Sur la prescription
L’AGS CGEA de [Localité 7] soutient la prescription des demandes de M. [N] au titre d’heures supplémentaires et de reprise d’ancienneté. Cependant, la cour constate que cette fin de non-recevoir n’a pas été reprise dans le dispositif des conclusions de l’Unédic délégation AGS CGEA, et donc n’est pas recevable devant la cour.
Sur les heures supplémentaires
M. [N] a fourni des éléments suffisamment précis pour étayer sa demande de rappel d’heures supplémentaires, tandis que l’organisme de garantie n’a pas produit de documents justifiant le suivi des heures de travail réellement effectuées. La cour a donc fait droit aux prétentions de M. [N] et a confirmé le jugement en ce sens.
Sur le transfert du contrat de travail de M. [N]
La cour a constaté qu’aucun transfert d’une entité économique autonome n’était établi entre les différentes sociétés concernées, et a fixé l’ancienneté de M. [N] au 3 mars 2016. Le jugement a été infirmé en ce sens.
Sur le transfert du contrat de travail de M. [N] à la société All Transport et Service
La cour a reconnu l’existence d’un transfert d’une entité économique autonome entre la société Adamy Transport et la société All Transport et Service, et a fait droit aux prétentions de M. [N] à ce titre.
Sur le licenciement pour motif économique
Le licenciement de M. [N] pour motif économique a été jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du transfert de l’entité économique autonome. La cour a confirmé le jugement en ce sens et a fixé les créances de M. [N] au passif de la procédure collective.
Sur la garantie de l’AGS-CGEA
La cour a rappelé les limites de la garantie de l’AGS CGEA et a précisé que le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire a fait cesser le cours des intérêts.
Sur les frais et dépens
Le jugement a été confirmé en ce qui concerne les dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens. L’Unédic délégation AGS CGEA a été condamnée aux dépens d’appel.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Arrêt n°23/00091
31 Janvier 2023
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N° RG 21/01939 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FRYI
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Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de METZ
06 Juillet 2021
F19/01010
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
Chambre Sociale-Section 1
ARRÊT DU
Trente et un janvier deux mille vingt trois
APPELANTE :
Association UNEDIC DELEGATION AGS (CGEA DE [Localité 7]) Représentée par sa Directrice Nationale, Madame [B] [S]
[Adresse 5]
Représentée par Me Adrien PERROT, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉS :
M. [C] [N]
[Adresse 1]
Représenté par Me Bernard PETIT, avocat au barreau de METZ
S.E.L.A.R.L. GANGLOFF ET NARDI ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS ADAMY TRANSPORT
[Adresse 6]
Non représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Octobre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre
Mme Anne FABERT, Conseillère
M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE, Greffier
ARRÊT :
Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile;
Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [C] [N] a été embauché en qualité de chauffeur livreur par la société ADC Express, représentée par son gérant M. [J], en exécution d’un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel pour une période courant du 1er mai 2009 au 30 juin 2009.
Il a continué à travailler au sein de l’entreprise, d’abord en exécution d’un second contrat temporaire à échéance au 30 septembre 2009 et à temps complet à compter du 1er juin 2009, puis à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2009.
M. [N] a été embauché par la société Avs Service représentée par M. [F] [Y] à compter du 1er juillet 2011, en qualité de chauffeur selon les mêmes conditions que précédemment, son lieu de travail étant le même qu’au sein de la société Adc Express ([Adresse 4]) dont le siège était le domicile du gérant, M. [J].
M. [N] a été embauché à temps plein par la société Adamy Transport représentée par M. [J] à compter du 3 mars 2016, en qualité de chauffeur selon les mêmes conditions que précédemment et le même lieu de travail [Adresse 4], M. [J] étant gérant de cette société.
M. [N] a saisi la formation de référé du conseil de prud’hommes de Metz le 5 mai 2017 de demandes à l’encontre de la Sas Adamy Transport au titre de congés payés manquants ainsi que des dommages-intérêts, et par ordonnance en date du 8 juin 2017 le conseil a constaté « que le contrat de travail de M. [N] s’est poursuivi avec la société Adamy Transport, et a ordonné à l’employeur de réintégrer « 22 jours de congés payés acquis par M. [N] dans le prochain bulletin de paie ».
M. [C] [N] a été convoqué à un entretien préalable à licenciement qui s’est tenu le 23 octobre 2019, lors duquel une proposition de contrat de sécurisation professionnelle (CSP) lui a été remise.
Par lettre du 28 octobre 2019, M. [N] a été licencié pour motif économique.
