Victimes de l’attentat du Bataclan : le calcul des préjudices

Notez ce point juridique

En matière d’attentats, le calcul des préjudices est bien spécifique. A titre d’exemple, l’angoisse liée à une situation ou à des circonstances exceptionnelles résultant de la commission d’un acte de terrorisme soudain et brutal provoquant chez la victime, pendant le cours de l’événement, une très grande détresse et une angoisse dues à la conscience d’être confrontée à la mort caractérise une souffrance psychique spécifique.

Cette souffrance est, par ailleurs, spécifique du fait du contexte collectif de l’infraction subie qui a amplifié ce sentiment d’angoisse, notamment du fait du nombre de personnes impliquées, de leurs réactions, ainsi qu’en raison de l’importante couverture médiatique en temps réel de cet acte de terrorisme.

1. Attention à bien justifier et documenter tous les préjudices que vous souhaitez faire valoir, en fournissant des éléments concrets et des attestations si nécessaire, pour maximiser vos chances d’obtenir une indemnisation adéquate.

2. Il est recommandé de suivre les recommandations des experts et des professionnels de santé pour la prise en charge de vos préjudices, notamment en ce qui concerne les soins médicaux et le suivi psychothérapeutique, afin de garantir une réparation optimale de vos dommages.

3. Veillez à bien étayer vos demandes de préjudices extra-patrimoniaux, tels que les souffrances endurées ou l’angoisse de mort imminente, en fournissant des détails précis sur les circonstances et les conséquences psychologiques de l’attentat, pour obtenir une juste compensation de ces préjudices.


Mme [D] [T] et sa fille, Mme [F] [G] [C], ont été victimes de l’attentat du 14 juillet 2016 à [Localité 10]. Après avoir été reconnues comme victimes d’acte de terrorisme par le Fonds de Garantie, elles ont demandé une indemnisation pour leurs préjudices. Les examens médicaux ont révélé des déficits fonctionnels temporaires et permanents, des souffrances endurées, des préjudices d’angoisse, et d’autres dommages. Les demandes d’indemnisation des victimes ont été contestées par le FGTI, qui a proposé des montants inférieurs. L’affaire a été plaidée en février 2024 et le jugement est attendu pour avril 2024.

Sur le droit à indemnisation

Aux termes de l’article L 126-1 du code des assurances, les victimes d’actes de terrorisme commis sur le territoire national, les personnes de nationalité française victimes à l’étranger de ces mêmes actes, y compris tout agent public ou tout militaire, ainsi que leurs ayants droit, quelle que soit leur nationalité, sont indemnisés dans les conditions définies aux articles L 422-1 à L 422-3. Selon l’article 421-1 du code pénal, « constituent des actes de terrorisme, lorsqu’elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur, les infractions suivantes et notamment les atteintes volontaires à la vie, les atteintes à l’intégrité de la personne, l’enlèvement et la séquestration ». Il n’est pas contesté que Mme [F] [G] [C] et Mme [D] [T] ont été victimes de l’attentat survenu le 14 juillet 2016 à [Localité 10]. Par conséquent, le FGTI sera condamné à l’indemniser des conséquences dommageables de l’attentat.

Sur l’évaluation du préjudice de Mme [D] [T]

Bien que réalisé dans un cadre amiable, le rapport d’expertise ci-dessus évoqué présente un caractère complet, informatif et objectif. Au vu de l’ensemble des éléments versés aux débats, le préjudice subi par Mme [D] [T] âgée de 52 ans lors de l’attentat, 54 ans à la date de consolidation de son état de santé sera réparé ainsi que suit, étant observé qu’en application de l’article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, d’application immédiate, le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge.

Sur l’évaluation du préjudice de Mme [F] [G] [C]

Au vu de l’ensemble des éléments versés aux débats, le préjudice subi par Mme [F] [G] [C] âgée de 18 ans lors de l’attentat, 20 ans à la date de consolidation de son état de santé sera réparé ainsi que suit, étant observé qu’en application de l’article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, d’application immédiate, le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge.

Sur les autres demandes

Le FGTI prendra à sa charge les dépens de l’instance. En outre, il sera condamné à payer à Mme [D] [T] et à Mme [F] [G] [C] une somme de 2.500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Rien ne justifie d’écarter l’exécution provisoire dont la présente décision bénéficie de droit, conformément aux dispositions des articles 514 et 514-1 du code de procédure civile, s’agissant en effet d’une instance introduite après le 1er janvier 2020.

– Mme [D] [T] :
– Dépenses de santé actuelles : 272,02 €
– Déficit fonctionnel temporaire : 3.504,33 €
– Souffrances endurées : 10.000 €
– Préjudice d’angoisse de mort imminente : 4.000 €
– Déficit fonctionnel permanent : 10.920 €
– Préjudices permanents exceptionnels : 10.000 €
– Mme [F] [G] [C] :
– Déficit fonctionnel temporaire : 3.607,20 €
– Préjudice scolaire, universitaire et de formation : 17.200 €
– Souffrances endurées : 10.000 €
– Préjudice d’angoisse de mort imminente : 4.000 €
– Déficit fonctionnel permanent : 17.325 €
– Préjudice d’agrément : 1.000 €
– Préjudices permanents exceptionnels : 10.000 €
– Somme de 2.500 € à payer à Mme [D] [T] et Mme [F] [G] [C] ensemble
– Article 700 du code de procédure civile : 2.500 €
– Dépens de l’instance : à la charge du FGTI


Réglementation applicable

– Code des assurances
– Code pénal
– Code de procédure civile

Article L 126-1 du code des assurances:
Les victimes d’actes de terrorisme commis sur le territoire national, les personnes de nationalité française victimes à l’étranger de ces mêmes actes, y compris tout agent public ou tout militaire, ainsi que leurs ayants droit, quelle que soit leur nationalité, sont indemnisés dans les conditions définies aux articles L 422-1 à L 422-3.

Article 421-1 du code pénal:
Constituent des actes de terrorisme, lorsqu’elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur, les infractions suivantes et notamment les atteintes volontaires à la vie, les atteintes à l’intégrité de la personne, l’enlèvement et la séquestration.

