La société Reflectiv demande à la cour de prononcer la nullité du procès-verbal de constat établi le 13 octobre 2022, faute pour le commissaire de justice d’avoir notamment procédé au prérequis technique en matière de constat sur internet et de ne pas avoir annexé certaines des pièces mentionnées dans le procès-verbal.
Cependant, la cour retient que si le procès-verbal ne contient effectivement pas les prérequis applicables en matière de constat sur internet, leur non-respect ne saurait entraîner la nullité des opérations de constat menées mais rendre ces constatations dénuées de force probante, sauf à ce qu’elles soient corroborées par d’autres pièces.
Il convient en conséquence de rejeter la demande de la société Reflectiv tendant à voir prononcer la nullité du procès-verbal de constat établi le 13 octobre 2022.
Motifs de la décision
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.
Sur la nullité du procès-verbal de constat du 13 octobre 2022
La société Reflectiv demande à la cour de prononcer la nullité du procès-verbal de constat établi le 13 octobre 2022, faute pour le commissaire de justice d’avoir notamment procédé au prérequis technique en matière de constat sur internet et de ne pas avoir annexé certaines des pièces mentionnées dans le procès-verbal. Cependant, la cour retient que si le procès-verbal ne contient effectivement pas les prérequis applicables en matière de constat sur internet, leur non-respect ne saurait entraîner la nullité des opérations de constat menées mais rendre ces constatations dénuées de force probante, sauf à ce qu’elles soient corroborées par d’autres pièces. Il convient en conséquence de rejeter la demande de la société Reflectiv tendant à voir prononcer la nullité du procès-verbal de constat établi le 13 octobre 2022.
Sur les actes de concurrence déloyale
La société Alix conteste les faits de concurrence déloyale et parasitaire qui lui sont imputés. Elle soutient que les modèles litigieux ne présentent pas de risque de confusion dans l’esprit de la clientèle, étant visuellement différents et commercialisés sur des réseaux de distribution distincts. De son côté, la société Reflectiv affirme que les modèles de la société Alix sont des copies quasi-serviles de ses propres modèles, générant un risque de confusion et un détournement de clientèle. La cour rappelle les critères de la concurrence déloyale et conclut que la société Alix n’a pas commis d’actes fautifs entraînant un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle. Par conséquent, la demande de la société Reflectiv est rejetée.
Sur le parasitisme
La société Reflectiv accuse la société Alix de parasitisme en copiant intentionnellement ses modèles de films adhésifs, profitant ainsi de ses investissements et de sa notoriété. La cour reconnaît l’existence d’actes parasitaires de la part de la société Alix et accorde à la société Reflectiv des dommages et intérêts de 8 000€. La demande de destruction des films litigieux est cependant rejetée, considérée comme disproportionnée. La cour ordonne également une interdiction de commercialiser les modèles en cause.
Autres demandes
La cour rejette la demande de mesure de publication judiciaire de la société Reflectiv, jugeant que les dommages et intérêts accordés suffisent à réparer le préjudice. La demande reconventionnelle de la société Alix pour un préjudice moral est également rejetée. La société Alix est condamnée aux dépens d’appel et les frais non compris dans les dépens sont à sa charge. Aucune condamnation n’est prononcée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
1. Il est important de respecter les prérequis techniques en matière de constat sur internet pour garantir la force probante des opérations de constat. Si ces prérequis ne sont pas respectés, les constatations peuvent être dénuées de force probante, sauf si elles sont corroborées par d’autres pièces.
2. Pour caractériser un acte de concurrence déloyale, il est essentiel d’apprécier le risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit. Cette appréciation doit être concrète et circonstanciée, prenant en compte des éléments tels que la similarité des produits, l’ancienneté d’usage, l’originalité et la notoriété du produit copié.
3. En cas de parasitisme, il est nécessaire de démontrer que l’auteur des faits a intentionnellement copié une valeur économique d’autrui, procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements. La charge de la preuve incombe à la partie qui allègue le parasitisme, et il convient de prendre en compte les investissements spécifiques relatifs à la conception et à la fabrication des produits en cause.
Réglementation applicable
– Code de procédure civile
– Code civil
Avocats
– Me François TEYTAUD
– Me Diane REYNAUD
– Me Stéphane ASENCIO
– Me Nadia BOUZIDI-FABRE
– Me Florence ANDREANI
Mots clefs
– Motifs de la décision
– Nullité du procès-verbal de constat
– Actes de concurrence déloyale
– Risque de confusion
– Liberté du commerce
– Faute au regard du risque de confusion
– Parasitisme
– Notoriété et investissements de la société Reflectiv
– Préjudice moral
– Interdiction de commercialiser les modèles litigieux
– Mesure de destruction
– Mesure de publication judiciaire
– Demande reconventionnelle de la société Alix
– Dépens d’appel
– Frais non compris dans les dépens
– Article 700 du code de procédure civile
Définitions juridiques
Les mots clés de cette affaire sont les suivants : motifs de la décision, nullité du procès-verbal de constat, actes de concurrence déloyale, risque de confusion, liberté du commerce, faute au regard du risque de confusion, parasitisme, notoriété et investissements de la société Reflectiv, préjudice moral, interdiction de commercialiser les modèles litigieux, mesure de destruction, mesure de publication judiciaire, demande reconventionnelle de la société Alix, dépens d’appel, frais non compris dans les dépens, article 700 du code de procédure civile.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRET DU 13 MARS 2024
(n° 039/2024, 14 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 22/02207 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFEJI
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Décembre 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° 2018053341
APPELANTE
S.A.R.L. ALIX exerçant sous l’enseigne MG DECO
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PERIGUEUX sous le numéro 519 317 408
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
Assistée de Me Diane REYNAUD substituant Me Stéphane ASENCIO, tous deux de la SELARL ABR Associés, avocats au barreau de BORDEAUX
INTIMEE
S.A.S.U. REFLECTIV
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de CRETEIL sous le numéro 490 648 409
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
Assistée de Me Florence ANDREANI, avocat au barreau de PARIS, toque : C0393
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre et Mme Déborah BOHÉE, conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.
Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre,
Mme Françoise BARUTEL, conseillère,
Mme Déborah BOHÉE, conseillère.
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRÊT :
Contradictoire
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
La société Reflectiv, créée le 18 octobre 1981, est une entreprise spécialisée dans la conception et la fabrication de films adhésifs de haute technologie s’appliquant sur le verre à des fins décoratives ou techniques pour en modifier certaines caractéristiques (films anti-chaleur, anti-UV, sécurité) revendiquant être le distributeur leader de films polyester en Europe en grandes surfaces, réalisant en France un chiffre d’affaires annuel moyen de l’ordre de 6 millions d’euros.
La société Alix, ayant pour nom commercial MG DECO, créée en 2010 par M. [N] [B], ancien salarié de la société Reflectiv de 2002 à 2009, a pour activité notamment la vente de produits verriers et de films adhésifs et sérigraphiés.
Estimant que la société Alix reproduisait sur son catalogue et sur son site internet de façon quasi servile les designs de plusieurs de ses films adhésifs, la société Reflectiv a fait procéder le 8 mars 2018 à un procès-verbal de constat sur internet, puis l’a fait assigner le 31 juillet 2018 devant le tribunal de commerce de Paris sur le fondement de la concurrence déloyale par risque de confusion et parasitisme.
Par jugement rendu le 21 décembre 2021 dont appel, le tribunal de commerce de Paris a:
– dit que la SARL ALIX s’est rendue coupable d’acte de concurrence déloyale par risque de confusion entre les produits et les entreprises, et par parasitisme,
– condamné la SARL ALIX à payer à la SAS REFLECTIV la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et parasitisme, et préjudice moral, débouté pour le surplus,
– fait interdiction à la SARL ALIX de vendre ou d’offrir à la vente ses films BRUME, VENlD35-5, MIELA, TRON, DISCO, MISTRAL et CHIMERE, PABLO, ARBRE ainsi que tout film adhésif qui reproduirait des motifs similaires dans un délai d’un moins à compter de la signification du jugement, sans astreinte,
– débouté la SAS REFLECTIV de sa demande que soit ordonnée la destruction en présence d’un huissier des stocks des films BRUME, VENlD35-5, MIELA, TRON, DISCO, MISTRAL et CHIMERE, PABLO, ARBRE, et de sa demande de publication du jugement à intervenir dans cinq journaux ou revues et sur la page d’accueil du site Internet d’ALIX,
– condamné la SARL ALIX à payer à la SAS REFLECTIV la somme de 7 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, débouté pour le surplus,
– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision,
– condamné la SARL ALIX aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 139,14 € dont 22,76 € de TVA.
La société Alix a interjeté appel de ce jugement le 27 janvier 2022.
Dans ses dernières conclusions récapitulatives numérotées 5, notifiées le 8 janvier 2024, la société Alix, appelante, demande à la cour de:
Vu l’article 1240 du Code civil
– infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de paris en date du 21 décembre 2021 en ce qu’il a :
dit que la SARL Alix s’est rendue coupable d’acte de concurrence déloyale par risque de confusion entre les produits et les entreprises, et par parasitisme,
condamné la SARL Alix à payer à la SAS Reflectiv la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et parasitisme, et préjudice moral,
fait interdiction à la SARL Alix de vendre ou d’offrir à la vente ses films BRUME, VENID35-5, MIELA, TRON, DISCO, MISTRAL ET CHIMERE, PABLO, ARBRE ainsi que tout film adhésif qui reproduirait des motifs similaires dans un délai d’un mois à compter de la signification du jugement, sans astreinte,
débouté la SARL Alix en sa demande de condamnation de la société Reflectiv à la somme de 10.000 € de dommages et intérêts pour préjudice moral,
condamné la SARL Alix à payer à la SAS Reflectiv la somme de 7 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné la SARL Alix aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 139,14 € dont 22,76 € de tva,
Et statuant à nouveau
– rejeter la société Reflectiv en toutes ses demandes dont incidentes et en tout état de cause celle relative au modèle savane de la SARL Alix;
– condamner la société Reflectiv à la somme de 10.000 € de dommages et intérêts pour préjudice moral.
