La SAS OVH qui propose une offre de « sauvegarde automatique locale » stockée dans le même datacenter ne respecte pas l’état de l’Art en matière informatique et engage à ce titre sa responsabilité contractuelle. Les sauvegardes doivent donc se faire sur site distant.
Preuve à la charge de l’hébergeur
Dans cette affaire portant sur la perte intégrale des données de son client suite à un incendie, la SAS OVH ne démontrait pas qu’une offre spécifique de sauvegarde sur site distant a été proposée à son client, la SAS FRANCE BATI COURTAGE, ni même que cette offre existait lors de la souscription, ni qu’elle ait informé ou alerté la SAS FRANCE BATI COURTAGE sur le fait que la sauvegarde souscrite était une sauvegarde locale.
Modification de plaquette publicitaire
La SAS OVH a produit aux débats une copie des pages de son site internet imprimé le 20 septembre 2022 qui présentaient son offre de sauvegarde. Cette présentation commerciale ne correspondait pas à celle souscrite par la SAS FRANCE BATI COURTAGE et a été créée ou modifiée postérieurement à l’incendie et à la souscription de l’offre par la SAS FRANCE BATI COURTAGE.
Responsabilité contractuelle de l’hébergeur
Une analyse des documents commerciaux de la SAS OVH qui présentaient l’offre de sauvegarde automatique souscrite par la SAS FRANCE BATI COURTAGE et du contrat associé à cette offre mettaient en évidence que :
- Nulle part le terme de« sauvegarde locale » n’est mentionné,
- Nulle part il est indiqué explicitement ou implicitement que les sauvegardes seront stockées au même endroit ou dans le même datacenter que les données du serveur principal.
Bien au contraire le contrat OVH relatif à la sauvegarde automatique stipule qu’ « une sauvegarde de votre VPS (hors disques additionnels) est planifiée quotidiennement, exportée puis répliquée trois fois avant d »être disponible dans votre espace-client ».
« L’espace de stockage alloué à l’option Backup est physiquement isolé de l’infrastructure dans laquelle est mis en place le Serveur Privé Virtuel du Client »
Le terme« exportée » désigne le fait de mettre les données « en dehors de ».
La formulation « physiquement isolé de l’infrastructure dans laquelle est mise en place le Serveur Privé Virtuel du Client » ne laisse aucune place au doute sur le fait que les données de la sauvegarde seront stockées dans un espace physiquement différent du serveur où sont stockées les données principales.
Au regard de la volonté des parties lors de la signature du contrat :
– la volonté de la SAS FRANCE BATI COURTAGE était de faire des sauvegardes pour mettre à l’abri les données de son serveur,
– l’engagement de la SAS OVH était de « dupliquer et à mettre en sécurité les données», les «exporter puis répliquer trois fois » dans un espace de stockage« physiquement isolé ».
La référence à l’état de l’art
Stocker les données au même endroit que le serveur principal, et a fortiori, de conserver toutes les copies de sauvegarde au même endroit ne permet pas de mettre à l’abri les données, ne respecte par l’état de l’art de la sauvegarde et ne permet pas d’atteindre l’objectif fixé par le contrat.
Le contrat relatif à la sauvegarde automatique de la SAS OVH stipule par ailleurs qu’ « OVH s’engage à apporter tout le soin et toute la diligence nécessaire à la fourniture d’un service de qualité conformément aux usages de la profession et à l’état de l’art».
La SAS OVH a produit un document d’octobre 2017 intitulé « Politique de sauvegarde» qui expose l’état de l’art de la sauvegarde et qui recommande d’effectuer 3 copies de sauvegarde des données principales dont au moins une copie sur un site externe « afin de disposer d’une ressource ultime, même si un événement catastrophique touchait le premier site ».
En tant que professionnel du stockage de données et proposant une offre de sauvegarde destinée à des entreprises, la SAS OVH ne pouvait ignorer ces usages et l’état de l’art du domaine.
La SAS OVH ne s’expliquait pas sur le lieu de stockage des« 3 réplications» que prévoyait le contrat souscrit par la SAS FRANCE BATI COURTAGE. Selon son raisonnement, les 3 réplications et les données du serveur principal seraient toutes stockées au même endroit dans le même datacenter.
Selon la SAS OVH, l’engagement contractuel était de réaliser des « sauvegardes locales », c’est à dire des sauvegardes stockées au même endroit que le serveur principal, dans le même datacenter.
Par ailleurs, la SAS OVH se présente comme un « leader européen du cloud » qui dispose de « 32 datacenters répartis sur 13 sites. » La SAS OVH avait donc les moyens de stocker les sauvegardes sur un autre site mais ne l’a pas fait.
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
La SAS FRANCE BATI COURTAGE est à la tête d’un réseau commercial composé d’entrepreneurs indépendants, ayant le statut de franchisés et exerçant chacun une activité de courtier en travaux, sous l’enseigne et selon le concept LA MAISON DES TRAVAUX.
Depuis sa création en 2007, la SAS FRANCE BATI COURTAGE développe son activité quasi exclusivement au travers du site internet « lamaisondestravaux.com » lequel constitue le point d’entrée principal permettant :
– de promouvoir l’enseigne, le concept et l’activité du réseau auprès du grand public ;
– de recruter de nouveaux franchisés ;
– de sélectionner de nouveaux artisans et fournisseurs.
Le développement de l’activité du réseau LA MAISON DES TRAVAUX est également porté par les 123 franchisés qui accèdent, contre redevances versées au franchiseur, à 183 sites web prenant la forme de sous-domaines rattachés au domaine principal « lamaisondestravaux.com ».
La SAS FRANCE BATI COURTAGE exploite également les sites :
« lamaisondestravaux.com », « franchise-lamaisondestravaux.com », « lamaisondesarchitectes.com », « lamaisondestravaux-pro.com » et « expertbricolage.com ».
La SAS OVH est un leader français du cloud computing qui assure notamment des services d’hébergement de sites internet. L’une des particularités de la société réside aussi dans son modèle intégré. La SAS OVH conçoit et fabrique ses propres serveurs et centres de données (ou « datacentres »). La SAS OVH possède un réseau de 32 datacentres situés dans onze pays répartis sur quatre continents. En France, la SAS OVH possède des datacentres à Roubaix, à Gravelines et à Strasbourg.
Afin d’assurer l’hébergement de ses sites, la SAS FRANCE BATI COURTAGE a souscrit auprès de la SAS OVH un contrat de location de serveur virtuel VPS.
La SAS FRANCE BATI COURTAGE a, en complément du contrat de location de serveur, souscrit auprès de la SAS OVH une option contractuelle complémentaire de « sauvegarde automatisée » permettant la préservation et la récupération des données du serveur dédié, option interdépendante du service d’espace de stockage alloué à l’option de back-up.
L’offre de la SAS OVH précise qu’elle s’appuie sur une fonction auto-backup qui affranchit le client de toutes complexités puisque « concrètement une sauvegarde [du] VPS (hors disques additionnels) est planifiée quotidiennement, exportée puis répliquée trois fois avant d’être disponible dans [l’] espace client ».
Les dispositions relatives au service de backup automatisé indiquent que la SAS OVH s’engage à ce que l’espace de stockage alloué à l’option de backup soit physiquement isolé de l’infrastructure dans laquelle est mis en place le serveur privé virtuel du client.
Dans la nuit du 9 au 10 mars 2021, un incendie est survenu dans les datacenters os-sbg1, os-sbg2 et os-sbg4 de la SAS OVH situés à Strasbourg, le datacenter os-sbg1 abritant notamment le serveur et les données de la SAS FRANCE BATI COURTAGE.
