La cour a jugé que la convention de stage de Mme [B] ne pouvait pas être requalifiée en contrat de travail, car elle n’a pas réussi à prouver l’existence d’un lien de subordination assorti d’un pouvoir de sanction et d’un détournement de l’objet de son stage. Par conséquent, sa demande de requalification a été rejetée.
Cependant, elle a obtenu gain de cause concernant le paiement de la gratification prévue par la convention de stage, et la somme de 520 euros a été fixée au passif de la liquidation de la société We Nudge. Sa demande de dommages et intérêts pour appel dilatoire a été rejetée.
Les dépens de première instance et d’appel ont été laissés à la charge de Mme [B], et aucune indemnité n’a été accordée en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur la requalification de la convention de stage en contrat de travail
1-1-Sur la compétence du juge prud’homal
Par application des dispositions de l’article L.1411-1 du code du travail, la juridiction prud’homale est compétente pour statuer sur tout litige ayant pour objet un différend relatif à l’existence d’un contrat de travail opposant le salarié et l’employeur prétendus.
1-2-Sur la forme de la convention
Mme [B] soutient dans un premier temps que la convention de stage ne mentionne pas le volume horaire, alors que cette mention est obligatoire en application de l’article D.124-4 du code de l’éducation.
1-3-Sur le fond
L’article L.124-1 du code de l’éducation dispose que les périodes de formation en milieu professionnel et les stages correspondent à des périodes temporaires de mise en situation en milieu professionnel au cours desquelles l’élève ou l’étudiant acquiert des compétences professionnelles. Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives.
Sur le rappel de gratification
Si Mme [B] ne peut se prévaloir de l’existence d’un contrat de travail pour solliciter un rappel de salaire, elle est en revanche fondée à demander le paiement de la gratification prévue par la convention de stage.
Sur la demande de dommages et intérêts pour appel dilatoire
Mme [B] sollicite des dommages et intérêts aux motifs que la société aurait formé un appel dilatoire dès lors qu’elle avait cessé son activité dès août 2018 et qu’elle a refusé d’exécuter le jugement querellé.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Les dépens de première instance et d’appel seront laissés à la charge de Mme [B]. L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
Mots clefs associés à cette affaire
Requalification, contrat de travail, compétence du juge prud’homal, convention de stage, volume horaire, tâches professionnelles, lien de subordination, gratification, dommages et intérêts, dépens, article 700 du code de procédure civile.
Définitions juridiques associées à cette affaire
La requalification est le fait de changer la qualification juridique d’une situation ou d’un contrat. En matière de droit du travail, la requalification peut notamment concerner un contrat de travail précaire en contrat à durée indéterminée.
Le contrat de travail est un accord par lequel une personne s’engage à travailler pour le compte d’une autre en échange d’une rémunération. Il peut être écrit ou verbal, mais doit respecter certaines conditions légales pour être valable.
La compétence du juge prud’homal concerne les litiges relatifs au droit du travail et aux relations individuelles de travail. Ce juge est compétent pour trancher les différends entre un employeur et un salarié.
Une convention de stage est un accord entre un étudiant et une entreprise pour réaliser un stage dans le cadre de sa formation. Elle doit respecter certaines règles, notamment en ce qui concerne le volume horaire et les tâches professionnelles confiées à l’étudiant.
Le lien de subordination est un élément essentiel du contrat de travail, qui caractérise la situation dans laquelle un salarié se trouve placé sous l’autorité et le contrôle de son employeur. Ce lien de subordination est un critère permettant de distinguer le contrat de travail d’autres types de contrats.
La gratification est une somme d’argent versée à un stagiaire en contrepartie de son travail. Elle n’est pas obligatoire, sauf dans certains cas prévus par la loi.
Les dommages et intérêts sont une indemnisation versée à une personne qui a subi un préjudice. Ils peuvent être accordés par un juge en cas de litige, notamment en matière de droit du travail.
Les dépens sont les frais engagés lors d’une procédure judiciaire, tels que les honoraires d’avocat ou les frais de justice. Ils peuvent être mis à la charge de la partie perdante.
L’article 700 du code de procédure civile permet à un juge de condamner une partie à verser une somme d’argent à l’autre partie pour compenser les frais de procédure engagés. Cette somme n’est pas liée au fond du litige, mais vise à réparer le préjudice subi du fait de la procédure.
