La cour a jugé que les conventions de stage signées entre M. [Z] et la société Agora ne pouvaient pas être requalifiées en contrat de travail à durée indéterminée. M. [Z] n’a pas réussi à prouver qu’il était dans un lien de subordination avec la société Agora ni qu’il avait remplacé un salarié dans son poste d’agent de maintenance.
Par conséquent, ses demandes de requalification en contrat de travail, de rappels de salaire, d’indemnité de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis, de dommages et intérêts pour licenciement abusif et d’indemnité pour travail dissimulé ont été rejetées.
La société Agora a été condamnée à payer à M. [Z] la somme de 2 000 euros net à titre de rappel d’indemnité de stage pour les mois de février et mars 2020. En ce qui concerne la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale et manquement à l’obligation de sécurité, la cour a jugé que aucun manquement de la société Agora n’était établi et a donc confirmé le rejet de cette demande.
Requalification des conventions de stage en contrat de travail
M. [Z] soutient que les conventions de stage signées avec la société Agora avaient pour objectif de détourner l’objet du stage et de lui permettre d’être embauché à moindre coût. Il affirme avoir effectué des tâches qui n’étaient pas en lien avec son stage initial et n’avoir reçu aucune formation de la part de la tutrice désignée. La société Agora, quant à elle, soutient que les missions de M. [Z] étaient conformes à la convention de stage et qu’il a bénéficié d’un encadrement de qualité.
La cour constate que M. [Z] n’a pas démontré l’existence d’un lien de subordination avec la société Agora ni qu’il avait remplacé un salarié dans ses fonctions. Les tâches effectuées par M. [Z] étaient en lien avec l’objet de son stage et il n’a pas été privé de suivre ses cours. Par conséquent, les conventions de stage ne peuvent être requalifiées en contrat de travail à durée indéterminée.
Rappel d’indemnité de stage
La société Agora est condamnée à payer à M. [Z] la somme de 2 000 euros net à titre de rappel d’indemnité de stage pour les mois de février et mars 2020, avec des intérêts au taux légal.
Dommages et intérêts pour exécution déloyale
M. [Z] réclame des dommages et intérêts pour des manquements de la société Agora, mais la cour estime que ces allégations ne sont pas fondées. Aucun manquement n’a été établi et la demande de dommages et intérêts est rejetée.
La société Agora est condamnée aux dépens et à payer à M. [Z] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. M. [Z] est condamné aux dépens d’appel et est débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Mots clefs associés à cette affaire
Requalification, contrat de travail, stage, lien de subordination, tâches professionnelles, économies, rémunération, subordination, convention de stage, indemnité de stage, manquements, préjudice, encadrement, logement, dépens, frais du procès
Définitions juridiques associées à cette affaire
La requalification est le fait de changer la nature juridique d’une relation contractuelle, par exemple en requalifiant un stage en contrat de travail.
Un contrat de travail est un accord entre un employeur et un salarié, par lequel ce dernier s’engage à travailler pour le premier en échange d’une rémunération. U
n stage est une période d’apprentissage en entreprise, encadrée par une convention de stage, pendant laquelle le stagiaire effectue des tâches professionnelles.
Le lien de subordination est caractéristique du contrat de travail, il implique que le salarié soit soumis aux ordres et directives de l’employeur.
Les économies désignent les avantages financiers que peut tirer un employeur en recourant à des stagiaires plutôt qu’à des salariés.
La rémunération est la contrepartie financière du travail fourni par le salarié.
La subordination est le fait pour un salarié d’être soumis à l’autorité de son employeur.
Une convention de stage est un document encadrant les conditions du stage, notamment la durée, les tâches à effectuer et l’indemnité de stage éventuelle.
Les manquements sont des violations des obligations contractuelles, pouvant causer un préjudice à l’autre partie.
Le préjudice est le dommage subi par une personne du fait des agissements d’une autre.
L’encadrement désigne le fait de superviser et guider un stagiaire dans ses missions.
Les dépens sont les frais engagés dans le cadre d’une procédure judiciaire, tandis que les frais du procès désignent les coûts liés à la mise en œuvre de cette procédure.