Suite à cet incendie, la SAS OVH a coupé l’électricité dans l’ensemble des locaux frappés par le sinistre, les sites internet de la SAS FRANCE BATI COURTAGE s’en trouvant dès lors inaccessibles, tant pour les internautes que pour la demanderesse et ses franchisés, cette inaccessibilité valant autant pour l’interface web que pour les données des sites eux-mêmes.
La SAS France BATI COURTAGE s’est rapidement trouvée dans une situation difficile du fait de la coupure de ses sites internet face au mécontentement grandissant des franchisés privés de leurs propres pages et atteints dans leurs activités.
La SAS FRANCE BATI COURTAGE a décidé d’engager des moyens financiers et humains, tant auprès de ses propres équipes que de prestataires extérieurs, afin de tenter de reconstituer dans l’urgence, les sites internet à partir de données anciennes qu’elle avait elle-même conservées.
En parallèle, la SAS FRANCE BATI COURTAGE a relancé à de nombreuses reprises la SAS OVH pour pouvoir récupérer ses données et réactiver l’activité.
La SAS FRANCE BATI COURTAGE, qui pensait récupérer l’ensemble de ses données grâce à l’option de« backup» souscrite, afin de remettre en ligne la dernière version de ses sites internet datant du 09 mars 2021, a appris, le 03 avril 2021, de la SAS OVHque ledit backup avait lui aussi été détruit totalement et irrémédiablement par l’incendie.
Les sauvegardes étaient stockées dans le même bâtiment que celui où se trouvait le serveur principal intégralement détruit par l’incendie.
Des suites de ces pertes de données, la SAS FRANCE BATI COURTAGE affirme avoir enregistré une baisse considérable du trafic provenant du référencement naturel acquis lui aussi au terme de plus d’une décennie d’efforts financiers et techniques.
La SAS FRANCE BATI COURTAGE a, par la voix de son conseil par courrier en date du 22 avril 2021, décliné la proposition de la SAS OVH et mis en demeure cette dernière, au vu des manquements contractuels commis selon elle, de l’indemniser, dans un délai de 15 jours, du préjudice subi correspondant à la perte des données, à l’inactivité de ses sites pendant plusieurs jours et à la perte du taux de fréquentation et aux investissements et efforts financiers réalisés, évalué à la somme de 6 540 000 € à parfaire.
Par courrier en date du 19 mai 2021, la SAS OVH a par la voix de son conseil indiqué prendre bonne note du courrier adressé et y apporter réponse.
Aucune autre réponse n’a cependant été apportée.
C’est en l’état que les parties se retrouvent devant le Tribunal de céans.
LA PROCÉDURE
Par acte introductif d’instance délivré le 19 juillet 2021, la SAS FRANCE BATI COURTAGE a assigné la SAS OVH devant le Tribunal de Commerce de LILLE METROPOLE.
Par ses conclusions responsives n°3, la SAS FRANCE BATI COURTAGE demande au Tribunal :
Vu les articles 1103, 1194, nouveaux et li 34 alinéa 1er et 1135 anciens du Code civil, les articles 1231-1 nouveau, articles 1147 et 1148 anciens du Code civil, les articles 1170 et 1171 nouveaux, l’article 1218 du Code civil, l’article 1149 ancien et 1131-2 nouveau du Code civil, Vu les articles 700 et 699 du Code civil,
Vu les pièces,
Vu la jurisprudence,
Vu les fautes lourdes commises par la société OVH,
– Recevoir la société FRANCE BATI COURTAGE en ses demandes,
– Débouter la société OVH de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– Condamner la société OVH à verser à la société FRANCE BATI COURTAGE la somme de 6 477 283,20 euros au titre des préjudices subis,
– Condamner la société OVH à verser à la société FRANCE BATI COURTAGE la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et à supporter l’intégralité des dépens de la présente instance.
Par ses conclusions en réponse n°5, la société OVH demande au Tribunal :
Vu les articles 1103, 1112-1, 1218 et 1231-1 du code civil, Vu les articles 9, 514 et 700 du code de procédure civile,
Vu le Règlement Général sur la protection des données du 27 avril 2016 (« RGPD »),
Vu les pièces produites à l’appui des présentes et visés ci-après,
À titre principal :
– Juger que la société OVH a respecté ses obligations en matière de sauvegarde des données à l’égard de France Bati Courtage,
– Juger que la société OVH a respecté ses obligations en matière de mise en ceuvre de mesures de sécurité à l’égard de France Bati Courtage,
– Juger que la société OVH a respecté ses obligations en matière de localisation des
sauvegardes à l’égard de France Bati Courtage,
En conséquence,
– Rejeter l’ensemble des demandes fins et conclusions de la société France Bati Courtage,
À titre subsidiaire,
– Juger que l’incendie ayant entraîné la perte des données de France Bati Courtage présente les caractères de la force majeure,
En conséquence,
– Rejeter l’ensemble des demandes, fins et conclusions de la société France Bati Courtage,
À titre encore plus subsidiaire,
– Juger que la société France Bati Courtage ne rapporte pas la preuve de ses préjudices allégués
En conséquence,
– Rejeter l’ensemble des demandes, fins et conclusions de la société France Bati Courtage,
À titre infiniment subsidiaire :
– Juger l’existence et l’application de la clause limitant la responsabilité d’ OVH à la somme de 1 800,48 euros,
En conséquence,
– Ordonner l’application de cette clause de limitation de responsabilité et ainsi limiter la condamnation de la société OVH à une somme qui ne saurait dépasser la somme de 1 800,48 euros,
En tout état de cause,
– Écarter l’exécution provisoire du jugement à intervenir
– Condamner la société France Bati Courtage à verser à la société OVH la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner la société France Bati Courtage aux entiers dépens de la présente instance.
L’affaire a été enrôlée pour l’audience du 14 septembre 2021. À la demande des parties, elle a fait l’objet de 8 renvois. Elle a été plaidée à l’audience du 17 Novembre 2022 et mise en délibéré au 12 janvier 2023 par mise à disposition au greffe. Par la suite, le délibéré a été prorogé au 26 janvier 2023.
MOYENS DES PARTIES
• La SAS FRANCE BATI COURTAGE :
La demanderesse se fonde sur les articles 1103, 1134 et 1194 du Code civil pour engager la responsabilité de la SAS OVH et considère que celle-ci a manqué à ses obligations contractuelles.
Elle estime que l’incendie dans la nuit du 09 au 10 Mars 2021 ne peut être considéré comme un cas de force majeure dans la mesure où:
Le risque d’incendie dans un data center composé de centaines d’équipements électriques est un risque évident et prévisible dont le propriétaire doit se protéger,
La force majeure ne peut être invoquée dès lors que le débiteur a commis une faute en ce qu’il n’a pas pris toutes les mesures requises pour éviter que l’événement se réalise (Cass. civ. 9-5-1994, n°91-21.876: RJDA 1/95 n°6)
La SAS FRANCE BATI COURTAGE considère que la SAS OVH n’a pas mis en œuvre toutes les mesures requises pour protéger son datacenter des incendies avec notamment l’absence de système d’extinction automatique.
Elle considère que la SAS OVH n’a pas pris toutes les mesures pour stocker les serveurs et les données en sécurité. Et que le fait de stocker les serveurs dans des containers maritimes et à fortiori avec des planchers en bois, et de stocker les batteries dans le même local que les serveurs, ne permettait pas de garantir la sécurité contre l’incendie.
Elle argue que la SAS OVH a commis une faute en stockant les sauvegardes sur une machine voisine du serveur principal.
