RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 20/01416 – N° Portalis DBVS-V-B7E-FKGS
Minute n° 24/00028
[Z], [F] EPOUSE [Z]
C/
[L]
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THIONVILLE, décision attaquée en date du 13 Juillet 2020, enregistrée sous le n° I 18/00708
COUR D’APPEL DE METZ
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 30 JANVIER 2024
APPELANTS :
Monsieur [P] [Z]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représenté par Me Véronique HEINRICH, avocat au barreau de METZ
Madame [U] [F] épouse [Z]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Véronique HEINRICH, avocat au barreau de METZ
INTIMÉ :
Monsieur [B] [L]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Gaspard GARREL, avocat au barreau de METZ
DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 28 Septembre 2023 tenue par Mme Aline BIRONNEAU, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l’arrêt être rendu le 30 Janvier 2024.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Jocelyne WILD
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme FOURNEL,Conseillère
Mme BIRONNEAU, Conseillère
ARRÊT : Contradictoire
Rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Anne-Yvonne FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Selon acte notarié du 20 mai 2015, M. [P] [Z] et Mme [U] [F] épouse [Z] ont vendu à M. [K] [A] [T] et Mme [W] [H] [R], un immeuble à usage d’habitation situé [Adresse 4].
L’acte de vente mentionnait notamment que « le vendeur déclare que les biens vendus sont desservis par l’assainissement communal, auquel l’immeuble est raccordé, mais il ne garantit aucunement la conformité des installations aux normes actuellement en vigueur ».
Le vendeur déclarait également : « qu’il n’existe en ce qui concerne lesdits biens aucun système de type fosse septique voire de puits perdu, même pour l’évacuation partielle des eaux usées ».
Exposant avoir appris, suite à un contrôle opéré par le syndicat d’assainissement de la vallée de l’Orne, que leur installation était non conforme et que le raccordement des eaux usées se faisait sur un puits perdu et sur fosse septique, et le raccordement des eaux pluviales sur puits perdu, sans raccord avec le réseau communal, M. [T] et Mme [R] ont assigné en référé M. et Mme [Z], afin d’obtenir la désignation d’un expert.
Celui-ci a rendu son rapport le 8 mars 2018 et confirmé la présence d’une fosse septique et d’un puits perdu, ainsi que l’absence de raccordement des canalisations sur le réseau communal, outre divers problèmes et nuisances résultant de cette situation.
Par acte du 4 mai 2018 M. [T] et Mme [R] ont assigné M. et Mme [Z] devant le tribunal de grande instance de Thionville, en exposant que les époux [Z] ont manqué à leur obligation d’exécuter de bonne foi la convention passée, ont commis une faute à raison de leurs déclarations inexactes et les ont induits en erreur, de sorte qu’ils leurs devaient dédommagement pour les divers préjudices en résultant. Ils réclamaient dès lors paiement de diverses sommes au titre de leur préjudice matériel, de leur préjudice de jouissance et de leur préjudice moral.
Par acte du 18 septembre 2018 M. et Mme [Z] ont appelé en garantie M. [B] [L], lequel leur avait vendu l’immeuble litigieux le 14 octobre 2005, selon un acte authentique de vente mentionnant que le vendeur déclare que l’immeuble vendu est raccordé à l’assainissement communal.
M. [L] a conclu au débouté de l’appel en garantie formé à son encontre, en soutenant au vu des pièces produites qu’il n’avait jamais caché la situation de l’immeuble.
Par jugement du 13 juillet 2020 le tribunal judiciaire de Thionville a :
Condamné in solidum les époux [Z] à payer à M. [T] et à Mme [R] une somme de 65.603,16 euros en réparation de leur préjudice matériel ;
Condamné in solidum les époux [Z] à payer à M. [T] et à Mme [R] la somme de 7.200 euros au titre du préjudice de jouissance ;
Condamné in solidum les époux [Z] à payer à M. [T] et à Mme [R] la somme de 3.000 euros au titre du préjudice moral ;
Condamné in solidum les époux [Z] à payer à M. [T] et à Mme [R] la somme de 3.090,72 euros au titre des frais avancés pour l’expertise judiciaire ;
Dit que les intérêts au taux légal courront sur les sommes ci-dessus allouées à compter du prononcé
du présent jugement ;
Débouté les époux [Z] de leurs demandes ;
Condamné in solidum les époux [Z] à payer à M. [T] et Mme [R] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamné in solidum les époux [Z] à payer à M. [L] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamné in solidum les époux [Z] à supporter les dépens de l’instance ;
Ordonné l’exécution provisoire.