Article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006:
Le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge.

Article 700 du code de procédure civile:
Le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions sera condamné à payer à Mme [D] [T] et à Mme [F] [G] [C] une somme de 2.500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Articles 514 et 514-1 du code de procédure civile:
Rien ne justifie d’écarter l’exécution provisoire dont la présente décision bénéficie de droit, conformément aux dispositions des articles 514 et 514-1 du code de procédure civile, s’agissant en effet d’une instance introduite après le 1er janvier 2020.

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Me Sophie MÜH, avocat au barreau de PARIS
– Me Patricia FABBRO, avocat au barreau de PARIS

Mots clefs associés

– Indemnisation des victimes d’actes de terrorisme
– Conditions d’indemnisation définies par le code des assurances et le code pénal
– Victimes de l’attentat du 14 juillet 2016 à [Localité 10]
– Préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux
– Dépenses de santé avant et après consolidation
– Dépenses de santé futures
– Préjudice scolaire et professionnel
– Souffrances endurées
– Préjudice d’angoisse de mort imminente
– Déficit fonctionnel temporaire et permanent
– Préjudice d’agrément
– Préjudice exceptionnel spécifique des victimes d’actes de terrorisme
– Rejet de certaines demandes d’indemnisation
– Montant des indemnités allouées
– Prise en charge des dépens de l’instance par le FGTI
– Allocation d’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– Exécution provisoire de la décision

– Indemnisation des victimes d’actes de terrorisme: compensation financière accordée aux personnes ayant subi des préjudices suite à un acte de terrorisme
– Conditions d’indemnisation définies par le code des assurances et le code pénal: règles et critères à respecter pour pouvoir bénéficier d’une indemnisation
– Victimes de l’attentat du 14 juillet 2016 à [Localité 10]: personnes ayant été touchées par l’attentat qui s’est déroulé à cette date et dans cette localité
– Préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux: dommages matériels et immatériels subis par la victime
– Dépenses de santé avant et après consolidation: frais médicaux engagés avant et après la stabilisation de l’état de santé de la victime
– Dépenses de santé futures: coûts prévus pour les soins médicaux à venir de la victime
– Préjudice scolaire et professionnel: impact sur la scolarité et la carrière professionnelle de la victime
– Souffrances endurées: douleurs physiques et psychologiques subies par la victime
– Préjudice d’angoisse de mort imminente: traumatisme lié à la crainte de mourir lors de l’attaque terroriste
– Déficit fonctionnel temporaire et permanent: altération temporaire ou permanente des capacités physiques de la victime
– Préjudice d’agrément: perte de plaisir dans les activités de la vie quotidienne
– Préjudice exceptionnel spécifique des victimes d’actes de terrorisme: dommages particuliers subis par les victimes de terrorisme
– Rejet de certaines demandes d’indemnisation: refus de compenser certains préjudices par l’organisme d’indemnisation
– Montant des indemnités allouées: somme d’argent accordée à la victime pour compenser ses préjudices
– Prise en charge des dépens de l’instance par le FGTI: remboursement des frais de procédure par le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions
– Allocation d’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile: versement d’une somme pour couvrir les frais de justice engagés par la victime
– Exécution provisoire de la décision: mise en œuvre immédiate de la décision d’indemnisation en attendant d’éventuels recours.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

PRPC JIVAT

N° RG 22/14252
N° Portalis 352J-W-B7G-CYIKB

N° MINUTE :

Assignation du :
24 Novembre 2022

JUGEMENT
rendu le 25 Avril 2024
DEMANDERESSES

Madame [D] [T] épouse [G] [C]
[Adresse 3]
[Localité 5]

Madame [F] [G] [C]
[Adresse 3]
[Localité 5]

représentées par Me Sophie MÜH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1256

DÉFENDEUR

FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D’AUTRES INFRACTIONS
[Adresse 4]
[Localité 6]

représenté par Me Patricia FABBRO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0082

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Sabine BOYER, Vice-Présidente
Emmanuelle GENDRE, Vice-Présidente
Maurice RICHARD, Magistrat à titre temporaire

assistés de Véronique BABUT, Greffier

DEBATS

A l’audience du 29 Février 2024 tenue en audience publique
Après clôtute des débats, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 25 Avril 2024.
Décision du 25 Avril 2024
PRPC JIVAT
N° RG 22/14252
N° Portalis 352J-W-B7G-CYIKB

JUGEMENT

– Contradictoire,
– En premier ressort,
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [D] [T], née le [Date naissance 1] 1964, et sa fille, Mme [F] [G] [C] née le [Date naissance 2] 1997, ont été victimes de l’attentat du 14 juillet 2016 à [Localité 10]. Au moment de l’attentat elles se trouvaient en contrebas de la [Adresse 11] au bar de plage le «[8]», lorsqu’elles ont entendu le bruit de personnes qui sautaient depuis la barre piétonne de la promenade sur la toile de la terrasse de l’établissement. Paniquées, elles se sont dirigées vers le bord de la plage d’où elles ont vu le camion foncer et ont assisté aux échanges de coups de feu qui ont éclaté ensuite. Elles ajoutent être restées trois heures confinées dans le bar avant d’être évacuées.

Le statut de victime d’acte de terrorisme leur a été reconnu par le Fonds de Garantie des victimes d’actes de Terrorisme et d’autres Infractions (ci-après désigné «le FGTI») qui a formulé des propositions d’indemnisations.