La demanderesse se fonde sur :
– L’annexe 1 des conditions particulières du contrat pour le « Service de backup automatisé » qui stipule que « L’espace de stockage alloué à l’option backup est physiquement isolé de l’infrastructure dans laquelle est mis en Place le Serveur Privé Virtuel du client »,
– Le document commercial de la SAS OVH présentant la solution d’auto-backup qui indique que « une sauvegarde de votre VPS (hors disques additionnels) est planifiée quotidiennement, exportée puis répliquée trois fois avant d’être disponible dans votre espace client pour démontrer que la SAS OVH n’a pas respecté ses engagements contractuels en réalisant la sauvegarde sur une machine voisine du serveur principal.
La SAS FRANCE BATI COURTAGE se fonde également sur un article dujoumaldunet.com (JDN) du 29/03/2021 :
– qui reprend les déclarations de M. X., dirigeant-fondateur de la SAS OVH, qui dit « À cause du déploiement initial basé sur les containers maritimes, nous avons un historique à rattraper sur SBG pour atteindre le même niveau de normes que les autres sites d’OVH » et « Nous avons réalisé que le datacenter en containers maritimes n’est pas adapté aux exigences de notre métier. » pour démontrer que le datacenter de Strasbourg n’était pas au niveau de ce que l’on peut attendre d’un datacenter et que la direction de la SAS OVH en avait parfaitement conscience ?
– qui indique que « la décision de fermer les datacenters SBG1 et SBG4 avait été prise en novembre 2017 suite à une panne électrique sur le site de Strasbourg».
La SAS FRANCE BATI COURTAGE affirme que la SAS OVH reconnaît elle-même que stocker les sauvegardes à proximité des serveurs principaux était une erreur.
Elle se fonde sur les articles 1170 du Code civil et sur les arrêts de la Cour de Cassation : Cour Cassation, Chambre Commerciale 22 octobre 1996 n° 1496 : RJDA 1/97 n° 6 ; Cour de Cassation, Chambre Commerciale 30 mai 2006 n° 706 : RJDA 10/06 n° 1021 ; Cour de Cassation, Chambre Commerciale 13 février 2007 n° 05-17.407 : RJDA 10/07 n° 928; Cour d’appel de Paris 14 décembre 2010 n° 08/091544 ), pour considérer nulles les clauses de limitation de responsabilité du contrat OVH.
Elle se fonde également sur l’article 1171 du Code civil pour considérer nulles les clauses de limitation de responsabilité du contrat OVH.
La demanderesse s’appuie sur les articles 1231-1 et 1231-2 du Code civil pour demander des dommages à intérêts à la SAS OVH pour réparer les préjudices qu’elle a subis.
Elle estime que les clauses de limitations de responsabilité présentes dans le contrat OVH doivent être déclarées non valables ou non écrites dans la mesure où :
D’une part ces clauses privent l’obligation essentielle de sa substance,
D’autre part, les contrats signés avec la SAS OVH sont des contrats d’adhésion tels que définis par l’article 1171 du Code civil. (Contrats rédigés à l’avance par la SAS OVH et non modifiable). Or dans un contrat d’adhésion, les clauses qui créent un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat doivent être déclarées non écrites.
La SAS FRANCE BATI COURTAGE se base sur le rapport du Bureau d’Enquêtes et d’ Analyses sur les Risques Industriels (BEA-RI) N° MTE-BEARI-2022-005 du 24 mai 2022 sur l’incendie au sein du centre de stockage de données OVH situé à Strasbourg (67) le 10 mars 2021 pour démontrer que la SAS OVH n’a pas pris toutes les mesures de protection incendie et a commis de négligences.
Enfin, elle évalue les préjudices subis à 6 477 283,20 €, notamment sur la base du rapport établi par M. Claude Bodeau du cabinet ALCOR, expert auprès de la Cour d’ Appel de Grenoble en matière informatique et technique, qui évalue les préjudices subis par la SAS FRANCE BATI COURTAGE.
• La SAS OVH :
La défenderesse estime n’avoir commis aucune faute dans le cadre de l’exécution du contrat la liant à la SAS FRANCE BATI COURTAGE.
Elle considère que la perte des données alléguée par la demanderesse résulte d’un incendie constitutif d’un cas de force majeure exonératoire de toute responsabilité de la SAS OVH.
Elle affirme que la SAS FRANCE BATI COURTAGE ne démontre pas avoir subi un quelconque préjudice.
Elle rappelle également que les contrats liant la SAS FRANCE BATI COURTAGE à elle contiennent des clauses limitatives et exonératoires de responsabilité.
La SAS OVH estime qu’elle n’est pas tenue à une obligation de résultat mais à une obligation de moyens. De ce fait, elle considère qu’elle a exécuté le contrat concernant la sauvegarde conformément à l’obligation de moyens.
Elle observe qu’elle n’était pas tenue contractuellement de mettre à disposition un espace de stockage de sauvegarde dans un datacentre distinct ou à une distance éloignée.
Elle révèle que les demandes de la demanderesse ne reposent sur aucun élément juridique et sur aucune preuve.
Elle considère que les articles de presse produits par la SAS FRANCE BATI COURTAGE ne sont pas des preuves recevables.
De ce fait, elle conteste les montants des préjudices allégués par la demanderesse et considère que ces montants ne sont pas justifiés.
La SAS OVH considère que conformément aux clauses de limitation de responsabilités des contrats, elle ne peut être condamnée à payer plus de la somme de 1 800,48 €.
Enfin, elle argue que l’exécution provisoire de la décision à intervenir aurait des conséquences manifestement excessives pour elle.
DISCUSSION
La SAS FRANCE BATI COURTAGE a souscrit auprès de la SAS OVH un contrat de location de serveur virtuel VPS pour héberger ses différents sites internet.
Elle a également souscrit à un second contrat de service de sauvegarde automatique ou « auto backup ». Ce service garantissait, comme l’indique le document commercial de la SAS OVH et le contrat associé « la réalisation de sauvegardes automatiques quotidiennes. répliquées 3 fois et stockées sur une infrastructure physiquement isolée du serveur principal ».
Pour bénéficier de ces services, la SAS FRANCE BATI COURTAGE a souscrit :
– aux conditions particulières de location d’un serveur privé virtuel ayant été acceptées le 1er février 2020,
– à l’Annexe 1 des conditions particulières de location d’un serveur privé virtuel : service de backup automatisé ayant été acceptée le 13 avril 2018,
– aux conditions générales de service acceptées le 02 mars 2021.
Suite à l’incendie qui s’est déclaré au sein de l’un des quatre bâtiments de la SAS OVH situés à Strasbourg, SBG2, dans la nuit du 09 au 10 mars 2021, le serveur hébergeant les données de la SAS FRANCE BATI COURTAGE a été détruit par l’incendie et les données qu’il contenait totalement perdues. Les différents sites internet de la SAS FRANCE BATI COURTAGE hébergés sur ce serveur sont devenus inaccessibles.
La SAS FRANCE BATI COURTAGE a souhaité restaurer les données perdues de son serveur principal depuis les sauvegardes réalisées par la SAS OVH pour relancer au plus vite ses différents sites internet.
Le 03 avril 2021, soit pratiquement un mois après l’incendie, la SAS OVH a annoncé à la SAS FRANCE BATI COURTAGE que les données de sauvegarde avaient elles-aussi été détruites et perdues à cause de l’incendie car ces dernières étaient stockées au même endroit que le serveur principal, entraînant une demande de réparation de son préjudice par la SAS FRANCE BATI COURTAGE au motif que la SAS OVH n’avait pas respecté ses engagements contractuels en particulier vis-à-vis de la sauvegarde et commis des manquements et des fautes lourdes pour la sécurité anti incendie.
