La résiliation du contrat d’édition musicale est encourue dès lors que l’éditeur manque à ses obligations de rémunération juste des auteurs et de reddition des comptes.
Affaire Echo Orange
En l’espèce, les auteurs ont obtenu la condamnation de la société ECHO ORANGE pour différents manquements à ses obligations d’éditeur, à savoir :
– l’absence de reddition des comptes à laquelle elle était pourtant contractuellement tenue;
– l’absence de versement consécutif à la réalisation de quatre synchronisations portant sur les œuvres qu’elle édite.
La société ECHO ORANGE reconnait en conséquence ne pas avoir satisfait à son obligation de reddition des comptes, et ce durant plusieurs années.
L’existence d’un conflit est indifférente
L’éditeur ne peut utilement se retrancher derrière l’existence d’un conflit pour priver les auteurs de telles informations.
Il n’est pas davantage fondé à renvoyer aux obligations de la SACEM, les relevés établis par cette dernière n’ayant pas vocation à se substituer à ceux de l’éditeur. Au contraire, les comptes établis par l’éditeur doivent permettre à l’auteur de vérifier l’exactitude de la répartition des droits effectuée par la SACEM ou encore de contrôler le travail d’édition.
Enfin, le fait que l’éditeur se soit mis à la disposition des auteurs pour les aider à comprendre les comptes établis par la SACEM ne saurait permettre de minimiser le manquement constaté.
En s’abstenant d’adresser aux auteurs la reddition de leurs comptes pendant plusieurs années, la société ECHO ORANGE a manqué à une obligation essentielle du contrat la liant aux auteurs.
Obligation de rémunérer les auteurs
Il est par ailleurs démontré que la société ECHO ORANGE a conclu en sa qualité d’éditeur avec la société START-REC agissant pour le compte de la société PSA PEUGEOT CITROEN un contrat “d’autorisation d’utilisation d’une œuvre musicale à des fins publicitaires à titre non exclusif” portant sur l’œuvre intitulée “BLACK NIGHTS”.
Ce contrat prévoit que la société ECHO ORANGE reçoit à titre de redevance différents paiements correspondant à la quote part de 80% des droits éditoriaux de l’œuvre, incluant la part revenant aux auteurs-compositeurs.
En conséquence, la société ECHO FRANCE, en ne reversant pas aux auteurs la part de rémunération qui leur était due du fait de l’exploitation de la synchronisation de l’œuvre musicale “BLACK NIGHTS” dans le film Citroën C5, a manqué à ses obligations d’éditeur.
En l’espèce, la contrepartie de la cession du droit exclusif de reproduction par les auteurs consiste dans l’engagement pris par l’éditeur d’assurer à l’œuvre une exploitation permanente et suivie ainsi qu’une diffusion commerciale conforme aux usages de l’Edition de Musique française”.
Cet engagement ne peut être satisfait par l’accomplissement d’un fait unique mais appelle la réalisation de différentes prestations.
Il s’agit donc d’un contrat à exécution successive et il n’est pas soutenu qu’il s’agirait d’un contrat à utilité globale.
Les manquements constatés ont trait à des obligations fondamentales de l’éditeur.
Ainsi, l’obligation de reddition des comptes doit permettre à l’auteur de contrôler l’exploitation de son œuvre et, partant, des sommes qu’il est en droit de percevoir.
Or, la reddition des comptes n’a pas été établie de manière suivie. De plus, l’éditeur a délibérément choisi de ne pas reverser aux auteurs les droits d’auteur qui leur revenaient. Il s’agit là de manquements graves qui se sont poursuivis dans le temps.
S’il existe des désaccords entre les parties sur la personne qui aurait trouvé des débouchés aux œuvres litigieuses, force est de constater que l’éditeur a accompagné leur exploitation, ne serait-ce qu’en cherchant à encourager la signature de contrats et en vantant les mérites des œuvres qu’il éditait auprès d’acteurs du milieu musical.
Toutefois, dès l’origine il n’a pas reversé aux auteurs la part qui leur revenait et il s’est très rapidement affranchi de son obligation de reddition des comptes. En conséquence, il ne peut être considéré que, dans un premier moment, l’éditeur aurait intégralement satisfait à ses obligations pour faillir ensuite.
Bien au contraire, il apparaît qu’il n’a jamais été question d’une “exécution réciproque du contrat”, qui suppose une exécution parfaite du contrat. Or, “l’exécution réciproque du contrat” conditionne la possibilité d’appliquer le régime de la résiliation, lequel fait obstacle à la restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n’ayant pas reçu sa contrepartie.
Dans ces conditions, la juridiction a prononcé la résolution des contrats d’édition suivants aux torts exclusifs de la société ECHO ORANGE.
La clause résolutoire
Pour rappel, en vertu des articles 1217, 1227 et 1229 du code civil, la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté peut provoquer la résolution du contrat.
La résolution prend effet, selon les cas, soit dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l’assignation.
Lorsque les prestations échangées ne peuvent trouver leur utilité que par l’exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l’intégralité de ce qu’elles se sont procurées l’une à l’autre.
A l’inverse, lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat, il n’y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n’ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.
Par ailleurs, l’article 1228 du même code dispose que “le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l’exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts”.
Seule une inexécution grave des engagements d’une partie de nature à détruire l’équilibre des rapports synallagmatiques entre les partenaires peut fonder la résiliation du contrat aux torts du co-contractant fautif.
La charge de la preuve de l’inexécution incombe à celui qui sollicite la résolution du contrat aux torts de son co-contractant.
L’article L. 132-13 du code de la propriété intellectuelle dispose que “l’éditeur est tenu de rendre compte.
L’auteur pourra, à défaut de modalités spéciales prévues au contrat, exiger au moins une fois l’an la production par l’éditeur d’un état mentionnant le nombre d’exemplaires fabriqués en cours d’exercice et précisant la date et l’importance des tirages et le nombre des exemplaires en stock.
Sauf usage ou conventions contraires, cet état mentionnera également le nombre des exemplaires vendus par l’éditeur, celui des exemplaires inutilisables ou détruits par cas fortuit ou force majeure, ainsi que le montant des redevances dues ou versées à l’auteur”.