Un examen médical amiable de Mme [D] [T] a été pratiqué par le docteur [W], Médecin psychiatre dont les conclusions en date du 13 mars 2019 sont les suivantes :

Consolidation au 31 juillet 2018 ;PGPA, Mme [D] [G] a repris son activité ad integrum dès la rentrée 2016. Elle n’a pas été en arrêt de travail ;Dépenses de santé actuelles, intégralité des consultations auprès du Dr [O] et du Dr [L] ;Déficit fonctionnel temporaire :Total : aucunPartiel : 33% du 14 juillet 2016 au 14 septembre 2016
25% du 15 septembre 2016 au 11 juin 2017
10% du 12 juin 2017 au 31 juillet 2018 le Dr [I] situe ce taux à 15%
Déficit fonctionnel permanent : 7%Souffrances endurées : 3/7, 3,5/7 pour les conseils de MmeLe PAMI est important en accord avec les conseilsIncidence professionnelle et pertes de gains professionnels futurs : aucun.
Un examen médical amiable de Mme [F] [G] [C] a été pratiqué par le docteur [W], Médecin psychiatre dont les conclusions en date du 29 mars 2021 sont les suivantes :
Dépenses de santé actuelles : l’intégralité des consultations psychologiques de type EMDR ;Consolidation au 30 juillet 2018 ;PGPA, Mme [C] était étudiante au moment des faits ;Déficit fonctionnel temporaire :Total : aucunePartiel : 50% du 14 juillet 2016 au 30 juillet 2016
25% du 1er août 2016 au 14 juillet 2017
10% du 15 juillet 2017 au 30 juillet 2018
Déficit fonctionnel permanent : 7%Souffrances endurées : 3/7, 4/7 pour le Dr [I]Le PAMI est modéré à importantPréjudice d’agrément : aucunPréjudice sexuel ou d’établissement : aucunPréjudice scolaire, universitaire ou de formationIncidence professionnelle : aucuneDépenses de santé futures : un travail psychothérapeutique 1 séance mensuelle pendant un an
Suite à l’échec des discussions amiables, par acte délivré le 24 novembre 2022, Mme [D] [T] et Mme [F] [G] [C] ont a fait assigner le FGTI devant ce tribunal aux fins de voir reconnaître leur droit à indemnisation et de voir liquider leurs préjudices.

Dans leurs conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 11 septembre 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, Mme [D] [T] et Mme [F] [G] [C] demandent au tribunal de :
Constater que Mme [D] [T] et Mme [F] [G] [C] sont en droit de solliciter la réparation intégrale de leur préjudice en leur qualité de victime directe ;Condamner le FGTI à verser à Mme [D] [T] en sa qualité de victime directe les sommes suivantes :. dépenses de santé actuelles : 272,02 euros ;
. dépenses de santé futures : 8.640 euros
. déficit fonctionnel temporaire partiel 33% : 582,12 euros
. déficit fonctionnel temporaire partiel à 25% : 1.890 euros
. déficit fonctionnel temporaire partiel à 10% : 1.162 euros
. souffrances endurées : 20.000 euros
. préjudice d’angoisse : 13.000 euros
. déficit fonctionnel permanent : 10.920 euros
. préjudice d’agrément : 3.000 euros
. préjudice spécifique des victimes d’actes de terrorisme : 20.000 euros
Condamner le FGTI à verser à Mme [F] [G] [C] en sa qualité de victime directe les sommes suivantes :. dépenses de santé futures : 8.640 euros
. préjudice scolaire : 34.725 euros
. incidence professionnelle : 60.249,42 euros
. déficit fonctionnel temporaire partiel 50% : 238 euros
. déficit fonctionnel temporaire partiel à 25% : 2.436 euros
. déficit fonctionnel temporaire partiel à 10% : 1.066,80 euros
. souffrances endurées : 20.000 euros
. préjudice d’angoisse : 13.000 euros
. déficit fonctionnel permanent : 17.325 euros
. préjudice d’agrément : 3.000 euros
. préjudice spécifique des victimes d’actes de terrorisme : 20.000 euros
Condamner le FGTI à verser à Mme [D] [T] et Mme [F] [G] [C] la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;Condamner le FGTI aux dépens dont distraction au profit de Maître Sophie MÜH, avocat aux offres de droit.
Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 20 septembre 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions demande au tribunal de :
Indemniser Mme [D] [T] en fixant les indemnités suivantes :. dépenses de santé actuelles : 272,02 euros
. dépenses de santé futures : rejet
. déficit fonctionnel temporaire : 3.244,75 euros
. souffrances endurées : 8.000 euros
. préjudice d’angoisse : 4.000 euros
. Déficit fonctionnel permanent : 10.920 euros
. préjudice d’agrément : rejet
Constater l’offre du fonds de garantie de payer à Mme [D] [T] 10.000 euros au titre du PESVT ;Allouer à Mme [D] [T] la somme de 10.000 euros au titre du PESVT ;Débouter Mme [D] [T] du surplus de ses demandes, plus amples ou contrairesDéduire les provisions versées à Mme [D] [G] [C] à hauteur de 24.800 eurosIndemniser Mme [F] [G] [C] en fixant les indemnités suivantes :. dépenses de santé futures : rejet
. préjudice scolaire : 3.000 euros
. incidence professionnelle : rejet
. déficit fonctionnel temporaire : 3.340 euros
. souffrances endurées : 8.000 euros
. préjudice d’angoisse : 4.000 euros
. déficit fonctionnel permanent : 15.750 euros
. préjudice d’agrément : rejet
Constater l’offre du fonds de garantie de payer à Mme [F] [G] [C] 10.000 euros au titre du PESVT ;Allouer à Mme [F] [G] [C] la somme de 10.000 euros au titre du PESVT ;Débouter Mme [F] [G] [C] du surplus de ses demandes, plus amples ou contrairesDéduire les provisions versées à Mme [D] [G] [C] à hauteur de 5.000 euros ;Laisser à la charge du trésor public les dépens de l’instance.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties quant à l’exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.

L’affaire a été plaidée à l’audience du 29 février 2024 et mise en délibéré au 4 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I- Sur le droit à indemnisation

Aux termes de l’article L 126-1 du code des assurances, les victimes d’actes de terrorisme commis sur le territoire national, les personnes de nationalité française victimes à l’étranger de ces mêmes actes, y compris tout agent public ou tout militaire, ainsi que leurs ayants droit, quelle que soit leur nationalité, sont indemnisés dans les conditions définies aux articles L 422-1 à L 422-3.
 
Selon l’article 421-1 du code pénal, « constituent des actes de terrorisme, lorsqu’elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur, les infractions suivantes et notamment les atteintes volontaires à la vie, les atteintes à l’intégrité de la personne, l’enlèvement et la séquestration ».
 
Il n’est pas contesté que Mme [F] [G] [C] et Mme [D] [T] ont été victimes de l’attentat survenu le 14 juillet 2016 à [Localité 10].
 