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé cette affaire:
– Me Aurélien BARRIE de la SELARL POLDER AVOCATS, avocat au barreau de LYON
– Me Amira BESSAID, avocat au barreau de LYON
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
AFFAIRE PRUD’HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 19/08637 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MYBC
S.E.L.A.R.L. MARTIN
C/
[B]
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Lyon
du 15 Novembre 2019
RG : 18/01350
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 12 MAI 2023
APPELANTE :
S.E.L.A.R.L. MARTIN représentée par maître Pierre MARTIN, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société WE NUDGE
PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE
Le [Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Me Aurélien BARRIE de la SELARL POLDER AVOCATS, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
[C] [B]
née le 01 Mai 1997 à [Localité 7]
[Adresse 6]
[Localité 1]
représentée par Me Amira BESSAID, avocat au barreau de LYON
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/017411 du 24/09/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LYON)
PARTIE INTERVENANTEE :
Association AGS – CGEA DE CHALON-SUR-SAONE
PARTIE INTERVENANTE FORCEE
[Adresse 2]
[Localité 4]
non représentée
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 09 Mars 2023
Présidée par Catherine CHANEZ, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Rima AL TAJAR, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
– Béatrice REGNIER, président
– Catherine CHANEZ, conseiller
– Régis DEVAUX, conseiller
ARRÊT : REPUTE CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 12 Mai 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Béatrice REGNIER, Président et par Rima AL TAJAR, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
La société We Nudge avait pour activité la vente de prestations de services aux entreprises aux fins d’amélioration de la qualité de vie au travail, et faisait à ce titre intervenir des prestataires extérieurs.
Elle ne comptait aucun salarié.
Le 13 octobre 2017 a été signée une convention de stage en alternance entre la société, Mme [C] [B], étudiante au sein de l’Ecole Supérieure de Commerce et d’Economie Numérique (ESCEN) et l’ESCEN, portant sur un stage prévu sur la période du 4 septembre 2017 au 1er juillet 2018.
Du 25 octobre 2017 au 5 février 2018, Mme [T], présidente de la société We Nudge et tutrice de Mme [B] au sein de l’entreprise a bénéficié d’un congé de maternité.
Du 9 au 31 janvier 2018, Mme [B] a été placée en arrêt maladie.
Par courrier du 28 janvier, elle a sollicité de la société We Nudge le paiement de gratifications de stage restant dues et la requalification de la convention en contrat de travail.
Puis, par courrier recommandé avec avis de réception du 8 février 2018, Mme [B] a pris acte de la rupture de sa convention de stage pour exécution déloyale du contrat (défaut de paiement des arriérés de rémunération et des frais de scolarité et recrutement pour faire face à l’absence de la dirigeante et à un accroissement temporaire d’activité).
Ces 2 courriers ont également fait l’objet d’une signification en l’étude le 14 février suivant. Ils n’ont pas été retirés par la société We Nudge.
Par requête du 11 mai 2018, Mme [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon aux fins de requalification de sa convention de stage en contrat de travail, et de paiement de sommes à titre indemnitaire et salarial.
Par jugement du 15 novembre 2019, le conseil de prud’hommes de Lyon a :
Requalifié la convention de stage de Mme [B] en contrat de travail à durée indéterminée ;
Condamné la société We Nudge à lui verser les sommes suivantes :
1 498,48 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
5 856,84 euros de rappel de salaires ainsi que 585,68 euros de congés payés afférents ;
1 498,49 euros au titre du préavis ainsi que 149,84 euros de congés payés afférents ;
Débouté Mme [B] de sa demande concernant le travail dissimulé ;
Condamné la société We Nudge à verser à Mme [B] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rappelé que les intérêts couraient de plein droit au taux légal à compter de la mise en demeure de la partie défenderesse devant le bureau de conciliation en ce qui concerne les créances de nature salariale et à compter du prononcé de la décision pour les autres sommes allouées ;
Débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires ;
Condamné la société aux dépens.
Par déclaration du 13 décembre 2019, la société We Nudge a interjeté appel de ce jugement.
