L’article R 714-3 du code de la propriété intellectuelle (« L’enregistrement d’une marque est déclaré nul par décision de justice ou par décision du directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle, si la marque ne répond pas aux conditions énoncées aux articles L. 711-2, L. 711-3, L. 715-4 et L. 715-9 ») n’est pas incompatible avec le caractère exécutoire du transfert d’une marque entre deux personnes physiques ou morales.
L’arrêt de l’exécution provisoire (524 du code de procédure civile) suppose soit que l’exécution provisoire soit interdite par la loi, soit qu’elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives, étant rappelé que celles-ci doivent être appréciées au regard des facultés de paiement du débiteur ou des facultés de remboursement du créancier, ces deux critères étant alternatifs. Les moyens relatifs à l’existence de motifs sérieux de réformation ou d’annulation et à l’absence de débat relatif à l’exécution provisoire devant le premier juge ne sont donc pas pertinents compte tenu des textes applicables.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Bordeaux
Chambre des référés
22 avril 2021
N° RG 21/00017 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-L46Z
X Y
c/
S.A.S. SOCIETE Y, S.A.S. SOCIETE Y GROUPE
DU 22 AVRIL 2021
Rendu par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Le 22 AVRIL 2021
Véronique LEBRETON, Première Présidente de Chambre à la Cour d’Appel de BORDEAUX, désignée en l’empêchement légitime de la Première Présidente par ordonnance en date du 15 décembre 2020, assistée de Martine MASSÉ, Greffière,
dans l’affaire opposant :
Monsieur X Y
né le […] à TOULOUSE, de nationalité française, directeur technique, demeurant […]
absent, représenté par Me Bénédicte IMPERIAL, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant et assisté de Me Valérie SEGUIER, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant
Demandeur en référé suivant assignation en date du 18 janvier 2021,
à :
S.A.S. SOCIETE Y, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité 2313, […]
S.A.S. SOCIETE Y GROUPE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité
[…]
absentes, représentées par Me Gérard DANGLADE, avocat au barreau de BORDEAUX,
avocat postulant et assistées de Me Elodie BAUDRAS substituant Me Stanley CLAISSE membre de la SELAS MORVILLIERS SENTENAC ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant
Défenderesses,
A rendu l’ordonnance contradictoire suivante après que la cause a été débattue en audience publique devant nous, assistée de Martine Massé, greffière, le 01 avril 2021 :
EXPOSÉ DU LITIGE
Selon un jugement en date du 2 décembre 2020, le tribunal judicaire de Bordeaux a, notamment, rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en revendication de la marque française semi-figurative numéro 3873822, dit que M. X Y a déposé le 14 novembre 2011, la marque française semi-graphique Y enregistrée en classe 1,6,7,9,12,16,19,22,39,40,42 et enregistrée sous le numéro 3873822 en fraude des droits de la SAS Société Y, déclaré la SAS Société Y fondée à réclamer la propriété de cette marque et ordonné son transfert au profit de cette dernière, avec inscription du présent jugement en marge du registre national des marques, dit que l’action en contrefaçon de droits d’auteur sur les logos Y et Y GROUP est prescrite, rejeté l’action fondée sur des actes de concurrence déloyale ou parasitaire au préjudice de la SAS Société Y et la SAS Société Y Groupe et rejeté toutes leurs demandes indemnitaires, rejeté la demande en dommages-intérêts formée par M. X Y pour procédure abusive, condamné ce dernier aux dépens et au paiement d’une somme de 3 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et ordonné l’exécution provisoire.
M. X Y interjeté appel partiel de cette décision selon une déclaration en date du 14 janvier 2021.
Par assignation en référé en date du 18 janvier 2021, M. X Y sollicite l’arrêt de l’exécution provisoire jusqu’à la date à laquelle il sera statué sur l’appel interjeté, et qu’il soit dit que les frais de référé seront joints aux dépens de la procédure d’appel.
Dans ses dernières conclusions remises le 15 mars 2021 et soutenues à l’audience, M. X Y maintient ses demandes à l’appui desquelles il soutient que l’exécution provisoire est contraire à la loi, en ce qu’elle porte transfert de propriété de la marque et que la transcription du transfert de la marque n’est possible que lorsque la décision judiciaire est définitive. Il ajoute subsidiairement qu’il existe des motifs sérieux de réformation ou d’annulation du jugement car la décision se base sur les informations erronées, l’appropriation de la marque Y n’étant pas empreinte de fraude, et que l’exécution de la décision aurait des conséquences manifestement excessives car un retour en arrière sera impossible en cas d’infirmation du jugement compte tenu de la situation des deux sociétés.
