sous la responsabilité d’un cadre ou de l’employeur
* dans la catégorie ‘ cadre qui peuvent effectuer la totalité ou une partie des tâches’ :
– niveau 7 : Moins de 2 ans dans la fonction – Sous l’autorité de l’employeur :
‘ assure la fidélisation de la clientèle
‘ contribue au développement du chiffre d’affaires
‘ responsable des stocks
‘ fixe, suit et évalue les résultats quantitatifs et qualitatifs dans le but de mettre en place des ajustements
‘ effectue les achats de collections et négocie avec les fournisseurs
‘ coordonne et valide les actions commerciales
‘ dirige et encadre les salariés selon les directives de l’employeur
– niveau 8 : même attribution que le niveau 7 mais pour les personnes ayant plus de 2 ans dans la fonction
L’article 4 de cet avenant fournit la grille de conversion entre l’ancienne et la nouvelle classification et l’article 5 les salaires minima pour les différentes catégories :
Nouvelle classification
Ancienne classification
Salaires minima
Employé 1
Employés 1 à 2
1.470
Employé 2
Employé 3
1.475
Employé 3
Employés 4 à 5
1.512
Employé 4
Employés 6 à 7
1.575
Agent de maîtrise 5
Employé 8 et employé administratif 9
1.650
Agent de maîtrise 6
Employé 8
1.650
Cadre 7
Cadres 1 à 2
2.260
Cadre 8
Cadre 3 à 4
3.080
Cadre 9
Cadre 5
3.740
Le salaire de base est composé d’une partie fixe et parfois d’une partie variable sous forme de commissions ou de bonus, appelés primes d’objectif. Les accessoires du salaire sont octroyés sous forme de primes diverses, qui peuvent avoir une origine légale, conventionnelle, contractuelle ou résulter de la volonté de l’employeur (usage, accord atypique ou engagement unilatéral).
A l’opposé, se trouvent les libéralités appelées encore gratifications bénévoles, dont le versement ne présente aucun caractère obligatoire puisque résultant d’une décision de l’employeur tant sur leur opportunité que sur leur montant.
Ainsi coexistent en droit positif la rémunération variable contractuelle sur objectifs déterminés, obligatoire pour l’employeur, même lorsqu’il fixe lui-même unilatéralement les objectifs, qui doivent être réalisables, fixés en début d’exercice et connus du salarié, et la rémunération variable à la discrétion de l’employeur, dénommée bonus, qui n’est acquise ni dans son principe ni dans son montant et est, de ce fait, dépourvue de caractère obligatoire.
Le fait qu’une prime soit qualifiée d’exceptionnelle ou d’objectif n’exclut pas forcément sa nature salariale. Il faut vérifier les conditions concrètes d’attribution de cette prime. Sont ainsi été considérés comme éléments de salaire:
– une gratification dite exceptionnelle, qui est en réalité attribuée périodiquement,
– un bonus exceptionnel qui vient remplacer un bonus généré par l’activité de vente du salarié et de son équipe initialement prévu au contrat de travail,
– les primes, de nature contractuelle, qui reposent sur des critères objectifs indépendants de la volonté de l’employeur,
– une prime de fin d’année dont le montant a été en progression constante pendant quinze ans, qui a toujours été calculée selon des règles arithmétiques précises, ne présente pas un caractère discrétionnaire,
– une prime présentant un caractère de fixité dès lors que son montant est en progression constante suit l’évolution des salaires et ne dépend pas des résultats de l’entreprise .
– si elles ne sont ni aléatoires ni dépendantes de la situation individuelle du salarié, par exemple – les primes de vacances et de fin d’année et les primes de treizième mois.
A l’inverse, sont exclus les éléments de rémunération présentant un caractère aléatoire ou de libéralité :
– une prime de non accident, indépendante de l’activité professionnelle, dépendant de la survenance ou non d’accident,
– une prime de fin d’année qui était remise en cause chaque année, était décidé par le conseil d’administration de l’association en fonction des résultats financiers de celle-ci même si son montant était indépendant de ces résultats et que ces conditions d’attribution avaient été portées à la connaissance des délégués du personnel,
– un bonus exceptionnel, une gratification bénévole dont l’employeur fixe discrétionnairement les montants et les bénéficiaires et qui est attribuée à l’occasion d’un événement unique ,
-un avantage octroyé à plusieurs reprises par décision du conseil d’administration, selon une procédure qui écartait tout automatisme, constitue une gratification dont le montant et l’attribution dépendent de l’employeur
– une prime liée à des considérations financières qui présente un caractère aléatoire.