Par conséquent, le FGTI sera condamné à l’indemniser des conséquences dommageables de l’attentat.

II- Sur l’évaluation du préjudice de Mme [D] [T]

Bien que réalisé dans un cadre amiable, le rapport d’expertise ci-dessus évoqué présente un caractère complet, informatif et objectif.

Au vu de l’ensemble des éléments versés aux débats, le préjudice subi par Mme [D] [T] âgée de 52 ans lors de l’attentat, 54 ans à la date de consolidation de son état de santé sera réparé ainsi que suit, étant observé qu’en application de l’article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, d’application immédiate, le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge.

– Préjudices patrimoniaux

– Dépenses de santé avant consolidation

Les dépenses de santé sont constituées de l’ensemble des frais hospitaliers, de médecins, d’infirmiers, de professionnels de santé, de pharmacie et d’appareillage en lien avec l’accident.
Mme [D] [T] sollicite la somme de 272,02 euros correspondant à des consultations de psychiatres retenues par l’expert. Compte tenu de l’accord du Fonds de garantie, cette somme lui sera allouée.

Décision du 25 Avril 2024
PRPC JIVAT
N° RG 22/14252
N° Portalis 352J-W-B7G-CYIKB

– Dépenses de santé futures

Mme [D] [T] sollicite la somme de 8.640 euroscorrespondant à une prise en charge psychothérapeutique individuelle ainsi qu’un accompagnement psychologique sur plusieurs séances pour une durée de 24 mois à raison d’une séance hebdomadaire de 90 euros.

En réplique le fonds s’oppose relevant que trois années se sont écoulées depuis l’attentat.

En l’espèce l’expert a retenu la nécessité de deux consultations par mois auprès d’un psychiatre pendant une durée d’un an à compter du rapport. Mme [D] [T] verse par ailleurs une attestation du 7 avril 2022 de Mme [P] [Z], psychologue clinicienne, indiquant qu’il lui paraît souhaitable d’envisager une prise en charge psychothérapeutique durant deux années. Il convient cependant de relever, comme le fait justement le fonds de garantie, qu’en dépit du temps écoulé depuis l’expertise, Mme [D] [T] ne justifie pas avoir mis en place le suivi psychiatrique préconisé par l’expert ou psychothérapeutique préconisé par le psychologue qu’elle a consulté. Dans ces conditions, la nécessité de mise en place d’un tel suivi n’apparaissant pas certaine, il ne sera pas fait droit à cette demande.

Préjudices extra-patrimoniaux :
– Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice indemnise l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d’hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.

Mme [D] [T] sollicite la somme de 3.634,12 euros sur la base d’un montant journalier de 28 euros par jour pour un déficit total. Le fonds offre une somme de 3.244,75 euros sur la base d’un montant journalier de 25 euros.

En l’espèce, il ressort du rapport d’expertise ce qui suit s’agissant du déficit fonctionnel temporaire :
DFT 33% du 14.07.2016 au 14.09.2016 soit 63 jours ;DFT 25% du 15.09.2016 au 11.06.2017, soit 270 jours ;DFT 10% du 12.06.2017 au 31.07.2018, soit 415 jours.
Sur la base d’une indemnisation de 27 euros par jour pour un déficit total, adaptée à la situation décrite, il sera alloué la somme suivante : (63 jours x 27 euros x 33%) + (270 jours x 27 euros x 25%) + (415 jours x 27 euros x 10%) = 561,33 euros + 1.822,50 euros + 1.120,50 euros = 3.504,33 euros.

– Souffrances endurées

Il s’agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c’est-à-dire du jour de l’accident à celui de sa consolidation.
Décision du 25 Avril 2024
PRPC JIVAT
N° RG 22/14252
N° Portalis 352J-W-B7G-CYIKB

A compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre.

Mme [D] [T] sollicite la somme de 20.000 euros tandis que le fonds de garantie offre la somme de 8.000 euros.

En l’espèce, elles ont été côtés à 3/7 par l’expert qui relève que Mme [D] [T] n’a pas observé de traitement psychotrope et a interrompu tout suivi psychiatrique depuis la fin 2016. Il ajoute «nous ne pouvons là encore que souligner l’effet dépressogène en lien avec l’exogénèse oenolique qui ne peut être considérée comme imputable.» Dans ces conditions, les souffrances sont caractérisées par le traumatisme initial ayant occasionné un stress aigu évoluant en stress post-traumatique, un suivi psychiatrique jusqu’en septembre 2016 et le retentissement psychique des faits.

Dans ces conditions, il convient d’allouer la somme de 10.000 euros à ce titre.

– Préjudice d’angoisse de mort imminente

L’angoisse liée à une situation ou à des circonstances exceptionnelles résultant de la commission d’un acte de terrorisme soudain et brutal provoquant chez la victime, pendant le cours de l’événement, une très grande détresse et une angoisse dues à la conscience d’être confrontée à la mort caractérise une souffrance psychique spécifique. Cette souffrance est, par ailleurs, spécifique du fait du contexte collectif de l’infraction subie qui a amplifié ce sentiment d’angoisse, notamment du fait du nombre de personnes impliquées, de leurs réactions, ainsi qu’en raison de l’importante couverture médiatique en temps réel de cet acte de terrorisme.

Mme [D] [T] sollicite la somme de 13.000 euros faisant valoir qu’elle est restée sur les lieux de l’attentat de 22h à 5h, qu’elle a vu les gens courir dans un mouvement de panique générale, qu’elle a eu peur pour sa fille également présente sur les lieux, qu’elle a vu plusieurs cadavres recouverts de nappes blanches et qu’elle est restée confinée de longues heures dans le bar sans aucune information avant d’être évacuée par les policiers.

Le fonds de garantie offre la somme de 4.000 euros à ce titre rappelant que la requérante se trouvait sur la plage et non sous la menace directe du camion sur la [Adresse 11].

