Stipuler une clause de confidentialité au contrat de travail du salarié permet de protéger indirectement les droits de propriété intellectuelle de l’employeur y compris sur des feuilles de calcul, des tableurs ou de la documentation commerciale.
Clause de confidentialité du salarié
En l’espèce, des salariés partis pour la concurrence ont été condamnés pour violation de leur clause de confidentialité. Ces derniers étaient soumis à une clause de confidentialité leur faisant interdiction de divulguer à des tiers tous les procédés, matériels de fabrication et /ou méthodes commerciales quelque soit leur forme, dont ils pourraient avoir connaissance à l’occasion de leurs fonctions, ni de les utiliser et exploiter pour leur compte personnel ou en dehors des besoins de leur activité au sein de la société de l’employeur.
Affaire Wattohm
La société EP2D, à l’enseigne Wattohm, a été immatriculée le 27 juin 2016 au RCS pour une activité de commercialisation, conception, fabrication, assemblage, pose, installation, maintenance, entretien, réparation de matériel et équipement industriel d’aspiration, dépoussiérage, extraction, ventilation, traitement de l’air, domaine d’activité dans lequel intervient également la société Delta Neu.
Selon les termes de leur contrat de travail respectif, MM [F] et [D] étaient soumis à une clause de confidentialité leur faisant interdiction de divulguer à des tiers tous les procédés, matériels de fabrication et /ou méthodes commerciales quelque soit leur forme, dont ils pourraient avoir connaissance à l’occasion de leurs fonctions, ni de les utiliser et exploiter pour leur compte personnel ou en dehors des besoins de leur activité au sein de la société Delta Neu.
La clause stipulait expressément qu’elle continuerait à s’appliquer après cessation du contrat de travail.
Preuve de la violation de la clause de confidentialité
Il résulte du procès verbal de constat du 12 décembre 2016 et des échanges de courriels recueillis à cette occasion dans le système d’information de la société EP2D, particulièrement ceux échangés les 22 avril, 16 juin, 15 juillet, 18 et 19 septembre 2016 que :
– d’une part que MM [F] et [D] ont conservé, après la cessation de leur contrat de travail pour la société Delta Neu, des fichiers informatiques contenant des données techniques, méthodes de calcul, base de chiffrage/ tarifs que leur employeur ne leur avait mis à disposition que pour les seuls besoins de leur fonction,
– d’autre part, qu’au mépris de la clause de confidentialité, ils ont recherché et obtenu le déverrouillage des protections de ces documents pour « modifier les feuillles de calcul et les mettre aux couleurs de Wattohm » et les utiliser pour les besoins de l’activité de la société EP2D.
Le fait, ainsi que l’a jugé le tribunal correctionnel de Lille dans sa décision du 6 juillet 2021, que l’obtention de ces fichiers informatiques soit dépourvue de caractère frauduleux est indifférent, dès lors que l’utilisation qui en a été faite contrevient aux termes de la clause de confidentialité de leur contrat de travail et revêt ainsi un caractère déloyal.
Il est tout aussi inopérant que ces fichiers et feuilles de calcul puissent ne pas constituer un savoir-faire particulier et utilisent des formules mathématiques ou physiques connues de tous. En effet, l’utilisation de ces outils dans leur configuration mise en ‘uvre et éprouvée par sa concurrente est de nature à avoir procuré à la société EP2D un avantage concurrentiel indû en lui faisant économiser le temps et/ou l’argent nécessaires à l’élaboration ou l’acquisition de ses propres outils de calcul.
Les termes même de l’un des courriels :« même si ce n’est pas bien c’est génial’ », ne laissent aucun doute sur la parfaite connaissance par les dirigeants de la société EP2D du caractère déloyal de leur démarche ce d’autant qu’il peut être relevé dans un courriel du 2 juin 2016 que M. [F] avait préalablement, fait état de la possibilité d’acquérir la licence d’utilisation de logiciels de calcul « Thermexcel » et que la société EP2D a finalement commandés en décembre 2016 et utilisés par la suite.
Confirmant la décision des premiers juges, la cour considère que sont ainsi établis à l’encontre de la société EP2D des faits de parasitisme constitutifs de concurrence déloyale.
Le principe de la liberté du commerce
Le principe de la liberté du commerce autorise le commerçant à gérer à sa convenance son entreprise sur un marché concurrentiel et lui confère la liberté d’attirer la clientèle, y compris de ses concurrents, sans engager sa responsabilité.
La liberté du travail du salarié
Par ailleurs, la liberté du travail permet à tout salarié qui n’est pas lié à son ancien employeur par une clause de non-concurrence, d’exercer à l’expiration de son contrat de travail la même activité pour le compte d’un nouvel employeur.
A l’aune de ces principes, ne peut être constitutif de concurrence déloyale, que l’exercice fautif de ces libertés, conduisant notamment à détourner la clientèle d’un concurrent, à nuire à ses intérêts par des moyens contraires à la loi, aux usages loyaux du commerce ou à l’honnêteté professionnelle.