RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/02743 –
N° Portalis DBVH-V-B7G-IRBF
MPF -AB
JUGE DE LA MISE EN ETAT DE [Localité 11]
25 juillet 2022
RG :21/00155
[C]
[H]
C/
S.C.P. [E] [Z]
S.A.S. ADVENIS VALUE ADD (AVENIR FINANCES IMMOBILIER)
S.A.S. ADVENIS GESTION PRIVÉE
Grosse délivrée
le 06/04/2023
à Me Jean-michel DIVISIA
à Me Périne FLOUTIER
à Me Emmanuelle VAJOU
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 06 AVRIL 2023
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Juge de la mise en état de Nîmes en date du 25 Juillet 2022, N°21/00155
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre
Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère
Mme Séverine LEGER, Conseillère
GREFFIER :
Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 09 Février 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 06 Avril 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTS :
Monsieur [L] [C]
né le 12 Septembre 1967 à [Localité 12]
[Adresse 7]
[Localité 6]
Représenté par Me Bertrand DE CAMPREDON de la SELARL GOETHE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Représenté par Me Périne FLOUTIER, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Madame [D] [H] épouse [C]
née le 02 Mai 1966 à [Localité 5]
[Adresse 7]
[Localité 6]
Représentée par Me Bertrand DE CAMPREDON de la SELARL GOETHE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Représentée par Me Périne FLOUTIER, Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉES :
S.C.P. LAPEYRE DUCROS AUDEMARD
prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 1]
[Localité 9]
Représentée par Me Jean-michel DIVISIA de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
S.A.S. ADVENIS VALUE ADD
(AVENIR FINANCES IMMOBILIER) poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité en son siège social
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Ophélie MICHEL de la SELARL VIAJURIS CONTENTIEUX, Plaidant, avocat au barreau de LYON
S.A.S. ADVENIS GESTION PRIVÉE
poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité en son siège social
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Ophélie MICHEL de la SELARL VIAJURIS CONTENTIEUX, Plaidant, avocat au barreau de LYON
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 06 Avril 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
Exposé du litige
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE:
En 2011, la société Avenir Finance Gestion Privée a proposé aux époux [C] un investissement locatif permettant une réduction de leur imposition, à [Localité 11], dans l’ancien hôtel d'[Localité 10].
Par acte authentique du 7 août 2012, reçu par Maître [U] [E], notaire, les époux [C] ont ainsi acquis un appartement et une cave au sein de l’Hôtel d'[Localité 10] correspondant au lots n°38 et 02.02.
Le 29 novembre 2019, leur copropriétaire M. [B] revendiquant la propriété de la cave qu’ils occupent, la société Adevnis Facility Management leur adresse une mise en demeure de restituer les lieux sous un délai de 15 jours.
Par acte en date du 24 décembre 2020, [L] [C] et [D] [H] épouse [C] ont assigné la SCP [R]-[J], notaires associés, la SAS Advenis Value ADD (anciennement dénomée Avenir Finance Immobilier), et la SAS Advenis Gestion Privée (anciennement dénommée Avenir Finance Gestion Privée) devant le tribunal judiciaire de Nîmes en annulation de l’acte de vente passé le 7 août 2012.
Moyens
Motivation
MOTIFS:
Le premier juge a relevé que la cave dont les époux [C] revendiquent l’acquisition ne figure pas dans l’acte authentique de vente du 7 août 2012 lequel ne décrit que le lot n°38 constitué d’un seul appartement.
Les époux [C] rappellent que la clé de la cave leur a été remise lors de la vente et que ce n’est qu’après avoir occupé la cave litigieuse durant six ans qu’ils ont appris qu’un autre copropriétaire en revendiquait la propriété. Les appelants exposent qu’ils ont restitué la cave le 31 août 2020 et engagé une action aux fins, à titre principal, d’obtenir l’annulation de l’acte de vente et, à titre subsidiaire, d’obtenir réparation du préjudice causé par les manquements des divers intervenants lesquels leur ont fait perdre une chance de procéder à un autre investissement. Ils affirment qu’ils ont commis une erreur sur la substance de la chose puisqu’ils ont cru qu’ils achetaient un appartement avec cave.
Ils considèrent en conséquence que le délai de prescription n’a commencé à courir qu’à la date de la découverte effective de leur erreur, pour l’action en nullité et à la date à laquelle le préjudice s’est révélé à eux, en matière d’action en responsabilité. Ils font valoir qu’ils ont fait l’acquisition d’un bien immobilier sur plan dans le cadre d’une opération en réhabilitation de l’immeuble, que dans le plan qui leur a été présenté, le lot n°02.02 comprenait un appartement de 113,10 m² ainsi qu’une cave de 52 m², qu’ils ont signé un compromis de vente le 14 décembre 2011 portant sur le « lot n°02.02 » du plan. Ils estiment que l’acte de vente est équivoque en ce qu’il vise le « lot 02.02 » du plan lequel comprend un appartement et une cave et le lot n°38 qui ne comprend qu’un appartement et qu’en l’état de cette discordance dans l’acte authentique, il leur était impossible de déceler le jour de la vente que le bien qu’ils avaient choisi sur plan et qui était le lot n°02.02 ne correspondait pas au lot n°38 mentionné dans l’acte de vente.