L’expert note sur ce point que le préjudice d’angoisse de mort imminente «est important en accord avec les conseils». Au regard des éléments produits à savoir l’audition lors de la plainte déposée par Mme [D] [T] et le rapport d’expertise, Mme [D] [T] se trouvait avec sa fille dans un bar de plage lors de la commission de l’attentat dont elle a été alertée par les bruits de pas des personnes fuyant la [Adresse 11] sur le toit de l’établissement. Elle ne s’est par conséquent à aucun moment trouvée sur la trajectoire du camion. Si dans l’incertitude immédiate quant au déroulement des faits, face au mouvement de panique de la foule, elle a pu légitimement craindre pour sa vie et celle de sa fille, la durée d’exposition au danger a été relativement courte, dès lors qu’elle a pu trouver refuge d’abord sur la plage, puis dans deux établissements avant son évacuation par les forces de l’ordre.

Dans ces conditions, il lui sera alloué à ce titre la somme de 4.000 euros proposée par le Fonds de garantie.

– Déficit fonctionnel permanent

Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ces conditions d’existence.

En l’espèce, l’expert a retenu un taux de déficit fonctionnel permanent de 7%.

Mme [D] [T] sollicite la somme de 10.920 euros somme que le fonds de garantie accepte.

Il sera en conséquence alloué la somme de 10.920 euros à ce titre.

– Préjudice d’agrément

Ce préjudice vise à réparer le préjudice spécifique lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs ainsi que les limitations ou difficultés à poursuivre ces activités. Ce préjudice particulier peut être réparé, en sus du déficit fonctionnel permanent, sous réserve de la production de pièces justifiant de la pratique antérieure de sports ou d’activités de loisirs particuliers.

Mme [D] [T] sollicite la somme de 3.000 euros indiquant qu’elle était élue au conseil municipal de Noisy Le Roi mais qu’elle a perdu tout intérêt pour la politique. Le fonds de garantie s’oppose à cette demande en l’absence de preuve d’une activité spécifique antérieure.

Lors de l’expertise, Mme [D] [T] a indiqué qu’elle était élue à la mairie de [Localité 5] s’occupant de «la petite enfance et du social» et a précisé avoir cessé cette activité à la suite de l’attentat. Il n’est cependant produit aucun élément en lien avec cette activité.

Dans ces conditions, la demande formulée à ce titre ne pourra qu’être rejetée.

– Préjudice exceptionnel spécifique des victimes d’actes de terrorisme

Ce poste de préjudice exceptionnel est destiné à prendre en compte la spécificité de la situation des victimes d’un acte de terrorisme et notamment l’état de stress post traumatique et les troubles liés au caractère de cet événement, en raison des circonstances particulières de commission des faits et de leur résonance.

Mme [D] [T] sollicite la somme de 20.000 euros tandis que le fonds offre la somme de 10.000 euros.

En l’espèce, l’acte de terrorisme du 14 juillet 2016 a été commis dans des circonstances particulières de volonté affirmée et revendiquée par les terroristes d’intimidation et de terreur d’une Nation entière afin de porter atteinte à l’État français et à ses citoyens dans leur ensemble.
Ces faits dramatiques ont, en outre, eu une résonance importante dans l’opinion publique et dans les médias de façon durable.

Ces faits à la dimension nationale et même internationale causent à la victime de manière permanente un préjudice moral exceptionnel lié au caractère collectif de l’acte subi, aux motivations de ses auteurs, à la médiatisation des faits et ont eu une résonance particulière pour elle du fait de sa présence sur les lieux de l’attentat.

Il sera ainsi alloué à Mme [D] [T] une somme de 10 000€ en réparation de ce chef de préjudice, somme offerte par le FGTI, Mme [D] [T] ne justifiant pas d’un préjudice qui n’aurait pas été pris en compte au titre des autres postes.

III- Sur l’évaluation du préjudice de Mme [F] [G] [C]

Au vu de l’ensemble des éléments versés aux débats, le préjudice subi par Mme [F] [G] [C] âgée de 18 ans lors de l’attentat, 20 ans à la date de consolidation de son état de santé sera réparé ainsi que suit, étant observé qu’en application de l’article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, d’application immédiate, le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge.

1 – Préjudices patrimoniaux :

– Dépenses de santé futures

Mme [F] [G] [C] sollicite la somme de 8.640 euros correspondant aux préconisations du Dr [W] à l’issue de l’expertise. Par ailleurs, elle expose que Mme [Z] psychologue clinicienne a également pu préconiser un suivi psychothérapeutique individuel à raison d’une séance hebdomadaire de 90 euros pendant deux ans.

En réplique le fonds s’oppose relevant que trois années se sont écoulées depuis l’attentat.

L’expert retient à ce titre la nécessité de poursuivre un travail psychothérapeutique en lien avec le psychotraumatisme de type EMDR à raison de 5 séances à effectuer dans l’année qui suit le présent examen, qui sont à considérer comme imputables. Il préconise également une prise en charge psychiatrique à raison d’une séance mensuelle pendant une durée d’un an qui permettra un étayage psychothérapeutique en lien avec les faits, mais également un soutien aux comportements d’exogénose et aux difficultés psychorelationnelles que Mme [F] [G] [C] peut rencontrer. Elle produit également une attestation du 7 avril 2022 de Mme [P] [Z], psychologue clinicienne, indiquant qu’il lui paraît souhaitable d’envisager une prise en charge psychothérapeutique durant deux années. Il convient cependant de relever qu’en dépit du temps écoulé depuis l’expertise, Mme [F] [G] [C] ne justifie pas avoir mis en place les suivis préconisés par l’expert et par la psychologue qu’elle a consultée. Dans ces conditions, la nécessité de la mise en place d’un tel suivi n’apparaissant pas certaine, il ne sera pas fait droit à cette demande.
Préjudice scolaire
Ce poste de préjudice s’apprécie in concreto, en fonction de la durée de l’incapacité temporaire et de sa situation dans le temps (limitée à la période des vacances ou au contraire pendant la période des examens), des résultats scolaires antérieurs à l’accident, du niveau des études poursuivies, de la chance de terminer la formation entreprise…

Mme [F] [G] [C] sollicite à ce titre la somme de 34.725 euros incluant 20.000 euros pour le renoncement à ses études supérieures et 14.725 euros pour les frais d’inscription. Elle fait valoir qu’au moment des attentats elle venait d’obtenir son baccalauréat et était inscrite en première année d’école d’art à l’[7]. Elle précise s’être acquittée de frais de scolarité de 7.200 euros, mais avoir interrompu son année en janvier 2017 compte tenu des difficultés éprouvées à cette période notamment pour emprunter les transports en commun. Elle explique que pour l’année 2017/2018, elle a intégré l’école [9] directement en 2ème année s’acquittant des droits d’inscription de 7.525 euros, mais avoir également arrêté son cursus en avril 2018. Elle estime qu’en raison des attentats elle a donc dû mettre fin à ses études.

