Vente-privée.com : perquisition massive de la DGCCRF

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Perquisition de 24 heures

La DGCCRF a mené une perquisition de près de 24 heures au siège social de la société  Vente-privée.com. Par ordonnance du 13 juin 2016, le juge des libertés et de la détention de Bobigny a autorisé le directeur régional adjoint de la répression des fraudes  (DIRECCTE) à procéder à une saisie afin de rechercher la preuve de pratiques commerciales trompeuses. En cause, la  référence à des prix de vente conseillés sans réalité économique, engendrant des décotes illusoires, délit réprimé par l’article L. 121-1 du code de la consommation.

Prix de vente illusoires

Dans sa requête au juge, la direction de la concurrence a fait état d’informations selon lesquelles la société Vente-privée.com fournirait à sa clientèle des offres promotionnelles alléguant en guise de prix de vente conseillés sans réalité économique, pratique qualifiable de pratique commerciale trompeuse. Aux termes des articles L121-1 et L121-1 II du code de la consommation, une pratique commerciale serait trompeuse lorsqu’elle reposerait sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur concernant le prix, le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix, la portée des engagements de l’annonceur, et lorsqu’elle omettrait, dissimulerait ou fournirait de façon inintelligible, ambigüe ou à contretemps une information substantielle ou lorsqu’elle n’indiquerait pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte.

Des constats ont fait état notamment de prix conseillés, affichés sur le site mais disproportionnés par rapport à la valeur réelle des produits. Si ce fait était avéré, l’économie réalisée serait illusoire ou, du moins, bien moindre que celle prévue et espérée. Les constats réalisés par les enquêteurs sur des forums de discussion et réseaux sociaux auraient permis de relever de très nombreuses réclamations de clients, les consommateurs estimant subir des « arnaques » aux prix conseillés et aux réductions effectives dont ils bénéficieraient.

L’achat impulsif en cause

Le modèle économique de la société est directement visé, celui-ci tend à susciter l’urgence à acheter dans l’esprit du consommateur. La société adresse au consommateur des  offres de très courte durée (deux à cinq jours en moyenne). La société propose également des ventes avec des quantités disponibles très limitées, et les articles placés dans le panier du consommateur ne sont réservés que durant une période de 15 minutes, à l’issue de laquelle le panier se vide automatiquement, ainsi le client disposerait donc d’un temps très limité pour effectuer des comparaisons de prix chez d’autres vendeurs, et pour mûrir son acte d’achat. Cette stratégie commerciale pousserait à des achats impulsifs.

Validité de la procédure de saisie : un avocat sur haut-parleur

La  procédure de saisie a été validée par les juges d’appel. Il était notamment argué que l’administration avait violé les droits de la défense de la société vente-privée.com, notamment en exigeant que la représentante de la société mette son téléphone sur haut-parleur lors de la  prise de contact avec ses avocats.

L’article L.450-4, 5ème alinéa du code de commerce dispose que « l’ordonnance comporte la mention de la faculté pour l’occupant des lieux ou de son représentant de faire appel à un conseil de son choix. L’exercice de cette faculté n’entraîne pas la suspension des opérations de visite et de saisie ». Il est également établi que l’assistance ainsi conférée par la présence de l’avocat l’est, dès le stade de l’enquête préalable.

Il est constant que, lorsque les enquêteurs d’une administration ou d’une Autorité administrative indépendante se présentent sur les lieux faisant l’objet d’une visite domiciliaire, une de leurs principales priorités est d’apposer les scellés sur l’ensemble des bureaux à visiter et d’éviter toute communication vers des tiers extérieurs, à l’exception des avocats à contacter. Cette mesure se justifie par l’intérêt de préserver l’enquête et d’éviter toute déperdition de preuve malencontreuse, au sein du site visité mais également au sein d’autre sites de la société, ce qui était le cas en l’espèce puisque l’établissement « Vérone » faisait l’objet d’une visite simultanée.