Avant toute discussion sur le fond, la SAS OVH affirme que le Tribunal de céans s’est récemment prononcé sur la responsabilité de la SAS OVH quant aux conséquences dudit incendie dans un jugement en date du 21 juin 2022, qui a considéré que la responsabilité de la SAS OVH ne pouvait être mise en cause à ce titre.
L’étude de ce jugement montre que cette affaire est différente de la présente sur un point essentiel : la société ADOMOS, demanderesse avait souscrit uniquement un contrat d’hébergement simple de deux serveurs et n’avait pas souscrit à l’option de sauvegarde automatique proposée par la SAS OVH. Celle-ci n’était donc pas tenue contractuellement d’effectuer de sauvegardes, cette tâche incombant à la société ADOMOS.
Dans les moyens qu’elle développe dans cette affaire, la SAS OVH soutient que « la société ADOMOS a fait le choix de ne pas souscrire de service de sauvegarde spécifique ». Au contraire, la SAS FRANCE BATI COURTAGE a bien souscrit à l’option de sauvegarde automatique proposée par la SAS OVH.
La SAS OVH fait également référence à l’ordonnance de référé rendue le 30 Juin 2022 par le Tribunal de commerce de Villefranche, dans une affaire opposant la société CINETIC-IT et la SAS OVH. Selon la SAS OVH, cette affaire serait similaire à la présente.
L’étude de cette ordonnance met en évidence que l’affaire est différente de la présente sur deux points majeurs :
– la société CINETIC-IT avait souscrit auprès de la SAS OVH uniquement des contrats d’hébergement de serveur et n’avait pas souscrit de contrat de sauvegarde auprès de la SAS OVH,
– la société CINETIC-IT demandait uniquement une mesure d’expertise et ne faisait aucune demande sur le fond. Elle n’avait par conséquent produit aucun moyen sur le fond. Le juge des référés, juge de l’évidence, se prononçant uniquement sur la mesure d’expertise sans analyser le fond du dossier.
• Sur le régime d’obligation des contrats OVH
La SAS FRANCE BATI COURTAGE considère que les contrats signés auprès de la SAS OVH relèvent de l’obligation de résultats. De con côté, la SAS OVH considère qu’ils relèvent de l’obligation de moyens. Le contrat stipule « Article 2: Moyens – … En raison de la haute technicité du Service, OVH ne saurait être soumise à ce titre qu’à une obligation de moyen».
Il ne fait aucun doute que le contrat OVH relève de l’obligation de moyens et que la SAS FRANCE BATI COURTAGE en était avertie dès la signature du contrat et qu’elle a accepté ces dispositions.
En conséquence le Tribunal dit que les contrats signés entre la SAS FRANCE BATI COURTAGE et la SAS OVH relèvent de l’obligation de moyens.
• Sur la question de la faute lourde et des graves manquements de la SAS OVH à l’égard de la sécurité anti incendie de son site de Strasbourg
La SAS FRANCE BATI COURTAGE considère que la SAS OVH a commis une faute lourde et de graves manquements à l’égard de la sécurité anti incendie de son datacenter de Strasbourg. Elle appuie sa demande sur différentes pièces et notamment un rapport du BEA-RI.
L’analyse de l’argumentation et des pièces produites ne permettent pas de démontrer que la SAS OVH a commis une faute lourde ou de graves manquements à l’égard de la sécurité anti incendie de son site de Strasbourg. Il n’est pas démontré que ses choix techniques ont un lien de causalité avec l’incendie.
En effet, s’il est surprenant et inhabituel que la SAS OVH ait choisi de construire une partie de son datacenter de Strasbourg avec des containers maritimes recyclés et que ces derniers ne comportent pas de système d’extinction automatique, d’une part ces choix n’enfreignent aucune loi ou réglementation, d’autre part il n’est pas démontré que ces choix soient à l’origine ou aient
contribué aux destructions engendrées par l’incendie qui s’est déclaré dans la nuit du 09 au 10 mars 2021.
À ce jour, l’enquête est toujours en cours et les causes exactes de l’incendie ne sont pas connues.
Les pièces versées au débat par la SAS OVH montrent que cette dernière a pris les mesures de précaution d’usage contre l’incendie, à savoir des équipements de détection et la formation des agents pour intervenir, comme peuvent le faire les autres acteurs du marché de l’hébergement.
En conséquence, le Tribunal dit que la SAS OVH n’a pas commis de faute lourde ou de graves manquements à la sécurité anti incendie de son datacenter de Strasbourg.
• Sur la clause d’exclusion pour cas de force majeure
Des pièces versées au débat il ressort que la SAS FRANCE BATI COURTAGE était consciente de l’importance de réaliser des sauvegardes des données de son serveur. Elle a décidé de confier cette mission à la SAS OVH, en plus de la mission d’hébergement des données.
Il ressort que la sauvegarde d’un serveur est une opération technique et qui nécessite des équipements informatiques. La SAS FRANCE BATI COURTAGE a considéré que la SAS OVH, en sa qualité de spécialiste de l’hébergement et du stockage de données apparaissait être le meilleur choix pour réaliser cette opération, d’autant plus que les données à sauvegarder étaient stockées sur ses propres serveurs. La SAS OVHindique elle-même dans son offre commerciale : « Sauvegarde automatique : mettez vos données à l’abri. La fonction auto backup vous affranchit de cette complexité. » et « L’option backup est un outil essentiel pour protéger votre activité … Vous n’avez pas besoin de gérer l’administration de vos sauvegardes automatiques: nous nous en chargeons pour vous. Vous disposez de copies de votre serveur privé virtuel à tout moment. »
Il était donc tout à fait pertinent et prudent pour la SAS FRANCE BATI COURTAGE, de confier la réalisation des sauvegardes à un prestataire. Ce mode de fonctionnement, conseillé par ce dernier, est d’ailleurs assez courant.
La SAS OVH ne peut donc pas aujourd’hui reprocher à la SAS FRANCE BATI COURTAGE de ne pas avoir elle-même réalisé les sauvegardes alors qu’elle l’avait explicitement incitée à les faire réaliser par ses soins, comme indiqué ci-dessus et qu’elle avait été missionnée et payée par la SAS FRANCE BATI COURTAGE pour réaliser cette tâche dans les règles de l’art.
Ainsi, en souscrivant le contrat de sauvegarde automatique proposé par la SAS OVH, la SAS FRANCE BATI COURTAGE a missionné la SAS OVH pour réaliser cette prestation. La SAS OVH a accepté cette mission. C’est donc bien la SAS OVH qui avait la responsabilité de réaliser les sauvegardes du serveur principal.
La SAS OVH définit elle-même la sauvegarde en ces termes « opération qui consiste à dupliquer et à mettre en sécurité les données contenues dans un système informatique. »
La sauvegarde a pour objet de mettre en sécurité les données pour pouvoir les restaurer dans le cas où un incident (panne, cyberattaque, inondation, incendie, sinistre quelconque …) touche le serveur principal. La sauvegarde n’a donc d’intérêt précisément qu’en cas de sinistre et a fortiori en cas d’incendie.
L’article 7.7 du contrat OVH stipule que « Aucune des Parties ne peut voir sa responsabilité engagée sur le .fondement d’une d faillance résultant, directement ou non, d’événements non prévisibles ayant les caractéristiques de la force majeure telle que d finie par l’article 1218 du Code Civil. Les Parties déclarent que la force majeure inclut notamment les grèves y compris la grève du personnel d’un sous-traitant de l’une des Parties, les actes de vandalisme, de guerre ou de menace de guerre, le sabotage, les actes terroristes. les incendies, les épidémies, les tremblements de terre, les inondations et explosions, ainsi que les coupures d’électricité en dehors du contrôle de la Partie affectée. »
Avec de telles dispositions, tout sinistre (inondation, vandalisme, sabotage, incendie, … ) doit systématiquement être considéré comme un cas de force majeure qui dégage la responsabilité et libère de ses engagements la SAS OVH. Cette disposition contredit l’essence même de l’obligation qui est justement de pouvoir se reposer sur les sauvegardes des données en cas de sinistre.