Le fonds de garantie offre la somme de 3.000 euros à ce titre. Il estime que la preuve d’un lien de causalité directe et certain entre l’abandon des études supérieures et les attentats n’est pas rapportée. Il ajoute qu’au vu du profil LINKEDIN de Mme [F] [G] [C], celle-ci a pu reprendre des études et qu’elle a pu mener de nombreuses activités qui ne sont pas forcément compatibles avec la poursuite des études. Il relève qu’au jour des attentats Mme [F] [G] [C] travaillait depuis 7 mois pour les magasins Printemps, activité qu’elle a poursuivi jusqu’en décembre 2018. Il revient ensuite sur le parcours de Mme [F] [G] [C] tel qu’il ressort de ce réseau.

L’expert relève à ce sujet : «il est à noter le fait que Mlle [C] était inscrite en Année préparatoire à l’[7], mais que du fait d’un absentéisme, cette première année n’a pas pu être validée et qu’il lui a été proposé un redoublement. Elle a décliné cette proposition pour s’inscrire à l’école privée [9] au décours de l’année 2017-2018. Il nous est présenté un 1er avertissement qui lui aurait été notifié le 5/06/2018 pour : «non-respect du règlement intérieur. Absences et retards injustifiés et répétés». Nous restons interpellés par le fait que le détail des griefs de ce 1er avertissement soit masqué sur le document qui nous est présenté. Si les difficultés psychiques sont à considérer au décours du fait traumatique comme pouvant entraver la reprise optimale de sa scolarité, il est également à noter les éléments de labilité émotionnelle et psycho comportementale, et la problématique d’exogénose, mais également des éléments d’antériorité, Mlle [C] nous exposant avoir redoublé en seconde, alors qu’elle avait 12,5 de moyenne, suite à un avertissement au travail. Elle aurait alors décidé d’arrêter de travailler, ce qui aurait imposé un changement de lycée. Il existe pour ma part des éléments de personnalité et du caractère, qui sont à considérer dans l’évaluation du préjudice scolaire, universitaire ou de formation. Il est à noter qu’elle a pu se rendre en Israël seule, s’intégrer au sein d’un kibboutz, où elle a pu apprendre l’hébreu et s’adonner à des activités collectives, où elle a ressenti un épanouissement manifeste.
De retour, elle travaille actuellement, depuis février 2021, en tant que caissière à Super U le week-end.»

Il ressort des éléments produits qu’au jour des attentats, au titre de l’année scolaire 2016-2017, Mme [F] [G] [C] était inscrite au sein de l’établissement privé [7] et s’est acquittée de frais de scolarité à hauteur de 7.200 euros. Le directeur de l’établissement atteste le 17 novembre 2017 qu’elle n’a pu mener à bien son année en lien avec les attentats. Au regard des conclusions de l’expertise, il doit ainsi être considéré que Mme [F] [C] dans l’année qui a suivi l’attentat n’a pu mener à son terme son année d’étude en raison de ses difficultés à assister au cours et à se déplacer en transport en commun. L’échec de cette première année compte tenu de l’état de stress aigu qu’elle éprouvait doit donc être attribué à l’attentat. Pour autant, alors qu’elle était admise à redoubler son année, elle a choisi d’intégrer une nouvelle école privée et a abandonné ce projet en cours d’année sans qu’il ne soit établi que cet arrêt puisse être imputé à l’attentat au regard des éléments relevés par l’expert. Dans ces conditions, au titre du préjudice scolaire, il lui sera alloué la somme de 10.000 euros correspondant à la perte d’une année d’étude et de 7.200 euros au titre des frais de scolarité engagés, soit la somme totale de 17.200 euros.

Incidence professionnelle
Ce poste d’indemnisation a pour objet d’indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle, ou de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu’elle exerçait avant le dommage au profit d’une autre qu’elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap.
Ce poste indemnise également la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, c’est-à-dire le déficit de revenus futurs, estimé imputable à l’accident, qui va avoir une incidence sur le montant de la pension auquel pourra prétendre la victime au moment de sa prise de retraite.

Mme [F] [G] [C] sollicite la somme de 60.249,42 euros. Elle fait valoir qu’elle a dû renoncer à ses études supérieures alors qu’elle était bonne élève et pouvait envisager l’obtention d’un diplôme d’architecte d’intérieur pour un emploi rémunéré en moyenne à 2.700 euros brut par mois. Or, elle explique qu’elle est désormais contrainte d’occuper des emplois rémunérés au SMIC, soit 1.590 euros par mois et 13.200 euros par an. Elle évalue ainsi un préjudice à hauteur de 7% de 13.200 euros, somme qu’elle capitalise de manière viagère.

Le fonds de garantie s’oppose à cette demande estimant que Mme [F] [G] [C] a conservé toutes ses capacités professionnelles, qu’elle ne justifie pas de ses chances de réussite dans ses études d’architecte d’intérieur.

