La présence non autorisée de caméras de surveillance dans une boutique (et notamment d’une caméra qui filme la réserve qui est un lieu non ouvert au public, dédié aux pauses) constitue non seulement un procédé illicite mais aussi une exécution déloyale du contrat de travail du salarié. Dans l’affaire soumise, bien qu’informé de l’existence d’une caméra de vidéosurveillance, le salarié a obtenu 500 euros de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation d’exécuter le contrat de travail de bonne foi. En vertu de l’article L 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. A ce titre, l’employeur a un devoir de loyauté dans l’exécution du contrat de travail, aussi bien en ce qui concerne la mise en oeuvre du contrat que l’application de la législation du travail. Aux termes de l’article L 1222-4 du même code, aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance. Par ailleurs, en application des articles 2 et 22 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 dite ‘Informatique et libertés’, les traitements automatisés de données à caractère personnel au nombre desquels figurent les enregistrements effectués par un système de vidéosurveillance, font obligatoirement l’objet d’une déclaration préalable auprès de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL). Les personnes concernées (employés et visiteurs) doivent être informées, au moyen de panneaux affichés en permanence, de façon visible, dans les lieux concernés, qui comportent a minima, outre le pictogramme d’une caméra indiquant que le lieu est placé sous vidéo protection : — les finalités du traitement installé ; — la durée de conservation des images ; — le nom ou la qualité et le numéro de téléphone du responsable/du délégué à la protection des données (DPO) ; — l’existence de droits « Informatique et Libertés » ; — le droit d’introduire une réclamation auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), en précisant ses coordonnées. ___________________________________________________________________________________ REPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D’APPEL DE BORDEAUX CHAMBRE SOCIALE – SECTION B ARRÊT DU 21 OCTOBRE 2021 PRUD’HOMMES N° RG 19/03312 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-LCPT Madame I A-G c/ Monsieur E X Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 juin 2019 (R.G. n°F 17/01659) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d’appel du 13 juin 2019, APPELANTE : I A-G née le […] à […] de nationalité Française, demeurant […] Représentée et assistée par Me Pauline FRANCILLOUT, avocat au barreau de BORDEAUX INTIMÉ : E X de nationalité Française, demeurant […] Représenté par Me Maryline LE DIMEET de la SELAS LE DIMEET ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX Assistée par Me LEMAY de la SELAS LE DIMEET ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX COMPOSITION DE LA COUR : L’affaire a été débattue le 08 septembre 2021 en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Eric Veyssière, président, Madame Emmanuelle Leboucher, conseillère, Monsieur Hervé Ballereau, conseiller, qui en ont délibéré. greffière lors des débats : Mme Sylvaine Déchamps, ARRÊT : — contradictoire — prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile. EXPOSE DU LITIGE M. E X qui exploite un commerce vestimentaire à Z a employé Mme H A G en qualité de vendeuse dans le cadre de deux contrats à durée déterminée portant sur les périodes du 16 mai au 30 juin 2017 puis du 1er juillet au 16 septembre 2017. Mme A G a été placée en arrêt de travail du 28 août au 16 septembre 2017. La relation de travail a pris fin à l’échéance du terme, soit le 16 septembre 2017. Le 24 octobre 2017, Mme A G a saisi le conseil de prud’hommes de Bordeaux aux fins de voir requalifier ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et obtenir la condamnation de M. X à lui payer diverses indemnités de ce chef et se voir remettre les documents de fin de contrat. Par jugement rendu le 3 juin 2019, le conseil de prud’hommes de Bordeaux a : • débouté Mme A G de l’ensemble de ses demandes, • débouté M. X de sa demande reconventionnelle, • condamné Mme A G à payer les entiers dépens. Par déclaration du 13 juin 2019, Mme A G a interjeté appel de cette décision. Aux termes de ses dernières conclusions, enregistrées au greffe le 29 août 2019, Mme A G sollicite de la cour qu’elle infirme le jugement déféré et, statuant à nouveau: • ordonne la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, • ordonne la requalification de son poste en catégorie 6, • condamne