En conséquence
– condamner la société Reflectiv à restituer à la société Alix les sommes versées sur les suites du jugement critiqué,
– condamner la société Reflectiv aux dépens dont distraction au profit de maître François Teytaud dans les conditions de l’ article 699 du CPC et à la somme de 10000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions récapitulatives numérotées 4, notifiées le 24 janvier 2024, la société Reflectiv, intimée et appelante incidente, demande à la cour de:
Vu l’article 909 du Code de Procédure Civile
Vu les articles 1240 et 1241 du Code Civil
– déclarer la société ALIX SARL tant irrecevable que mal fondée en son appel
– recevoir la société REFLECTIV en son appel incident.
Y faisant droit :
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
limité la fixation de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et parasitisme et préjudice moral à la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts,
débouté pour le surplus.
n’a pas fixé d’astreinte sur la mesure d’interdiction à la SARL Alix de vendre ou d’offrir à la vente ses films BRUME, VENID35-5, MIELA, TRON, DISCO, MISTRAL ET CHIMERE, PABLO, ARBRE ainsi que tout film adhésif qui reproduirait des motifs similaires dans un délai d’un mois à compter de la signification du jugement
débouté la SAS Reflectiv de sa demande que soit ordonnée la destruction en présence d’un huissier des stocks des films BRUME, VENID35-5, MIELA, TRON, DISCO, MISTRAL ET CHIMERE, PABLO, ARBRE
débouté la SAS Reflectiv de sa demande de publication du jugement à intervenir dans cinq journaux ou revues et sur la page d’accueil du site internet d’Alix ;
Et statuant à nouveau :
– prononcer la nullité du procès-verbal de constat en date du 13 octobre 2022 diligenté à l’étude maître [F] [G] commissaire de justice associé de la SAS Bocchio et associes demeurant [Adresse 1] et écarter des débats les pièces et documents obtenus à cette occasion,
– dire qu’en fabricant, faisant fabriquer, en important, en détenant, en offrant à la vente, et en commercialisant des films adhésifs sous les références BRUME, VENID35-5, MIELA, TRON, MISTRAL ET CHIMERE, PABLO, ARBRE ET DISCO, qui reproduisent les designs et motifs commercialisés par la société Reflectiv sous les références INT 115, INT 230, INT 290, INT 300, INT 468, INT 510, INT 520, INT 530, la société SARL Alix s’est rendue coupable, à son égard, d’actes de concurrence déloyale au sens des articles 1240 et 1241 du code civil.
– dire qu’en fabricant, faisant fabriquer, en important, en détenant, en offrant à la vente, et en commercialisant des films adhésifs sous les références BRUME, VENID35-5, MIELA, TRON, MISTRAL ET CHIMERE, PABLO, ARBRE ET DISCO, qui reproduisent les designs et motifs commercialisés par la société Reflectiv sous les références INT 115, INT 230, INT 290, INT 300, INT 468, INT 510, INT 520, INT 530, la société SARL Alix s’est rendue coupable, à son égard, d’actes de parasitisme au sens des articles 1240 et 1241 du code civil.
En conséquence,
– faire injonction à la société SARL Alix de communiquer de façon complète et exhaustive, tous les éléments comptables afférents à l’importation, la fabrication, la distribution et la commercialisation des films référencés BRUME, VENID35-5, MIELA, TRON, MISTRAL et CHIMERE, PABLO, ARBRE et DISCO, les chiffres d’affaires et les marges correspondants et tous les éléments utiles sur les fournisseurs de la société Alix, sous astreinte de 500 € par jour de retard et ce à compter du huitième jour suivant la signification de l’arrêt à intervenir et ce afin d’évaluer son entier préjudice causé sur le territoire français en boutique et sur internet, si cela n’a pas pu être obtenu en cours de procédure.
– condamner la société SARL Alix à payer à la société Reflectiv les sommes se décomposant comme suit :
de 209 280 € à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices qu’elle a subi du fait des actes de concurrence déloyale commis à son encontre ;
de 45 526 € à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices qu’elle a subi du fait des actes de parasitisme commis à son encontre.
– faire interdiction à la société SARL Alix de fabriquer, faire fabriquer, d’importer, d’offrir à la vente, commercialiser directement ou indirectement, les films référencés BRUME, VENID35-5, MIELA, TRON, MISTRAL et CHIMERE, PABLO, ARBRE et DISCO ainsi que tout adhésif qui reproduirait des motifs similaires aux films adhésifs diffusés par la société Reflectiv et ce sous astreinte de 1 000 € par infraction constatée à compter de la signification de l’arrêt à intervenir.
– ordonner la cessation immédiate de l’importation, la fabrication, de l’offre en vente et de la commercialisation des films référencés BRUME, VENID35-5, MIELA, TRON, MISTRAL et CHIMERE, PABLO, ARBRE et DISCO ainsi que ainsi que tout adhésif qui reproduirait des motifs similaires aux films adhésifs diffusés par la société Reflectiv et le retrait du marché auprès des distributeurs de l’ensemble des marchandises litigieuses et ce sous astreinte de 1 000 € par infraction constatée à compter de la signification de l’arrêt à intervenir.
– ordonner la destruction en présence d’un Huissier de Justice et aux frais de la société SARL Alix, des films référencés BRUME, VENID35-5, MIELA, TRON, MISTRAL et CHIMERE, PABLO, ARBRE et DISCO ainsi que ainsi que tout adhésif qui reproduirait des motifs similaires aux films adhésifs diffusés par la société Reflectiv, détenus par la société SARL Alix et ce sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir ainsi que tous prospectus, catalogues, documents professionnels concernant les films référencés BRUME, VENID35-5, MIELA, TRON, MISTRAL et CHIMERE, PABLO, ARBRE et DISCO.