Par jugement du 7 juillet 2020, le tribunal de commerce de Lyon a placé la société We Nudge en liquidation judiciaire, et a désigné la société Martin en qualité de liquidateur judiciaire. Le liquidateur est intervenu volontairement à la procédure le 8 avril 2021.
Mme [B] a fait assigner l’AGS par exploit du 27 octobre 2021. L’AGS n’a pas constitué avocat.
Dans ses conclusions déposées le 13 mars 2020, la société We Nudge demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a requalifié la convention de stage de Mme [B] en contrat de travail à durée indéterminée et en ce qu’il l’a condamnée à lui verser 1 498,48 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; 5 856,84 euros de rappel de salaires ainsi que 585,68 euros de congés payés afférents ; 1 498,49 euros au titre du préavis ainsi que 149,84 euros de congés payés afférents ; 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en ce qu’il a rappelé que les intérêts couraient de plein droit au taux légal à compter de la mise en demeure de la partie défenderesse devant le bureau de conciliation en ce qui concerne les créances de nature salariale et à compter du prononcé de la décision pour les autres sommes allouées, débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires et en ce qu’il l’a condamnée aux dépens, et de :
A titre principal, se déclarer incompétente au profit du tribunal judiciaire et débouter Mme [B] de ses demandes ;
A titre subsidiaire, débouter Mme [B] de ses demandes ;
Condamner Mme [B] à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner Mme [B] aux dépens de l’instance.
Dans ses uniques conclusions déposées le 6 juillet 2021, la société Martin es qualité demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a requalifié la convention de stage de Mme [B] en contrat de travail à durée indéterminée et en ce qu’il a condamné la société We Nudge à lui verser 1 498,48 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; 5 856,84 euros de rappel de salaires ainsi que 585,68 euros de congés payés afférents ; 1 498,49 euros au titre du préavis ainsi que 149,84 euros de congés payés afférents ; 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en ce qu’il a rappelé que les intérêts couraient de plein droit au taux légal à compter de la mise en demeure de la partie défenderesse devant le bureau de conciliation en ce qui concerne les créances de nature salariale et à compter du prononcé de la décision pour les autres sommes allouées, débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires et en ce qu’il condamné la société We Nudge aux dépens, et de :
A titre principal, se déclarer incompétente au profit du tribunal judiciaire et débouter Mme [B] de ses demandes ;
A titre subsidiaire, débouter Mme [B] de ses demandes ;
Condamner Mme [B] à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner Mme [B] aux dépens de l’instance.
Dans ses dernières conclusions déposées le 22 octobre 2021, Mme [B] demande pour sa part à la cour de confirmer le jugement querellé en ce qu’il a requalifié la convention de stage en contrat de travail à durée indéterminée et en ce qu’il a condamné la société We Nudge à lui verser 5 856,84 euros de rappel de salaires ainsi que 585,68 euros de congés payés afférents ; 1 498,49 euros au titre du préavis ainsi que 149,84 euros de congés payés afférents ; 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en ce qu’il a rappelé que les intérêts couraient de plein droit au taux légal à compter de la mise en demeure de la partie défenderesse devant le bureau de conciliation en ce qui concerne les créances de nature salariale et à compter du prononcé de la décision pour les autres sommes allouées et en ce qu’il a condamné la société We Nudge aux dépens et de :
Fixer au passif de la société We Nudge les créances suivantes :
5 856,84 euros de rappel de salaire ainsi que 585,68 euros de congés payés afférents et à titre subsidiaire 1 100 euros de solde de gratifications mensuelles sur la période de septembre 2017 à janvier 2018 ;
1 498,49 euros au titre du préavis ainsi que la somme de 149,84 euros de congés payés afférents ;
8 990,99 nets de CSG-CRDS d’indemnité forfaitaire de travail dissimulé ;
2 996,99 euros nets de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
3 000 euros de dommage et intérêts pour appel dilatoire ;
3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Fixer les dépens au passif de la société.
La clôture est intervenue le 24 janvier 2023.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la cour rappelle qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions dans la mesure où elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques ou qu’elles constituent en réalité des moyens.
1-Sur la requalification de la convention de stage en contrat de travail
Il revient à Mme [B], qui se prévaut de l’existence d’un contrat de travail, d’en rapporter la preuve.