Avec une telle clause, en cas de sinistre, la SAS OVH n’est donc jamais tenue de réaliser sa mission au moment où, pourtant, celle-ci est nécessaire. Les copies de sauvegarde n’ont pas d’intérêt en l’absence de sinistre et elles ne sont d’ailleurs pas utilisées. Les copies de sauvegarde ne sont utiles qu’en cas de sinistre.
Il ressort donc qu’avec une telle clause, la SAS OVH vide le contrat de sa principale obligation et se libère de ses engagements dans des circonstances où justement ils sont nécessaires. L’article 1170 du Code civil dispose que « Toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite. «
En l’espèce, réaliser les copies de sauvegarde et les mettre en sécurité, en particulier en cas de sinistre ou d’incendie, est une obligation essentielle du contrat. La clause 7.7 du contrat OVH prive donc de sa substance l’obligation essentielle de la SAS OVHet doit donc être réputée non écrite.
En conséquence, le Tribunal déclare non écrite la clause 7.7 « Force majeure» du contrat liant la SAS FRANCE BATI COURTAGE à la SAS OVH.
• Sur la localisation des sauvegardes
Les documents commerciaux de la SAS OVH qui présentent la solution de sauvegarde automatique et le contrat relatif à cette offre prévoient : « Sauvegarde automatique : mettez vos données à l’abri. La fonction auto-backup vous affranchit de cette complexité. Concrètement, une sauvegarde de votre VPS (hors disques additionnels) est plan(fiée quotidiennement, exportée puis répliquée trois fois avant d’être disponible dans votre espace-client ».
« L’espace de stockage alloué à l’option Backup est physiquement isolé de l’infrastructure dans laquelle est mis en place le Serveur Privé Virtuel du Client ».
La SAS OVH définit elle-même la sauvegarde en ces termes « opération qui consiste à dupliquer et à mettre en sécurité les données contenues dans un système informatique. »
C’est donc en toute bonne foi et sur la base du contrat relatif à la sauvegarde que la SAS FRANCE BATI COURTAGE a considéré que la copie de sauvegarde réalisée par la SAS OVH était en sécurité et qu’elle pourrait l’utiliser pour restaurer les données de son serveur, suite à l’incendie.
Le 03 avril 2021, soit pratiquement un mois après l’incendie, la SAS OVH a annoncé à la SAS FRANCE BATI COURTAGE que les données de sauvegarde avaient elles-aussi été détruites et perdues à cause de l’incendie car ces dernières étaient stockées au même endroit que le serveur principal.
Dans ses conclusions, la SAS OVH soutient que l’offre de sauvegarde automatique souscrite par la SAS FRANCE BATI COURTAGE était en réalité une « sauvegarde locale » stockée dans le même datacenter et que la SAS FRANCE BATI COURTAGE n’a pas souscrit à l’offre de sauvegarde sur un site distant.
La SAS OVH ne démontre pas qu’une offre spécifique de sauvegarde sur site distant a été proposée à la SAS FRANCE BATI COURTAGE, ni même que cette offre existait lors de la souscription, ni qu’elle ait informé ou alerté la SAS FRANCE BATI COURTAGE sur le fait que la sauvegarde souscrite était une sauvegarde locale.
La SAS OVH produit au débat une copie des pages de son site internet imprimé le 20 septembre 2022 qui présentent son offre de sauvegarde. Cette présentation commerciale ne correspond pas à celle souscrite par la SAS FRANCE BATI COURTAGE et a été créée ou modifiée postérieurement à l’incendie et à la souscription de l’offre par la SAS FRANCE BATI COURTAGE.
Une analyse des documents commerciaux de la SAS OVH qui présentent l’offre de sauvegarde automatique souscrite par la SAS FRANCE BATI COURTAGE et du contrat associé à cette offre mettent en évidence que :
Nulle part le terme de« sauvegarde locale » n’est mentionné,
Nulle part il est indiqué explicitement ou implicitement que les sauvegardes seront stockées au même endroit ou dans le même datacenter que les données du serveur principal.
Bien au contraire le contrat OVH relatif à la sauvegarde automatique stipule qu’ « une sauvegarde de votre VPS (hors disques additionnels) est planifiée quotidiennement, exportée puis répliquée trois fois avant d »être disponible dans votre espace-client ».
« L’espace de stockage alloué à l’option Backup est physiquement isolé de l’infrastructure dans laquelle est mis en place le Serveur Privé Virtuel du Client »
Le terme« exportée » désigne le fait de mettre les données « en dehors de ».
La formulation « physiquement isolé de l’infrastructure dans laquelle est mise en place le Serveur Privé Virtuel du Client » ne laisse aucune place au doute sur le fait que les données de la sauvegarde seront stockées dans un espace physiquement différent du serveur où sont stockées les données principales.
Au regard de la volonté des parties lors de la signature du contrat :
– la volonté de la SAS FRANCE BATI COURTAGE était de faire des sauvegardes pour mettre à l’abri les données de son serveur,
– l’engagement de la SAS OVH était de « dupliquer et à mettre en sécurité les données», les «exporter puis répliquer trois fois » dans un espace de stockage« physiquement isolé ».
Le contrat relatif à la sauvegarde automatique de la SAS OVH stipule par ailleurs qu’ « OVH s’engage à apporter tout le soin et toute la diligence nécessaire à la fourniture d’un service de qualité conformément aux usages de la profession et à l’état de l’art».
La SAS OVH produit un document d’octobre 2017 intitulé « Politique de sauvegarde» qui expose l’état de l’art de la sauvegarde et qui recommande d’effectuer 3 copies de sauvegarde des données principales dont au moins une copie sur un site externe « afin de disposer d’une ressource ultime, même si un événement catastrophique touchait le premier site ».
En tant que professionnel du stockage de données et proposant une offre de sauvegarde destinée à des entreprises, la SAS OVH ne pouvait ignorer ces usages et l’état de l’art du domaine.
Pourtant la SAS OVH considère aujourd’hui que la sauvegarde automatique proposée était une sauvegarde locale.
La SAS OVH ne s’explique pas sur le lieu de stockage des« 3 réplications» que prévoyait le contrat souscrit par la SAS FRANCE BATI COURTAGE. Selon son raisonnement, les 3 réplications et les données du serveur principal seraient toutes stockées au même endroit dans le même datacenter.
Selon la SAS OVH, l’engagement contractuel était de réaliser des « sauvegardes locales », c’est à dire des sauvegardes stockées au même endroit que le serveur principal, dans le même datacenter. Or, stocker les données au même endroit que le serveur principal, et a fortiori, de conserver toutes les copies de sauvegarde au même endroit ne permet pas de mettre à l’abri les données, ne respecte par l’état de l’art de la sauvegarde et ne permet pas d’atteindre l’objectif fixé par le contrat.
Par ailleurs, la SAS OVH se présente comme un « leader européen du cloud » qui dispose de « 32 datacenters répartis sur 13 sites. » La SAS OVH avait donc les moyens de stocker les sauvegardes sur un autre site mais ne l’a pas fait.
La SAS OVH considère que ses contrats relèvent de l’obligation de moyens. Or l’obligation de moyens est une obligation en vertu de laquelle le débiteur doit déployer ses meilleurs efforts pour atteindre l’objectif visé. Par l’obligation de moyens, le débiteur s’engage à mettre au service du créancier tous les moyens dont il dispose pour exécuter le contrat.