Avocats de cette affaire
Bravo aux Avocats ayant plaidé cette affaire:
– Me Magali BISIAU, avocat au barreau de BORDEAUX
– Me Pierre FONROUGE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX
– Me François DEBENEY, avocat au barreau de PARIS
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE – SECTION B
————————–
ARRÊT DU : 08 FEVRIER 2024
PRUD’HOMMES
N° RG 22/00922 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-MR2B
Monsieur [H] [Z]
c/
S.A.S. AGORA
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée aux avocats le :
à :
Me Magali BISIAU, avocat au barreau de BORDEAUX
Me Pierre FONROUGE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 janvier 2022 (R.G. n°F20/01086) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d’appel du 21 février 2022.
APPELANT :
[H] [Z]
né le 19 Avril 1983 à PAKISTAN
de nationalité Pakistanaise, demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Magali BISIAU, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
S.A.S. AGORA prise en la personne de son représentant légal domicilié en
cette qualité au siège [Adresse 4]
Représentée par Me Pierre FONROUGE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX
Assisté de Me François DEBENEY, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 06 décembre 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Eric Veyssière, président,
Madame Sophie Lésineau, conseillère,
Madame Valérie COllet, conseillère,
qui en ont délibéré.
greffière lors des débats : Mme Sylvaine Déchamps,
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSE DU LITIGE
FAITS ET PROCÉDURE
La SAS Agora, dont Mme [I] [F] a été la directrice générale, ayant pour objet social ‘l’hébergement touristique et autre hébergement de courte durée’, exploite commercialement le Château [Localité 5] au travers notamment d’événements marketing et commerciaux internationaux.
Selon une convention de stage du 18 avril 2019, la société Agora a pris en stage M. [H] [Z] dans le cadre de son Master 2 International Business Management du 23 avril 2019 au 31 août 2019, moyennant une gratification fixée à 1 000 euros net par mois. Par avenant du 2 septembre 2019, le stage de M. [Z] a été prolongé du 2 septembre 2019 au 30 septembre 2019.
Le 19 septembre 2019, une nouvelle convention de stage a été conclue pour la période du 1er octobre 2019 au 31 mars 2020.
La convention de stage a été rompue le 31 janvier 2020.
Estimant que ses conventions de stage devaient être requalifiées en contrat de travail à durée indéterminée, M. [Z] a saisi, le 24 juillet 2020, le conseil de prud’hommes de Bordeaux afin d’obtenir le paiement d’une indemnité de requalification ainsi que des indemnités consécutives à la rupture injustifiée de son contrat de travail et une indemnité pour travail dissimulé. Subsidiairement, il demandait le paiement d’une indemnité de stage pour les mois de février et mars 2020 ainsi que des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité.
Par jugement du 28 janvier 2022, le conseil a :
– débouté M. [Z] de sa demande de requalification de convention de stage en contrat à durée indéterminée et de toutes les demandes indemnitaires afférentes,
– condamné la société Agora à payer à M. [Z] la somme de 2 000 euros à titre de rappel d’indemnité de stage pour les mois de février et mars 2020,
– débouté M. [Z] de sa demande d’indemnité pour exécution déloyale du contrat et manquement à l’obligation de sécurité,
– débouté M. [Z] de sa demande ‘de compter les intérêts depuis la saisine’,
– condamné la société Agora à payer à M. [Z] la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire du présent jugement,
– débouté la société Agora de sa demande reconventionnelle,
– condamné la société Agora aux dépens et frais d’exécution.