M. X à lui payer les sommes suivantes : — 3.020 euros à titre d’indemnité suite à la requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée, — 9.438 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé, — 3.193,43 euros à titre de rappel de salaire suite à la requalification de son poste catégorie 1 à catégorie 6, outre 308,16 euros de congés payés afférents, — 6.334,91 euros au titre des heures supplémentaires non rémunérées, outre 633,49 euros de congés payés afférents, — 2.359,50 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, — 2.359,50 à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, — 1.573 euros à titre d’indemnité de préavis, outre 157,30 euros de congés payés afférents, — 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, — 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, • ordonne la délivrance de ses documents de fin de contrat. La salariée développe en substance l’argumentation suivante: — Elle a pris son poste un mois et demi avant la signature du contrat de travail à durée déterminée ; plusieurs témoins attestent l’avoir vu travailler courant mars 2017 alors que le contrat a été signé le 16 mai 2017 ; des échanges de SMS le confirment ; l’employeur lui a écrit le 13 mars 2017 pour lui annoncer le début de son travail ; elle a ouvert la boutique le 25 mars 2017 ; le contrat de travail à durée déterminée doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée ; — L’employeur s’est soustrait à la déclaration préalable à l’embauche jusqu’au 16 mai 2017 et il n’a déclaré aucun salaire pour la période du 14 mars au 16 mai 2017 ; son intention de dissimuler l’emploi est manifeste ; — Elle a seule tenu la boutique pendant plusieurs mois et elle disposait déjà d’une expérience pour avoir précédemment travaillé au service de M. X ; elle assurait la disposition des vitrines ; elle a sélectionné les CV et fait passer les entretiens pour l’embauche d’une vendeuse ; il ne s’agissait pas d’un emploi de vendeuse de catégorie 1 mais de catégorie 6 et un rappel de salaire est dû à ce titre ; — Elle a tenu un décompte précis de ses heures de travail et justifie avoir effectué 412,5 heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées ; l’ampleur des tâches confiées ne lui permettait pas de les effectuer en seulement 35 heures hebdomadaires ; des échanges de SMS avec la vendeuse du magasin de Soulac font état d’une rémunération incomplète; — Des caméras de surveillance filmaient la réserve du magasin où étaient prises les pauses; aucune déclaration préalable n’a été faite à la CNIL et à la préfecture ; il n’existait pas d’affichage dans le magasin informant les usagers de la présence de caméras ; cette situation caractérise une exécution déloyale du contrat de travail. Par ses dernières conclusions en date du 22 novembre 2019, M. X demande à la cour de : • déclarer recevable mais non fondé l’appel interjeté par Mme A G, • confirmer le jugement entrepris, • débouter Mme A G de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions, • condamner Mme A G au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens. M. X développe en substance l’argumentation suivante: — Mme A-G a modifié les contrats de travail en y ajoutant des mentions qui ne figurent pas sur les originaux ; elle a bien été embauchée le 16 mai 2017, date de la déclaration préalable à l’embauche ; les attestations dont elle se prévaut émanent de proches et ne sont donc pas crédibles ; les échanges de SMS ne sont pas authentifiables et doivent être écartés des débats ; — Pour relever de la catégorie 6, une vendeuse doit justifier de 5 ans de pratique professionnelle, ce qui n’était pas le cas de Mme A-G dont le CV mentionne 4 ans et 1 mois d’expérience pour des contrats courts en périodes de soldes ou de fêtes ; — Le vendeur de catégorie 6 doit en outre justifier d’une très bonne maîtrise des techniques de vente et assurer les retouches ; — Le planning élaboré par la salariée à compter du mois de mars 2017 n’est pas crédible puisqu’elle n’a commencé à travailler que le 16 mai 2017 ; ce planning est en contradiction avec les SMS dont elle se prévaut, la comparaison des deux pièces révélant des incohérences dans les horaires de travail revendiqués ; les vendeuses travaillant dans la boutique de Soulac indiquent qu’elles sont payées et effectuent 35 heures par semaine; — Un affichage est présent dans les locaux quant à la présence de caméras de vidéosurveillance ; le contrat de travail en rappelle la présence dans son article 11 et précise l’absence de caméra dans la réserve ; il n’est pas exigé en pareil cas de déclaration préalable à la CNIL ; — Mme A-G ne démontre pas la réalité de son préjudice alors qu’elle n’avait que trois mois d’ancienneté. Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées et oralement reprises. * * * MOTIFS DE LA DECISION 1- Sur la demande de reclassification professionnelle: En application de l’article R 3243-1 du Code du travail, le bulletin de paie doit comporter un certain nombre de mentions au nombre desquelles figure le nom et l’emploi du salarié ainsi que sa position dans la classification conventionnelle qui lui est applicable. La position du salarié est notamment définie par le niveau ou le coefficient hiérarchique qui lui est attribué. En cas de contestation sur la catégorie professionnelle dont relève le salarié, le juge doit rechercher la nature de l’emploi effectivement occupé par ce dernier et la qualification qu’il requiert. La charge de la preuve pèse sur le salarié qui revendique une autre classification que celle qui lui a été attribuée. En l’espèce, la qualification convenue à l’embauche telle qu’elle ressort des deux contrat de travail à durée déterminée datés des 15 mai et 1er juillet 2017 que verse aux débats M. X, est celle de Vendeuse catégorie 1. Mme A-G soutient qu’elle relevait de la catégorie 6. L’annexe 1 ‘classifications’ de la convention collective nationale du commerce de détail de l’habillement et articles textiles, définit la vendeuse de catégorie 1 comme ayant moins de trois mois de pratique professionnelle, ses fonctions étant l’accueil du client, la participation sans autonomie aux ventes, à la réception et à l’étiquetage des marchandises et la participation au rangement, à l’entretien ainsi qu’à la surveillance du rayon ou de l’établissement. La vendeuse de catégorie 6 est définie comme une vendeuse très qualifiée, qui possède une très bonne maîtrise des techniques de vente, participe à la restauration de la vitrine, justifiant d’une aptitude à transmettre un savoir-faire à un salarié moins qualifié, sachant épingler toutes les retouches nécessaires et en assurer le suivi. Il importe de relever que dès la catégorie 5, la convention collective fixe la condition d’une ancienneté de 5 ans de pratique professionnelle. La grille de classification permet en outre de noter que la notion de ‘pratique professionnelle’ est distincte de celle de ‘pratique dans une autre branche du commerce’, ainsi que cela ressort clairement de la définition du poste de vendeuse de catégorie 3. Or, il résulte du curriculum vitae que produit la salariée, que le temps de travail cumulé pour lequel elle peut justifier d’une pratique professionnelle dans le domaine de la vente d’habillement est inférieur à cinq années puisqu’outre une expérience de femme de chambre, de vendeuse de bijoux et meubles et d’assistante maternelle, il apparaît que l’intéressée a, entre 2003 et 2015, travaillé au total 18 mois dans le domaine de la vente de prêt à porter et d’habillement. En outre et alors que l’employeur conteste expressément la réalité de missions de travail passées de nature à justifier un classement en catégorie 6 de la convention collective, il n’est versé aux débats aucune pièce justificative, telle que certificats de travail ou bulletins de paie, des emplois occupés par l’intéressée lui permettant de justifier d’une pratique professionnelle au-moins égale à cinq années. S’agissant du contenu des missions confiées, si les attestations de témoins que produit Mme A-G permettent de relever l’autonomie dont disposait manifestement la salariée pour assurer l’ouverture et la fermeture de la boutique où elle était employée, la présentation des vêtements, l’accueil des clients et le contrôle de caisse en fin de journée, l’affirmation selon laquelle elle aurait assuré seule le recrutement d’une seconde vendeuse est contredite par le témoignage de cette dernière que produit l’employeur, Mme Y attestant avoir été recrutée par M. X. En tout état de cause, Mme A-G ne produit aucun élément objectif de nature à établir qu’elle ait nécessairement dû se voir attribuer la qualification de vendeuse très qualifiée de catégorie 6, étant ici observé qu’elle ne formule aucune demande subsidiaire sur une des autres catégories visées par la grille de classification de la convention collective. Dans ces conditions, il convient de confirmer le jugement entrepris qui l’a déboutée de sa demande de reclassification professionnelle au niveau 6 de la convention collective. 