Sur ce,

L’expertise relève à ce titre : «l’évaluation relève plus de l’appréciation du préjudice scolaire, universitaire ou de formation.
Mlle [C] s’apprêtait à intégrer une école préparatoire au sein de l’[7], où sont décrites des activités de peinture, de dessin analytique, croquis d’après modèles vivants, pratiques plastiques, créativité, constructions tridimensionnelles et illustrations, histoire de l’art, sémiologie, graphisme, architecture. Dans les suites, elle s’est inscrite au sein de l’école [9] dans une formation d’architecture d’intérieur. Il est à souligner que ce cursus s’inscrivait dans le cadre d’un enseignement privé post-baccalauréat. Les métiers qui découlent de ces formations sont variés. Ils reposent en grande partie sur une dimension artistique et de créativité. Sur le plan psychiatrique, Mlle [C] présente pour ma part un état de stress post-traumatique imputable aux faits du 14/07/2016, qui n’est pas de nature à limiter ou entraver toute possibilité de créativité artistique dans sa vie future. Les difficultés psycho comportementales qu’elle connaît sont à considérer de façon globale. Il est à noter qu’elle est en capacité d’une autonomie psychique certaine. Elle a pu se rendre en Israël, y rencontrer de nouvelles personnes, s’inscrire et évoluer au sein d’un cadre collectif, imposant des règles, une assiduité au travail soutenu, auxquels Mlle [C] s’est adonnée volontiers. Elle dispose donc manifestement de ses capacités de façon prolongée. Il est à noter qu’au décours de ce séjour, les comportements d’exogénose se sont amendés.»

Compte tenu de ces éléments, l’expert ne retient pas d’impossibilité pérenne à l’exercice de la profession d’architecte intérieur ou d’une autre profession impliquant une certaine créativité à laquelle Mme [F] [G] [C] se destinait initialement dans le cadre de ses études. Il ne peut être considéré que l’abandon éventuellement définitif de ce type de carrière ait été imposé à Mme [F] [G] [C] par des troubles post-traumatiques imputables aux attentats. Par ailleurs, alors que le fonds de garantie produit des éléments suggérant qu’elle ait pu reprendre une formation dans une filière commerciale, Mme [F] [G] [C] ne verse aucun élément justifiant de sa situation actuelle. Il ne peut dès lors être considéré que les séquelles de l’attentat aient une incidence sur la sphère professionnelle dès lors qu’il n’est pas établi qu’elles lui aient imposé une reconversion, qu’elles aient induit une dévalorisation sur le marché du travail ou une plus grande pénibilité ou fatigabilité au travail.

Dans ces conditions, la demande formulée à ce titre sera rejetée.

Préjudices extra-patrimoniaux :
– Déficit fonctionnel temporaire

Mme [F] [G] [C] sollicite la somme de 3.740,80 euros sur la base d’un montant journalier de 28 euros par jour pour un déficit total. Le fonds offre une somme de 3.340 euros sur la base d’un montant journalier de 25 euros.

En l’espèce, il ressort du rapport d’expertise ce qui suit s’agissant du déficit fonctionnel temporaire :
DFT 50% du 14.07.2016 au 30/07/2016, soit 17 joursDFT 25% du 1/08/2016 au 14/07/2017, soit 348 jours, DFT 10% du 15/07/2017 au 30/07/2018, soit 381 jours
Sur la base d’une indemnisation de 27 euros par jour pour un déficit total, adaptée à la situation décrite, il sera alloué la somme suivante : (17 jours x 27 euros x 50%) + (348 jours x 27 euros x 25%) + (381 jours x 27 euros x 10%) = 229,50 euros + 2.349 euros + 1.028,70 euros = 3.607,20 euros.

– Souffrances endurées

Mme [F] [G] [C] sollicite la somme de 20.000 euros tandis que le fonds de garantie offre la somme de 8.000 euros.

En l’espèce, elles ont été côtés à 3/7 par l’expert qui relève que Mme [F] [G] [C] a fait l’objet d’une prise en charge psychologique, mais n’a pas observé de traitement psychotrope particulièrement lourd, antidépresseur ou anxiolytique à posologie importante. Dans ces conditions, les souffrances sont caractérisées par le traumatisme initial marqué par une sidération anxieuse, un mutisme, une déréalisation, une impression d’insécurité constitutive d’un état de stress aigu, trois passages aux urgences en raison de crise de panique, les traitements suivis à savoir la prise temporaire de psychotropes et une prise en charge EMDR ainsi que le retentissement psychique des faits.

Dans ces conditions, il convient d’allouer la somme de 10.000 euros à ce titre.

– Préjudice d’angoisse de mort imminente

Mme [F] [G] [C] sollicite la somme de 13.000 euros faisant valoir qu’elle est restée sur les lieux de l’attentat de 22h à 5h, qu’elle a vu les gens courir dans un mouvement de panique générale, qu’elle a eu peur pour sa mère également présente sur les lieux, qu’elle a vu plusieurs cadavres recouverts de nappes blanches et qu’elle est restée confinée de longues heures dans le bar sans aucune information avant d’être évacuée par les policiers.

Le fonds de garantie offre la somme de 4.000 euros à ce titre rappelant que la requérante se trouvait sur la plage et non sous la menace directe du camion sur la [Adresse 11].

L’expert note sur ce point que ce préjudice est caractérisé, qualifié de modéré à important, «Mme [F] [C] décrivant un état de sidération anxieuse et de dissociation, alors qu’elle était sur la place, puis confinée dans le restaurant, étant dans l’attente de l’évolution de la situation. Le Docteur [I] considère quant à lui le PAMI comme important.»

Il ressort des éléments produits, à savoir l’audition lors du dépôt de plainte et le rapport d’expertise, que Mme [F] [G] [C] se trouvait avec sa mère dans un bar de plage lors de la commission de l’attentat dont elle a été alertée par les bruits de pas des personnes fuyant la [Adresse 11] sur le toit de l’établissement. Elle ne s’est par conséquent à aucun moment trouvée sur la trajectoire du camion. Si dans l’incertitude immédiate quant au déroulement des faits, face au mouvement de panique de la foule et aux bruits des détonations lors des échanges de tirs, elle a pu légitimement craindre pour sa vie, la durée d’exposition au danger a été relativement courte, dès lors qu’elle a pu trouver refuge d’abord sur la plage, puis dans deux établissements avant son évacuation par les forces de l’ordre.
Dans ces conditions, il lui sera alloué à ce titre la somme de 4.000 euros proposée par le Fonds de garantie.

– Déficit fonctionnel permanent

Mme [F] [G] [C] sollicite la somme de 17.325 euros tandis que le fonds de garantie offre la somme de 15.750 euros.