– ordonner au besoin à titre de complément de dommages et intérêts, la publication de l’arrêt à intervenir, par extrait ou dans son intégralité :
dans cinq journaux ou revues au choix de la société Reflectiv et aux frais de la société SARL Alix, à raison de 5 000 € H.T. par insertion,
ainsi que sur la page d’accueil du site internet www.mgdeco.fr et ce pendant une durée de 2 mois à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, et ce sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à s’exécuter et/ou par infraction constatée.
Pour le surplus :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
« dit que la SARL Alix s’est rendue coupable d’acte de concurrence déloyale par risque de confusion entre les produits et les entreprises et par parasitisme,
condamné la SARL Alix à payer à la SAS Reflectiv de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et parasitisme et préjudice moral, déboute pour le surplus.
fait interdiction à la SARL Alix de vendre ou d’offrir à la vente ses films BRUME, VENID35-5, MIELA, TRON, DISCO, MISTRAL et CHIMERE, PABLO, ARBRE ainsi que tout film adhésif qui reproduirait des motifs similaires dans un délai d’un mois à compter de la signification du jugement
condamné la SARL Alix à payer à la SAS Reflectiv la somme de 7 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, déboute pour le surplus.
ordonné l’exécution provisoire de la présente décision.
condamné la SARL Alix aux dépens de l’instance, dont ceux recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 139,14 € dont 22,76 € de TVA. »
En tout état de cause :
– condamner la société SARL Alix à payer à la société Reflectiv la somme de 25 000 €, sauf à parfaire, en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
– condamner la société SARL Alix en tous les dépens de l’instance conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile, qui seront recouvrés par maître Nadia Bouzidi-Fabre, Avocat au barreau de Paris.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.
Sur la nullité du procès-verbal de constat du 13 octobre 2022
La société Reflectiv demande à la cour de prononcer la nullité du procès-verbal de constat établi le 13 octobre 2022, faute pour le commissaire de justice d’avoir notamment procédé au prérequis technique en matière de constat sur internet et de ne pas avoir annexé certaines des pièces mentionnées dans le procès-verbal.
Cependant, la cour retient que si le procès-verbal ne contient effectivement pas les prérequis applicables en matière de constat sur internet, leur non-respect ne saurait entraîner la nullité des opérations de constat menées mais rendre ces constatations dénuées de force probante, sauf à ce qu’elles soient corroborées par d’autres pièces.
Il convient en conséquence de rejeter la demande de la société Reflectiv tendant à voir prononcer la nullité du procès-verbal de constat établi le 13 octobre 2022.
Sur les actes de concurrence déloyale
La société Alix conteste les faits de concurrence déloyale et parasitaire qui lui sont imputés. Elle rappelle qu’en droit, un ancien salarié peut légalement constituer une entreprise concurrente de celle de son ancienne entreprise et peut également démarcher la clientèle d’un concurrent, sauf à utiliser des moyens déloyaux et que le risque de confusion, critère pour apprécier le caractère de copie servile ou d’imitation d’un produit, doit être écarté en présence de professionnels, ces derniers étant tenus à une obligation de vigilance et d’attention particulière.
Elle soutient d’abord qu’elle possède des antériorités sur de nombreux modèles, dont certains sont des versions antérieures des modèles litigieux, lesdits modèles litigieux étant donc des évolutions ou ressortant de modèles couramment employés par les professionnels et, procédant à une comparaison des produits en cause, estime qu’ils sont visuellement différents et que par conséquent, aucun risque de confusion dans l’esprit de la clientèle ne peut être caractérisé. Elle précise que les bons de commandes émanant de deux sociétés sur lesquels s’appuie son adversaire pour caractériser un risque de confusion ne portent pas sur les films litigieux. Elle conteste également l’effet de gamme dénoncé par son adversaire, rappelant développer par ailleurs une centaine de motifs avec 400 déclinaisons, ainsi que tout acte fautif lié à leurs relations antérieures ou au fait que son dirigeant est un ancien salarié de la société Reflectiv. Elle ajoute que leurs réseaux de distribution sont différents et qu’elles ne se positionnent pas sur le même marché, elle-même ne commercialisant ses produits qu’aux professionnels et que l’ensemble de sa communication commerciale, son logo ou l’apposition de sa marque ne laissent aucun doute sur l’origine des produits vendus.
La société Reflectiv expose apporter la preuve de la commercialisation antérieure, sous son nom, des 8 modèles de films adhésifs qu’elle invoque, présentant selon elle chacun, une « individualité propre » avec des éléments esthétiques différents se distinguant des autres modèles présents sur le marché, estimant que la société Alix ne rapporte la preuve d’aucune antériorité. Elle dénonce la reproduction de manière quasi-servile de ses 8 modèles de films adhésifs, générant un risque de confusion renforcé par l’effet de gamme de motifs repris sans nécessités techniques, alors que la société Alix connaissait ses produits pour avoir été en relation avec elle. Elle estime qu’en tant que professionnelles travaillant dans le même domaine, elles commercialisent leurs produits sur les mêmes réseaux de distribution et chez les mêmes clients dont certains étaient ceux démarchés par M. [B] quand il était encore son salarié. Elle précise verser des bons de commande attestant de la confusion ayant existé chez deux clients.