En l’occurrence, rien ne permettait d’établir que l’ensemble de l’échange téléphonique entre le représentant et ses conseils se soit réalisé en présence des enquêteurs de la DGCCRF. La mise sur haut-parleur lors de la prise de contact téléphonique est une précaution utile pour s’assurer qu’il s’agit bien d’un cabinet d’avocats et non pas d’autres tiers. Dès lors, s’agissant d’un acte indispensable pour préserver la sincérité des investigations, la mise sur haut-parleur, lors de la prise de contact avec le ou les conseils de la société, n’a pas porté atteinte aux dispositions de l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, selon lesquelles » les correspondances échangées entre le client et son avocat (‘) sont couvertes par le secret professionnel », étant précisé que les opérations se sont déroulées en présence constante de l’officier de police judiciaire.

Bris de scellés

Par ailleurs, le risque de déperdition de preuve n’était pas hypothétique puisque la lecture du procès-verbal l’un des scellés apposés avait été brisé. Or, en application de l’article 434-22 du code pénal, le bris de scellés apposés par l’autorité publique est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende. La tentative de bris de scellés est punie des mêmes peines.

Durée maximale d’une perquisition

A noter que les dispositions de l’article L.450-4, alinéa 7 du Code de commerce ne fixent pas de limites temporelles à la durée des opérations de visite et de saisies mais encadrent le début de celles-ci dans un créneau horaire, à savoir entre 6 heures et 21 heures. En cas de perquisitions sur la durée, les représentants de la société peuvent effectuées des désignations successives de personnes habilités à rester sur les lieux (mandats écrits). Dès lors que les salariés désignés par l’occupant des lieux ont la possibilité de se relayer, le désagrément occasionné pour chacun d’entre eux est limité dans le temps.

Sur l’argument selon lequel la durée excessive et ininterrompue des opérations a eu pour conséquence d’altérer substantiellement la discussion sur le procès-verbal de clôture des opérations, les juges ont considéré que l’établissement d’un procès-verbal ou d’un inventaire n’est pas un acte devant faire l’objet d’un débat contradictoire, ce débat ayant lieu devant le délégué du Premier Président et, d’autre part, l’occupant des lieux a eu la possibilité de rédiger des observations par écrit, lesquelles ont été annexées au procès-verbal. En conséquence, l’atteinte au respect de la vie privée et familiale de la société et des employés, ni celle relative au principe de proportionnalité des opérations, résultant de l’article 8 de la CESDH, ou aux droits de la défense de la société n’étaient caractérisées.

Précision procédurale intéressante : la comparaison de la méthode de la DGCCRF avec celle des enquêteurs de la Commission européenne a été écartée. Les inspections des agents de la Commission européenne qui agissent sur le fondement d’une décision administrative, sans contrôle d’un juge, hors la présence de tout officier de police judiciaire et qui n’ouvrent pas droit à un recours juridictionnel direct, ne peuvent pas être transposées avec celles des enquêteurs de la DGCCRF, agissant sur autorisation judiciaire, sous le contrôle d’un juge et d’officiers de police judiciaire et donnant lieu à un recours juridictionnel effectif et surtout pouvant saisir les supports informatiques (ordinateurs, serveurs), contrairement à leurs homologues de la Commission européenne.

Par ailleurs, les agents de la Commission européenne ne procèdent que par emport de copies, alors que les enquêteurs peuvent saisir les supports informatiques. Cette pratique est celle qui permet de concilier l’efficacité de la recherche et le bon fonctionnement de la société visitée dans la mesure où si chaque fichier devait être vérifié, l’activité économique de ladite société pourrait être bloquée pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines, ce qui n’est pas l’objectif d’une visite domiciliaire, à savoir ralentir, voire stopper l’activité économique et commerciale d’une société (si le serveur ou les ordinateurs étaient saisis, ce qui est tout à fait possible juridiquement). Affaire à suivre  ….

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