En l’espèce, Mme [L] [B] expose au soutien de sa demande de rappel de salaire pour les années 2015 à 2018, ainsi que des rappels de congés payés y afférents, qu’elle pouvait prétendre à un salaire correspondant au classement 8 de la convention collective, et non pas au classement vendeuse responsable de magasin catégorie 8 de l’ancienne classification auquel elle a été positionnée, pour les différents motifs suivants :
– l’avenant du 8 décembre 2014 la place ‘de son ancienne catégorie d’agent de maîtrise ( ancienne catégorie ) à celle de cadre catégorie 8 ( nouvelle classification)’,
– les attestations qu’elle verse aux débats démontrent qu’elle exerçait les fonctions de cadre catégorie 8, soit les attestations de :
– Mme [P] [G] qui se présente comme responsable de magasin et indique que Mme [L] [B] en qualité de responsable de magasin se rendait sur les salons pour choisir les collections, qu’elle gérait les commandes auprès des fournisseurs, recevait le courrier et vérifiait les comptes avant la transmission au comptable, ‘ toute la gestion de la société passait par elle’,
– M. [E] [S], VRP en chaussures ; M. [Y] [U], VRP ; M. [W] [A], agent commercial ; Mme [H] [J], VRP sur le marché de la chaussure lesquels indiquent que Mme [L] [B] était présente sur les salons professionnels, participait aux achats des collections, était leur interlocutrice pour l’entreprise, le premier précisant que ‘ c’était [L] qui s’occupait de tout’ .
Pour remettre en cause ces éléments, la SELARL SBCMJ – Me [R] [Z] en sa qualité de mandataire liquidateur de la SASU Shamantha observe que les missions décrites par les attestations sont les missions classiques des responsables de magasin, classification qui figure sur le bulletin de salaire de Mme [L] [B] et que la catégorie d’employé niveau 8 de l’ancienne classification est devenue à compter du 1er janvier 2016, celle d’agent de maîtrise 5 ou 6, qui correspondent aux taches décrites par Mme [L] [B].
Il ressort de l’examen des bulletins de salaire de Mme [L] [B] qu’elle a bénéficié initialement, sur la période litigieuse, d’une classification en catégorie ‘ vendeuse responsable de magasin cat.8″ qui correspond dans la grille de classification ancienne version à la catégorie ‘ Employé 8″ étant observé que l’ancienne classification ne comprenait pas, contrairement aux affirmations de Mme [L] [B], de catégorie agent de maîtrise, ni de catégorie de cadre au-delà du niveau 5.
Par application de la grille de conversion, la catégorie employé 8 est devenue à compter du 1er janvier 2016 la catégorie agent de maîtrise – 5 ou agent de maîtrise – 6 , cette seconde catégorie ne comprenant pas de poste en vente mais uniquement en administratif et logistique.
Force est de constater que les attestations produites par Mme [L] [B] émanant des représentants de fournisseurs ne suffisent pas à démontrer que Mme [L] [B] avait pour fonction d’ ‘ assurer la fidélisation de la clientèle, contribuer au développement du chiffre d’affaires, fixer, suivre et évaluer les résultats quantitatifs et qualitatifs et mettre en place les ajustements nécessaires, coordonner et valider les actions commerciales’ quand bien même elle serait intervenu sur les achats de collections. De plus, les attestations produites sont particulièrement vagues et générales et ne permettent pas de comprendre le quotidien de l’activité de la salarié.
Au surplus, les fonctions décrites par Mme [P] [G] correspondent aux activités d’un responsable de magasin, soit un statut d’agent de maîtrise -5.
Dès lors, Mme [L] [B] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de ce qu’elle aurait exercé non pas les fonctions d’un agent de maîtrise – 5 mais celles dévolues à un cadre de catégorie 8 et sera déboutée de sa demande de classification en ce sens.
S’agissant du rappel de salaire pour non respect du salaire minimal conventionnel, il ressort des bulletins de salaires de Mme [L] [B] et de ses écritures que son salaire mensuel était de 2.032,38 euros outre une prime d’ancienneté de 304,86 euros et une indemnité de petit déplacement de 53,35 euros soit un salaire global mensuel de 2.390,59 euros, lequel est supérieur au salaire minimal garanti pour un agent de maîtrise – 5 de 1.650 euros. Elle sera par suite déboutée de sa demande de rappel de salaire.
En conséquence, c’est pas des motifs pertinents auxquels il convient également de se référer que les premiers juges ont débouté Mme [L] [B] de sa demande de classification en catégorie cadre 8 et de ses demandes de rappel de salaire et ont jugé qu’elle devait être classée en catégorie agent de maîtrise 5. Leur décision sera confirmée sur ce point.
Dommages et intérêts
Mme [L] [B] sollicite la somme de 5.000 euros de ‘ dommages et intérêts en réparations des divers préjudices subis’ et soutient qu’en raison des manquements de l’employeur et des règles de prescription en matière de salaire elle n’a pu présenter une demande de rappel de salaire que sur trois ans.
Par suite du débouté des demandes présentées au titre des rappels de salaire, Mme [L] [B] sera également déboutée de sa demande de dommages et intérêts, étant rappelé qu’elle ne saurait au surplus obtenir sous forme de dommages et intérêts des sommes auxquels elle ne pourrait prétendre en raison des règles en matière de prescription des salaires.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 mai 2020 par le conseil de prud’hommes d’Alès,
Condamne Mme [L] [B] à verser à la SELARL SBCMJ – Me [R] [Z] en sa qualité de mandataire liquidateur de la SASU Shamatha la somme de 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne Mme [L] [B] aux dépens de la procédure d’appel.
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,