La SAS OVH avait donc les moyens de stocker les données de sauvegarde dans un autre datacenter pour réaliser sa mission conformément aux règles de l’art, et à l’objectif du contrat qui est de mettre les données en sécurité, en les répliquant et les exportant dans l’intérêt de son client.
La SAS OVH soutient que la SAS FRANCE BATI COURTAGE aurait mal compris ou mal interprété le contrat relatif à la sauvegarde automatique. La mauvaise foi et le manque de loyauté de la SAS OVH sont ici patents.
L’article 1190 du Code civil dispose que « Dans le doute, le contrat de gré à gré s’interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d’adhésion contre celui qui l’a proposé. »
En l’espèce, les différents contrats souscrits par la SAS FRANCE BATI COURTAGE auprès de la SAS OVH étaient des contrats établis à l’avance par la SAS OVH. La SAS FRANCE BATI COURTAGE n’a pas eu la possibilité d’en modifier les termes. Les contrats souscrits par la SAS FRANCE BATI COURTAGE auprès de la SAS OVH sont donc des contrats d’adhésion. C’est le cas en particulier du contrat relatif à la sauvegarde automatique des données, qui doit être interprété contre la SAS OVH.
En conséquence, le Tribunal dit que le contrat OVH relatif à la sauvegarde doit s’interpréter comme suit « L’espace de stockage alloué à l’option Backup est physiquement isolé de l’infrastructure dans laquelle est mis en place le Serveur Privé Virtuel du Client », c’est-à-dire dans un lieu physiquement différent du lieu de stockage des données du serveur principal.
De tout ce que dessus, il ressort que la SAS OVH avait pris l’engagement auprès de la SAS FRANCE BATI COURTAGE de faire des sauvegardes des données de son serveur dans un espace de stockage physiquement isolé du serveur principal, de sorte à ce qu’en cas de perte de données du serveur principal, la SAS FRANCE BATI COURTAGE puisse restaurer les données depuis les sauvegardes.
En stockant les 3 réplications de sauvegardes au même endroit que le serveur principal, la SAS OVH n’a pas respecté ses obligations contractuelles vis-à-vis de la SAS FRANCE BATI COURTAGE.
La SAS FRANCE BATI COURTAGE est donc fondée à rechercher la responsabilité contractuelle de la SAS OVH du fait de son manquement à la réalisation des sauvegardes de son serveur.
En conséquence le Tribunal dit que la SAS OVH a commis un manquement contractuel à l’obligation la liant à la SAS FRANCE BATI COURTAGE qui est ainsi fondée à demander réparation à la SAS OVH des préjudices résultant de ce manquement.
Le Tribunal déboute donc la SAS OVH de ses demandes de juger qu’elle a respecté ses obligations en matière de sauvegarde des données à l’égard de la SAS FRANCE BATI COURTAGE, qu’elle a respecté ses obligations en matière de mise en œuvre de mesures de sécurité à l’égard de la SAS FRANCE BATI COURTAGE et ses obligations en matière de localisation des sauvegardes à l’égard de la SAS FRANCE BATI COURTAGE.
• Sur les préjudices et la clause de limitation de responsabilité du contrat OVH
L’incendie qui s’est produit la nuit du 09 au 10 Mars 2022 a détruit le serveur principal et les données qu’il contenait et également toutes les sauvegardes réalisées par la SAS OVH.
Les sites internet de la SAS FRANCE BATI COURTAGE sont donc devenus totalement indisponibles aussi bien pour les clients finaux que pour les partenaires. Les données de ces sites (pages, bases de données, données client) ont été perdues.
L’article 1147 du Code civil dispose que « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part. »
La SAS OVH n’a pas exécuté son obligation de réaliser les sauvegardes du serveur de la SAS FRANCE BATI COURTAGE et de les mettre en sécurité.
La SAS FRANCE BATI COURTAGE est donc fondée à demander à la SAS OVH des dommages et intérêts.
La SAS OVH estime que les conditions générales acceptées par la SAS FRANCE BATI COURTAGE limitent explicitement la responsabilité de la SAS OVH « (a) au montant des sommes payées par le client à OVH en contrepartie des services impactés au cours des six (6) mois précédant la demande d’indemnisation du client ou (b) au préjudice direct subi par le client s’il est inférieur. Selon la SAS OVH, elle ne saurait être condamnée à payer plus de la somme de 1 800,48 €.
Comme démontré supra, les contrats qui lient la SAS FRANCE BATI COURTAGE et à la SAS OVH sont des contrats d’adhésion.
L’article 1171 du Code civil dispose que « Dans un contrat d’adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.
L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation. »
La SAS FRANCE BATI COURTAGE n’a pas eu la faculté de négocier la clause de limitation de responsabilité, clause rédigée par avance par la SAS OVH.
La SAS OVH soulève que la Cour d’Appel de Paris s’est déjà prononcée sur la clause de limitation de responsabilité dans une affaire similaire. Elle cite l’arrêt n°16/07746 du 25 janvier 2019 de la Cour d’ Appel de Paris pour une affaire qui oppose une société informatique à la société Free en sa qualité d’hébergeur de données.
Néanmoins, l’étude de cet arrêt met en évidence que cette affaire est différente sur un point fondamental : les contrats souscrits auprès de Free concernaient uniquement l’hébergement des données. Dans cette affaire, la société Free n’était pas en charge de la sauvegarde des données, cette tâche incombait au client. Celui-ci n’avait signé avec Free aucun contrat missionnant la société Free pour réaliser des sauvegardes de ses données, au contraire de la SAS FRANCE BATI COURTAGE.
Il est rappelé que, dans la présente affaire, la SAS FRANCE BATI COURTAGE a confié à la SAS OVH deux missions distinctes :
La mission d’hébergement de données sur un serveur VPS,
La mission de sauvegarde automatique quotidienne avec 3 réplications et une copie sur une infrastructure physiquement isolée du serveur principal.
Les engagements pris par la SAS OVH dans le cadre de la prestation de sauvegarde sont d’autant plus forts que les dispositions concernant la sauvegarde sont regroupées dans une annexe intitulée « conditions particulières ». Or, en droit, les conditions particulières l’emportent sur les conditions générales.
La SAS OVH affirme par ailleurs que la SAS FRANCE BATI COURTAGE a souscrit « une formule d’hébergement et de sauvegarde peu coûteuse» et qu’en conséquence elle n’est pas fondée à invoquer le déséquilibre significatif.
Les dispositions de l’article 1171 du Code civil sont très claires « L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation »
En l’espèce, la clause de limitation de responsabilité établie par la SAS OVH octroie un avantage injustifié à celle-ci en absence de contrepartie pour le client. Cette clause crée une véritable asymétrie entre les obligations de chacune des parties. En définitive, cette clause transfère le risque sur l’autre partie de manière injustifiée et sans contrepartie pour cette dernière.
En conclusion, les clauses de limitations de responsabilité créent un déséquilibre significatif au contrat et doivent être réputées non écrites.
En conséquence, le Tribunal déclare les clauses de limitation de responsabilité des contrats liant la SAS FRANCE BATI COURTAGE et la SAS OVH non écrites et déboute la SAS OVH de sa demande d’ordonner l’application de cette clause de limitation de responsabilité et ainsi limiter la condamnation de la SAS OVH à une somme qui ne saurait dépasser la somme de 1 800,48 €.
• Sur le quantum des préjudices
La SAS FRANCE BATI COURTAGE a fait établir une estimation de ses préjudices par Monsieur Claude BODEAU du cabinet ALCOR, expert auprès de la Cour d’ Appel de Grenoble en matières informatiques et techniques, qui évalue les préjudices subis à un total de 3 647 281 €.