1-1-Sur la compétence du juge prud’homal
Par application des dispositions de l’article L.1411-1 du code du travail, la juridiction prud’homale est compétente pour statuer sur tout litige ayant pour objet un différend relatif à l’existence d’un contrat de travail opposant le salarié et l’employeur prétendus.
C’est donc à tort que la société We Nudge et le mandataire liquidateur soutiennent que le conseil de prud’hommes et la cour d’appel sont incompétents pour statuer sur la requalification d’une convention de stage en contrat de travail.
1-2-Sur la forme de la convention
Mme [B] soutient dans un premier temps que la convention de stage ne mentionne pas le volume horaire, alors que cette mention est obligatoire en application de l’article D.124-4 du code de l’éducation.
La société We Nudge et le mandataire liquidateur ne contestent pas le caractère obligatoire de cette mention mais, arguant que l’intimée se prévaut d’un faux document, produisent un exemplaire différent de la convention, sur lequel figurent tant le volume horaire hebdomadaire (35) que le volume horaire total (889).
Les 2 exemplaires divergent cependant également sur d’autres points. Il apparait donc qu’au moins 2 exemplaires pré-imprimés ont été renseignés et que la mention relative au volume horaire a été oubliée sur l’un d’eux, alors que les parties étaient convenues d’un volume horaire hebdomadaire et d’un volume horaire total.
En tout état de cause, l’absence de la mention du volume horaire n’est pas de nature à entraîner la requalification de la convention de stage en contrat de travail, si bien que le moyen est inopérant.
1-3-Sur le fond
L’article L.124-1 du code de l’éducation dispose que « Les enseignements scolaires et universitaires peuvent comporter, respectivement, des périodes de formation en milieu professionnel ou des stages. Les périodes de formation en milieu professionnel sont obligatoires dans les conditions prévues à l’article L. 331-4 du présent code.
Les périodes de formation en milieu professionnel et les stages ne relevant ni du 2° de l’article L. 4153-1 du code du travail, ni de la formation professionnelle tout au long de la vie, définie à la sixième partie du même code, font l’objet d’une convention entre le stagiaire, l’organisme d’accueil et l’établissement d’enseignement, dont les mentions obligatoires sont déterminées par décret.
Les périodes de formation en milieu professionnel et les stages correspondent à des périodes temporaires de mise en situation en milieu professionnel au cours desquelles l’élève ou l’étudiant acquiert des compétences professionnelles et met en ‘uvre les acquis de sa formation en vue d’obtenir un diplôme ou une certification et de favoriser son insertion professionnelle. Le stagiaire se voit confier une ou des missions conformes au projet pédagogique défini par son établissement d’enseignement et approuvées par l’organisme d’accueil. (‘) »
L’article L.124-7 du code de l’éducation dispose en outre : « Aucune convention de stage ne peut être conclue pour exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent, pour faire face à un accroissement temporaire de l’activité de l’organisme d’accueil, pour occuper un emploi saisonnier ou pour remplacer un salarié ou un agent en cas d’absence ou de suspension de son contrat de travail. »
L’accomplissement de tâches professionnelles sous l’autorité de l’entreprise d’accueil n’est pas de nature à exclure la mise en ‘uvre d’une convention de stage. Mais il y a contrat de travail lorsqu’une personne s’engage à travailler pour le compte et sous la subordination d’une autre, moyennant rémunération.
Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
En l’espèce, Mme [B] fait valoir que ses horaires de travail étaient variables et qu’elle travaillait entre 7 et 10 heures par jour, qu’elle était à la disposition permanente de la société, qu’elle a en réalité été engagée pour pallier l’absence pour maternité de la dirigeante, Mme [T], dont elle aurait repris toutes les fonctions, et que celle-ci, absente des locaux de la société du 4 septembre 2017 au 8 janvier 2018, n’a pas joué son rôle de tutrice, qu’elle a produit des travaux nombreux et conséquents et qu’elle a accompli des missions administratives sans lien avec la convention de stage ni avec sa formation, correspondant à un poste d’assistante administrative.
Cependant, les plannings qu’elle verse aux débats ne sont pas sincères, ainsi que le mandataire liquidateur le démontre, et l’attestation rédigée par M. [X] est trop imprécise, si bien qu’elle ne rapporte pas la preuve qu’elle travaillait plus de 35 heures hebdomadaires, ni qu’elle était à la disposition permanente de la société.
Les échanges épistolaires qu’elle fournit n’établissent ni qu’elle a repris le poste de dirigeante pendant l’absence de Mme [T], ni que celle-ci a failli dans son rôle de tutrice, ni qu’elle n’a bénéficié d’aucune formation.
Il apparait en effet que malgré son congé de maternité, Mme [T] a poursuivi son activité à distance, éventuellement par le biais de visio-conférences, ou même dans les locaux de la société, et qu’elle était en contact régulier avec Mme [B].
Toutes deux ont régulièrement échangé des courriels par lesquels la dirigeante donnait à Mme [B] des consignes sur le travail à accomplir et sur la façon dont elle devait procéder, poursuivant ainsi son rôle de tutrice. Ainsi, par exemple, dans un courriel du 20 septembre 2017, elle fait des commentaires sur le document que Mme [B] a élaboré à partir de documents et annonce qu’elle va le mettre en forme. Dans un courriel du 26 septembre, elle lui propose de travailler de concert sur les « cas clients » après « extraction de ce qu’elles [ont] fait ». Le 24 octobre, elle lui envoie plusieurs courriels afin de la guider en vue d’un l’entretien, de l’élaboration de bons de commande et elle corrige un texte qu’elle lui a soumis.
Mme [B] n’apporte pas davantage la preuve que les travaux qui lui étaient confiés excédaient le cadre convenu ou ne correspondaient pas à sa formation, alors qu’elle devait acquérir ou développer des compétences dans l’utilisation de divers logiciels et en matière de stratégie marketing, de proposition commerciale et de « business english » et s’adonner à des activités de « chargée de communication, gestion réseaux sociaux, business dévellopement » selon les termes de la convention. Ainsi, l’assistance qu’elle a pu apporter à la création d’un dossier en vue de l’obtention d’un agrément de formation ne saurait suffire à permettre la requalification de la convention en contrat de travail à durée indéterminée.
Les courriels versés n’établissent pas qu’elle gérait les intervenants des formations, s’agissant de réponses ponctuelles en relais de Mme [T] et la société et le mandataire liquidateur démontrent que même si Mme [B] a reçu un courriel d’une intervenante lui demandant de faire des factures, la dirigeante avait bien conservé cette compétence, qui ne faisait de toute évidence pas partie des apprentissages attendus.
Mme [B] échoue donc à rapporter la preuve de l’existence d’une relation de travail et, partant, d’un détournement de l’objet de son stage.
Le jugement sera infirmé et Mme [B] sera déboutée de sa demande de requalification et des demandes subséquentes.
3-Sur le rappel de gratification
Si Mme [B] ne peut se prévaloir de l’existence d’un contrat de travail pour solliciter un rappel de salaire, elle est en revanche fondée à demander le paiement de la gratification prévue par la convention de stage.
Les parties s’accordent à dire que la société We Nudge a versé au total 1 770 euros. La gratification convenue était de 560 euros mensuels. Les appelants ne peuvent donc soutenir qu’elle dépendait des horaires de présence de la stagiaire.
La somme de 520 euros sera donc fixée au passif de la liquidation de la société We Nudge à ce titre, en réformation du jugement.
4-Sur la demande de dommages et intérêts pour appel dilatoire
Mme [B] sollicite des dommages et intérêts aux motifs que la société aurait formé un appel dilatoire dès lors qu’elle avait cessé son activité dès août 2018 et qu’elle a refusé d’exécuter le jugement querellé.
L’infirmation totale du jugement ne peut que conduire au débouté d’une telle demande.
5-Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Les dépens de première instance et d’appel seront laissés à la charge de Mme [B].
L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 15 novembre 2019 par le conseil de prud’hommes de Lyon ;
Statuant à nouveau,
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société We Nudge la somme de 520 euros à titre de rappel de gratification dû à Mme [C] [B];
Déboute Mme [C] [B] de ses autres demandes ;
Laisse les dépens de première instance et d’appel à la charge de Mme [C] [B] ;
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Le Greffier La Présidente