Les sociétés SAS Advenis Gestion Privée et la SAS Advenis Value Add rétorquent que l’acte de vente précisait de manière claire la consistance exacte du bien acheté en indiquant qu’ils faisaient uniquement l’acquisition du lot n°38 décrit comme un appartement avec un tantième des parties communes, des charges générales et des charges spéciales du bâtiment C. Selon eux, l’acte de vente signé le 7 août 2012 était dénué de toute équivoque et ne contenait aucun élément susceptible d’induire en erreur les acquéreurs sur la présence d’une cave parmi les biens achetés. Tout acquéreur normalement diligent aurait donc, à la seule lecture de l’acte authentique, observé que le lot vendu ne comprenait aucune cave et il est dès lors indifférent aux dires des vendeurs que les acquéreurs se soient convaincus eux-mêmes qu’ils achetaient un appartement et une cave.
La SCP Lapeyre Ducros Audemard conclut que les documents commerciaux dont se prévalent les appelants n’ont aucune valeur et que seul l’acte authentique dressé le 7 août 2012 fait foi jusqu’à inscription de faux de sorte que la prescription est acquise depuis le 7 août 2017.
Les époux [C] estiment avoir été victimes d’une erreur sur la consistance du bien vendu et soutiennent qu’ils ont cru, en toute bonne foi, qu’ils achetaient un appartement et une cave jusqu’à ce qu’ils découvrent leur erreur six ans plus tard, le nouveau syndic désigné en 2019 ayant attiré l’attention des copropriétaires sur cette difficulté.
Les appelants versent aux débats un document établi par l’architecte sur lequel figure, dans sa partie gauche, un plan d’ensemble des niveaux cave et deuxième étage de l’ensemble de l’immeuble, l’hôtel d'[Localité 10], dont une partie est hachurée en couleur rouge clair. En partie gauche, un plan du « Lot 02.02 ‘ Type T3 + cave ». Dans cette partie figure le plan d’un appartement d’une superficie de 113,10 m² et celui d’une cave. Sur le plan de la cave est indiqué « Cave Appt 02.02 ». Le shéma de l’appartement et de la cave du lot n°02-02 correspondent exactement à la partie hachurée en rouge clair sur le plan de l’ensemble de l’immeuble. La consistance du lot n°02.02 est décrite comme suit: « surface habitable LOT 02.02 type 3 : 113,10 m², surface annexe: Cave:52 m² »
Ils expliquent que le commercial leur a présenté divers lots et que leur choix s’est arrêté sur le lot n°02.02 lequel comprenait un appartement spacieux et une grande cave. Ils ont visité les lieux les 5 et 14 décembre 2011 puis ont signé le compromis de vente le 14 décembre 2011.
Le compromis de vente décrit le bien vendu comme suit en page 19:
« 2/ Désignation des biens:
*LOT n°02.02
un local à usage d’habitation n°02.02 sis au [Adresse 3] et les tantièmes de copropriété à déterminer dans les charges communes générales et dans les charges spéciales attachées au lot vendu
L’acquéreur déclare bien connaître ces biens pour les avoir vus et visités préalablement aux présentes. »
Aucun plan n’est annexé au compromis de vente.
L’acte de vente du 7 août 2012 décrit le bien vendu comme suit:
« Désignation:
un local à usage d’habitation situé au 2ème étage du bâtiment C formant le lot n°02-02 au plan et consitué par le lot suivant:
*lot numéro 38: un appartement situé au 2ème étage, 2ème porte de droite …et comprenant: cuisine, trois pièces, une ancienne chapelle, WC, salle de bains…avec les 634/10 235 èmes des parties communes…..
Aucun plan n’est annexé à l’acte de vente. L’état modificatif de division de la copropriété établi le 6 décembre 2011 par le géomètre-expert qui comporte le plan, étage par étage, des parties communes et des parties privatives avec les numéros des lots n’est pas annexée.
A la fin des travaux de réhabilition de l’immeuble, un procès-verbal de réception des travaux a été établi et porte l’indication suivante: « nous avons procédé à l’examen des travaux relatifs à la prestation de l’appartement n°38-28 ( n° copro) ‘ 02.02 ( n°architecte) ».
Le 28 janvier 2015, les clés de l’appartement et de la cave ont été remises aux époux [C] lors de la réception de leur bien.
La cave avait été en réalité vendue par acte authentique du 29 novembre 2013 aux époux [B], en même temps que deux appartements.
L’article 1144 du code civil dispose que le délai de l’action en nullité ne court, en cas d’erreur ou de dol, que du jour où ils ont été découverts.