2- Sur la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée: En vertu de l’article L1242-1 du code du travail, ‘un contrat à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise’. Aux termes de l’article L 1242-12 du même code, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée. L’article L 1242-2 du même code autorise la conclusion d’un tel contrat, notamment pour pourvoir des emplois à caractère saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois. En application de l’article L 1242-7 du même code, le contrat peut ne pas comporter de terme précis lorsqu’il est conclu dans l’un des cas suivants : (…) 4° Emplois à caractère saisonnier définis au 3° de l’article L. 1242-2 (…). Aux termes de l’article L 1242-13 du même code, le contrat de travail est transmis au salarié, au plus tard, dans les deux jours ouvrables suivant l’embauche. L’article L1245-1 dispose qu’est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L1242-1 (…) L 1242-12 alinéa premier. En l’espèce, l’employeur produit l’original d’un contrat de travail à durée déterminée signé des deux parties et qui comporte une date, surchargée, au 15 mai 2017. La salariée produit la copie d’un exemplaire également signé des deux parties sur lequel, à côté de la date du 16 mai 2017 a été apposée avec une écriture distincte la date du 8 juillet 2017 et, précédant la signature de la salariée, la mention ‘lu et approuvé le 8 juillet 2017″. Le seul fait constant s’agissant des contrats versés aux débats est que la date de début de la relation de travail telle qu’elle y est indiquée à l’article 1 est le 16 mai 2017. Mme A-G produit cependant des échanges de SMS, dont le plus ancien remonte au 9 décembre 2016, dont il résulte que l’embauche de Mme A-G en qualité de vendeuse au magasin exploité par M. X à Z, était programmée depuis plusieurs mois et que dès le 13 mars 2017, ce dernier écrivait: ‘Bon aller repose toi bien. Tu attaque samedi à Z’, l’employeur et la salariée convenant d’un rendez-vous sur place le samedi midi. S’il résulte de ces mêmes échanges de messages écrits téléphoniques que l’ouverture du magasin a manifestement été reportée, elle est intervenue, avec le concours de Mme A-G le 27 mars 2017 ainsi que cela résulte des échanges des 24 et 25 mars 2017, étant encore observé qu’un nouveau rendez-vous était fixé sur place le 25 mars 2017 pour l’achalandage et la mise en place de la boutique. M. X écrivait en ces termes à Mme A-G le 27 mars 2017: ‘Ecoute, il fait beau, moi j’aurai aimé que tu ouvre que les gens voient qu’on est là. Oui ou 15-19″, ce à quoi son interlocutrice répondait: ‘Yes, j’ouvre ;-) je pense que c’est mieux aussi’. Le même jour, elle écrivait: ‘J’ai fais que 3 ventes… ya personne mais je range et j’enlève les confettis’. Les messages suivants établissent une présence à tout le moins régulière de Mme A-G au magasin, avec dès le 28 mars 2017, le message suivant de M. X: ‘(…) Fait moi au moins 500 aujourd’hui (…)’, Mme A-G renvoyant un message à 20h29 ce même jour: ‘Je pars du shop là (…) En tout j’ai fait 160 euros je crois’. Le lendemain, M. X adresse le message suivant: ‘Alors, ta fini comment ce soir », auquel il est répondu: ‘Je sais plus lol 355 je crois’. Le 30 mars, on relève encore un échange de messages suivi d’instructions sur les horaires du magasin puis un message à 20h21: ‘Ta fini comment » auquel il est répondu: ‘260 (…)’. Il résulte en outre de l’attestation établie par M. B, compagnon de Mme A-G, que l’intéressée s’est vue remettre les clés de la boutique ‘courant fin mars’, tandis qu’un autre témoin, Mme C, indique avoir séjourné à Z du 19 au 24 avril 2017 et avoir constaté que ‘H avait déjà commencé la saison d’été à la boutique Maeva (…) Elle était seule au magasin et faisait l’ouverture et la fermeture (…)’. Mme D indique également avoir vu Mme A-G travailler dans la boutique à la fin du mois d’avril 2017. Il résulte de l’ensemble de ces éléments, dont la crédibilité n’est pas utilement remise en cause par l’employeur qui de son côté, ne produit aucun élément objectif de nature à contredire les éléments de preuve dont se prévaut l’appelante quant à la réalité de sa date d’embauche par rapport à celle mentionnée au contrat, que lors de sa prise d’effet le 27 mars 2017 le contrat de travail n’était pas signé et qu’il ne l’a été que plus d’un mois et demi après cette date, ce qui équivaut à une absence d’écrit, de telle sorte que s’agissant d’une violation des dispositions de l’article L1242-12 du code du travail, la requalification en contrat de travail à durée indéterminée doit être prononcée. Le jugement entrepris, en ce qu’il a débouté Mme A-G de sa demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, sera infirmé. Aux termes de l’article L 1245-2 du code du travail, si le juge fait droit à la demande du salarié, il lui alloue une indemnité à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. En application de ce dernier texte et au vu du salaire dû pour un mois de travail tel qu’il résulte de l’attestation destinée à Pôle emploi, M. X sera condamné à payer à Mme A-G une indemnité de requalification d’un montant de 1.493 euros. Par ailleurs, dès lors que la rupture qui n’est ni une démission ni une rupture conventionnelle est intervenue sans respect de la procédure prévue aux articles L 1232-1 et suivants du code du travail et sans notification à la salariée d’une lettre énonçant le motif de la dite rupture, en conformité avec les dispositions de l’article L 1232-6 du même code, celle-ci s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. En application des dispositions combinées des articles L 1234-1 et L 1234-5 du code du travail, Mme A-G est en droit de prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis qui doit être équivalente au salaire qu’elle aurait perçu si elle avait travaillé durant cette période, soit un mois de salaire égal à la somme de 1.493 euros brut et les congés payés y afférents, soit la somme de 149,30 euros. Mme A-G est également en droit de prétendre, par application des dispositions de l’article L 1235-5 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, à savoir celle en vigueur au 16 septembre 2017, date de fin de la relation contractuelle de travail, au paiement de dommages-intérêts en réparation du caractère abusif de la rupture intervenue dans les conditions susvisées. Eu égard aux circonstances de la rupture, à la faible ancienneté de la salariée, à son âge au moment de la rupture (34 ans) et alors qu’il n’est pas justifié de difficultés spécifiques pour trouver un nouvel emploi, il convient de condamner M. X, en réparation du préjudice causé à la salariée du fait du caractère abusif du licenciement, à lui payer la somme de 1.493 euros à titre de dommages-intérêts. 3- Sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé: En vertu des dispositions de l’article L 8221-5 du Code du travail, le fait se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la déclaration préalable à l’embauche ou de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, est réputé travail dissimulé. En application de l’article L 8223-1 du même code, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en commettant les faits visés à l’article L 8221-5, a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. En l’espèce, il est établi que Mme A-G, nonobstant la mention de date d’embauche figurant au contrat de travail, a commencé à travailler le 27 mars 2017, de telle sorte que jusqu’au 16 mai 2017 elle a été employée sans qu’une déclaration préalable à l’embauche ait été établie et sans avoir reçu de bulletins de paie mentionnant les heures de travail effectuées, alors que M. X connaissait parfaitement la situation ainsi que cela résulte des échanges de messages susvisés, qu’il avait expressément demandé à la salariée d’effectuer l’ouverture du magasin à la date précitée, qu’il contrôlait quotidiennement le chiffre d’affaires réalisé et qu’il ne pouvait ignorer ses obligations dès lors que la relation de travail avait bel et bien commencé dès la fin du mois de mars 2017. Le courrier adressé à la salariée par l’Urssaf Aquitaine le 11 octobre 2017 confirme qu’aucune déclaration de salaire n’a été effectuée avant le 16 mai 2017. Une telle situation caractérise un travail dissimulé manifesté par l’intention de se soustraire à l’accomplissement en temps et en heure de la déclaration préalable à l’embauche et de faire figurer sur un bulletin de paie la totalité des heures de travail effectuées par la salariée avant le 16 mai 2017. Il convient dès lors de condamner M. X à payer à Mme A-G la somme de 8.958 euros (1.493 x 6) à titre d’indemnité pour travail dissimulé. 4- Sur la demande en paiement d’heures supplémentaires: Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant. Aux termes de l’article L 3171-3 du code du travail, l’employeur tient à la disposition de l’agent de contrôle de l’inspection du travail, les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. En l’espèce, Mme A-G produit un décompte des heures de travail effectuées, par semaine civile, entre les mois de mars et août 2017 inclus, ce décompte faisant apparaître 552,45 heures supplémentaires qui ne figurent pas sur les bulletins de paie produits par l’employeur, étant rappelé qu’aucun bulletin de salaire n’a été établi pour mars et avril 2017. L’appelante produit également une copie d’agenda, qui mentionne à la date du 25 mars 2017 ‘ouverture shop’, puis ensuite, de façon quotidienne, les heures de travail effectuées. Deux témoins, M. B son compagnon et Mme C, une amie, indiquent avoir constaté que la salariée avait des horaires allant de 10h à 19h chaque jour, parfois sans pause méridienne, l’intéressée déjeunant dans la réserve. Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à M. X de répondre contradictoirement en justifiant des heures de travail effectivement faites par la salariée. En premier lieu, il n’est fourni aucune explication sérieuse concernant la période allant du 27 mars au 15 avril 2017, durant laquelle la salariée a travaillé sans qu’aucun décompte de ses heures, ni aucun bulletin de salaire ne soit produit par M. X. Le planning que produit l’employeur en pièce n°16 n’est pas signé de la salariée et il ignore totalement cette première période de travail. Sa fiabilité n’est donc pas établie, alors qu’il appartient à l’employeur de décompter précisément le temps de travail et d’en justifier par un moyen fiable. En second lieu, l’employeur ne peut se borner à suspecter la fraude qui consisterait pour la salariée à avoir ‘fabriqué’ des décomptes pour les besoins de la cause, alors que l’argument ne répond pas aux témoignages dont se prévaut la salariée et qu’en outre, aucun élément objectif ne vient corroborer l’allégation du caractère prétendument mensonger des mentions portées sur l’agenda de la salariée concernant ses horaires de travail et du tableau récapitulatif dressé à partir de cet agenda. En troisième lieu et contrairement à ce que soutient l’employeur, les échanges de SMS accréditent des horaires de fin de travail tardifs, ainsi le 28 mars 2017 où Mme A-G écrivait à M. X à 20h29: ‘Je pars du shop là’ où encore les échanges journaliers sur le chiffre d’affaire, entre 19h30 et 20 h, les messages versés aux débats dénotant certes une absence manifeste de contrôle des horaires par l’employeur, qui ne saurait toutefois accréditer l’affirmation d’une absence d’heures supplémentaires effectuées, contredite par les éléments dont se prévaut la salariée. Enfin les vendeuses d’une autre boutique appartenant à M. X, située à Soulac sur mer, ne peuvent utilement témoigner de la réalité de la situation de la boutique d’Z et des horaires de Mme A-G qu’elles n’ont pu constater. Au résultat de l’ensemble des ces éléments, la cour dispose des éléments qui lui permettent d’évaluer à 350, le nombre d’heures supplémentaires effectuées par Mme A-G entre le début de la relation de travail et le terme du contrat, représentant un rappel de salaire de 4.013,43 euros brut que M. X sera condamné à payer à l’intéressée, outre 401,34 euros brut au titre des congés payés afférents. 5- Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat: En vertu de l’article L 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. A ce titre, l’employeur a un devoir de loyauté dans l’exécution du contrat de travail, aussi bien en ce qui concerne la mise en oeuvre du contrat que l’application de la législation du travail. Aux termes de l’article L 1222-4 du même code, aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance. Par ailleurs, en application des articles 2 et 22 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 dite ‘Informatique et libertés’, les traitements automatisés de données à caractère personnel au nombre desquels figurent les enregistrements effectués par un système de vidéosurveillance, font obligatoirement l’objet d’une déclaration préalable auprès de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL). Les personnes concernées (employés et visiteurs) doivent être informées, au moyen de panneaux affichés en permanence, de façon visible, dans les lieux concernés, qui comportent a minima, outre le pictogramme d’une caméra indiquant que le lieu est placé sous vidéo protection : — les finalités du traitement installé ; — la durée de conservation des images ; — le nom ou la qualité et le numéro de téléphone du responsable/du délégué à la protection des données (DPO) ; — l’existence de droits « Informatique et Libertés » ; — le droit d’introduire une réclamation auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), en précisant ses coordonnées. En l’espèce, Mme A-G se prévaut d’une exécution déloyale du contrat de travail liée à la présence non autorisée de caméras de surveillance dans la boutique et notamment d’une caméra qui filmait la réserve qui était un lieu non ouvert au public, dédié aux pauses. S’il est constant que l’article 11 du contrat de travail intitulé ‘vidéosurveillance’ informait la salariée de l’existence d’un système de vidéo surveillance, l’employeur conteste la réalité d’une installation en réserve telle qu’alléguée par Mme A-G. A cet égard, la salariée produit la photographie d’une réserve de prêt à porter féminin, sur laquelle apparaît clairement une caméra de vidéo surveillance. M. X conteste le fait que cette photo ait nécessairement été prise au magasin qu’il exploite à Z. Toutefois, outre le fait qu’il ne s’explique pas utilement sur l’absence d’affichage dans la boutique à la date des faits, pourtant relevée par plusieurs témoins clients du magasin, l’employeur ne s’explique pas plus sur la présence d’un lieu spécifique de pause dans l’entreprise, autre que la réserve, tandis qu’un témoin, M. B, atteste de la présence d’une caméra de vidéosurveillance dans la dite réserve. Dans ces conditions, il apparaît établi que Mme A-G a pu être filmée à son insu dans un lieu non ouvert au public, dans lequel elle était amenée à prendre ses repas et à vaquer à des occupations personnelles au moment des pauses. Une telle situation caractérise un manquement par l’employeur à son obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail, la cour disposant des éléments qui lui permettent d’évaluer à la somme de 500 euros le préjudice subi de ce chef. M. X sera donc condamné à payer à Mme A-G la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à son obligation d’exécuter le contrat de travail de bonne foi. 6- Sur la demande de remise de documents: En application de l’article R 1234-9 du Code du travail, l’employeur délivre au salarié, au moment de l’expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d’exercer ses droits aux prestations mentionnées à l’article L 5421-2 et transmet ces mêmes attestations à l’institution mentionnée à l’article L 5312-1. Par ailleurs, en application des articles L 1234-19 et D 1234-6 du même code, un certificat de travail doit être remis au salarié. Enfin, l’article L 3243-2 impose la remise au salarié d’un bulletin de paie, dont le défaut de remise engage la responsabilité civile de l’employeur. En application de ces textes et alors qu’il n’est pas justifié de la remise d’un certificat de travail à l’issue de la relation contractuelle de travail, il est justifié d’ordonner la remise par M. X à Mme A-G des documents suivants: — Un bulletin de salaire récapitulant les sommes allouées aux termes du présent arrêt — Une attestation Pôle emploi rectifiée — Un certificat de travail. 7- Sur les dépens et frais irrépétibles: En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, M. X, partie perdante, sera condamné aux dépens de première instance et d’appel. L’équité commande de condamner M. X à payer à Mme A-G la somme de 1.500 euros à titre d’indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. En revanche, M. X, qui perd le procès, sera débouté de la demande formée de ce même chef contre Mme A-G. PAR CES MOTIFS La cour, Infirme le jugement entrepris, excepté en ce qu’il a débouté Mme A-G de sa demande aux fins de requalification de son poste en catégorie 6 ; Statuant à nouveau, Condamne M. E X à payer à Mme H A-G les sommes suivantes: — 1.493 euros à titre d’indemnité de requalification de contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée — 1.493 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis — 149,30 euros brut à titre de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis — 1.493 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif — 8.958 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé — 4.013,43 euros brut à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires — 401,34 euros brut à titre de congés sur rappel de salaire — 500 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ; Ordonne à M. X de remettre à Mme A-G les documents ci-après: — Un bulletin de salaire reprenant les sommes allouées par le présent arrêt — Une attestation Pôle emploi rectifiée — Un certificat de travail ; Condamne M. X à payer à Mme A-G la somme de 1.500 euros à titre d’indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile; Déboute M. X de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile; Condamne M. X aux dépens de première instance et d’appel. Signé par Eric Veyssière, président et par Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. S. Déchamps E. Veyssière |
S’abonner
Connexion
0 Commentaires
Le plus ancien