En réponse et aux termes de ses conclusions déposées le 29 mars 2021 et soutenues à l’audience, la SAS Société Y et la SAS Société Y Groupe demandent à la Première Présidente, à titre principal et subsidiaire, de déclarer irrecevable la demande de M. X Y visant à voir prononcer l’arrêt de l’exécution provisoire et de le débouter de toutes ses demandes, et en toutes hypothèses de mettre les dépens à la charge de M. X Y et de le condamner à leur payer la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, elles exposent que M. X Y n’a émis aucune contestation devant le premier juge à l’encontre de leur demande de voir ordonner l’exécution provisoire de la décision et qu’il ne démontre pas l’existence de moyens sérieux d’annulation ou de réformation ni l’existence de conséquences manifestement excessives entraînées par l’exécution de la décision. Elles ajoutent que les dispositions de l’article R 714-3 du code de la propriété intellectuelle ne font pas obstacle au transfert de la marque ni à sa publication au registre national des marques et que l’inscription du jugement n’est qu’une mesure accessoire à la mesure principale que constitue le transfert de la marque. Elles précisent que l’inscription du jugement en marge du registre national des marques n’est pas une mesure provisoire mais qu’elles n’entendent pas la solliciter.
L’affaire a été mise en délibéré au 22 avril 2021.
MOTIFS de la DECISION
L’article 524 du code de procédure civile, dans sa version applicable au présent litige, puisque l’acte introductif d’instance devant le premier juge en date du 7 novembre 2018 est antérieur au 1er janvier 2020, dispose que, lorsque l’exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d’appel, que par le premier président et dans les cas suivants :
1° Si elle est interdite par la loi ;
2° Si elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives ; dans ce dernier cas, le premier président peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 à 522.
Le même pouvoir appartient, en cas d’opposition, au juge qui a rendu la décision.
En l’espèce, il résulte de la nature du jugement le tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 18 décembre 2020 que l’exécution provisoire est ordonnée. Dès lors, son arrêt suppose soit que l’exécution provisoire soit interdite par la loi, soit qu’elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives, étant rappelé que celles-ci doivent être appréciées au regard des facultés de paiement du débiteur ou des facultés de remboursement du créancier, ces deux critères étant alternatifs. Les moyens relatifs à l’existence de motifs sérieux de réformation ou d’annulation et à l’absence de débat relatif à l’exécution provisoire devant le premier juge ne sont donc pas pertinents compte tenu des textes applicables.
En l’occurrence, M. X Y ne peut utilement soutenir que l’exécution provisoire est interdite par la loi en s’appuyant sur les dispositions de l’article R 714-3 du code de la propriété intellectuelle qui prévoient que les indications mentionnées au 1° de l’article R. 714-2, soit « l’identification du demandeur et les références du dépôt, ainsi que les actes ultérieurs en affectant l’existence ou la portée et, s’il s’agit d’une marque collective ou d’une marque de garantie, le règlement déterminant les conditions auxquelles est subordonné l’usage de la marque », sont inscrites à l’initiative de l’Institut national de la propriété industrielle ou, s’il s’agit d’une décision judiciaire, sur réquisition du greffier ou sur requête de l’une des parties et que seule les décisions judiciaires définitives peuvent être inscrites au Registre national des marques, puisque conformément aux dispositions de l’article L 714-7 du même code, l’inscription des transmissions ou modifications des droits attachés à une marque au Registre national des marques a pour vocation de les rendre opposables aux tiers, ce qui n’est pas incompatible avec le caractère exécutoire du transfert de la marque entre deux personnes physiques ou morales.
Son premier moyen est donc inopérant.
Par ailleurs, M. X Y ne démontre par aucune des pièces qu’il produit aux débats que le caractère effectif du transfert de la marque, susceptible d’intervenir entre lui et la SAS Société Y et la SAS Société Y Groupe, aura des conséquences manifestement excessives, en ce qu’elle deviendrait irréversible en cas de réformation du jugement. En effet les seules décisions de référé ordonnant le remboursement du compte courant de deux des associés de la SAS Société Y et la SAS Société Y Groupe, le nantissement du fonds de commerce au profit de M. X Y en garantie de ce remboursement et l’organisation d’une procédure de conciliation, intervenant par définition antérieurement à un état de cessation de paiement avéré, ne pouvant caractériser le risque invoqué.
Son second moyen est donc tout aussi inopérant.
Dans ces conditions, à défaut pour M. X Y de démontrer qu’une des deux conditions visées par les dispositions sus-visées est remplie, il doit être débouté de sa demande tendant à l’arrêt de l’exécution provisoire résultant du jugement rendu par le tribunal judicaire de Bordeaux le 2 décembre 2020.
Il apparaît conforme à l’équité de condamner M. X Y à payer à la SAS Société Y et la SAS Société Y Groupe la somme de 1000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Partie succombante dans la présente instance, au sens des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, il sera condamné aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La première présidente de la Cour d’appel de Bordeaux, statuant en audience publique, par ordonnance contradictoire et non susceptible de pourvoi,
Déboute M. X Y de sa demande tendant à l’arrêt de l’exécution provisoire résultant du jugement rendu par le tribunal judicaire de Bordeaux le 2 décembre 2020,
Condamne M. X Y à payer à la SAS Société Y et la SAS Société Y Groupe la somme de 1000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. X Y aux entiers dépens de la présente instance.
La présente ordonnance est signée par Véronique LEBRETON, Première Présidente de Chambre et par Martine MASSÉ, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière La présidente