Pour statuer ainsi le tribunal a retenu la responsabilité contractuelle des époux [Z] sur le fondement des anciens articles 1134 et 1147 du code civil en relevant que, contrairement à leurs engagements contractuels, les époux [Z] n’avaient pas vendu à M. [T] et Mme [R] un immeuble conforme à la description qui en était faite dans l’acte de vente de sorte qu’ils avaient manqué à leur obligation de délivrance.
A cet égard le tribunal a considéré que le défaut du système d’assainissement était inhérent à l’immeuble lui-même et qu’il n’existait pas en l’espèce de circonstances constitutives de force majeure de nature à exclure la responsabilité des époux [Z], lesquels avaient en outre connaissance de l’existence d’une fosse septique et d’un puits perdu à raison des mentions figurant sur le compromis de vente qu’ils avaient signé avec leur propre vendeur le 07 juillet 2005. Le tribunal a ensuite arbitré les différents chefs de préjudices subis par M. [T] et Mme [R].
Sur l’appel en garantie le tribunal a relevé que les époux [Z] fondaient leur demande sur les articles 1603 et 1147 du code civil dans la mesure où leur propre vendeur aurait manqué à son obligation de délivrance.
Le tribunal a constaté que l’acte notarié du 14 octobre 2015 mentionnait effectivement que selon les déclarations du vendeur, l’immeuble était raccordé à l’assainissement communal. Toutefois il a également relevé que le compromis de vente signé le 07 juillet mentionnait la présence d’une fosse septique reliée à un puits perdu relié au tout à l’égout, que ce document avait été signé et paraphé par toutes les parties, que les époux [Z] ne rapportaient pas la preuve de ce qu’il aurait été falsifié et que la note d’urbanisme annexée à l’acte de vente authentique mentionnait également « raccordé aux réseaux par trop plein de fosse septique » de sorte que les époux [Z] avaient connaissance de la situation, outre le fait qu’ils étaient restés propriétaires de l’immeuble pendant dix ans.
Il en a conclu que les époux [Z] avaient signé en toute connaissance de cause l’acte de vente du 14 octobre 2005 et avaient, sous leur seule responsabilité, vendu aux consorts [T]-[R] un bien non conforme aux stipulations contractuelles, ce dont M. [L] ne pouvait être considéré comme responsable. Le tribunal a dès lors rejeté l’appel en garantie formé par les époux [Z] à l’encontre de M. [L].
Par déclaration du 10 août 2020 M. [P] [Z] et Mme [U] [F] épouse [Z] ont interjeté appel en intimant M. [B] [L], aux fins d’annulation et subsidiairement d’infirmation du jugement précité en ce que celui-ci a : -Débouté les époux [Z] de leurs demandes à l’encontre de M. [B] [L] (appelé en garantie) ‘ Condamné in solidum les époux [Z] à verser à M. [L] la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du CPC et les dépens.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Aux termes de leurs conclusions du 8 novembre 2021 M. [P] [Z] et Mme [U] [F] épouse [Z] demandent à la cour de :
« Faire droit à l’appel de M. [P] [Z] et Mme [U] [F], épouse [Z]
Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [P] [Z] et Mme [U] [F], épouse [Z] de leur appel en garantie à l’encontre de M. [B] [L] et en ce qu’il les a condamnés à verser à M. [B] [L] la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du CPC outre les dépens
Statuant à nouveau,
Vu le jugement du 13 juillet 2020 du Tribunal Judiciaire de Thionville, condamner M. [B] [L] à relever indemnes et garantir M. [P] [Z] et Mme [U] [F], épouse [Z] de toutes condamnations en principal, frais, intérêts et accessoires prononcées à leur encontre au profit des consorts [T]-[R]
Débouter M. [B] [L] de son appel incident et toutes ses demandes, fins et conclusions en tant que dirigées à l’encontre de M. [P] [Z] et Mme [U] [F], épouse [Z], y compris au titre des dépens et de l’article 700 du CPC
Eu égard aux circonstances de la cause, condamner M. [B] [L] aux entiers dépens d’instance et d’appel et à verser à M. [P] [Z] et Mme [U] [F], épouse [Z] la somme de 5000 € au titre de l’article 700 du CPC ».
