Dans cette affaire, l’appelant a déposé ses conclusions le 16 octobre 2019, suivies par la Sa La Poste, appelante à titre incident, qui a remis ses conclusions le 16 janvier 2020. L’ordonnance de clôture a été rendue le 2 novembre 2022, mettant ainsi fin à la procédure.
Les problématiques de cette affaire
Les Avocats de référence dans cette affaire
Bravo à Maître Charles SALIES et Maître Eve BEYNET pour avoir représenté l’appelant Monsieur [D] [F] dans cette affaire. Bravo également à Maître Pascale DELL’OVA, Maître Camille DUMAS et toute l’équipe de la SCP ROZE, SALLELES, PUECH, GERIGNY, DELL’OVA, BERTRAND, AUSSEDAT, SMALLWOOD pour avoir représenté l’intimée SA LA POSTE.
Les Parties impliquées dans cette affaire
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
25 janvier 2023
Cour d’appel de Montpellier
RG n° 19/05357
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
1ère chambre sociale
ARRET DU 25 JANVIER 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 19/05357 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OIZD
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 19 JUIN 2019 – CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER
N° RG 17/00123
APPELANT :
Monsieur [D] [F]
né le 10 Avril 1973 à [Localité 2]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Maître Charles SALIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Maître Eve BEYNET, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
SA LA POSTE
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Maître Pascale DELL’OVA de la SCP ROZE, SALLELES, PUECH, GERIGNY, DELL’OVA, BERTRAND, AUSSEDAT, SMALLWOOD, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituée par Maître Camille DUMAS, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 02 Novembre 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 NOVEMBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Caroline CHICLET, Conseiller, chargé du rapport et Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre
Madame Caroline CHICLET, Conseiller
Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller
Greffière lors des débats : Madame Isabelle CONSTANT
ARRET :
– Contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Madame Isabelle CONSTANT, Greffière
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EXPOSE DU LITIGE :
[D] [F] a été engagé à compter du 31 janvier 2005 par la Sa La Poste en qualité de facteur dans le cadre d’un contrat à durée déterminée à temps complet qui s’est poursuivi à durée indéterminée à compter du 7 novembre 2005.
En dernier lieu, le salarié percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 1.704,57 € sur les12 derniers mois.
Par arrêté préfectoral du 5 mars 2010, [D] [F] a été désigné conseiller du salarié pour la période du 1er mars 2010 au 1er mars 2013. Un arrêté préfectoral du 19 février 2013 a prolongé son mandat jusqu’au 31 mars 2013.
Le 6 janvier 2012, [D] [F] a été convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé au 17 janvier 2012.
Il a été licencié pour faute grave par une lettre du 20 février 2012 après avis favorable de la commission consultative paritaire du 16 février 2012.
[D] [F] a saisi le conseil des prud’hommes de Montpellier le 6 février 2017 pour contester cette décision et obtenir la réparation de ses préjudices ainsi que l’application de ses droits.
Par jugement du 19 juin 2019, ce conseil a :
– dit inapplicable à la Sa La Poste les dispositions du code du travail relatives à la protection des salariés exerçant un mandat ;
– dit inapplicable aux faits les dispositions du décret du 28 novembre 2014 instituant une protection au bénéfice des salariés de la Sa La Poste exerçant un mandat, le licenciement étant intervenu antérieurement à la publication de ce décret;
– dit que le mandat de conseiller du salarié de [D] [F] était connu de l’employeur ;
– dit que le licenciement de [D] [F] est dépourvu de cause réelle et sérieuse;
– condamné la Sa La Poste à payer à [D] [F] les sommes suivantes :
> 14.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
> 6.034,18 € à titre d’indemnité de licenciement,
> 3.409,14 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
> 340,91 € bruts au titre des congés payés y afférents,
> 700 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit sur la base d’un salaire brut moyen de 1.704,57 € ;
– débouté la Sa La Poste de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
– mis les dépens à la charge de La Poste.
[D] [F] a relevé appel des chefs du jugement ayant dit inapplicable à la Sa La Poste les dispositions du code du travail relatives à la protection des salariés exerçant un mandat et limité le montant des dommages-intérêts pour licenciement abusif.