Elle soutient enfin que le comportement fautif de la société Alix entraine un risque de confusion entre les produits des deux sociétés, l’apposition de la marque de son concurrent sur les produits en cause étant indifférente selon elle, les clients s’attachant aux motifs des modèles avant tout, et que cela a pour conséquence le détournement de sa clientèle.
Sur ce, la cour rappelle que sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale, sur le fondement de l’article 1240 du code civil, les comportements fautifs car contraires aux usages dans la vie des affaires, notamment ceux visant à créer un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit.
Cette notion doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu’un produit qui ne fait pas ou ne fait plus l’objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d`un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit.
L’appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment, le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté d’usage, l’originalité, la notoriété du produit copié.
Le seul fait de commercialiser des produits identiques ou similaires à ceux distribués par un concurrent qui ne font pas l’objet de droits de propriété intellectuelle relève de la liberté du commerce et n’est pas fautif, dès lors que cela n’est pas accompagné de man’uvres déloyales constitutives d’une faute telle que la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce.
La société Reflectiv met en avant 8 de ses modèles soit les références INT 115, INT 230, INT 290, INT 300, INT 468, INT 510, INT 520, INT 530 et estime que la commercialisation des modèles BRUME, VENlD35-5, MIELA, TRON, DISCO, MISTRAL et CHIMERE, PABLO, ARBRE par la société Alix est constitutive de concurrence déloyale par risque de confusion.
Il convient en conséquence d’apprécier pour chacun des modèles en cause l’antériorité de leur commercialisation par la société Reflectiv, contestée en défense, leur spécificité puis leur éventuelle copie par la société Alix.
Modèle INT 115 / BRUME
Les deux modèles représentent une accumulation de petits points ou taches permettant l’occultation de la vue en partie basse et dont la densité va décroissant de bas en haut.
La société Reflectiv justifie d’une première commercialisation de son modèle le 15 octobre 2015 qui figure sur ses catalogues de 2016 et 2017.
La société Alix ne démontre pas qu’elle aurait commercialisé antérieurement ce même modèle, les pièces versées attestant de la commercialisation d’un modèle NUAGE qui, même s’il est proche du modèle BRUME, en cause n’est pas identique.
Cependant, la cour considère, d’une part, qu’il n’est pas justifié, au vu des pièces versées que le modèle BRUME est strictement identique au modèle INT 115, les extraits de catalogue ou des sites internet reproduisant les films en cause n’étant pas suffisamment nets et, d’autre part, que ce type de motif de « dépoli progressif » constitué de petites taches réparties sur une densité décroissante de bas en haut est particulièrement banal, et couramment exploité par les graphistes.
Modèle INT 230 / VENI D35-5
Ces deux modèles sont constitués d’une série de bandes horizontales dépolies basée sur l’alternance répétée d’une ligne épaisse blanche, d’une ligne transparente, d’une ligne fine et à nouveau d’une ligne transparente.
La société Reflectiv justifie d’une commercialisation de son modèle depuis 2009 et la société Alix depuis 2011.
La comparaison des modèles permet de retenir l’existence d’un motif proche constitué de lignes alternant l’opaque et le transparent. Cependant, outre que la succession de ce type de lignes est particulièrement banale, procurant un effet visuel à la manière d’un store, les pièces versées aux débats permettent de constater que les tailles des lignes et leur espacement ne sont pas identiques de sorte que les modèles ne produisent pas une impression similaire.
Modèle INT 290 / MIELA
Ces deux modèles sont constitués de lignes verticales ponctuées de gouttes glissantes de différentes tailles.
La société Reflectiv justifie d’une première commercialisation le 22 mars 2013.
La cour retient que le modèle MIELA de la société Alix, s’il n’est pas absolument identique au modèle INT 290 commercialisé sous le nom « gouttes de miel », procure une impression d’ensemble très similaire, s’agissant de la même représentation de trois formes de gouttes avec un effet glissant. Et il n’est nullement démontré que ce modèle serait banal ou aurait déjà été commercialisé dans le passé.
Modèle INT 300 / TRON
Ces deux modèles sont constitués de lignes verticales de deux épaisseurs différentes dont le dessin n’est cependant pas rectiligne mais accompagné de déviations avant de revenir sur la même trajectoire, les différentes lignes ne se croisant cependant jamais.
La société Reflectiv justifie d’une commercialisation antérieure de ce modèle le 12 février 2016.
La cour retient que, même si les deux modèles ne sont pas absolument identiques, au regard de l’épaisseur des lignes ou de leur fréquence, l’impression d’ensemble est assez proche, la banalité du modèle n’étant nullement démontrée.
Modèle INT 468/ DISCO
Ces deux modèles sont constitués de l’apposition, sur un fond dépoli, d’une succession de carrés pleins ou transparents aux angles arrondis de différentes tailles s’entremêlant les uns aux autres.
La société Reflectiv justifie d’une commercialisation antérieure de ce modèle le 2 décembre 2010.
La cour retient que, même si ces modèles ne sont pas absolument identiques, ils présentent une impression d’ensemble très proche avec la même reproduction de trois carrés aux angles arrondis, dans une même alternance poli/dépoli. Si ce motif peut faire référence à des papiers peints utilisé dans les années 70-80, sa reprise telle que revendiquée par la société Reflectiv sur ce type de revêtement ne peut être qualifiée de banale.
