Pour concevoir un logo, associer plusieurs éléments non protégeables individuellement peut rendre l’ensemble original et éligible à la protection du droit d’auteur.
Affaire Procoptere
La SAS PROCOPTERE est une compagnie aérienne spécialisée dans le transport de passagers de fret, le travail aérien, et l’école de pilotage.
Se plaignant de l’usage d’un logo dont il revendique être l’auteur, proposé à la SAS PROCOPTERE lors d’une réunion du 13 octobre 2017 destinée à la refonte de ses visuels, M. [H] [R] l’a mise en demeure par courriers des 25 mars 2018, 10 septembre et 20 octobre 2020 de cesser immédiatement cet usage. Un constat d’huissier a été dressé à sa requête le 24 juillet 2020 par Me [I] [T] huissier de justice à SAINT-JEAN-DE-LUZ.
Par acte d’huissier du 7 juin 2021, M. [H] [R], a assigné devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, la société PROCOPTERE, en contrefaçon de droits d’auteur.
Les logos originaux protégés par le droit d’auteur
En application de l’article L 112-1 du code de la propriété intellectuelle, la protection par le droit d’auteur bénéficie à toute oeuvre de l’esprit mise en forme quelle qu’en soit le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination pourvu qu’elle soit une création de forme originale.
L’originalité s’entendant comme le reflet de la personnalité du créateur et se manifeste par un effort, aussi minime soit-il mais certain et qui démontre un parti pris esthétique portant l’empreinte de la personnalité de son auteur, et non de simples déclinaisons ou des transpositions.
L’oeuvre doit se distinguer du domaine public antérieur et porter la trace d’un effort personnel de création et de recherche esthétique, dans la combinaison des éléments caractéristiques, ou encore présenter une physionomie propre et nouvelle.
Ainsi, la création se définit par une production de l’esprit qui se manifeste par un effort, aussi minime soit-il, mais certain, et qui démontre un parti pris esthétique portant l’empreinte de la personnalité de son auteur, et non de simples déclinaisons ou des transpositions, conférant ainsi à l’objet un caractère d’originalité.
Si une combinaison d’éléments connus ou naturels n’est pas a priori exclue de la protection du droit d’auteur, encore faut-il que la description qui en est faite soit suffisamment précise pour limiter le monopole demandé à une combinaison déterminée, opposable à tous sans l’étendre à un genre insusceptible d’appropriation.
Et l’originalité ne découle pas, sauf à s’étendre à la quasi-totalité des créations humaines et à vider de sens l’idée d’une protection monopolistique conciliant protection de l’auteur et possibilité de création, de la seule constatation d’un choix arbitraire d’ordre esthétique : il est nécessaire que le créateur explique en quoi le choix exprime sa personnalité et ne s’inscrit pas dans une variation irréfléchie et sans portée réelle propre réelle.
Lorsque la protection au titre du droit d’auteur est contestée en défense, l’originalité d’une oeuvre doit être explicitée par celui qui s’en prétend auteur, seul ce dernier étant à même d’identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole.
Une combinaison originale
En l’espèce, les éléments qui composent le logo créé par M. [R], pris séparément, ne résultent pas tous d’un choix créatif. En effet, on retrouve la représentation d’un hélicoptère de profil, avec des pales et les termes PROCOPTERE AVIATION en dessous qui caractérisaient déjà le logo initial.
En revanche, la combinaison de ces éléments est différente de celle de ce logo initial.
La représentation des pales diffère, en un seul aplat longiligne, sans perspective, ce de même que l’avant de l’hélicoptère, les anciennes rayures ne figurant plus. De même, le choix des polices, pour les deux mots PROCOPTERE et AVIATION, de leurs graisses, de leurs couleurs et de leur topographie, relève d’un parti pris esthétique.
Les mots PROCOPTERE, en lettres droites et empattement, suggérant la solidité, et AVIATION, en lettres italliques, suggérant la vitesse. De plus, l’hélicoptère, représenté sous une forme très épurée, s’insère dans un cadre, faisant comme une ligne supplémentaire, qui surmonte les mots PROCOPTERE et AVIATION. Il en émane une impression d’ensemble plus aérée et plus stylisée que précédemment.