En l’espèce, l’expert a retenu un taux de déficit fonctionnel permanent de 7% «pour un état de stress post-traumatique imputable, s’inscrivant dans les suites d’un état de stress aigu. Il existe en parallèle toute une problématique psycho comportementale, avec une labilité émotionnelle, acutisée par des comportements d’exogénose œnolique et cannabique, comportements dont on ne peut affirmer la seule imputabilité au seul fait traumatique. Il existait préalablement des éléments de labilité psycho comportementale, ainsi qu’une problématique familiale marquée, pour Mlle [C], d’un clivage psychoaffectif. De plus les comportements d’exogénose sont potentiellement curables et ne peuvent être considérés comme une pathologie séquellaire pérenne et définitive dont on pourrait retenir l’imputabilité à un seul fait traumatique.»

La victime étant âgée de 20 ans lors de la consolidation de son état, il lui sera alloué une indemnité de 17.325 euros.

– Préjudice d’agrément

Ce préjudice vise à réparer le préjudice spécifique lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs ainsi que les limitations ou difficultés à poursuivre ces activités. Ce préjudice particulier peut être réparé, en sus du déficit fonctionnel permanent, sous réserve de la production de pièces justifiant de la pratique antérieure de sports ou d’activités de loisirs particuliers.

Mme [F] [G] [C] sollicite la somme de 3.000 euros indiquant qu’elle pratiquait des activités musicales ce qui est devenu difficile depuis les attentats. Le fonds de garantie s’oppose à cette demande en l’absence de preuve d’une activité spécifique antérieure et que l’expert n’a pas retenu ce préjudice.

Mme [F] [G] [C] a indiqué à l’expert qu’elle jouait de la guitare, de la basse et du hautbois dans un groupe musical et qu’elle pratiquait la danse et le dessin, activités qu’elle a cessées à la suite des attentats.

L’expert retient «au regard de l’état de stress post-traumatique imputable, on comprend les difficultés que Mlle [C] peut avoir dans le cadre de l’évolution dans les transports en commun ou ses difficultés à envisager assister à un concert. Pour le reste, concernant ses activités de loisir, nous ne retrouvons pas d’élément psychiatrique imputable qui soit de nature à limiter ou entraver la reprise d’activités musicales ou de sport de façon pérenne et définitive.»

Mme [F] [G] [C] verse une attestation de M.[J] [M] en date du 28 juillet 2019 lequel témoigne de son «agoraphobie» et de l’absence de reprise de ses activités musicales depuis l’attentat.
Au regard de ces éléments et des conclusions de l’expert il y a lieu de considérer que les séquelles qu’elle a présentées ont conduit à une limitation des activités de loisirs après la consolidation de son état de santé, notamment des sorties culturelles et de la pratique musicale, justifiant l’allocation d’une somme de 1.000 euros à ce titre.

– Préjudice exceptionnel spécifique des victimes d’actes de terrorisme
 
Mme [F] [G] [C] sollicite la somme de 20.000 euros tandis que le fonds offre la somme de 10.000 euros.

En l’espèce, l’acte de terrorisme du 14 juillet 2016 a été commis dans des circonstances particulières de volonté affirmée et revendiquée par les terroristes d’intimidation et de terreur d’une Nation entière afin de porter atteinte à l’État français et à ses citoyens dans leur ensemble. Ces faits dramatiques ont, en outre, eu une résonance importante dans l’opinion publique et dans les médias de façon durable.
 
Ces faits à la dimension nationale et même internationale causent à la victime de manière permanente un préjudice moral exceptionnel lié au caractère collectif de l’acte subi, aux motivations de ses auteurs, à la médiatisation des faits et ont eu une résonance particulière pour elle du fait de sa présence sur les lieux de l’attentat.

Il sera ainsi alloué à Mme [F] [G] [C] une somme de 10.000 € en réparation de ce chef de préjudice, somme offerte par le FGTI, Mme [F] [G] [C] ne justifiant pas d’un préjudice qui n’aurait pas été pris en compte au titre des autres postes.

IV- SUR LES AUTRES DEMANDES

Le FGTI prendra à sa charge les dépens de l’instance.

En outre, il sera condamné à payer à Mme [D] [T] et à Mme [F] [G] [C] une somme de 2.500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rien ne justifie d’écarter l’exécution provisoire dont la présente décision bénéficie de droit, conformément aux dispositions des articles 514 et 514-1 du code de procédure civile, s’agissant en effet d’une instance introduite après le 1er janvier 2020.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

Dit que Mme [D] [T] et Mme [F] [G] [C] ont été victimes de l’acte de terrorisme du 14 juillet 2016 à [Localité 10] et qu’elles relèvent des dispositions des articles L126-1 et L422-1 et suivants du code des assurances ;

Condamne le Fonds de Garantie des victimes d’actes de Terrorismes et d’autres Infractions à payer à Madame [D] [T], en réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non-déduites :
– dépenses de santé actuelles : 272,02 €
– déficit fonctionnel temporaire : 3.504,33 €
– souffrances endurées : 10.000 €
– préjudice d’angoisse de mort imminente : 4.000 euros
– déficit fonctionnel permanent : 10.920 euros €
– préjudices permanents exceptionnels : 10.000 €

Rejette les demandes de Mme [D] [T] au titre des dépenses de santé futures et du préjudice d’agrément ;

Condamne le Fonds de Garantie des victimes d’actes de Terrorismes et d’autres Infractions à payer à Mme [F] [G] [C], en réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non-déduites :
– déficit fonctionnel temporaire : 3.607,20 euros
– préjudice scolaire, universitaire et de formation : 17.200 euros
– souffrances endurées : 10.000 euros
– préjudice d’angoisse de mort imminente : 4.000 euros
– déficit fonctionnel permanent : 17.325 euros
– préjudice d’agrément : 1.000 euros
– préjudices permanents exceptionnels : 10.000 euros

Rejette ses demandes au titre des dépenses de santés futures et de l’incidence professionnelle ;

Condamne le FGTI aux dépens de l’instance ;

Condamne le FGTI à payer à Mme [D] [T] et Mme [F] [G] [C], ensemble, la somme de 2.500 €, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

Rappelle que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Fait et jugé à Paris le 25 Avril 2024

Le GreffierLa Présidente

 

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