Modèle INT 510 / MISTRAL et CHIMERE
Les modèles représentent des lignes ondulantes de différentes tailles apposées sur un fond transparent.
La société Reflectiv justifie d’une commercialisation antérieure de son modèle le 8 mars 2011 alors que le modèle FIL commercialisé en 2010 par la société Alix diffère notablement des deux produits en cause.
Cependant, la cour considère que ni le modèle MISTRAL, plus épuré avec beaucoup moins de lignes ondulantes, ni le modèle CHIMERE présentant des lignes aux ondulations plus marquées, sinueuses, presque arrondies, ne sont identiques ou produisent la même impression visuelle que le film INT 510 de la société Reflectiv.
Modèle INT 520/ PABLO
Ces deux modèles représentent une succession de formes géométriques (triangles, parallélogrammes…) à angles pointus, imbriquées entre elle, à la manière du verre brisé.
La société Reflectiv démontre une première commercialisation de son produit le 6 février 2012.
La cour considère, après avoir procédé à une comparaison des deux modèles, qu’ils présentent une impression d’ensemble très proche, le modèle PABLO reprenant la même séquence de formes géométriques, sans qu’il soit établi que ce modèle serait banal dans sa conception.
Modèle INT 530 / ARBRE
Ces deux modèles reproduisent une succession de silhouettes d’arbres et de branches.
La société Reflectiv justifie d’une première commercialisation de son modèle le 31 janvier 2012.
Néanmoins, la comparaison des deux modèles permet de percevoir, immédiatement, de nettes différences, le produit INT 530 étant constitué de troncs fins et de branches entremêlées alors que le produit ARBRE est constitué de la représentation plus habituelle d’arbres avec un tronc plus massif puis de branches avec des oiseaux, de sorte qu’il ne peut exister aucune confusion entre ces modèles.
Au total, la cour retient en conséquence que 4 modèles de la société Alix, soit les films MIELA, TRON, DISCO et PABLO, produisent une impression d’ensemble très proche de ceux proposés antérieurement à la vente par la société Reflectiv.
Cependant, il n’est pas contesté par la société Reflectiv qu’elle propose à la vente 230 références de films adhésifs pour vitrage, dont 96 motifs décoratifs différents, de sorte que la cour considère que la seule reprise de 4 modèles qui, sans être banals, ne font pas l’objet de droits de propriété intellectuelle, ne peut être qualifiée de fautive, aucun effet de gamme ne pouvant être allégué, et ce d’autant que ces produits sont commercialisés auprès de professionnels ou de grossistes, grandes surfaces, ayant un degré d’attention plus élevé, et non directement auprès des consommateurs.
Il n’est pas davantage démontré que ces produits représenteraient une part notable dans les chiffres de vente de la société Reflectiv ou constitueraient ses produits phare.
Par ailleurs, si le créateur de la société Alix a été salarié au sein de la société Reflectiv de 2002 à 2009, il n’est nullement démontré qu’il aurait détourné des informations commerciales de son ancien employeur ou aurait eu un comportement déloyal, et ce d’autant que les faits en cause constatés en 2018, sont bien postérieurs à son départ en 2009 et à la création de la société ALIX en 2010.
De même, si la société Alix a pu s’approvisionner auprès de la société Reflectiv en 2009 et 2010 pour les produits INT 230 et INT 530, il a été retenu que les produits qu’elle proposait sous les références VENID 35-5 et ARBRE ne pouvaient être considérés comme des copies quasi-serviles de ses modèles.
En outre, si la société Reflectiv démontre avoir reçu des commandes qui lui ont été adressées par erreur par des clients de la société Alix, ces commandes ne portaient nullement sur les modèles de films en cause dans la présente instance et n’attestent donc nullement d’un risque de confusion, trouvant à s’expliquer par le fait que ces deux sociétés, ‘uvrant de manière concurrente sur le même marché restreint des films adhésifs pour vitrage, ont nécessairement des clients communs.
Par ailleurs, le tableau de comparaison figurant dans les conclusions de la société Reflectiv présentant les clients communs aux deux sociétés et les commandes passées sur les modèles de films en cause illustre l’existence de commandes d’abord réalisées auprès de la société Alix puis ensuite auprès de la société Reflectiv, ce qui ne permet nullement de caractériser le risque de confusion ni le détournement allégué et, ce, d’autant que les chiffres d’affaires de la société Reflectiv concernant les quatre modèles en cause n’ont pas notablement évolué entre 2018 (année où les faits ont été constatés) et 2019, les ventes de trois des produits augmentant et diminuant pour un seul des produits, mais de manière non significative en 2020, année ne pouvant, au demeurant, être retenue comme une année pertinente eu égard à la crise sanitaire et au confinement institué. Ainsi, la société Reflectiv ne démontre nullement que la société Alix aurait détourné ses clients de manière déloyale.