Ce rapport identifie plusieurs natures de préjudice :
Préjudice pour perte d’un actif incorporel.
Dans son bilan 2020, la SAS FRANCE BATI COURTAGE valorise son site internet à 264 720 €.
La SAS FRANCE BATI COURTAGE estime que suite à l’incendie subi par la SAS OVH, ses différents sites web ont été totalement perdus, que la totalité de cet actif a ainsi disparu et que son préjudice doit être indemnisé par la SAS OVH.
L’étude des pièces montre que la SAS FRANCE BATI COURTAGE n’a pas perdu la totalité de ses sites internet. Comme elle le dit elle-même, elle a pu récupérer une ancienne version de ses sites internet à partir de vieilles sauvegardes. Elle pouvait également récupérer une copie du site réalisé par son prestataire auprès de ce dernier. Le site n’a donc pas été détruit dans sa totalité. Seules les données et les dernières mises à jour ont été perdues des suites de l’incendie.
Aussi le Tribunal arbitre à la valeur de 10% de l’immobilisation perdue des suites de l’incendie, soit la somme de 26 472 €.
En conséquence, le Tribunal condamne la SAS OVH à payer à la SAS FRANCE BATI COURTAGE la somme de 26 472 € au titre du préjudice pour perte d’un actif incorporel.
– Préjudice pour destruction de travaux externes réalisés de 2014 à février 2021 sur les sites.
L’ensemble des travaux réalisés sur les sites internet sont redondants avec l’actif incorporel du site internet présent au bilan. La valorisation au bilan des sites internet de la SAS FRANCE BATI COURTAGE provient précisément des différents investissements que la société a réalisés pour développer ses sites internet.
En conséquence, le Tribunal déboute la SAS FRANCE BATI COURTAGE de sa demande d’indemnisation au titre du préjudice pour destruction des travaux externes réalisés de 2014 à février 2021.
– Préjudice pour destruction des URLs et perte de valeur
La SAS FRANCE BATI COURTAGE n’apporte aucun élément de preuve démontrant que ces URLs aient existé ou aient été détruites des suites de l’incendie.
En conséquence, le Tribunal déboute la SAS FRANCE BATI COURTAGE de sa demande d’indemnisation au titre du préjudice pour destruction des URLS et perte de valeur.
– Préjudice pour travaux de restitution d’un hébergement, des données et des sites
Suite à l’incendie et à la perte totale des données du serveur et des copies de sauvegardes réalisées par la SAS OVH, la SAS FRANCE BATI COURTAGE a dû procéder à la restauration de ses différents sites internet.
Le cabinet ALCOR quantifie ce préjudice à 263 976,38€. Ce montant est composé de 112 194,38 € de coûts salariaux de la SAS FRANCE BATI COURTAGE et de 71 773 € H.T de factures de prestataires.
Les coûts salariaux reposent exclusivement sur des déclarations de la SAS FRANCE BATI COURTAGE. Le rapport ne précise pas quel salarié a participé au travail de restauration du site, pour quelle nature de tâche et pour quelle durée. Ce montant apparaît élevé au regard du fait que la SAS FRANCE BATI COURTAGE a missionné différents prestataires pour restaurer le site internet.
Néanmoins, la restauration du site internet a nécessairement dû engendrer un travail de suivi de la part de la SAS FRANCE BATI COURTAGE. Le Tribunal retient une charge de travail interne de 5 jours à 200 € par jour, soit un total de 1 000 €.
Le rapport du cabinet ALCOR indique que les coûts de prestations se décomposent comme suit :
– VISIPERF pour 8 100 € H.T,
– Marine AMOROS pour 1 000 € (non soumis à la TVA),
– BLC Courtage travaux 71 / Courtier LEGUA Y CONRAD Benoit pour 650 € (non soumis à TVA),
– SETEX pour 25 000 € H.T,
– NEFERMEDIA pour 600 € H.T,
– LABSENSE pour 4 000 € H.T,
– GRASSET pour 648 € H.T,
– DECHISSCHER pour 975 € H.T,
– VISIF PERF (intervention technique sécurisation post sinistre OVH) 30 800 € H.T.
Ces différentes prestations sont justifiées par des factures.
Les prestations VISIPERF concernent la réparation des pages web perdues des suites de l’incendie qui causent notamment des erreurs 404 de pages non trouvées. Or, la nécessité de réaliser ces prestations des suites de l’incendie est établie. Le Tribunal retient donc les prestations de VISIPERF pour 8 100 € H.T.
Les prestations réalisées par Marie AMOROS, par la société SETEX et par la société BLC Courtage Travaux 71 concernent la rédaction d’actualités et d’articles dont il n’est pas démontré la nécessité pour redémarrer les sites web suite à l’incendie. En conséquence, le Tribunal ne retient pas les prestations réalisées par Marie AMOROS pour 1 000 € H.T, par la société SETEX pour 25 000 € H.T et par la société BLC Courtage travaux 71 pour 650 € H.T.
La nature des prestations réalisées par la société NEFERMEDIA n’est pas indiquée sur la facture produite. Leur nécessité vis-à-vis du redémarrage des suites de l’incendie n’est par conséquent pas démontrée. En conséquence, le Tribunal ne retient pas les prestations réalisées par la société NERFERMEDIA pour 600 € H.T.
Les prestations réalisées par les sociétés LABSENSE, GRASSET et DEVISSCHER concernent elles aussi de la création de contenus dont il n’est pas démontré la nécessité pour redémarrer les sites web suite à l’incendie. En conséquence, le Tribunal ne retient pas les prestations réalisées par les sociétés LABSENSE pour 4 000 € H.T, GRASSET pour 648 € H.T et DEVISSCHER pour 975 € H.T.
Les prestations de la société VISIPERF pour un montant 30 800 € H.T concernant la mise en place d’un nouveau serveur sont bien nécessaires pour pallier les suites de l’incendie. Néanmoins, seul le devis de ces prestations est produit aux débats. Aucune facture, ni preuve de la réalisation effective de ces prestations ne sont fournies. En conséquence, le Tribunal ne retient pas les prestations proposées par la société VISIPERF pour un montant de 30 800 € H.T.
De tout ce que dessus, il ressort un préjudice pour travaux de restitutions d’un hébergement, des données et des sites de 1 000€ au titre des journées passées par la SAS FRANCE BATI COURTAGE et de 8 100€ au titre des prestations réalisés par la société VISIPERF.
En conséquence, le Tribunal condamne la SAS OVH à payer à la SAS FRANCE BATI COURTAGE la somme de 9 100 € au titre du préjudice pour les travaux de restitutions d’un hébergement, des données et des sites.
– Préjudice financier pour la période de mars 2021 à décembre 2021
Le cabinet ALCOR estime que la destruction des sites internet de la SAS FRANCE BATI COURTAGE des suites de l’incendie et la perte ou baisse de référencement a causé une perte de chiffre d’affaires de 363 769 € H.T sur la période du 10 mars 2021 au 31 décembre 2021.
La SAS FRANCE BATI COURTAGE indique que quand la SAS OVH lui a annoncé qu’elle avait également perdu les données de sauvegarde, elle a pu reconstituer les sites internet à partir de données anciennes qu’elle avait elle-même conservées.
Le Tribunal retient donc que les sites internet de la SAS FRANCE BATI COURTAGE ont été totalement indisponibles pendant un mois des suites de l’incendie et de la perte de données du serveur principal et des données de sauvegarde par la SAS OVH.
