L’article L. 1242-1 du code du travail
Selon l’article L. 1242-1du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet, de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Les secteurs ayant recours aux CDD d’usage
Selon l’article L.1242-2 3° du code du travail, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant, peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison du caractère par nature temporaire de ces emplois.
Abus de CDD d’usage dans l’enseignement
En l’espèce il est constant qu’un enseignant a conclu des contrats à durée déterminée d’usage :
Du 20 octobre 2014 au 31 juillet 2015,
Du 1er octobre 2015 au 24 juin 2016,
Du 04 octobre 2016 au 29 juin 2017,
Du 12 septembre 2017 au 29 juin 2018
Du 18 septembre 2018 au 28 juin 2019
Du 17 septembre 2019 au 07 juillet 2020.
Le fait que l’enseignement figure au nombre des secteurs d’activités énumérés à l’article D 1242-1 du même code, concernés par les contrats à durée déterminée d’usage, ne suffit pas à lui seul à justifier le recours à de tels contrats, pour tous les emplois relevant de ce secteur.
Il convient également de rechercher si, pour l’emploi concerné, une convention collective prévoit qu’il est effectivement d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée et si l’emploi en cause était par nature temporaire.
La convention collective de l’enseignement privé hors contrat
A cet égard, la convention collective de l’enseignement privé hors contrat applicable a expressément prévu en son article 3.3.2.4 la possibilité pour l’employeur de recourir à des contrats de travail à durée déterminée d’usage pour engager des:
– enseignants dispensant des cours qui ne sont pas systématiquement mis en oeuvre dans l’établissement ;
– enseignants-chercheurs régulièrement inscrits pour la préparation d’un doctorat et dont les travaux sont encadrés ou co-encadrés par un salarié de l’école ;
– intervenants occasionnels dont l’activité principale n’est pas l’enseignement ;
– enseignants dont les cours sont dispensés sous forme d’options (les options sont les composantes d’un cursus pédagogique intégrant un système à la carte et que les étudiants choisissent ou pas d’inclure dans leur formation. La programmation effective par l’école de ces cours dits optionnels est dépendante du choix final effectué chaque année par l’ensemble des étudiants concernés) ;
– correcteurs, membres de jury ;
– surveillants des internats et des externats dès lors qu’ils ont le statut étudiant ;
– chargés d’études et conseillers réalisant des missions ponctuelles (diagnostics, études ou conseils techniques, bilans et audits divers, etc.).
Il est établi que M. [G] a travaillé pour la SAS [8] et l’association [8] à hauteur de :
– 11 vacations en 2014,
– 46 vacations en 2015,
– 90 vacations en 2016
– 118 vacations en 2017,
– 133 vacations en 2018,
– 132 vacations en 2019,
– 98 vacations sur le premier semestre 2020.
L’augmentation significative et constante des vacations
L’augmentation significative et constante des vacations effectuées par M. [G] à compter de 2016, année au cours de laquelle il devient référent démontre qu’il occupait au sein de l’entreprise, non pas tel que soutenu par les intimées un emploi d’intervenant occasionnel et de chargée d’études pour lequel un CDD d’usage est légal, mais bien un emploi durable au sein de l’établissement, tel que le justifie également la progression de ses revenus versés par les deux établissements d’enseignement depuis septembre 2016 pour représenter en 2019 le pourcentage de 87 % de ses revenus totaux selon les revenus professionnels déclarés aux impôts.
Étant rappelé que M. [G] a été engagé en tant que journaliste pigiste, sans que la détention par ce dernier d’une carte de presse n’apparaisse sur les contrats à durée déterminée d’usage comme étant une condition aux consentements de la société et de l’association intimées, la perte de cette carte par le salarié, qui tel que soutenu à juste titre par M. [G] au regard des dispositions de l’article L.7111-3 du code du travail, ne lui fait pas perdre le statut de journaliste professionnel, ne saurait être constitutive d’un dol de ce dernier, sur le fondement de l’article 1137 du Code civil, contrairement à ce qui est allégué par ces dernières.
S’il est certes démontré par les intimées que la filière journalisme était en effet de taille relativement modeste pour regrouper, tel qu’en convient lui-même le salarié dans un courriel du 15 septembre 2020, environ 25 étudiants pour les promotions 2020 et 2021 (hors chiffrage de la promotion 2022), il ressort d’un courriel du 1er février 2019 (pièce 46-5 du salarié) adressé par M. [M] [B], au directeur général M. [K] [Z], qu’en sa qualité de référent pour la spécialisation image, ses tâches sont nombreuses et variées et que la fonction de référent prend beaucoup de temps contrairement à ce qui est soutenu par les intimées.
Ainsi, M. [B] décrit ses tâches de référent la façon suivante : « Par exemple, dans les prochaines semaines, je vais assurer mes TD, gérer mes intervenants, les remplacer si besoin au pied levé, ( qui dit nouvel intervenant, dit tout reprendre avec lui), faire le suivi de la pédagogie auprès des intervenants, gérer le planning de ma spécialisation, rentrer les notes et les appréciations pour les bulletins des élèves de troisième année, lire les rapports de stage, les rapports de veille, gérer les syllabus, les compétences, peut-être des réunions concernant l’alternance, recevoir ou téléphoner aux élèves en difficulté ( et il y en a de plus en plus) prendre du temps avec ceux qui voudraient faire de la spécialisation image, répondre aux anciens élèves qui demandent très régulièrement des conseils et de l’aide et j’en oublie sûrement beaucoup. Ma priorité est l’employabilité de mes étudiants. ( ‘) Je pense m’investir et ne pas compter mes heures. Mais comme pour tout être humain, mes journées ne font que 24 heures. ».
Même si le nombre d’élèves suivis par M. [B] n’est pas spécifié par les parties, l’allégation des intimées selon lesquelles les vacations de référent auraient été ponctuelles et ne demandaient que peu de temps, est contredite par ce témoignage.
L’importance des vacations réalisées par le salarié est soulignée par M. [T] [C] Directeur de l’ingénierie pédagogique aux termes d’un mail adressé à M. [G] le 29 juin 2020, selon lequel : « Ton cas individuel est effectivement très significatif car tu effectues actuellement plus d’heures de formation qu’aucun autre référent de filière, permanent compris. Cela éclaire une fois de plus la hauteur de ton engagement dans l’établissement. ».
Le fait que la mission de référent aurait été octroyée à M. [G] sur sa demande expresse sans être assortie d’une demande de CDI, n’est pas établi contrairement à ce que prétendent les intimées au regard de leur pièce n° 27 qui est constituée du projet pédagogique du salarié pour la filière, sans aucune autre mention.
De même, le fait que M. [G] soit devenu référent pédagogique en 2016 de façon progressive tel qu’il résulte d’un mail du salarié adressé à Mme [N] le 29 juin 2020 est sans incidence, ce dernier précisant avoir été référent sur quasiment toute la formation en 2018 et sur toute la formation en 2019.
Requalification en CDI
Il ressort de l’ensemble de ces éléments, que les contrats à durée déterminée successifs conclus par le salarié en tant qu’intervenant vacataire formateur, puis de chargé de cours incluant la qualité de référent pédagogique de la filière avaient pour objet, à compter de septembre 2016 de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
La requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée est en conséquence justifiée et le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.