Le demandeur a ainsi entendu donner modernité et sobriété au logo, dans un esprit minimaliste ou flat design qui marque la tendance graphique actuelle.
La société PROCOPTERE n’allègue d’ailleurs pas lui avoir donné une quelconque directive pour créer ce logo. Il s’ensuit que les choix librement opérés par M. [R] dans la combinaison des éléments composant le logo confèrent à celui-ci une physionnomie propre et traduisent un parti pris esthétique de son auteur.
Le logo en cause présente dès lors une certaine originalité, de nature à le rendre éligible à la protection du droit d’auteur.
Contrefaçon du logo établie
Est contrefaisante en vertu de l’article L 122-4 du code de la propriété intellectuelle pré-cité toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle fait sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droits.
Il en est de même de toute adaptation, arrangement, ou reproduction par un art ou procédé quelconque. Etant précisé qu’en vertu de l’article L 122-1 du même code visé dans les conclusions, le droit de représentation et le droit de reproduction sont deux composantes du droit d’exploitation.
La nature de l’exploitation de l’oeuvre protégée par les droits d’auteur est sans incidence sur la matérialité de la contrefaçon de même que l’ampleur de l’utilisation qui ne sont pris en compte qu’au stade de la réparation des faits contrefaisants.
La société ne conteste pas avoir utilisé le logo de M. [H] [R] qui, suivant les éléments versés aux débats, a été reproduit sur son site internet, sur ses pages Facebook et Instagram, à partir du mois de novembre 2017- 2, 17, 8, 22 et 24 novembre 2017-, comme il ressort de la pièce du demandeur n°7, et des constatations de Maître [I] [T].
On y voit le visuel litigieux sur le site internet de la société PROCOPTERE, sur la page d’accueil et les posts de son compte Facebook, en date des 9 décembre 2019, 7, 21, 22 décembre 30 mars 10 février 24 janvier et 1er janvier 2018, 1er 2 3 22 décembre 2017, 8 17 24 novembre 2017, ainsi que sur ses pages Instagram en date des 10 juillet, 9 décembre 2019, 20 novembre 2018.
Or il n’est pas justifié d’un accord de la part de M. [H] [R]. Bien au contraire, la démonstration remise lors de la réunion du 13 octobre 2017 précise bien que l’usage n’en est pas libre de droit :
“(…) Les images ne sont pas libres de droit et ont été utilisées pour illustrer les possibilités du site. Il faudra impérativement réaliser une captation image vidéo pour PROCOPTERE (…)”.
De plus, dès qu’il s’est aperçu de l’usage de son logo sans son accord, M. [H] [R] a mis en demeure la société PROCOPTERE de cesser ses agissements par courriers des 25 mars 2018 10, 24 septembre 2020 et 20 octobre 2020.
Par ailleurs, la création d’un logo, dont l’originalité a été reconnue plus haut, même dans le cadre d’une démarche commerciale, quel qu’en soit le prix proposé, ne saurait emporter renonciation aux droits d’auteurs, ni autorisation d’exploitation.
Au surplus, la SAS PROCOPTERE n’allègue ni ne justifie d’aucun élément sur la cession à son profit de ses droits patrimoniaux par M. [H] [R], la démonstration remise lors du rendez-vous du 13 octobre 2017, dont elle ne se prévaut d’ailleurs pas, sinon pour dire qu’elle avait été autorisée à des fins commerciales, ne pouvant en aucun cas valoir cession.
S’agissant du logo utilisé, selon les conclusions du demandeur, à compter du mois de décembre 2018, il comporte d’importantes ressemblances avec le visuel créé par M. [H] [R].
L’hélicoptère, dessiné de manière identique, de même que la disposition des mots, composent un visuel d’ensemble similaire au logo du demandeur. Etant précisé que l’absence de surface vitrée à l’avant de l’hélicoptère ou encore le mot aviation, écrit en lettres droites, ne changent pas la physionomie générale du logo.
En outre, les arguments de la SAS PROCOPTERE, tirés de différences avec le logo créé par le demandeur, sont sans emport, dans la mesure où c’est l’existence de ressemblances, constatées ci-dessus, et non celles de différences, qui permettent d’établir la contrefaçon et l’atteinte au droit patrimonial d’auteur subséquente.
Force est de constater que les actes contrefaisant étaient établis.