La SAS FRANCE BATI COURTAGE tirant ses revenus de ses sites internet a été privée d’un mois de chiffre d’affaires. L’indemnisation doit se faire sur la base de la marge brute.
Le rapport d’expertise de la société ALCOR met en évidence que la marge brute mensuelle moyenne dégagée par la SAS FRANCE BATI COURTAGE du chiffre d’affaires provenant de ses sites internet est de 38 530 €.
De son côté, la SAS OVH ne produit aucune méthode de calcul ou d’éléments permettant de quantifier ou d’écarter ce préjudice, la SAS OVH se contentant de nier l’existence de ce préjudice sans en apporter la preuve.
En conséquence, le Tribunal condamne la SAS OVH à payer à la SAS FRANCE BATI COURTAGE la somme de 38 530 € au titre de l’indemnisation de son préjudice financier pour l’année 2021.
– Préjudices financiers pour 2022 et 2023
Le cabinet ALCOR estime que la destruction des sites internet de la SAS FRANCE BATI COURTAGE suite à l’incendie va entraîner durablement des baisses d’activité. Elle estime que la SAS FRANCE BATI COURTAGE va supporter une baisse de 26 % des contacts d’affaires suite à l’incendie.
Les préjudices pour les années 2022 et 2023 sont à venir et ne sont donc ni établis, ni certains.
Par ailleurs, l’évaluation du taux de perte de 26 % n’est pas suffisamment détaillée. Il n’est pas non plus démontré que ce taux de 26 % perdurera tout au long des années 2022 et 2023.
En conclusion, le Tribunal considère que la réalité du préjudice financier pour les années 2022 et 2023 n’est pas établie et que son quantum est incertain.
En conséquence, la Tribunal déboute la SAS FRANCE BATI COURTAGE de sa demande d’indemnisation au titre des préjudices financiers pour 2022 et 2023.
– Préjudice au titre de la désorganisation
La SAS FRANCE BATI COURTAGE demande au Tribunal de condamner la SAS OVHà lui payer 150 000 € au titre du préjudice de la désorganisation qu’aurait causée la perte de ses sites internet suite à l’incendie.
La SAS FRANCE BATI COURTAGE ne produit aucun justificatif ni aucune démonstration de la réalité de ce préjudice et de son quantum. Par ailleurs, ce préjudice n’est pas identifié dans le rapport d’expertise établi par le cabinet ALCOR.
En conséquence, la Tribunal déboute la SAS FRANCE BATI COURTAGE de sa demande d’indemnisation du préjudice au titre de la désorganisation.
– Préjudice au titre de l’atteinte à l’image
L’incendie et la perte totale des données du serveur principal et des sauvegardes par la SAS OVH ont fait disparaître d’internet l’ensemble des sites internet de la SAS FRANCE BATI COURTAGE, sa marque LA MAISON DES TRAVAUX et l’ensemble des signes distinctifs attachés.
Les internautes ayant essayé de se connecter au site internet ont par ailleurs été confrontés à une page blanche faisant état d’une « erreur 404 ». Il en a été de même concernant les entreprises partenaires référencées et des clients des courtiers franchisés.
Les courtiers et l’ensemble du personnel de la SAS FRANCE BATI COURTAGE ont été privés de leurs adresses emails directement rattachées aux domaines désactivés, les adresses emails ne fonctionnant plus et les mails envoyés vers ces adresses étant définitivement perdus.
Les clients et partenaires de la SAS FRANCE BATI COURTAGE ont nécessairement été amenés à s’interroger sur le sérieux de l’entreprise ou sur le fait que la SAS FRANCE BATI COURTAGE puisse avoir cessé ses activités.
L’indisponibilité de ses sites internet et de ses adresses emails a donc nui à l’image de la SAS FRANCE BATI COURTAGE. Il existe donc un préjudice au titre de l’atteinte à l’image.
La SAS FRANCE BATI COURTAGE estime à 400 000 € son préjudice au titre de l’atteinte à l’image. Elle ne produit aucun élément ou méthode de calcul pour justifier ce montant.
Le Tribunal arbitre à 20 000 € l’indemnité au titre du préjudice d’atteinte à l’image de la SAS FRANCE BATI COURTAGE.
En conséquence, le Tribunal condamne la SAS OVH à payer à la SAS FRANCE BATI COURTAGE la somme de 20 000 € au titre du préjudice d’atteinte à l’image.
• Sur les autres demandes
Succombant, la SAS OVH supporte les dépens de la présente instance, en ce y compris les frais d’assignation.
L’article 700 du Code de Procédure Civile dispose que le Tribunal condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le Tribunal tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée et il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.
Condamnée aux dépens, la SAS OVH devra verser à la SAS FRANCE BATI COURTAGE une indemnité que l’équité commande de fixer à 7 000 € au titre des frais irrépétibles, en l’absence d’éléments de calcul plus explicites versés aux débats.
• Sur l’exécution provisoire
La nature et les montants des condamnations de la présente décision n’ayant pas de conséquence excessive pour la SAS OVH, le Tribunal dit n’avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire de plein droit.
DECISION
Le Tribunal, vidant son délibéré, statuant par mis à disposition au greffe, par jugement contradictoire, en premier ressort,
Dit que les contrats liant la SAS FRANCE BATI COURTAGE et la SAS OVHrelèvent de l’obligation de moyens.
Dit que la SAS OVH n’a pas commis de faute lourde ou de graves manquements à la sécurité anti incendie de son datacenter de Strasbourg.
Déclare non écrite la clause 7.7 « Force majeure» du contrat OVH souscrit par la SAS FRANCE BATI COURTAGE.
Dit que le contrat OVH relatif à la sauvegarde souscrit par la SAS FRANCE BATI COURTAGE doit s’interpréter comme suit « L’espace de stockage alloué à l’option Backup est physiquement isolé de l’infrastructure dans laquelle est mis en place le Serveur Privé Virtuel du Client», c’est-à-dire dans un lieu physiquement différent du lieu de stockage des données du serveur principal.
Dit que la SAS OVH a commis un manquement contractuel au contrat la liant à la SAS FRANCE BATI COURTAGE
Déboute la SAS OVH de ses demandes :
de juger que la SAS OVH a respecté ses obligations en matière de sauvegarde des données à l’égard de la SAS FRANCE BATI COURTAGE,
que la SAS OVH a respecté ses obligations en matière de mise en œuvre de mesures de sécurité à l’égard la SAS FRANCE BATI COURTAGE,
et que la SAS OVH a respecté ses obligations en matière de localisation des sauvegardes à l’égard de la SAS FRANCE BATI COURTAGE.
Déclare non écrites les clauses de limitation de responsabilités des contrats liant la SAS FRANCE BATI COURTAGE et la SAS OVH.
Déboute la SAS OVH de sa demande d’ordonner l’application de la clause de limitation de responsabilité.
Condamne la SAS OVH à payer à la SAS FRANCE BATI COURTAGE :
– la somme de 26 472€ au titre du préjudice pour perte d’un actif incorporel,
– la somme de 9 100 € au titre du préjudice pour les travaux de restitutions d’un hébergement, des données et des sites,
– la somme de 38 530 € au titre de l’indemnisation de son préjudice financier pour l’année 2021,
– la somme de 20 000€ au titre du préjudice d’atteinte à l’image.
Déboute la SAS FRANCE BATI COURTAGE de ses autres demandes indemnitaires.
Condamne la SAS OVH à payer à la SAS FRANCE BATI COURTAGE la somme de 7 000 € à titre d’indemnité en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamne la SAS OVH aux entiers frais et dépens, taxés et liquidés à la somme de 69,59 € (en ce qui concerne le Greffe).
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Dit que la présente décision est revêtue de l’exécution provisoire de plein droit.