Au soutien de leur appel, M. et Mme [Z] affirment d’abord qu’ils n’ont jamais détenu le compromis de vente dont se prévaut M. [L], que dans un premier temps celui-ci n’en a produit qu’une page, qu’en suite de la sommation qui lui a été faite une copie complète du compromis a été produite le 8 février 2021 mais que malgré leur demande M. [L] n’a jamais produit l’original de ce document.
Ils observent qu’en marge de la mention manuscrite concernant l’existence d’une fosse septique et d’un puits perdu, sont apposées les seules initiales des vendeurs et non les leurs, et que l’ajout de cette mention n’a pas été porté à leur connaissance. Ils maintiennent qu’ils n’ont jamais eu d’exemplaire du compromis de vente, dont il est indiqué qu’il n’a été rédigé qu’en un seul exemplaire et non pas en autant d’originaux que de parties.
Ils font valoir que de jurisprudence constante, la production d’une photocopie à l’appui d’une prétention ne saurait suppléer l’original dont la production peut toujours être réclamée, particulièrement s’il existe un doute sur l’authenticité de la copie.
D’autre part les époux [Z] font valoir que, à supposer même que cette mention manuscrite ait figuré sur l’original du compromis, celle-ci ne peut exonérer M. [L] de sa responsabilité puisque cette mention évoque un équipement mixte, ce qui n’est pas conforme aux déclarations faites devant notaire par M. [L].
Ils s’étonnent également du fait que, devant deux indications aussi contradictoires le notaire ait uniquement consigné les déclarations de M. [L] sans mentionner les termes du compromis de vente, ceci laissant penser que le notaire ne disposait pas de la version du compromis comportant la mention manuscrite précitée et non contresignée par les époux [Z].
Ils soulignent que l’acte authentique fait foi jusqu’à inscription de faux et en concluent que l’indication y figurant s’impose à tous nonobstant les indications du compromis de vente.
Ils affirment qu’ils n’ont jamais eu connaissance de la situation réelle de l’immeuble, qu’aucun contrôle n’y a jamais été effectué par la commune, et que ce bien a été mis en location pendant dix ans sans aucune observation des locataires.
Quant au document intitulé « réclamation service » , ils observent que celui-ci ne comporte aucune indication sur son origine, son auteur, la compétence de celui-ci et n’a donc aucune force probante.
S’agissant du questionnaire préalable à l’établissement de l’acte authentique, ils observent que les réponses apportées par M. [L] sont en contradiction avec ce qu’il affirme par ailleurs, dès lors notamment qu’il n’a pas indiqué que son immeuble était raccordé au tout à l’égout contrairement aux mentions du compromis dont il se prévaut.
Ils considèrent que le fait de cacher le non raccordement de l’immeuble au réseau collectif d’assainissement constitue une réticence dolosive et un défaut de délivrance conforme et se prévalent sur ce point des dispositions de l’article L. 1331-1 et suivantes du code de la santé publique, et en concluent que compte tenu des termes de l’acte notarié du 14 octobre 2005 M. [L] a nécessairement fait une fausse déclaration.
Outre l’obligation de délivrance ils se prévalent également de l’obligation d’information à laquelle est tenu le vendeur en application du principe de bonne foi contractuelle fondée sur les anciens articles 1134 et 1194 du code civil, obligation qui lui imposait de signaler aux acquéreurs le non raccordement de l’immeuble au réseau d’assainissement communal. Ils ajoutent que l’immeuble en cause était la maison de la famille [L] de sorte que M. [B] [L] en connaissait nécessairement la situation.
Ils considèrent que le premier juge ne pouvait, ainsi qu’il l’a fait faire prévaloir les termes du compromis de vente sur ceux de l’acte authentique, qui fait foi jusqu’à inscription de faux et rappellent enfin qu’ils ne sont pas des professionnels, et qu’en 2015 les services municipaux eux-mêmes ont à tort attesté du raccordement de l’assainissement au réseau public.
Aux termes de ses dernières conclusions du 8 mars 2022 M. [B] [L] demande à voir :
« Dire et juger mal fondé l’appel interjeté par Mme [U] [Z] née [F] & par M. [P] [Z].
Dire et juger bien fondé l’appel incident formé par M. [B] [L].
En conséquence,
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 juillet 2020 par le Tribunal Judiciaire de Thionville et notamment en tant qu’il a débouté les époux [Z] de leurs demandes dirigées contre M. [B] [L].
Débouter Mme [U] [Z] née [F] & M. [P] [Z] de l’ensemble de leurs demandes.
Dire et juger que les prétentions de Mme [U] [Z] née [F] & de M. [P] [Z], maintenues à hauteur de Cour, constituent un abus de droit.
Condamner solidairement Mme [U] [Z] née [F] & M. [P] [Z] à régler à M. [B] [L] une somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour abus de droit et appel abusif.
Condamner solidairement Mme [U] [Z] née [F] & M. [P] [Z] à régler à M. [B] [L] une somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du CPC.
Les condamner aux entiers frais et dépens ».
M. [L] réplique que les époux [Z] étaient parfaitement au courant de la situation de l’immeuble, laquelle était mentionnée dans le compromis de vente signé entre les parties le 7 juillet 2005. Il relève que le paraphe de M. [P] [Z] figure bien sur les pages de ce document.
Il précise que ni lui ni les époux [Z] n’ont été en possession de l’original du compromis de vente, mais qu’ils en ont comme lui eu une copie.
Il soutient par ailleurs que la mention litigieuse n’a nullement été rajoutée postérieurement et qu’il suffit de se reporter à la page 1 du compromis pour voir qu’elle figurait bien sur l’acte dès l’origine.
Il fait valoir que la vente était juridiquement parfaite dès le 7 juillet 2005, les parties étant d’accord sur la chose et le prix, l’acte notarié du 14 octobre 2005 n’étant que la constatation authentique de la réalisation de la vente, laquelle portait sur le bien tel que décrit au compromis.
Il se prévaut également de la note du service d’urbanisme précisant expressément, sous forme manuscrite, que l’immeuble est « raccordé aux réseaux par trop plein fosse septique », ainsi que du questionnaire qu’il a rempli avant la vente de l’immeuble, l’un et l’autre ayant été annexés à l’acte authentique.
Il considère qu’il n’y a aucune antinomie entre les mentions du compromis de vente et celles de l’acte notarié, le raccordement au tout à l’égout se faisant en l’espèce par le biais d’une fosse septique et d’un puits perdu.
En revanche il souligne que les époux [Z] ne pouvaient déclarer en 2015 ainsi qu’ils l’ont fait, qu’il n’existait à propos du bien vendu aucun système de fosse septique voire de puits perdu alors qu’ils en connaissaient nécessairement l’existence.
Il estime que les époux [Z] ont délibérément choisi de faire figurer à l’acte une telle indication mensongère, qu’ils ont failli à leurs obligations vis à vis de leurs acquéreur et menti au notaire, de sorte qu’ils sont particulièrement de mauvaise foi et que leur appel du jugement de première instance constitue un abus de droit justifiant l’allocation de dommages et intérêts.
En application de l’article 455 du code civil, il est référé aux conclusions précitées pour un plus ample exposé des moyens et arguments des parties.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 12 janvier 2023.
Motivation
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement déféré sur l’ensemble de ses dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau,
Condamne M. [B] [L] à garantir M. [P] [Z] et Mme [U] [F] épouse [Z], des condamnations prononcées à leur encontre à titre principal au profit des consorts [T]-[R], à hauteur des montants suivants :
61.000 € au titre du préjudice matériel
50 % des montants alloués au titre du préjudice moral et des frais d’expertise.
Condamne M. [B] [L] à garantir M. [P] [Z] et Mme [U] [F] épouse [Z], des condamnations prononcées à leur encontre au profit des consorts [T]-[R], au titre des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [B] [L] aux dépens de l’appel en garantie formé à son encontre en première instance,
Y ajoutant,
Condamne M. [B] [L] aux entiers dépens d’appel
Condamne M. [B] [L] à verser à M. [P] [Z] et Mme [U] [F] épouse [Z] une somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, soit 2.000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et 2.000 € au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
La Greffière La Présidente de chambre