Enfin, il doit être relevé que l’ensemble des produits en cause est présenté par chacune de ces sociétés à la vente, soit sur internet, soit sur des catalogues, sous leur propre marque et dans des présentations nettement différentes. Ainsi, à titre d’exemple, dans les catalogues de la société Alix, chaque film est présenté sur la même page de catalogue dans différentes déclinaisons possibles, alors que sur le catalogue de la société Reflectiv, il n’est présenté qu’en un seul exemplaire en pleine page, le détail des réalisations possibles faisant l’objet de précisions ultérieures selon les types de finition.
La société Reflectiv ne démontre donc pas que la société Alix aurait commis à son encontre des actes de concurrence déloyale ayant généré un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine des produits.
En conséquence, il convient de débouter la société Reflectiv de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale et d’infirmer le jugement de ce chef.
Sur le parasitisme
La société Alix conteste les faits de parasitisme qui lui sont imputés, soulignant qu’elle justifie de dépenses afin de promouvoir ses propres produits ainsi que de l’emploi de graphistes et précisant n’avoir jamais cherché à détourner la clientèle de la société Reflectiv, ayant consacré un budget de communication de plus de 10% de son chiffre d’affaires afin de s’implanter sur le marché.
La société Reflectiv dénonce la reprise par copie quasi-servile injustifiée des motifs de ses films adhésifs par la société Alix, produits ayant une valeur économique selon elle au regard des investissements importants consentis pour leur développement et leur promotion, soulignant avoir placé sa notoriété et son savoir-faire dans la qualité et la spécificité de ses films, étant une entreprise mono-produit. Elle estime apporter la preuve d’investissements et d’un travail individualisable sur ses films, rappelant produire 32.000 rouleaux par an avec 283 références dont 96 films décoratifs : elle décrit à ce titre des frais de conception, publication, développement et des frais de promotion, alors que son adversaire ne justifie d’aucun investissement pour la conception des designs de ses films adhésifs.
La cour rappelle que le parasitisme, fondé sur l’article 1240 du code civil, qui dispose que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre en profitant indûment de sa notoriété ou de ses investissements, indépendamment de tout risque de confusion. Il requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie intentionnellement une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements.
La notion de parasitisme doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce et de l’industrie qui implique qu’un produit qui ne fait pas l’objet d’un droit de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, en l’absence de faute résultant d’une captation parasitaire, notamment d’investissements, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce.
La charge de la preuve incombe au cas présent à l’intimée.
La cour constate que la société Reflectiv, société créée en 1981 et basée en France, justifie avoir engagé des investissements conséquents et continus pour créer, fabriquer et proposer à la vente ces différents films adhésifs pour vitrage, qui constituent son unique de marché, étant une entreprise mono-produit, et le fruit d’un savoir-faire désormais ancien, lui permettant de revendiquer sa place de distributeur leader de films polyester en Europe pour les grandes surfaces.
Ainsi, elle démontre que la réalisation de chaque film nécessite des frais de conception, de publication et de développement, puis de promotion, et avoir ainsi engagé tous films confondus des dépenses à hauteur de :
– 180.654,55€ en moyenne entre 2018 et 2019 en frais de conception graphique, publication de brochures ou plaquettes publicitaires et charte graphique,
– 147.702,22 € en 2017 pour les frais de graphistes,
– 3.360.000€ au titre des frais de développements pour l’ensemble des films,
– 311.895,12€ en frais de logistique et de manutention par an.
Elle justifie également de l’engagement d’importants frais de promotion, notamment au travers de sa présence dans des salons en France et à l’international, ou dans des émissions de télévision à hauteur de plus de 200.000€ en 2018 et 2019.
L’ensemble de ces éléments démontre ainsi l’existence d’une valeur économique individualisée, fruit à la fois d’un savoir-faire, d’un travail de conception mais aussi d’investissements humains et financiers conséquents, nonobstant le fait que ces dépenses concernent l’ensemble des films proposés à la vente, sauf pour la cour à prendre en compte ce point, le cas échéant, dans l’appréciation du préjudice.
Par ailleurs, la cour considère que la société Alix, en reprenant avec précision les éléments caractéristiques de quatre des modèles de films adhésifs de la société Reflectiv, sans aucune nécessité technique, a ainsi profité indument et intentionnellement, au regard de leurs relations d’affaires passées, non seulement des frais inhérents à la conception de ce genre de modèles mais, aussi, des investissements relatifs à leur promotion engagés par la société Reflectiv, société spécialisée et reconnue dans les films adhésifs, produits de haute technologie qui répondent à des normes strictes de qualité, de fiabilité et de durabilité, et a évité les risques inhérents au lancement d’un nouveau produit.
En outre, la société Reflectiv a subi un préjudice moral résultant de la banalisation de ses 4 films alors que cette société s’efforce de mettre en avant son savoir-faire et sa créativité.
Enfin, le fait que la société Alix justifie d’investissements pour la vente et la promotion de ses films ne saurait suffire à établir un comportement s’inscrivant dans le jeu de la libre concurrence, le parasitisme n’excluant pas, en soi, l’existence de dépenses effectuées par l’auteur des faits en cause, outre que la société Alix ne justifie nullement avoir engagé des frais pour la création du design de ses produits.
Il doit cependant être rappelé que les frais et investissements tels que détaillés ci-dessus sont globaux et portent sur la totalité des 283 films proposés à la vente par la société Reflectiv et que la société Alix a également engagé des frais pour la fabrication de ses films ainsi que des frais de logistique, de sorte que les investissements pertinents à considérer sont ceux relatifs à la conception et à la fabrication des films en cause, puis aux dépenses de publicité engagées par la société Reflectiv.