La clause relative à la désignation du bien dans le compromis de vente ne faisait référence qu’à un seul numéro de lot, le lot n°02.02. Aucun plan n’étant annexé au compromis de vente, cette numérotation correspond au plan établi par l’architecte que les époux [C] produisent aux débats en pièce n°4. Or, sur ce plan, le lot n°02.02 est dénommé « Lot 02.02 ‘ Type T3 + cave ». Le plan de ce lot représente le shéma d’un appartement d’une superficie de 113,10 m² et celui d’une cave de 55 m². La consistance du lot n°02.02 est décrite de la manière suivante « surface habitable LOT 02.02 type 3 113,10 m², surface annexe: Cave 52 m² ».
Telle qu’elle est rédigée, et en l’absence de tout plan des lieux annexé au compromis, cette clause ne pouvait laisser soupçonner aux époux [C] que le bien qu’ils achetaient, désigné comme « lot n°02-02 » avait une consistance différente que le lot n°02-02 figurant sur le plan de l’architecte qui leur avait été remis lors de la visite des lieux. Le seul fait que la cave n’était pas expressément mentionnée quand l’appartement l’était ne suffisait pas en effet à lever l’ambiguïté provoquée par la référence au lot n°02.02 tel que décrit dans le plan de l’architecte et qui comprenait un appartement et une cave.
La clause relative à la désignation du bien dans l’acte authentique de vente est équivoque: tout en se référant pour en désigner la consistance au « lot n°02.02 au plan », lequel comprend un appartement et une cave, elle indique un lot n°38 comprenant seulement un appartement. La juxtaposition sans aucune explication pour un même bien de deux numéros de lot, le premier correspondant à la numérotation utilisée par l’architecte dans son plan de l’immeuble, la deuxième correspondant à la numérotation de l’état de division de la copropriété, alors même que les deux numérotations ne portent pas sur des lots de consistance équivalente était source de confusion. Elle était en effet susceptible de créer une méprise dans l’esprit des acquéreurs, lesquels pouvaient penser devenir propriétaires du lot n°02.02 tel que décrit dans le plan de l’architecte alors qu’en réalité ils ne devenaient propriétaires que du lot n°38 tel que décrit dans le règlement de copropriété, la cave litigieuse dans le règlement de copropriété portant le n°28.
Les lots figurant dans le plan de l’architecte et ceux figurant dans le règlement de copropriété portaient non seulement des numéros différents mais surtout n’avaient pas la même consistance. La référence à la seule numérotation du plan de l’architecte dans le compromis de vente et aux deux numérotations du plan de l’architecte et du règlement de copropriété dans l’acte de vente a créé une situation équivoque qui n’a pas permis aux époux [C] de découvrir, à la seule lecture de l’acte authentique du 7 août 2012, qu’ils n’étaient pas devenus propriétaires de la cave litigieuse.
L’ambiguïté de la désignation du bien vendu dans le compromis de vente et l’acte de vente était telle que non seulement le vendeur mais aussi le véritable propriétaire de la cave litigieuse ont cru pareillement qu’elle appartenait aux époux [C]. Lors de la réception de leur bien en janvier 2015 ont été remises aux appelants les clés de l’appartement mais aussi celles de la cave. Quant aux époux [B], ils n’ont revendiqué la propriété de leur cave que six ans après la réception du bien vendu, ce qui confirme, comme le soutiennent les appelants, qu’ils pensaient aussi que ladite cave faisait partie du lot n°02.02 choisi par les époux [C] et que ce n’est qu’en 2019 que l’erreur inconnue jusque là a été mise à jour.
Le point de départ du délai de prescription ne peut donc pas être fixé à la date de la signature de l’acte authentique de vente mais au 28 novembre 2019, date à laquelle le véritable propriétaire de la cave en a demandé la restitution.
L’action en nullité de la vente n’est donc pas prescrite.
L’action en responsabilité contre les vendeurs et contre le notaire n’est pas davantage prescrite, le dommage résultant des manquements allégués n’étant apparu que le 28 novembre 2019, date à laquelle les époux [B] ont demandé aux époux [C] de restituer une cave dont ils se croyaient jusqu’à cette date les propriétaires.
L’ordonnance sera donc infirmée en ce qu’elle a déclaré les demandes des époux [C] irrecevables comme prescrites.
Il est équitable de condamner la SAS Advenis Gestion Privée, la SAS Advenis Value Add et la SCP [E] Ducros [J] à payer à [L] [C] et à [D] [H] épouse [C] la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Infirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a a déclaré les demandes irrecevables comme prescrites,
Déclare recevables les demandes de [L] [C] et à [D] [H] épouse [C],
Condamne la SAS Advenis Gestion Privée, la SAS Advenis Value Add et la SCP [E] Ducros [J] à payer à [L] [C] et à [D] [H] épouse [C] la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Les condamne aux dépens.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,