MOTIFS :
Sur la demande de nullité du licenciement :
[D] [F] conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a dit que les dispositions du code du travail relatives à la protection des salariés exerçant un mandat n’était pas applicable à la Poste et rejeté sa demande d’annulation du licenciement. Il demande à la cour de dire que l’employeur, qui connaissait son mandat extérieur et son statut de salarié protégé, a manqué à son obligation de solliciter l’autorisation de l’inspection du travail préalablement à son licenciement, d’annuler le licenciement prononcé en violation de ses droits et condamner la Poste à lui payer les sommes suivantes :
– 42.614,25 € à titre d’indemnité pour violation du statut protecteur,
– 42.614,25 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement illicite,
– 6.034,18 € à titre d’indemnité de licenciement (confirmation du jugement),
– 3.409,14 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 340,91 € bruts au titre des congés payés y afférents (confirmation du jugement).
La société La Poste conclut à la confirmation du jugement en ce qu’il lui a dit inapplicable le statut protecteur du code du travail et rejeté la demande de nullité du licenciement.
L’article 31 de la loi 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la Poste, dans sa version modifiée par la loi du 9 février 2010 applicable à la date du licenciement, prévoit que : ‘La Poste emploie des agents contractuels sous le régime des conventions collectives.
L’emploi des agents soumis au régime des conventions collectives n’a pas pour effet de rendre applicables à La Poste les dispositions du code du travail relatives aux comités d’entreprise, ni celles relatives aux délégués du personnel et aux délégués syndicaux.
Un décret en Conseil d’Etat détermine les conditions dans lesquelles les agents de La Poste sont représentés dans des instances de concertation chargées d’assurer l’expression collective de leurs intérêts, notamment en matière d’organisation des services, de conditions de travail et de formation professionnelle. Il précise en outre, en tenant compte de l’objectif d’harmoniser au sein de La Poste les institutions représentatives du personnel, les conditions dans lesquelles la représentation individuelle des agents de droit privé est assurée, et établit les règles de protection, au moins équivalentes à celles prévues par le code du travail pour les délégués du personnel, dont bénéficient leurs représentants.’
Aucun décret d’application de cet article n’étant paru avant le 28 novembre 2014, la société La Poste, pour connaître les modalités de rupture du contrat de travail de droit privé de [D] [F], s’est reportée aux stipulations conventionnelles de la ‘convention commune’, ce qui n’est pas discuté.
Selon l’article 68 de cette convention, dans sa version applicable à la date du licenciement : ‘Lorsque le licenciement est envisagé pour insuffisance professionnelle après la période d’essai, pour inaptitude physique constatée par le service médical compétent ou pour toute sanction disciplinaire autre que l’avertissement ou le blâme, la commission consultative paritaire compétente est obligatoirement consultée.
Par ailleurs, cette consultation est obligatoire, quel que soit le motif du licenciement, lorsqu’il s’agit d’un représentant du personnel, sans préjudice des dispositions législatives et réglementaires applicables au licenciement d’un salarié protégé, ou d’un agent contractuel en déplacement professionnel en France ou à l’étranger. Sauf en cas d’abandon du poste dûment constaté non consécutif à des cas de force majeure particuliers au pays où se trouve l’agent contractuel, la procédure de licenciement ne pourra être engagée qu’après rapatriement en métropole.’
Selon les termes clairs et dénués d’ambiguïté de l’alinéa 2 de l’article précité, les dispositions législatives et règlementaires applicables au licenciement d’un salarié protégé doivent être respectées par la société La Poste, contrairement à ce qu’elle prétend.
C’est donc à tort que le conseil des prud’hommes a dit que ces dispositions protectrices du code du travail étaient inapplicables à La Poste et le jugement sera infirmé sur ce point.
La protection assurée au salarié par les articles L. 2411-1-16° et L. 2411-21 du code du travail (conseiller du salarié) découle d’un mandat extérieur à l’entreprise dont l’employeur n’a pas nécessairement connaissance.
Par sa décision n° 2012-242 du 14 mai 2012, le Conseil constitutionnel a dit que les dispositions découlant de l’exercice d’un mandat extérieur à l’entreprise assurant une protection au salarié ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle, permettre au salarié de se prévaloir d’une telle protection dès lors qu’il est établi qu’il n’en a pas informé son employeur au plus tard lors de l’entretien préalable au licenciement.
Il s’en déduit que le salarié, titulaire d’un mandat de conseiller du salarié mentionné par l’article L. 2411-1-16° du code du travail ne peut se prévaloir de cette protection que si, au plus tard lors de l’entretien préalable au licenciement, ou, s’il s’agit d’une rupture ne nécessitant pas un entretien préalable, au plus tard avant la notification de l’acte de rupture, il a informé l’employeur de l’existence de ce mandat, ou s’il rapporte la preuve que l’employeur en avait alors connaissance.
La société intimée soutient qu’elle n’a jamais été informée par [D] [F], avant son licenciement, de son mandat extérieur de conseiller du salarié.
Contrairement à ce que soutient l’appelant, le courrier adressé par ses soins à la commission consultative paritaire dans lequel il précisait avoir ‘assisté deux autres agents’ de La Poste, outre qu’il n’a pas été adressé à l’employeur, ne prouve nullement que ce dernier avait connaissance de son mandat extérieur de conseiller du salarié.
En effet, ainsi que le fait justement valoir la société intimée, en l’absence d’institutions représentatives du personnel au sein de la société La Poste, le conseil et l’assistance des salariés pouvait être assuré au sein de l’entreprise, avant le décret du 28 novembre 2014, par tout agent de La Poste muni d’un mandat spécial émanant du salarié assisté.
Ainsi, et à supposer que l’employeur ait eu connaissance des termes de ce courrier, ceux-ci ne lui permettaient pas de savoir que [D] [F] détenait un mandat extérieur de conseiller du salarié puisque, en sa qualité d’agent de La Poste, il pouvait assister tout salarié de l’entreprise l’ayant dûment mandaté.
Le fait que, dans une attestation concernant la situation particulière d’un agent de La Poste, le DRH ait indiqué que [D] [F], en sa qualité de conseiller du salarié, souhaitait être destinataire de la réponse attendue est inopérant puisque le conseil et l’assistance prodigués à ce salarié l’ont été suivant les règles en vigueur dans l’entreprise, c’est à dire par le biais d’un mandat spécial et non dans le cadre du mandat extérieur délivré par l’autorité administrative ([D] [F] ne discutant pas le fait qu’il n’a jamais utilisé les heures de délégations prévues dans le cadre de son mandat extérieur) ; le DRH ne faisait donc pas référence à ce mandat extérieur lorsqu’il évoquait dans son courrier la fonction de ‘conseiller du salarié’ de [D] [F], contrairement à ce que prétend l’appelant.
Le fait que l’assistante sociale de La Poste ait fait état, dans son rapport social du 14 février 2012, des nombreuses missions d’assistance des salariés de La Poste assurées par [D] [F] pendant plusieurs années ne permet pas davantage, et pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment, de prouver que l’employeur avait connaissance de son mandat extérieur.
C’est à tort que l’appelant soutient que l’employeur aurait dû déduire de sa seule demande d’absence syndicale pour une formation de février 2010 sur le ‘conseiller du salarié’ qu’il détenait un mandat extérieur de conseiller du salarié et ce, d’autant qu’à la date prévue pour cette formation (9 au 10 février 2010), il n’avait pas encore été désigné par l’autorité administrative (désignation à compter du 1er mars 2010).
La participation de [D] [F] à une journée de formation des ‘conseillers du salarié’ organisée par la Direccte le 21 juin 2011 (cf attestation de présence en pièce 11) est inopérante dès lors qu’elle n’a donné lieu à aucune autorisation spéciale d’absence de l’employeur (cf pièce 10 de l’appelant) et que ce dernier conteste, sans être contredit utilement sur ce point, avoir été destinataire de l’attestation de présence versée aux débats.
L’autorisation d’absence accordée à [D] [F] en juin 2011 pour suivre une formation sur le ‘défenseur du salarié’ ne permet pas de présumer davantage la connaissance du mandat extérieur par l’employeur puisque la défense du salarié au sein de La Poste peut être assurée par tout agent muni d’un mandat spécial émanant du salarié assisté.
[D] [F] invoque enfin un courrier à l’entête de ‘[D] [F], service juridique CFDT conseiller salarié (arrêté préfectoral 2010/01/735)’ adressé à la DRH du DOTC Languedoc Roussillon et daté du 25 novembre 2010.
La société intimée conteste avoir jamais été destinataire de cette lettre simple.
Pour contrer cette dénégation, l’appelant produit le courrier en réponse reçu de la DRH.
Cependant, la société intimée remet en cause l’authenticité de ce document qui porte la date du 21 septembre 2010 alors qu’il est censé répondre à une correspondance du 25 novembre 2010.
L’authenticité de ce courrier étant contestée par son auteur prétendu, la cour n’a d’autre choix, avant dire droit sur la connaissance par l’employeur du statut de salarié protégé de [D] [F], que d’ordonner la réouverture des débats suivant les modalités prévues au dispositif afin de permettre à l’appelant de produire l’original de la pièce critiquée.