En outre, il convient de prendre en compte les volumes d’affaires respectifs des parties, le chiffre d’affaires global de la société Alix s’élevant à 585.916€ en 2017, contre 6.623.299€ pour la société Reflectiv, et le chiffre d’affaires réalisé sur les modèles incriminés, l’appelante précisant dans ses écritures avoir réalisé de 2017 à 2020, sur les huit modèles incriminés à l’origine, un chiffre d’affaires de moins de 40.000€, le tribunal de commerce ayant retenu un taux de marge de 35%, sans être utilement critiqué sur ce point.
En conséquence, et sans qu’il soit nécessaire de faire droit à la demande de communication de nouvelles pièces, la cour dispose de suffisamment d’éléments pour retenir que le préjudice subi par la société Reflectiv consécutivement aux actes parasitaires en cause, sera justement réparé par l’octroi d’une somme de 8.000€ à titre de dommages et intérêts.
Le jugement déféré soit en conséquence être confirmé en ce qu’il a retenu l’existence d’actes de parasitisme mais infirmé sur le quantum des dommages et intérêts alloués à la société Reflectiv.
Sur les autres demandes de la société Reflectiv
Sur la demande d’interdiction
La société Reflectiv demande que l’interdiction faite à la société Alix, de fabriquer, faire fabriquer, d’importer, d’offrir à la vente, commercialiser directement ou indirectement, les films litigieux, ainsi que tout adhésif qui reproduirait des motifs similaires aux films adhésifs diffusés par la société Reflectiv, soit assortie d’une astreinte de 1 000 € par infraction constatée à compter de la signification de l’arrêt à intervenir.
Au vu de faire cesser les agissements tels que constatés, c’est à juste titre que le tribunal a fait interdiction à la société Alix de commercialiser les modèles en cause sans astreinte, sauf pour la cour à limiter la mesure d’interdictions aux quatre modèles concernés.
Sur la mesure de destruction
La société Reflectiv demande à la cour d’ordonner la destruction aux frais de la société Alix, des films litigieux, ainsi que de tout adhésif qui reproduirait des motifs similaires aux films adhésifs qu’elle a diffusés, détenus par la société SARL ALIX et ce sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir ainsi que tous prospectus, catalogues, documents professionnels concernant les articles litigieux.
Il n’y a pas lieu d’ordonner la mesure de destruction sollicitée qui apparaît disproportionnée et alors qu’il n’est pas contesté que la société Alix a cessé la commercialisation des produits en cause, suite à la mesure d’interdiction prononcée par le tribunal de commerce.
Sur la mesure de publication
La société Reflectiv demande à la cour de faire droit à sa demande de mesure de publication judiciaire dans 5 journaux ou revues et sur la page d’accueil du site internet d’Alix à titre de dommages et intérêts complémentaires afin de réparer le préjudice commercial ou d’image qui a pu lui être porté à l’égard du public.
La cour considère que le préjudice subi par la société Reflectiv est suffisamment réparé par l’octroi de dommages et intérêts sans qu’il soit nécessaire de faire droit à la mesure de publication nullement justifiée, notamment eu égard à l’ancienneté des faits en cause.
Sur la demande reconventionnelle de la société Alix
La société Alix soutient qu’elle a subi un préjudice moral du fait des accusations de pratiques déloyales portées à son encontre.
Le sens de la présente décision commande de débouter la société Alix de ses demandes en dommages et intérêts, la société Reflectiv prospérant sur une partie de ses demandes.
Sur les autres demandes
La société Alix, succombant, sera condamnée aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés par Maître Nadia BOUZIDI-FABRE, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.
Enfin, l’équité et la situation des parties commandent de dire n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a :
– dit que la SARL ALIX s’est rendue coupable d’actes de parasitisme,
– fait interdiction à la SARL ALIX de vendre ou d’offrir à la vente ses films MIELA, TRON, DISCO et PABLO ainsi que tout film adhésif qui reproduirait des motifs similaires dans un délai d’un moins à compter de la signification du jugement, sans astreinte,
– débouté la SAS REFLECTIV de sa demande que soit ordonnée la destruction en présence d’un huissier des stocks des films BRUME, VENlD35-5, MIELA, TRON, DISCO, MISTRAL et CHIMERE, PABLO, ARBRE, et de sa demande de publication du jugement à intervenir dans cinq journaux ou revues et sur la page d’accueil du site internet d’ALIX,
– condamné la SARL ALIX à payer à la SAS REFLECTIV la somme de 7 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, débouté pour le surplus,
– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision,
– condamné la SARL ALIX aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 139,14 € dont 22,76 € de TVA,
L’infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute la société Reflectiv de sa demande de nullité du procès-verbal de constat du 13 octobre 2022 ,
Déboute la société Reflectiv de ses demandes au titre de la concurrence déloyale,
Déboute la société Reflectiv de sa demande de communication de pièces,
Condamne la société Alix à verser à la société Reflectiv une somme de 8.000€ en réparation du préjudice subi pour les actes de concurrence parasitaire,
Déboute la société Alix de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts,
Condamne la société Alix aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés par Maître Nadia BOUZIDI-FABRE, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
Dit n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE