Obligation de reclassement du salarié : l’avis du médecin du travail est déterminant

Notez ce point juridique

Les préconisations faites par le médecin du travail dispensent l’employeur de son obligation de reclassement à l’égard de son salarié déclaré inapte au sein de la société et du groupe. C’est donc à bon droit que les premiers juges ont conclu que l’employeur a déféré à ses obligations légales.

Un nouvel emploi approprié aux capacités du salarié 

L’article L1226-2 du code du travail dispose que lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L4624-4 à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

La notion de groupe de sociétés  

Pour l’application de cet article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.

La proposition de reclassement

La proposition de reclassement prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu’il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. 

Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

L’impossibilité de reclassement  

L’article L1226-2-1 du même code stipule que lorsqu’il est impossible à l’employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent à son reclassement.

L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

L’avis déterminant du médecin du travail 

L’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail.

En l’espèce, le médecin du travail a émis un avis d’inaptitude à l’égard du salarié à l’occasion de la visite de reprise libellé comme suit ‘salarié inapte à la reprise de son poste de travail et à tous les postes de travail de l’entreprise SFR’.

La Sas SFR Distribution justifie avoir sollicité le médecin du travail par courriel : 

‘Nous tenons à vous préciser que compte tenu de notre activité, la majorité des collaborateurs-trices sont employés-es à des postes de conseiller-ère de vente ou de responsable de point de vente, postes ayant un environnement similaire à celui qu’occupe le salarié. Pourriez-vous nous préciser quel type de poste peut correspondre au salarié,  compte tenu de son état de santé ‘ L’inaptitude à tous postes dans l’entreprise s’entend-elle au groupe SFR-ALTICE ‘ 

Afin de pouvoir proposer au salarié à d’éventuelles propositions de reclassement, nous vous remercions de bien vouloir nous apporter des précisions sur le type d’environnement et l’organisation du travail compatibles avec l’état de santé de ce salarié…’

L’employeur avait obtenu la réponse suivante du médecin du travail : 

‘L’état de santé du salarié est à ce jour incompatible avec tous les postes du groupe SFR-Altice. Son état de santé serait incompatible avec un poste similaire à celui occupé chez SFR mais dans un autre groupe ou une autre entreprise’.

Le médecin du travail a par ailleurs précisé dans un courriel, en réponse à une demande tendant à savoir si l’employeur était bien dispensé de son obligation de reclassement : ‘je vous confirme que d’après l’article L1226-2-1 vous pouvez en effet rompre le contrat de travail du salarié car vous avez justifié votre impossibilité de lui proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L1226-2″.


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAISE

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 14 FEVRIER 2023

ARRÊT N°

N° RG 20/01646 – N° Portalis DBVH-V-B7E-HXZQ

EM/DO

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AVIGNON

10 juin 2020

RG :18/00592

[E]

C/

S.A.S. SFR DISTRIBUTION

APPELANT :

Monsieur [P] [E]

né le 04 Septembre 1969 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Jean POLLARD de la SELARL CABINET JP, avocat au barreau de VALENCE

INTIMÉE :

S.A.S. SFR DISTRIBUTION

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Jérôme BENETEAU de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 08 Novembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et Madame Emmanuelle BERGERAS, Greffière, lors du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l’audience publique du 22 Novembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 31 Janvier 2023 prorogé à ce jour

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 14 février 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

Exposé du litige

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

M. [P] [E] a été engagé par la société Cinq sur Cinq à compter du 27 mars 2008 suivant contrat de travail à durée déterminée, puis à compter du 28 septembre 2008 suivant contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de vendeur.

A compter du 1er septembre 2016, le contrat de travail de M. [P] [E] a été transféré à la Sas SFR Distribution.

M. [P] [E] a été en arrêt de travail à compter du 17 décembre 2016.

Par un avis du 17 juillet 2018 donné dans le cadre d’une visite médicale de reprise, le médecin du travail a constaté l’inaptitude de M. [P] [E] à son poste de travail, dans les termes suivants : « salarié inapte à la reprise de son poste de travail et à tous les postes de travail de l’entreprise SFR ».

Par lettre du 30 août 2018, M. [P] [E] a été convoqué à un entretien préalable au 10 septembre 2018 en vue d’un éventuel licenciement.

Par lettre du 13 septembre 2018, M. [P] [E] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre et estimant avoir été victime de harcèlement moral, M. [P] [E] a saisi le 30 novembre 2018 le conseil de prud’hommes d’Avignon en requalification de son licenciement et en condamnation de l’employeur au paiement d’indemnités de rupture et de diverses sommes.

Par jugement du 10 juin 2020, le conseil de prud’hommes d’Avignon a :

– dit que le licenciement de M. [E] en date du 13 septembre 2018 est intervenu pour une cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

– condamné la société SFR Distribution prise en la personne de son représentant légal en exercice au paiement des sommes suivantes :

* 1 175,08 euros au titre de rappel de congés payés sur préavis,

* 750 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– rappelé que le jugement bénéficie de l’exécution provisoire,

– constaté que la moyenne des trois derniers mois de salaire s’élève à la somme de 3 000 euros,

– débouté M. [E] du surplus de ses demandes,

– mis les dépens de l’instance ainsi que les éventuels frais d’exécution à la charge de la société SFR Distribution.

Par acte du 03 juillet 2020 reçu le 10 juillet 2020, M. [P] [E] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 18 août 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 08 novembre 2022. L’affaire a été fixée à l’audience du 22 novembre 2022 à laquelle elle a été retenue.

Moyens

Aux termes de ses dernières conclusions reçues, M. [P] [E] demande à la cour de :

– réformer le jugement en date du 10 juin 2020 rendu par le conseil de prud’hommes d’Avignon en ce qu’il a :

* dit que son licenciement n’est pas nul,

* dit que son licenciement est intervenu pour une cause réelle et sérieuse,

* l’a débouté de ses demandes afférentes à titre d’indemnité compensatrice de préavis, congés payés sur préavis et de dommages et intérêts pour licenciement nul ou licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Et statuant à nouveau,

– à titre principal, dire et juger que son licenciement est nul,

– à titre subsidiaire, dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

en conséquence , condamner la société aux sommes suivantes :

– 6 400 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis (2 mois),

– 640 euros à titre d’indemnité de congés payés sur préavis,

– à titre principal, 38 400 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul (12 mois)

– à titre subsidiaire, 32 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (10 mois),

– 19 200 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de visite de reprise,

– 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la SA SFR Distribution aux entiers dépens.

Il soutient que :

– son licenciement est nul dès lors que son inaptitude médicale résulte de faits de harcèlement moral commis par son employeur à compter de septembre 2016, au moment du rachat de la société Cinq sur Cinq par la Sas SFR Distribution, que ces actes ont consisté à lui fixer des objectifs commerciaux irréalisables, à le critiquer, à le menacer de licenciement ou d’interdiction de vente, en l’isolant des autres salariés, que ces faits sont à l’origine de la dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé,

– subsidiairement, son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors que que la Sas SFR Distribution n’a effectué aucune recherche de reclassement, que la société ne pouvait pas être dispensée d’effectuer de telles recherches dès lors que le médecin du travail n’a pas expressément mentionné dans son avis d’inaptitude que ‘tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi’,

– l’employeur a failli à son obligation de sécurité dans la mesure où il n’a pas pu consulter un médecin du travail pendant près d’un an, entre mai 2017 et mai 2018, en raison de l’absence d’affiliation de la société auprès de l’AISMT, que cette situation lui a causé un préjudice puisqu’il a été contraint de prolonger ses arrêts de travail à défaut de pouvoir obtenir une visite de reprise qu’il a dû organiser lui-même, en l’absence de toute initiative de son employeur,

– il prouve, par la production de plusieurs attestations de membres de sa famille, que depuis son arrêt de travail qui résulte directement de la dégradation de ses conditions de travail, son état de santé s’est détérioré, à l’origine d’un préjudice incontestable.

En l’état de ses dernières écritures, la Sas SFR Distribution demande à la cour de :

– constater l’absence de harcèlement moral de sa part à l’encontre de M. [P] [E],

– dire et juger qu’elle a respecté son obligation de reclassement vis-à-vis de M. [P] [E],

– dire et juger que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de M. [P] [E] repose sur une cause réelle et sérieuse,

– constater l’absence de préjudice de M. [P] [E] quant à l’absence de visite médicale de reprise,

– constater son absence de manquement dans le décompte et le paiement des congés payés de M. [P] [E],

En conséquence :

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Avignon le 10 juin 2020 en toutes ses dispositions,

– débouter M. [P] [E] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

– condamner M. [P] [E] à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [P] [E] aux entiers frais et dépens.

Elle fait valoir que :

– elle n’a pas commis d’acte de harcèlement moral à l’encontre de M. [P] [E], que la simple baisse de sa rémunération variable ne saurait constituer un agissement de harcèlement dans la mesure où cette rémunération est par hypothèse non garantie dans son montant, et qu’elle n’est pas un élément contractuel mais relève d’un accord d’entreprise, de sorte qu’elle est libre de fixer sa politique commerciale, qu’elle démontre par ailleurs que les objectifs fixés sur les mois de septembre et octobre 2016 ont parfaitement été atteints par plusieurs conseillers de vente du point de vente [Localité 5], que contrairement à ce que soutient M. [P] [E], elle a respecté son obligation conventionnelle de versement d’un minima de salaire, qu’au montant ‘net à payer’ le 27 octobre 2016 s’est ajouté le montant net d’un acompte de 1350 euros versés en cours de mois, que M. [P] [E] ne rapporte pas la preuve d’une dégradation de ses conditions de travail ni d’un lien de causalité entre ses conditions de travail et l’altération de son état de santé,

– par un courriel du 18 juillet 2018, le médecin du travail a conclu que l’état de santé de M. [P] [E] est incompatible avec tous les postes du groupe SFR Altice, et que son état de santé serait compatible avec un poste similaire mais dans un autre groupe ou une autre entreprise, que par un courriel du 07 août 2018, il a confirmé l’inaptitude de M. [P] [E] et l’a informée de sa faculté de rompre le contrat de travail dans la mesure où elle justifiait de son impossibilité de lui proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L1226-2-1 du code du travail, enfin, elle a consulté les délégués du personnel lesquels ont donné un avis favorable sur la procédure de reclassement,

– M. [P] [E] échoue à démontrer et à quantifier un quelconque préjudice particulier consécutif à une prétendue absence de visite médicale, qu’il est infondé à soutenir qu’il aurait été contraint de rester en arrêt de travail alors que le certificat d’arrêt de travail est établi en considération de l’état de santé du salarié et non en raison de circonstances extérieures, qu’elle n’était pas tenue de rémunérer M. [P] [E] en son absence, qu’elle a bien respecté son obligation conventionnelle de maintenir tout ou partie du salaire en complément des indemnités journalières de sécurité sociale, que les éléments produits par M. [P] [E] ne permettent pas d’établir un lien de causalité entre l’absence de visite médicale et les difficultés financières.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Motivation

MOTIFS :

Sur le harcèlement :

L’article L1152-1 du code du travail dispose qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l’article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, lorsque survient un litige relatif à l’application de ces dispositions, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, M. [P] [E] prétend avoir subi des actes répétés de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique et de son employeur, qui ont consisté en des convocations journalières dans le bureau, des critiques, des menaces de licenciement ou d’interdiction de vente, une politique d’isolement par rapport aux autres salariés et que ses conditions de travail se sont dégradées depuis septembre 2016 par la mise en place d’un management par objectifs ‘intenses’.