M. [Z] a relevé appel du jugement, le 21 février 2022, par voie électronique, en ce qu’il l’a débouté de sa demande de requalification et de toutes les demandes indemnitaires afférentes, de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat et manquement à l’obligation de sécurité et de sa demande de compter les intérêts depuis la saisine.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 14 novembre 2023 et l’affaire fixée à l’audience du 6 décembre 2023.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 mai 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits et des moyens, M. [Z] demande à la cour d’infirmer le jugement dans les limites de sa déclaration d’appel et de :
– A titre principal, condamner la société Agora à lui payer les sommes suivantes :
– 1 521,25 euros à titre d’indemnité de requalification de la convention de stage en contrat à durée indéterminée,
– 1 842,36 euros nets de rappel de salaires au titre de la violation du smic horaire
– 184,23 euros au titre des congés payés sur rappels de salaires sur smic horaire,
– 285,23 euros à titre d’indemnité de licenciement,
– 1521,25 euros à titre d’indemnité de préavis,
– 152,12 euros à titre de congés payés afférents au préavis,
– 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
– 9 127,50 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
– A titre subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Agora à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de rappel d’indemnité de stage au titre des deux mois restant dus,
– En tout état de cause, condamner la société Agora à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat et manquement à l’obligation de sécurité,
Y ajoutant,
– condamner la société Agora à lui payer la somme de 1 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d’instance et frais éventuels d’exécution, au titre de la procédure d’appel,
– assortir les condamnations correspondant aux créances salariales des intérêts au taux légal à compter de la réception par la société Agora de la convocation devant le conseil des prud’hommes,
– assortir les condamnations indemnitaires des intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir,
– ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de 1343-2 du code civil.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 décembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits et des moyens, la société Agora demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter M. [Z] de ses demandes et de condamner M. [Z] aux dépens et à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les demandes relatives à la requalification des conventions de stage en contrat de travail à durée indéterminée
Se fondant sur les articles L.124-7, L.124-5 et D.124-8 du code de l’éducation, M. [Z] soutient que l’objectif, a été dès le début, de détourner l’objet du stage et de permettre ainsi à Mme [F] de l’embaucher à moindre frais, en lui faisant prendre la place d’un autre salarié, M. [W], qu’elle employait. Il affirme qu’il devait effectuer un stage dans le cadre de son Master 2 International Business Management mais qu’il a en réalité occupé les fonctions de gardien-agent de maintenance ainsi que de nouvelles missions telles que les lessives, le ménage au château, les achats pour Mme [F], le chauffeur pour Mme [F], la préparation des chambres et des petits déjeuners, le bricolage, la cuisine. Il estime que les missions qu’il a réellement effectuées quotidiennement et les consignes reçues n’avaient aucun rapport avec l’objet officiel du stage. Il prétend qu’il n’a bénéficié d’aucune formation de la part de Mme [F] pourtant désignée comme étant sa tutrice dans les conventions de stage. Il fait observer que lorsque Mme [F] a rompu brutalement le contrat, après 9 mois de relation contractuelle, elle a évoqué un ‘licenciement immédiat’.
Il estime que la société Agora a réalisé des économies substantielles en ne le déclarant pas comme salarié, précisant qu’une partie de la rémunération a fait l’objet d’un versement sous forme de règlement des frais d’université, donc sans paiement de la moindre charge. Il indique que Mme [F] était à l’époque des faits, la représentante légale de la société Agora et que c’est en cette qualité qu’elle a signé la convention de stage.
La société Agora soutient que c’est à la demande de M. [Z] et en concertation avec l’IAE de [Localité 3] qu’une convention de stage a été signée. Elle rappelle que M. [Z] a bénéficié d’une indemnité de stage de 1000 euros, soit deux fois plus que le minimum légal, de la mise à disposition d’un véhicule, de la prise en charge d’une partie de ses frais de scolarité et de la mise à disposition à titre gracieux de facilités de logement. Elle affirme que tout au long de son stage, M. [Z] a pu poursuivre sa scolarité, qu’il a bénéficié d’un encadrement de qualité, Mme [F] ayant partagé avec lui au quotidien son expérience d’organisatrice d’événements marketing et promotionnels et qu’à l’issue de son premier stage, M. [Z] a produit une étude de marché conformément à la mission qui était définie dans la convention de stage. Elle considère que M. [Z] ne démontre pas que les tâches étaient différentes de celles convenues dans la convention de stage, ajoutant que rien n’établit que les échanges avec Mme [F] se soient faits dans un cadre professionnel. Elle indique que M. [Z] n’établit pas l’existence d’un quelconque lien de subordination, M. [Z] ayant seulement proposé de rendre des services occasionnellement sans qu’aucune directive contraignante ne lui soit donnée.
*****
Cela étant, il convient de rappeler que l’existence d’une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité professionnelle.
Il appartient à celui qui se prévaut d’un contrat de travail d’en rapporter la preuve.
Elément essentiel du contrat de travail, le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Aux termes de l’article L.124-1 du code de l’éducation, les périodes de formation en milieu professionnel et les stages correspondent à des périodes temporaires de mise en situation en milieu professionnel au cours desquelles l’élève ou l’étudiant acquiert des compétences professionnelles et met en ‘uvre les acquis de sa formation en vue d’obtenir un diplôme ou une certification et de favoriser son insertion professionnelle. Le stagiaire se voit confier une ou des missions conformes au projet pédagogique défini par son établissement d’enseignement et approuvées par l’organisme d’accueil. L’article L.124-7 dispose qu’aucune convention de stage ne peut être conclue pour exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent, pour faire face à un accroissement temporaire de l’activité de l’organisme d’accueil, pour occuper un emploi saisonnier ou pour remplacer un salarié ou un agent en cas d’absence ou de suspension de son contrat de travail.
Les stagiaires ne sont, en principe, pas liés à l’entreprise par un contrat de travail dès lors que le cadre légal est respecté. En revanche, le stage peut être requalifié en contrat de travail si l’apparence du stage déguise une relation salariale. L’accomplissement de tâches professionnelles sous l’autorité de l’entreprise d’accueil n’est pas de nature à exclure la mise en oeuvre d’une convention de stage. Mais il y a contrat de travail lorsqu’une personne s’engage à travailler pour le compte et sous la subordination d’une autre, moyennant rémunération.
En l’espèce, il est établi par les échanges de SMS entre M. [Z] et Mme [F] du 15 février 2019 au 14 mars 2019, soit avant la signature de la première convention de stage, ayant eu lieu en anglais mais qui ont donné lieu à une traduction non contestée en français, que :
– M. [Z] a pris contact avec Mme [F] pour lui faire part de sa recherche d’emploi, lui précisant qu’il préférait un poste permanent et qu’il pouvait conduire,
– le 4 mars 2019, M. [Z] a écrit à Mme [F] ‘je vous mettrai en relation avec notre directrice de programme Mme [L]. Ne lui dites juste pas la description du poste’, Mme [F] lui répondant ‘Non je ne le ferai pas. Dites-moi ce que dois-je lui dire’ Responsable marketing etc », M. [Z] répliquant enfin ‘Oui, quelque chose comme ça serait juste parfait. Merci!’
Il s’avère donc que M. [Z] recherchait un emploi et non pas un stage lorsqu’il a contacté Mme [F]. Pour autant, une première convention de stage a été signée le 18 avril 2019 et prévoyait que M. [Z] devait exercer les activités suivantes : ‘vente et marketing, travailler à l’augmentation des revenus de l’organisation’ (traduction non contestée) ‘, avec une présence effective dans l’organisme d’accueil de 840 heures pendant une durée totale de 5 mois et 10 jours, la possibilité ‘parfois’ (traduction non contestée) d’être présent dans l’organisme d’accueil la nuit, le dimanche ou un jour férié. Une seconde convention de stage a été signée le 19 septembre 2019 prévoyant quant à elle que M. [Z] avait pour sujet de stage : ‘marketing, sales, management’.
M. [Z] justifie par ailleurs, par la production du projet de transaction entre la société Agora, la société civile du Château [Localité 5] et M. [Y] [W], que ce dernier, a été employé par les deux sociétés et notamment par la première jusqu’au 14 avril 2019 en qualité d’agent de maintenance. Cependant, cette concordance entre la fin du contrat de travail de M. [W] et l’arrivée de M. [Z], 4 jours après, ne saurait à elle seule établir que M. [Z] a remplacé M. [W] en occupant le poste d’agent de maintenance au profit de la société Agora avec un lien de subordination à l’égard de cette dernière.
La cour observe que si Mme [F] a effectivement donné des consignes et des directives à M. [Z], il doit toutefois être relevé que :
– le fait de donner des ordres n’est pas nécessairement incompatible avec l’existence d’un stage,
– la grande majorité des directives que M. [Z] justifie avoir reçues de la part de Mme [F] n’a pas été donnée au nom et pour le compte de la société Agora mais a profité uniquement à Mme [F] à titre personnel. Dans un mail du 17 janvier 2020, adressé à Mme [L], M. [Z] a ainsi expliqué à cette dernière que pendant son stage, Mme [F] lui avait demandé de faire les ‘tâches de maintenance et ses affaires personnelles’ suivantes :
‘- recharger du bois chez elle
– ramasser et déposer son linge à [Localité 2] qui est hors de [Localité 3]
– cuisiner pour elle un jour et le congeler pour une utilisation ou si elle a invité plusieurs fois des invités pour leur nourriture indienne,
– prendre soin/nettoyage de sa voiture/lavage
– peinture de pièces/radiateurs.
– si besoin en cas d’urgence j’ai fait des tâches de nettoyage
– installé une cloison de clôture en vois devant sa maison
– installé des moustiquaires à sa place grimpant sur l’échelle du premier étage sans sécurité je lui ai dit que je n’ai pas de assurance-travail, elle m’a dit de prendre votre propre château ne vas pas vous obtenir une assurance,
– des tonnes d’autres petites choses réparant sa garde-robe, des lumières, des détecteurs de fumée, réparant un réfrigérateur cassé chez elle,
– prendre soin de sa place si elle n’est pas à [Localité 3]
– la conduire à des fêtes/réunions et la ramener (le week-end ou quand c’est nécessaire)
– etc etc polissage/réparation de bancs/chaises en bois. Certains sont encore dans le garage pour être polis.
[…] j’ai vraiment pris soin d’elle comme je le ferais pour toute ma famille membre ou amie et fait ce qui était demandé, je ne lui ai jamais dit non une seule fois. Elle une fois son m’a dit que tu me traitais comme si j’étais ton Dieu’.
Les échanges de mails et de messages entre M. [Z] et Mme [F] confirment que M. [Z] a accompli les tâches évoquées dans le mail du 17 janvier 2020 au profit personnel de Mme [F]. Si cette dernière lui a également donné des consignes au nom et pour le compte de la société Agora, M. [Z] ne démontre pas que les directives reçues n’avaient aucun rapport avec l’objet de son stage, étant rappelé que l’organisation d’événements marketing et commerciaux au Château supposait que ce dernier soit en état de fonctionnement ainsi que tous ses éléments d’équipement de sorte que Mme [F] pouvait, dans le cadre du stage, demander à M. [Z] de procéder à des vérifications concernant la piscine ou encore d’ouvrir ou de fermer le château. De même, il entrait dans l’objet du stage le fait de participer à l’organisation des repas, à l’accueil des convives etc.
M. [Z] ne démontre en outre pas que la société Agora lui a imposé de loger au Château, ses seules affirmations en ce sens étant insuffisantes pour rapporter la preuve du fait allégué. Le fait que Mme [F] ait employé le terme de ‘licenciement’ dans un mail adressé à Mme [L] ne saurait caractériser l’existence d’un lien de subordination alors même qu’il n’est pas contesté que Mme [F] n’étant ni francophone ni juriste, et qu’aucune conséquence ne peut donc être tirée de l’emploi inapproprié de ce mot.
La cour constate également que M. [Z], qui disposait de plannings journaliers, sans que cela ne traduise l’existence d’un lien de subordination, avait des tâches à accomplir entrant dans l’objet de son stage à savoir la vérification des emails, des chambres, des toilettes, s’occuper du courrier. Il était aussi prévu, dans les plannings, qu’il réalise son ‘marketing plan’ ainsi qu’un ‘social média plan’. A cet égard, la cour relève que dans son mail du 17 janvier 2020, M. [Z] confirme avoir ‘fait un plan marketing’ et qu’il avait voulu faire ‘un plan d’affaires complet’ , ce qui était bien l’objet de son stage. M. [Z] ne prétend en outre pas avoir été privé de la possibilité de suivre les cours auxquels il était astreint dans le cadre de son Master 2.
Par conséquent, M. [Z] ne démontre pas qu’il était dans un lien de subordination à l’égard de la société Agora ni qu’il avait remplacé M. [W] dans son poste d’agent de maintenance du Château de sorte que ses conventions de stage ne peuvent être requalifiées en contrat de travail à durée indéterminée. Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [Z] de sa demande de requalification, de sa demande d’indemnité de requalification (qui, au demeurant, n’est prévue par aucun texte), de ses demandes de rappels de salaire, de sa demande d’indemnité de licenciement, de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif et de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé.
Sur la demande de rappel d’indemnité de stage
La cour constate que la société Agora n’a pas relevé d’appel incident concernant le chef du jugement l’ayant condamnée à payer à M. [Z] la somme de 2 000 euros net à titre de rappel d’indemnité de stage pour les mois de févier et mars 2020 et qu’aucun moyen de contestation n’est soutenu en cause d’appel. Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris de ce chef sauf à préciser que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la réception par la société Agora de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes et que les intérêts dus pour une année entière seront capitalisés dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil.
Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale et manquement à l’obligation de sécurité
M. [Z] rappelle que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi, que la cour de cassation considère que le fait de rémunérer un salarié en dessous du SMIC lui cause un préjudice qui doit être réparé par l’attribution de dommages et intérêts venant s’ajouter au rappel de salaire que selon l’article L.124-14 du code de l’éducation, les règles relatives à la durée du travail, à la présence de nuit et aux repos applicables aux salariés sont transposables aux stagiaires. Il fait valoir que la société Agora a commis de nombreux manquements à son égard : détournement de l’objet du stage pour pourvoir un emploi permanent au château en remplacement d’un salarié congédié, versement d’une rémunération mensuelle inférieure au SMIC pour un temps complet, surcharge de travail, sollicitations multiples en soirée, les week-ends et jours fériés, maintien dans une situation de précarité pendant 9 mois en détournant l’objet du stage sans aucune formation, rupture brutale des relations et expulsion du logement en plein hiver (début février 2020) sans préavis, l’obligeant à trouver un logement en urgence. Il explique que cette situation a été particulièrement éprouvante alors qu’il s’était dévoué et investi pour la société Agora sans compter ses heures.
La société Agora conteste avoir manqué à ses obligations notamment concernant la durée du travail. Elle indique que les conventions de stage font état d’une durée de travail en rapport avec la réglementation, insistant sur le fait que M. [Z] a pu assister à ses cours à l’université. Elle souligne que M. [Z] a bénéficié d’un traitement très avantageux au titre de son stage: une indemnité de stage généreuse correspondant à plus de deux fois le minimum légal, la mise à disposition d’un véhicule, la prise en charge des frais de scolarité, la mise à disposition à titre gracieux d’un logement. Elle affirme que M. [Z] n’a jamais été dans une situation d’urgence quant à son logement puisqu’il a disposé sans discontinué d’une chambre universitaire du 1er mars 2019 au 31 août 2020.
*****
Il est jugé que M. [Z] ne bénéficiait pas d’un contrat de travail mais d’une convention de stage avec la société Agora de sorte que les moyens concernant le détournement de l’objet du stage et la rémunération inférieure au SMIC sont inopérants.
M. [Z] ne produit aucun justificatif démontrant qu’il aurait eu une surcharge de travail et qu’il aurait été sollicité à de multiples reprises pour des soirées, des week-ends et jours fériés dans une proportion excédant le volume horaire de 840 heures mentionné dans ses conventions de stage. La cour relève que M. [Z] a été en contact quasi permanent avec Mme [F], sa tutrice, ainsi que cela ressort des multiples échanges produits aux débats, de sorte qu’il a pu la suivre et l’observer dans sa pratique professionnelle tout au long de son stage ce qui caractérise une formation et un encadrement pendant ledit stage. C’est enfin tout à fait vainement que M. [Z] prétend avoir été privé brutalement de son logement au Château et s’être retrouvé dans une situation d’urgence puisqu’il produit, lui-même, une attestation de résidence établie le 7 février 2020 par le Crous de [Localité 3], certifiant qu’il bénéficiait d’un logement dans une résidence à [Localité 3] du 1er mars 2019 au 31 août 2020.
Il s’ensuit qu’aucun manquement de la société Agora n’est établi. Le jugement entrepris est en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté M. [Z] de sa demande de dommages et intérêts.
Sur les frais du procès
Compte tenu de la solution du litige, il convient de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a condamné la société Agora aux dépens, l’a déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles et l’a condamnée à payer à M. [Z] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [Z] qui succombe en son appel est condamné aux dépens d’appel et doit être débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Il n’est en outre pas inéquitable, au regard de la situation de chacune des parties, de laisser supporter à la société Agora les frais irrépétibles exposés à hauteur d’appel de sorte qu’elle est déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement rendu le 28 janvier 2022 par le conseil de prud’hommes de Bordeaux en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Dit que les intérêts assortissant la somme de 2 000 euros net courent à compter de la réception par la SAS Agora de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes,
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil,
Condamne M. [H] [Z] aux dépens d’appel,
Déboute M. [H] [Z] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SAS Agora de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Signé par Eric Veyssière, président et par Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
S. Déchamps E. Veyssière