Si lors du déplafonnement du bail, votre bailleur vous impose une hausse majeure de loyer, vérifiez la valeur locative de votre théâtre. A ce titre, le rapport d’expertise est déterminant, de surcroît, dans le domaine de la location de théâtres où la méthode de calcul de cette valeur locative s’appuie sur des usages et critères propres aux spectacles vivants (méthode dite au fauteuil ou de la jauge théorique majorée).
Affaire de la Gaîté Montparnasse
Le Théâtre de la Gaîté Montparnasse a contesté devant les juridictions la hausse de 100% des loyers proposé par son bailleur. Par acte sous seing privé, la société CARAO a donné à bail à la société Théâtre de la Gaîté Montparnasse divers locaux à usage commercial dépendant d’un immeuble situé à Paris 14e pour une durée de 9 ans à compter du 9 avril 2004, moyennant un loyer annuel de 100.000 euros en principal.
Par acte extrajudiciaire, le bailleur a fait signifier à la société un congé avec offre de renouvellement, proposant la fixation du loyer du bail renouvelé au 1er juillet 2013 à la somme annuelle de 198.000 euros HT HC.
Saisi de l’affaire, le juge des loyers commerciaux a fixé le montant du loyer renouvelé à 109.230 (10% de hausse).
Le principe de la jauge théorique majorée
L’expertise judiciaire a retenu le principe d’une jauge théorique majorée (multiplication des horaires et du nombre de spectacles présentés). Par application des articles L145-36 et R 145-10 du code de commerce, le loyer des locaux monovalents, à l’instar des théâtres, peut être déterminée par rapport aux usages dans la branche d’activité considérée.
La valeur locative des théâtres est habituellement évaluée selon la méthode de la jauge. Est également utilisée la méthode par la valeur au fauteuil, souvent à titre de recoupement.
Selon la méthode dite à la jauge, la valeur locative correspond à la recette journalière théorique maximum (jauge) x un coefficient.
La jauge correspond au nombre de places vendables x un prix moyen de la place x nombre de séances journalières.
Le fait que l’expert judiciaire ait pu, plusieurs années après le dépôt de son rapport, émettre des suggestions visant à améliorer la méthode d’évaluation des théâtres dite à la jauge, ou que les experts, aient décidé d’apporter des correctifs à la méthode hôtelière utilisée pour l’évaluation des loyers des hôtels, ne peut remettre en question, la méthode utilisée au cas d’espèce pour une évaluation en juillet 2013, étant au surplus observé, que le juge n’est pas tenu d’appliquer les usages de la branche considérée, si bien qu’il importe peu que ceux-ci diffèrent de la méthode retenue par l’expert judiciaire.
Nombre de places vendables
S’agissant de l’application de la méthode dite de la jauge, les parties se sont opposées sur le nombre de places vendables. Le nombre de places à retenir est celui qui peut être théoriquement vendu, seules les places indisponibles pour des raisons de police administrative et non celles correspondant à des strapontins, qui relèvent de la politique commerciale du preneur. Les juges ne retranchent pas les strapontins du total des places vendables.
Prix des places vendues
Les parties se sont aussi opposées sur le prix des places devant être retenu. S’il est exact que pour la détermination du montant de la valeur locative, il n’y a pas lieu de prendre en compte les éléments postérieurs à la date de renouvellement, pour autant le prix moyen peut être calculé sur la base de la saison précédente (prix moyen par entrées payantes, calculé en fonction des recettes encaissées après réintégration des entrées gratuites). En cas de double programmation journalière (prouvée par la billetterie), la recette théorique peut être multipliée par deux.
La valorisation à la jauge, prend en compte une recette idéale déterminée à partir du nombre de places vendables, tous les jours de l’année avec une seule séance journalière. La majoration de cette jauge en raison d’un plus grand nombre de séances journalières proposées, doit prendre en compte les caractéristiques physiques du théâtre et la réalité de cette double programmation quotidienne.
En l’espèce, le théâtre ne disposant que d’une seule salle et d’une scène peu profonde, si bien que le fait qu’il puisse, comme beaucoup d’autres théâtres privés proposer pour certains spectacles deux séances journalières, ne peut avoir pour effet de multiplier par deux sa jauge, mais seulement de la majorer de 0,50%.
Sort de la partie habitation
En présence d’une partie habitation, compte tenu de l’affectation contractuelle des locaux ‘à usage exclusif d’habitation’, ceux-ci doivent être valorisés conformément à leur destination contractuelle, selon la méthode comparative des prix au m², quand bien même la société locataire les aurait-elle mis à disposition des comédiens afin d’améliorer leur confort, l’usage des lieux fait par le preneur ne modifiant pas leur destination contractuelle.
Les dépendances
Concernant les dépendances, il importe peu qu’avant la conclusion du bail liant les parties, il ait pu exister au rez-de-chaussée du théâtre, un local commercial formant boutique occupée par un retoucheur. Ni la clause de destination, ni la clause de désignation du bail liant les parties, ne font mention de cette boutique et ne permettent de la valoriser séparément du théâtre dont elle constitue avec les loges et les couloirs, des dépendances.
Compte tenu des règles particulières appliquées quant à la détermination de la valeur locative des théâtres, il est admis que le coefficient appliqué à la jauge permet de tenir compte de l’ensemble des particularités de l’outil immobilier affecté à cette destination contractuelle, sans qu’il soit de ce fait besoin de valoriser séparément les dépendances nécessaires de la salle de spectacle. En conséquence, il n’y a pas à valoriser séparément cette surface.
Situation favorable au sein d’un quartier animé
Pour fixer la valeur locative réelle, la juridiction tiendra également compte, comme en l’espèce, de la situation favorable du théâtre au sein d’un quartier voué aux activités et divertissements nocturnes, avec une prédominance des restaurants, cafés, cinémas et salles de spectacles renommés présentant un intérêt évident pour l’activité exercée, à proximité immédiate d’autres théâtres, situés dans la même quartier, avec la présence de nombreux hôtels de tourisme, de la notoriété et l’originalité architecturale de l’établissement, de sa construction ancienne complexe, avec d’importantes surfaces improductives en étage et en sous-sol qui astreignent dans le principe le locataire à un entretien coûteux, des parcs de stationnement à proximité ….
Abattement pour clauses exorbitantes
La juridiction pourra également retenir un abattement de 10% en faveur du preneur en présence de clauses exorbitantes du bail (même non appliquées). Il en va ainsi lorsque le bail stipule à la charge du preneur, les grosses réparations :
« Le preneur doit assurer les travaux relevant de l’article 606 du code civil, étant précisé que par dérogation, le bailleur supportera le coût desdits travaux dans le cas exclusif où il se verrait allouer et régler des subventions publiques destinées à de tels travaux, et ce à concurrence du montant des subventions perçues.
En outre, le preneur fera son affaire personnelle dès à présent, et pendant toute la durée du bail, de leur maintien en conformité au regard de toutes les réglementations administratives et de police applicables tant auxdits locaux qu’à l’activité qui y sera exercée. Il se conformera à toutes les recommandations et injonctions émanant de l’inspection du travail, des commissions d’hygiène et de sécurité et plus généralement de tous les services ou autorités administratives concernés ».
Donne aussi lieu à abattement, la clause qui transfert la charge de la taxe foncière et restreint les possibilités de cession du fonds à un tiers. Télécharger la décision