A l’appui de ses prétentions, M. [P] [E] verse aux débats :

– le contrat de travail du 28 septembre 2008 qui prévoit à l’article 4 une rémunération mensuelle brute de 763 euros sur la base d’une durée de travail de 35 heures, à laquelle s’ajoute une rémunération variable composée d’une commission sur vente,

– des convocations pour un voyage en Afrique du sud en mars 2014,

– un document le citant comme meilleur vendeur en 2014,

– un tableau de perception des commissions en 2015, 2016 et 2017 qui fait apparaître des commissions d’un montant de 3 125,41 euros en décembre 2015 et 1 592,52 euros en décembre 2016,

– des bulletins de salaires de 2015 et 2016,

– un avis d’arrêt de travail du 17 décembre 2016 pour des troubles anxio-dépressifs, dépression (avis de prolongation du 03/02/2017), canal carpien (avis de prolongation du 13/02/2017), troubles anxio-dépressifs liés selon l’intéressé aux conditions de travail (avis du 12/06/2017),

– un certificat médical établi par le docteur [Y] [L] le 22 février 2018 : il donne des soins régulièrement à M. [P] [E] depuis décembre 2016, M. [P] [E] présente des troubles anxio-dépressifs qu’il rattache à des difficultés rencontrées au travail.

S’il ressort des éléments ainsi produits que la rémunération variable perçue par M. [P] [E] a baissé certains mois 2016 en comparaison de la même période de l’année précédente, et qu’il a rencontré des problèmes de santé d’ordre notamment psychologique, ils ne permettent pas cependant d’établir des faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral.

M. [P] [E] sera donc débouté de ce chef de demande.

Sur le licenciement :

En l’espèce, la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, énonce les griefs suivants :

« Nous sommes au regret de devoir prononcer votre licenciement eu égard à l’impossibilité de pouvoir envisager votre reclassement sur un autre poste dans l’entreprise, suite à l’inaptitude prononcée au poste de conseiller de vente que vous occupiez jusqu’alors au sein de l’espace SFR [Localité 5].

Suite à votre visite de reprise du 17 juillet 2018, le Docteur [G] [X], Médecin du travail, a constaté votre inaptitude définitive à votre emploi de Vendeur, dans les termes suivants : « Salarié inapte à la reprise de son poste de travail et à tous les postes de l’entreprise SFR ».

Le 17 juillet 2018, par courriel, nous avons sollicité le Docteur [G] [X] afin de savoir si votre inaptitude s’étendait au Groupe, et sinon, quel(s) type(s) de poste(s) seraient susceptibles de vous convenir.

Par email en date du 18 juillet 2018, le Docteur [G] [X] confirmait votre inaptitude en ces termes : « Je fais suite à votre mail du 17 juillet 2018 concernant la recherche de poste de reclassement suite à la déclaration d’inaptitude de votre salarié Mr [P] [E]. L’état de santé du salarié est à ce jour incompatible avec tous les postes du groupe SFR ALTICE. Son état de santé serait compatible avec un poste similaire à celui occupé chez SFR mais dans un autre groupe ou une autre entreprise ».

Par email en date du 06 août 2018, nous avons à nouveau sollicité le Docteur [G] [X] afin de nous préciser la possibilité d’un reclassement dans le cadre de votre inaptitude.

Par email en date du 7 août 2018, le Docteur [G] [X] confirmait votre inaptitude en ces termes « Je vous confirme que d’après l’article L.1226-2-1 vous pouvez en effet rompre le contrat de travail de Mr [E] car vous avez justifié votre impossibilité de lui proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L.1226-2 ».

Selon l’article L.1226-2-1, lorsque le médecin du travail prononce une inaptitude au poste de travail avec mention expresse « l’état de santé [du salarié] fait obstacle à tout reclassement dans un emploi » du fait que tout maintien du salarié serait « gravement préjudiciable à sa santé », l’employeur peut rompre le contrat de travail, sans procéder à une recherche de reclassement.

Conformément à l’article L.1226-2 du Code du travail, les Délégué-e-s du personnel ont été consultés lors de la réunion du 27 août 2018, afin de rendre leur avis sur la procédure mise en oeuvre à votre égard.

Par conséquent, nous vous avons donc adressé par courrier recommandé AR en date du 29 août 2018 un courrier d’impossibilité de reclassement.

Puis, nous vous avons donc adressé par courrier recommandé en date du 30 août 2018 une convocation à entretien préalable pour le 10 septembre 2018 auquel vous ne vous êtes pas présenté.

Compte-tenu des éléments qui précèdent, nous vous notifions par la présente votre licenciement en raison de l’impossibilité de reclassement dans un poste compatible avec l’avis d’inaptitude dressée par le Médecin du travail. »

Sur l’obligation de reclassement :

L’article L1226-2 du code du travail dispose que lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L4624-4 à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu’il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

L’article L1226-2-1 du même code stipule que lorsqu’il est impossible à l’employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent à son reclassement.

L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

L’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail. (…)

En l’espèce, le médecin du travail a émis un avis d’inaptitude à l’égard de M. [P] [E] à l’occasion de la visite de reprise le 17 juillet 2018 libellé comme suit ‘salarié inapte à la reprise de son poste de travail et à tous les postes de travail de l’entreprise SFR’.

La Sas SFR Distribution justifie avoir sollicité le médecin du travail le 17 juillet 2018 par courriel : ‘nous tenons à vous préciser que compte tenu de notre activité, la majorité des collaborateurs-trices sont employés-es à des postes de conseiller-ère de vente ou de responsable de point de vente, postes ayant un environnement similaire à celui qu’occupe M. [N] [C]. Pourriez-vous nous préciser quel type de poste peut correspondre à M. [P] [E] compte tenu de son état de santé ‘ L’inaptitude à tous postes dans l’entreprise s’entend-elle au groupe SFR-ALTICE ‘ Afin de pouvoir proposer à M. [P] [E] d’éventuelles propositions de reclassement, nous vous remercions de bien vouloir nous apporter des précisions sur le type d’environnement et l’organisation du travail compatibles avec l’état de santé de ce salarié…’

et avoir obtenu la réponse suivante du médecin du travail : ‘l’état de santé du salarié est à ce jour incompatible avec tous les postes du groupe SFR-Altice. Son état de santé serait incompatible avec un poste similaire à celui occupé chez SFR mais dans un autre goupe ou une autre entreprise’.

Le médecin du travail a par ailleurs précisé dans un courriel du 07 août 2018, en réponse à une demande tendant à savoir si l’employeur était bien dispensé de son obligation de reclassement : ‘je vous confirme que d’après l’article L1226-2-1 vous pouvez en effet rompre le contrat de travail de M. [E] car vous avez justifié votre impossibilité de lui proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L1226-2″.

Les préconisations faites par le médecin du travail dispensaient la Sas SFR Distribution de son obligation de reclassement à l’égard de M. [P] [E] au sein de la société et du groupe auquel elle appartient.

C’est donc à bon droit que les premiers juges ont conclu que l’employeur a déféré à ses obligations légales.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

Sur l’affiliation à la médecine du travail et la visite médicale de reprise :

L’article L4624-1 du code du travail dans sa version applicable dispose que tout travailleur bénéficie, au titre de la surveillance de l’état de santé des travailleurs prévue à l’article L. 4622-2, d’un suivi individuel de son état de santé assuré par le médecin du travail et, sous l’autorité de celui-ci, par le collaborateur médecin mentionné à l’article L. 4623-1, l’interne en médecine du travail et l’infirmier (…) Tout salarié peut, lorsqu’il anticipe un risque d’inaptitude, solliciter une visite médicale dans l’objectif d’engager une démarche de maintien dans l’emploi.

L’article R4634-24 du même code, dans sa version applicable, stipule qu’indépendamment des examens d’aptitude à l’embauche et périodiques ainsi que des visites d’information et de prévention, le travailleur bénéficie, à sa demande ou à celle de l’employeur, d’un examen par le médecin du travail.

Le travailleur peut solliciter notamment une visite médicale, lorsqu’il anticipe un risque d’inaptitude, dans l’objectif d’engager une démarche de maintien en emploi et de bénéficier d’un accompagnement personnalisé. (…)

Le salarié peut prendre l’initiative de la visite de reprise.

En l’espèce, au vu des pièces produites, il apparaît que M. [P] [E] a été en arrêt de travail pour maladie du 17 décembre 2016 au 08 décembre 2017 puis du 12 juillet 2018 au 16 août 2018.

M. [P] [E] prétend que la visite médicale de reprise n’a pas pu avoir lieu pendant un an malgré une demande faite dès le mois de juin 2017 en raison de l’absence d’affiliation de la Sas SFR Distribution à un service de santé au travail, que malgré une régularisation intervenue au printemps 2018, il a dû prendre rendez-vous lui-même avec le médecin du travail pour programmer la visite de reprise.

L’argument développé par M. [P] [E] selon lequel il serait resté en arrêt de travail pendant près d’un an eu égard aux manquements de la société est inopérant dans la mesure où la décision de prolongation des avis de travail est prise en fonction de l’évolution de l’état de santé du salarié.

Enfin, si la visite médicale de reprise est habituellement organisée par l’employeur, le salarié peut prendre l’initiative d’un rendez-vous à condition d’en informer l’employeur, ce qui a été le cas en l’espèce, M. [P] [E] ayant informé la Sas SFR Distribution par un courrier du 03 juillet 2018 d’une visite médicale prévue le 17 juillet 2018.

Par contre, s’il est démontré par la production d’un courrier du 15 mai 2018 rédigé par le docteur [G] [X], médecin du travail, que M. [P] [E] a bénéficié de deux consultations le 23 mai 2017 et le 29 mai 2018, il apparaît néanmoins que le salarié n’a pas pu obtenir d’autres visites médicales en raison de l’absence d’affiliation de la société Sfr Distribution auprès de l’AIST. En effet, les échanges de courriels en juin 2017 entre M. [P] [E] et une salariée de la société, [Z] [Z], au cours desquels le salarié indique notamment ‘je viens d’avoir la médecin du travail que ce soit 5/5 ou Sfr distribution les cotisations n’ont pas été réglées donc impossible de prendre rendez-vous ils me conseillent l’inspection du travail et les prud’hommes…de plus j’avais demandé un rendez-vous qui n’a pas abouti dois-je en redemander un’ J’apelle l’inspection du travail…’, et le courriel envoyé le 24 janvier 2018 du service gestionnaire adhérent de l’AIST qui confirme qu’ ‘aucune adhésion n’a été faite au nom de SFR Distribution aux [Localité 5]’ sont suffisants pour rapporter la preuve que la Sas SFR Distribution n’avait pas payé ses cotisations auprès de l’AIST et que la service de la médecine du travail lui était inaccessible, alors qu’il avait manifesté son intention de rencontrer le médecin du travail en juin 2017.

M. [P] [E] n’a donc pas pu bénéficier d’un examen médical par un médecin du travail pendant près d’un an en raison de la défaillance de son employeur dans son obligation d’affiliation auprès de l’AIST.

La Sas SFR Distribution ne conteste pas sérieusement cette situation et se contente d’affirmer que M. [P] [E] ne rapporte pas la preuve d’un préjudice.

Or, M. [P] [E] justifie avoir subi un préjudice dans la mesure où il n’a pas pu anticiper avec l’aide de la médecine du travail, son inaptitude dans des conditions sereines et envisager de façon plus constructive son avenir professionnel au sein de la Sas SFR Distribution ou dans une autre entreprise, par un aménagement de poste ou par une éventuelle reconversion professionnelle.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il convient d’allouer à M. [P] [E] une indemnité à ce titre à hauteur de 6 000 euros.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour,

statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud’homale et en dernier ressort ;

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Avignon le 10 juin 2020 en ce qu’il a :

– dit que le licenciement de M. [E] en date du 13 septembre 2018 est intervenu pour une cause réelle et sérieuse,

– condamné la société SFR Distribution prise en la personne de son représentant légal en exercice au paiement des sommes suivantes :

* 1 175,08 euros au titre de rappel de congés payés sur préavis,

* 750 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– rappelé que le jugement bénéficie de l’exécution provisoire,

– constaté que la moyenne des trois derniers mois de salaire s’élève à la somme de 3 000 euros,

– mis les dépens de l’instance ainsi que les éventuels frais d’exécution à la charge de la société SFR Distribution.

L’infirme pour le surplus,

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Condamne la Sas SFR Distribution à payer à M. [P] [E] la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de son obligation de sécurité résultant du défaut d’affiliation auprès de L’AIST,

Condamne la Sas SFR Distribution à payer à M. [P] [E] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne la Sas SFR Distribution aux dépens de la procédure d’appel.

Arrêt signé par le président et par la greffière.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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