Monsieur [G] a été engagé par la société BETAFENCE FRANCE en 1991 en tant que Responsable de secteur, puis nommé Responsable grands comptes en 2010. Suite à un changement d’actionnaire en 2017, il a été placé en arrêt maladie en 2018 et déclaré inapte au travail en 2019. Il a été licencié pour inaptitude par la société BETAFENCE FRANCE, ce qui a conduit à un litige devant le conseil de prud’hommes de Meaux. Monsieur [G] a fait appel de la décision du conseil de prud’hommes, demandant à la cour de juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner son employeur à des dommages-intérêts. La société BETAFENCE a demandé à la cour de confirmer le licenciement pour inaptitude et de réduire le montant des dommages-intérêts demandés par Monsieur [G]. L’affaire est en attente de jugement.
1. L’employeur doit respecter son obligation de sécurité envers ses salariés, en prenant toutes les mesures nécessaires pour assurer leur sécurité et protéger leur santé physique et mentale. En cas de manquement à cette obligation, le licenciement pour inaptitude peut être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.
2. En cas de licenciement pour inaptitude, l’employeur doit mettre en œuvre la procédure légale de licenciement pour inaptitude et verser au salarié les indemnités correspondantes. Il est important de respecter les droits du salarié et de lui fournir les compensations auxquelles il a droit.
3. En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié peut réclamer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui peut être évaluée en fonction de son ancienneté, de son salaire et de ses perspectives d’emploi. Il est essentiel de faire valoir ses droits et de demander une juste compensation en cas de licenciement abusif.
Sur le licenciement
En l’absence de possibilité de reclassement du salarié déclaré inapte ou en cas de dispense de recherche de reclassement, l’employeur qui envisage de rompre le contrat de travail du salarié doit mettre en oeuvre la procédure légale de licenciement pour inaptitude et verser au salarié les indemnités correspondantes. Cependant, lorsque l’inaptitude est la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il appartient à l’employeur de démontrer qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des salariés.
Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse
Sur l’indemnité de préavis et les congés payés afférents, en vertu de la convention collective applicable, Monsieur [G] est fondé à réclamer un montant de 6 mois de salaire au titre de l’indemnité de préavis, soit 42.035,22 € (7.005,87 € x 6), outre les congés payés sur préavis, soit 4.203,52 €. Concernant l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Monsieur [G] justifie de 27 années d’ancienneté et est fondé à obtenir une indemnité égale à une somme comprise entre 3 et 19 mois de salaire, soit entre 21.017,61 € et 133.111,53 €.
Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité
L’employeur a manqué à son obligation de sécurité, ce qui a conduit à un état anxio-dépressif réactionnel chez le salarié. Ce manquement a causé une perte de chance pour le salarié de voir son état de santé s’améliorer. En conséquence, la société BETAFENCE FRANCE est condamnée à verser une somme de 5.000 € de dommages-intérêts à Monsieur [G].
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
La société BETAFENCE FRANCE est condamnée aux dépens tant de la première instance que de l’appel, ainsi qu’à verser à Monsieur [G] la somme de 3.000 € au titre des frais de procédure engagés en première instance et en cause d’appel. La société BETAFENCE FRANCE est déboutée de sa demande au titre des frais de procédure.
Sur les intérêts
Les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, et les autres condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019, date de convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation.
Réglementation applicable
– Code du travail
– Code de la sécurité sociale
– Code de la sécurité intérieure
– Code de la santé publique
– Code de la sécurité intérieure
– Code de procédure civile
Avocats
– Me François SIMONNET de la SELAS CABINET SIMONNET, avocat au barreau de STRASBOURG
– Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS
Mots clefs
– Licenciement
– Inaptitude
– Obligation de sécurité
– Santé physique et mentale
– Pression au travail
– Objectifs irréalisables
– Trouble dépressif réactionnel
– Conditions de travail
– Enquête interne
– Indemnité de préavis
– Congés payés
– Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– Barème de l’article L.1235-3 du code du travail
– Dommages-intérêts
– Obligation de sécurité
– Dépens
– Intérêts
Définitions juridiques
– Licenciement: rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur
– Inaptitude: incapacité d’un salarié à exercer son travail pour des raisons de santé
– Obligation de sécurité: devoir de l’employeur de garantir la santé et la sécurité de ses salariés au travail
– Santé physique et mentale: état de bien-être physique et psychologique d’un individu
– Pression au travail: contraintes et exigences excessives exercées sur un salarié dans le cadre de son travail
– Objectifs irréalisables: objectifs fixés par l’employeur qui ne peuvent être atteints par le salarié
– Trouble dépressif réactionnel: trouble psychologique réactionnel à un événement stressant ou traumatisant
– Conditions de travail: ensemble des éléments qui définissent les conditions dans lesquelles un salarié exerce son travail
– Enquête interne: investigation menée au sein de l’entreprise pour résoudre un problème ou un litige
– Indemnité de préavis: somme versée au salarié en cas de rupture de son contrat de travail avec un préavis
– Congés payés: période de repos rémunérée accordée au salarié par l’employeur
– Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: compensation financière versée au salarié en cas de licenciement abusif
– Barème de l’article L.1235-3 du code du travail: barème fixant les indemnités prud’homales en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse
– Dommages-intérêts: compensation financière versée à une personne pour réparer un préjudice subi
– Dépens: frais engagés dans le cadre d’une procédure judiciaire
– Intérêts: somme d’argent due en réparation d’un préjudice subi, calculée en fonction du taux d’intérêt en vigueur.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 9
ARRET DU 28 FEVRIER 2024
(n° , 2 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/04403 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDWNM
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Avril 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MEAUX – RG n° F19/00816
APPELANT
Monsieur [N] [G]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me François SIMONNET de la SELAS CABINET SIMONNET, avocat au barreau de STRASBOURG, toque : 60
INTIMEE
S.A.S.U. BETAFENCE FRANCE SAS prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés
en cette qualité au siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
M. Stéphane MEYER, président
M. Fabrice MORILLO, conseillère
Mme Nelly CHRETIENNOT, conseiller
Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre et par Monsieur Jadot TAMBUE, greffier à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Le groupe européen BETAFENCE est spécialisé dans la fabrication de systèmes de clôtures, de contrôles d’accès et de treillis industriels. La SAS BETAFANCE FRANCE est l’entité française du groupe.
La convention collective applicable est celle des ingénieurs et cadres de la Métallurgie (IDCC 650).
Monsieur [N] [G] a été engagé par la société BETAFENCE FRANCE le 10 décembre 1991 en qualité de Responsable de secteur.
En 2010, Monsieur [G] a été nommé Responsable grands comptes.
Un changement d’actionnaire a eu lieu fin 2017, entraînant des modifications d’organisation et de politique commerciale, et la nomination d’un nouveau supérieur hiérarchique pour Monsieur [G], en la personne de Monsieur [T] qui a été recruté en qualité de Directeur des ventes de BETAFENCE.
Monsieur [G] a été placé en arrêt maladie du 3 décembre au 31 décembre 2018, puis à nouveau à compter du 18 janvier 2019. Il n’a jamais repris son poste.
Le médecin du travail a prononcé son inaptitude le 11 juillet 2019 avec la précision que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 23 juillet 2019, la société BETAFENCE FRANCE a convoqué Monsieur [G] à un entretien préalable fixé au 31 juillet 2019. A la suite de cet entretien, elle lui a notifié sa décision de le licencier en raison de son inaptitude par lettre recommandée avec avis de réception du 12 août 2019.
Monsieur [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Meaux le 23 octobre 2019 afin de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, de voir condamner son employeur aux indemnités consécutives à cette absence de cause réelle et sérieuse, ainsi qu’à des dommages-intérêts au titre du manquement à l’obligation de sécurité.
Par jugement du 8 avril 2021, le conseil de prud’hommes de Meaux a débouté Monsieur [G] de toutes ses demandes.
Monsieur [G] a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration du 7 mai 2021 , en visant expressément les dispositions critiquées.
Par écritures récapitulatives notifiées électroniquement le 26 avril 2022, Monsieur [G] demande à la cour de :
– Infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
– Dire le licenciement dépourvu de la cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
– Condamner la société BETAFENCE à verser à Monsieur [G] :
– 200.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 42.035,22 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 4.203,52 € à titre de congés payés sur préavis,
le tout avec les intérêts légaux à compter de la signification de la demande,
– Condamner la société BETAFENCE à verser à Monsieur [G] 10.000 € à titre de dommages intérêts résultant de la violation par BETAFENCE de son obligation de sécurité et de résultat avec les intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir,
– Condamner la société BETAFENCE à verser à Monsieur [G] une indemnité de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner la société BETAFENCE aux dépens.
Par écritures récapitulatives notifiées électroniquement le 10 décembre 2021, la société BETAFENCE demande à la cour de :
À titre principal, confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :
– Jugé justifié le licenciement pour inaptitude prononcé à l’encontre de Monsieur [G],
– Constaté que la société BETAFENCE n’a pas manqué à son obligation de sécurité,
– Constaté l’absence de discrimination et de harcèlement,
– Débouté Monsieur [G] de l’intégralité de ses demandes.
À titre subsidiaire, réduire le montant des dommages-intérêts sollicités à l’équivalent de 3 mois de salaire brut, soit 21.015 € bruts,
En tout état de cause,
– Débouter Monsieur [G] de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Le condamner à payer à la société BETAFENCE une somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’au paiement des dépens.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 24 octobre 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.
MOTIFS
Sur le licenciement
En l’absence de possibilité de reclassement du salarié déclaré inapte ou en cas de dispense de recherche de reclassement, l’employeur qui envisage de rompre le contrat de travail du salarié doit mettre en oeuvre la procédure légale de licenciement pour inaptitude et verser au salarié les indemnités correspondantes.
Cependant, lorsque l’inaptitude est la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur a l’obligation d’assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale de ses salariés.
Il appartient à l’employeur de démontrer qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des salariés.
En l’espèce, le salarié expose qu’avec le changement de politique commerciale du groupe lié à l’arrivée d’un nouvel actionnaire, et la nomination d’un nouveau supérieur hiérarchique, il a été mis sous pression avec la fixation de nouveaux objectifs irréalisables et une dévalorisation récurrente de son travail, qui plus est devant ses collaborateurs. Il explique que l’attitude de la société et du nouveau directeur des ventes a profondément affecté sa santé, et a été à l’origine du trouble dépressif réactionnel qui a causé l’inaptitude fondant son licenciement.
A l’appui de ses dires, s’agissant des nouveaux objectifs qui lui ont été fixés, le salarié produit un tableau des chiffres qui indiquent que son objectif allait être de 130% sur l’année 2019, soit une augmentation d’un tiers.
La société BETAFENCE ne conteste pas cette augmentation importante, qui est bien supérieure à celle de la majorité de ses collègues, mais la justifie par le fait que le salarié avait atteint des objectifs faibles les années précédentes. Toutefois, les objectifs précédents avaient été fixés par la société et avaient tous été atteints par le salarié, qui avait perçu ses primes sur objectifs. La société n’explicite pas en quoi cette forte augmentation des objectifs était réalisable par Monsieur [G], qui se voyait certes attribuer une nouvelle assistante, mais ne disposait pas de nouveaux produits ou nouveaux marchés.
Il ressort de l’attestation de Madame [L], salariée de la société BETAFENCE, que le doublement voir triplement des objectifs de Monsieur [G] avait été abordé lors de deux réunions, le 9 octobre 2018 et le 17 janvier 2019. Un autre collègue, Monsieur [C], le confirme et parle de » pression » exercée par l’employeur, qui avait fortement affecté Monsieur [G] dont il avait constaté l’amaigrissement, et qui a conduit selon lui à son arrêt maladie.
Des partenaires sportifs de Monsieur [G], s’ils n’ont pas pu constater ses conditions de travail, attestent néanmoins d’un changement de comportement avec une forte baisse de moral et un amaigrissement important à compter de septembre 2018, que l’intéressé leur a exposé être en lien avec ses conditions de travail.
Des certificats médicaux produits par Monsieur [G], s’ils ne peuvent faire état des conditions de travail de celui-ci, font état d’un trouble anxio-dépressif sévère, qui est à l’origine de ses deux arrêts de travail, et que le patient a mis en lien avec ses conditions de travail.
La société BETAFENCE connaissait également la dégradation de l’état de santé de Monsieur [G], puisqu’elle indique que c’est après avoir constaté le malaise et l’amaigrissement de Monsieur [G] que son supérieur hiérarchique, préoccupé, lui a proposé un entretien dans son bureau le 30 novembre 2018. La société et le salarié n’ont pas la même version du contenu de cet entretien, le salarié évoquant pour sa part un rappel humiliant des objectifs à atteindre, mais tous deux s’accordent sur le fait que Monsieur [G] en soit sorti en larmes, et qu’il ait été ensuite placé en arrêt de travail du 3 décembre au 31 décembre 2018.
A la suite de ces alertes pourtant évidentes d’une dégradation de l’état de santé du salarié, dans un contexte de changement de politique commerciale et de forte augmentation des objectifs, la société n’a rien mis en oeuvre pour s’assurer du respect de la sécurité et de la santé de celui-ci sur son lieu de travail. Lors de son retour d’arrêt de travail en janvier 2019, ses objectifs lui ont au contraire été rappelés l ors d’une réunion du 17 janvier 2019.
Après qu’il a fait état, à la suite de son second arrêt de travail du 28 janvier 2019, par courrier du son conseil du 14 février 2019, de son épuisement professionnel en lien avec les pressions et le caractère anxiogène de ses conditions de travail imposées par la société et son supérieur hiérarchique, la société BETAFENCE a répondu un mois après, le 28 février 2019 :
– que les conditions de travail dégradées qu’il invoquait n’étaient pas établies,
– qu’il était au contraire attesté par une enquête réalisée fin août 2018 qu’il bénéficiait d’un environnement managérial positif,
– que si Monsieur [G] rencontrait des difficultés à s’adapter au changement, elle était disposée à l’accompagner à son retour, et à lui faire bénéficier d’un entretien personnalisé avec son supérieur hiérarchique et la médecine du travail.
La société BETAFENCE n’a toutefois mis en oeuvre aucune mesure concrète après ce courrier, se contentant d’affirmer qu’elle ne pouvait rien mettre en place avant le retour effectif du salarié, ce qui est inexact.
Elle fait état d’une étude réalisée en août 2018, qui attesterait du bien être des salariés et d’un environnement managérial bienveillant. Toutefois, d’une part, si cette enquête réalisée sous forme de questionnaire anonyme afin d’évaluer le changement mis en place met en évidence des éléments positifs (96% des salariés se sentent à l’aise avec leur supérieur hiérarchique, 89% trouvent leur supérieur hiérarchique encourageant, 59% estiment que leurs conditions de travail s’améliorent), elle révèle également que l’évolution à l’oeuvre ne l’était pas forcément dans sa globalité, si on regarde plus attentivement les différentes questions posées aux salariés (48% des salariés estimaient l’organisation de travail non adaptée à leurs missions, 89% estimaient leur travail stressant, 41% estimaient que leur charge de travail n’était pas raisonnable, 63% travaillaient au-delà de leurs horaires de travail, 56 % n’étaient pas optimistes sur l’avenir de l’entreprise).
D’autre part, cette enquête très générale ne concernait pas la situation spécifique de Monsieur [G] qui aurait nécessité une réponse individualisée, compte tenu des alertes sus évoquées. Or, aucune mesure d’enquête ou de vérification de l’adéquation des nouveaux objectifs avec le poste de Monsieur [G] n’a été réalisée.
Monsieur [G] était pourtant, avant la mise en oeuvre du changement de politique commerciale et l’arrivée de son nouveau supérieur hiérarchique, un salarié apprécié et dont la compétence était reconnue, ainsi que l’admet l’entreprise elle-même et qu’en attestent plusieurs de ses anciens collègues. Alors qu’il avait 26 ans d’ancienneté dans la société, aucun incident ou problème de santé antérieur n’est invoqué.
Il ressort de l’ensemble de ces éléments que l’entreprise a manqué à son obligation de sécurité à l’égard de Monsieur [G], et que ce manquement est à l’origine du trouble anxio-dépressif ayant conduit à la reconnaissance de l’inaptitude qui fonde le licenciement.
En conséquence, il convient d’infirmer le jugement déféré, et statuant à nouveau, de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse
Sur l’indemnité de préavis et les congés payés afférents
En vertu de l’article 27 de la convention collective applicable, Monsieur [G] est fondé à réclamer un montant de 6 mois de salaire au titre de l’indemnité de préavis, soit 42.035,22 € (7.005,87 € x 6), outre les congés payés sur préavis, soit 4.203,52 €.
Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Monsieur [G] justifie de 27 années d’ancienneté et l’entreprise emploie habituellement plus de 10 salariés.
En dernier lieu, il percevait un salaire mensuel brut de 7.005,87 €.
Le salarié soutient que le barème de l’article L.1235-3 du code du travail n’est pas applicable, sans en expliciter la raison. Or, au regard des circonstances de l’espèce, rien ne justifie d’en écarter l’application.
Au regard des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail, il est fondé à obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse égale à une somme comprise entre 3 et 19 mois de salaire, soit entre 21.017,61 € et 133.111,53 €.
Au moment de la rupture, le salarié était âgé de 52 ans et il justifie de sa situation de demandeur d’emploi jusqu’à la création de sa société de consulting en décembre 2020. Il argue du fait qu’il a des revenus moindres dans le cadre de son activité d’entrepreneur, et produit un bilan faisant état d’un résultat net sur l’exercice 2020 de 34.059,50 €.
Au vu de cette situation, et de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, il convient d’évaluer son préjudice à 100.000 €.
Sur ces points, il y a lieu d’infirmer la décision déférée et de condamner la société BETAFENCE FRANCE à verser les sommes sus-déterminées au salarié.
Enfin, sur le fondement de l’article L.1235-4 du code du travail, il convient de condamner l’employeur à rembourser les indemnités de chômage dans la limite de six mois.
Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité
Ainsi que jugé plus haut, l’employeur a manqué à son obligation de sécurité, et ce manquement est à l’origine d’un état anxio-dépressif réactionnel. S’il avait pris des mesures adéquates afin de préserver la santé et la sécurité du salarié, d’une part dans l’accompagnement au changement, et d’autre part, suite aux premières alertes que constituaient son fort amaigrissement et son arrêt de travail consécutif, l’employeur aurait pu éviter au salarié une aggravation de son état de santé, qui l’a mené à l’inaptitude.
Cette perte de chance de voir son état s’améliorer constitue un préjudice qui doit être réparé par l’attribution de la somme de 5.000 € de dommages-intérêts.
En conséquence, il convient d’infirmer le jugement déféré, et statuant à nouveau, de condamner la société BETAFENCE FRANCE à verser cette somme à Monsieur [G].
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Il y a lieu d’infirmer la décision du conseil de prud’hommes sur ces points, et statuant de nouveau, de condamner la société BETAFENCE FRANCE aux dépens tant de la première instance que de l’appel, ainsi qu’à verser à Monsieur [G] la somme de 3.000 € au titre des frais de procédure engagés en première instance et en cause d’appel.
La société BETAFENCE FRANCE sera déboutée de sa demande au titre des frais de procédure.
Sur les intérêts
Il convient de dire, conformément aux dispositions de l’article 1231-7 code civil, que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, que les autres condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019, date de convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation, conformément aux dispositions de l’article 1231-6 du même code.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant de nouveau,
Dit que le licenciement de Monsieur [G] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamne la société BETAFENCE FRANCE à verser à Monsieur [G] :
– 42.035,22 € d’indemnité de préavis, outre les congés payés sur préavis, soit 4.203,52 €,
– 80.000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 5.000 € de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,
– 3.000 € au titre des frais de procédure engagés en première instance et en cause d’appel,
Condamne la société BETAFENCE FRANCE à rembourser les indemnités de chômage dans la limite de six mois,
Condamne la société BETAFENCE FRANCE aux dépens tant de la première instance que de l’appel,
Dit que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, que les autres condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2019.
LE GREFFIER LE PRESIDENT