Si la contrefaçon d’une marque est acquise de façon évidente, pensez à demander à une provision en référé.
Le principe de la provision
Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution d’une obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Le principe et le montant à la charge du demandeur
Il appartient au demandeur d’établir l’existence de l’obligation qui fonde sa demande de provision, tant en son principe qu’en son montant, et une contestation sérieuse survient lorsque l’un des moyens de défense opposés à ses prétentions laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait intervenir par la suite sur ce point. C’est, en outre, au moment où la cour statue qu’elle doit apprécier l’existence d’une contestation sérieuse, le litige n’étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l’articulation de ce moyen.
Les conditions de la contrefaçon de marque
Aux termes de l’article L. 713-1 du code de la propriété intellectuelle, l’enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits ou services qu’il a désignés : ce droit s’exerce sans préjudice des droits acquis par les tiers avant la date de dépôt ou la date de priorité de cette marque.
L’article L. 713-2 du même code dispose : Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque.
Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Sur le fondement des dispositions de ce texte, doivent être considérés comme fautifs les actes de parasitisme entendus comme tout comportement par lequel un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts, de son savoir-faire et de sa notoriété.
Affaire Glacier Ness
La société à responsabilité limitée (SARL) Domaness, créée en 2009, confectionne et commercialise des glaces et sorbets dans le département du [Localité 6], et plus précisément dans trois boutiques situées à [Localité 5] et [Localité 3].
Le 2 avril 2014, elle a déposé à l’INPI, en classes 16, 30 et 32, incluant les ‘glaces alimentaires’, la marque française semi-figurate ‘Glacier Ness’. Celle-ci a été enregistrée sous le n° 4080838.
Le 10 février 2018, M. [Y] [X] a ouvert à [Localité 2] une pâtisserie/salon de thé sous la forme d’une société qu’il exploite sous la dénomination sociale ‘Ness Patisserie’ et ce, en hommage au surnom de sa mère, décédée en 2012.
Alors qu’elle cantonnait jusqu’ici son activité à la vente de viennoiseries et patisseries, la SASU Ness Patisserie a commencé à commercialiser des glaces, à compter du mois de mai 2021, lançant, pour ce faire, une campagne publicitaire sur les réseaux sociaux.
La SARL Domeness, a déposé à l’INPI, le 5 mai 2021, une nouvelle marque verbale ‘Glacier Ness Patisserie’pour désigner notamment ses pâtisseries, confiseries et glaces alimentaires. Elle a été enregistrée sous le n°4763753 et publiée au BOPI le 28 mai 2021, publication modifiée le 27 août 2021.
Par courriers en date des 17 mai 2021 et 13 avril 2022, le conseil de la SARL Domaness a demandé à la SAS Ness Patisserie de cesser d’utiliser des appellations ‘Patisserie Ness’ et ‘Glaces by Ness’.
L’évidence en référé
Toutefois, il a été jugé que l’usage de l’expression et/ou appellation ‘Glaces by Ness’ par la SASU Ness Pâtisserie n’était pas établi, avec l’évidence requise en référé, par les pièces versées aux débats. Il est, à cet égard, quelque peu étonnant que, pour étayer ses griefs, l’intimée n’ait pas eu recours, comme d’usage en la matière, à un constat de commissaire de justice.
En tout état de cause, il n’appartient pas à la cour d’étendre d’initiative son analyse à des expressions voisines, telles que ‘Desserts glacés by Ness Pâtisserie’, ‘Les glaces disponibles chez Ness Pâtisserie’, ou ‘Glaces et sorbets – Ness Pâtisserie’ pour déterminer si elles constituent, sous une autre forme, une contrefaçon de la marque ‘Glacier Ness’ ou un acte de parasitisme et ce, d’autant que, comme rappelé supra, l’intimée s’est désistée, en première instance, de sa demande relative à l’utilisation par l’appelante de l’appellation ‘Patisserie Ness’.
Dès lors la preuve de la matérialité des faits argués de contrefaçon et parasistisme n’étant pas rapportée, il convient de considérer que la demande de provision à valoir sur l’indemnisation des ses préjudice, formulée par la SARL Domaness, se heurte à une contestation sérieuse.