Par acte introductif d’instance en date du 9 décembre 2019 M. [C] [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Metz aux fins de :
– dire et juger que son licenciement privé est d’effet,
– constater que son ancienneté doit être fixée au 1er mai 2009,
– fixer sa créance aux sommes suivantes :
3 069,32 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 306,93 euros au titre des congés payés afférents,
2 296 euros au titre du complément d’indemnité de licenciement,
2 243,28 euros au titre des heures supplémentaires, outre 224,32 euros au titre des congés payés afférents,
151,65 euros au titre de la retenue injustifiée sur salaire, outre 15,16 euros au titre des congés payés afférents,
11 000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Au cours de la procédure prud’homale, la société Adamy Transport a été placée en liquidation judiciaire par jugement de la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Metz en date du 12 février 2020, et la Selarl Gangloff & Nardi a été nommée en qualité de mandataire liquidateur de ladite société.
Par jugement rendu le 6 juillet 2021, le conseil de prud’hommes de Metz a notamment :
– dit que la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– fixé la créance de M. [N] aux sommes suivantes :
3 069,32 € à titre d’indemnité de préavis, outre 306.93 € de congés payés sur préavis,
2 296 € à titre de complément d’indemnité de licenciement,
2 243,28 € de rappel sur heures supplémentaires outre 224,32 € de congés payés sur heures supplémentaires,
151,65 € de retenues injustifiées, outre 15,16 € de congés payés sur retenues injustifiées,
1000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
1000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la liquidation judiciaire de la société Adamy Transport aux dépens.
L’Unédic Délégation AGS CGEA de [Localité 7] a régulièrement interjeté appel le 29 juillet 2021 de cette décision en ce qu’elle a dit que la rupture du contrat de travail de M. [N] devait produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, fixé la créance de M. [N] à diverses sommes avec intérêts de droit au taux légal, déclaré le jugement opposable à l’Unedic AGS CGEA de [Localité 7], et débouté l’Unedic AGS CGEA de [Localité 7] de ses demandes reconventionnelles.
Dans des conclusions datées du 16 septembre 2021, l’Unédic délégation AGS (CGEA de [Localité 7]) demande à la cour de statuer comme suit :
» Infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a
– dit que la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– jugé que l’ancienneté de M. [N] remontait au 15 mai 2009,
– fixé la créance de M. [N] aux sommes suivantes :
Indemnité de préavis 3 069,32 €
Congés payés sur préavis 306,93 €
Complément d’indemnité de licenciement 2 296 €
Rappel sur heures supplémentaires 2 243,28 €
Congés payés sur heures supplémentaires 224,32 €
Dommages et intérêts 11 000 €
Article 700 du code de procédure civile 1 000 €
– débouté l’Unedic AGS CGEA de [Localité 7] de ses demandes reconventionnelles.
Statuant à nouveau,
Débouter M. [N] de ses demandes.
Dire et juger que les sommes dues en application de l’article 700 du code de procédure civile ne sont pas garanties par l’AGS.
Dire et juger que l’AGS ne pourra être tenue que dans les limites de sa garantie fixées aux articles L. 3253-6 et suivants du Code du Travail.
Dire et juger que l’AGS ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L.3253-6 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et suivants du code du travail.
Dire et juger que l’obligation du CGEA de faire l’avance des créances garanties ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé établi par le mandataire judicaire et justification par ce dernier de l’absence de fonds disponibles entre ses mains.
Dire et juger qu’en application de l’article L. 622-28 du code de commerce, les intérêts cessent de courir à compter du jour de l’ouverture de la procédure collective.
Dire ce que de droit quant aux dépens sans qu’ils puissent être mis à la charge de l’AGS ».
Sur la rupture du contrat de travail, l’AGS observe que M. [N] n’a pas contesté que la société Adamy Transport a cessé son activité fin 2019, et note que le licenciement de M. [N] repose donc a priori sur une cause réelle et sérieuse.
Sur la fraude commise par le gérant de la société Adamy Transport, qui est alléguée par M. [N] pour remettre en cause le bien-fondé de la rupture de son contrat de travail au regard de ce que son contrat aurait dû être transféré à ladite société par l’effet des dispositions de l’article L.1224-1 du code du Travail, l’AGS observe que M. [J] avait créé une nouvelle société dénommée All Transport Et Service qui ne partage pas le même siège social que la Sas Adamy Transport, qui a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Metz le 3 juillet 2018 soit plus d’un an avant le licenciement de M. [N], et qui a régulièrement déposé ses comptes annuels pour l’exercice clos le 31 décembre 2019.
L’AGS se prévaut de ce que la société All Transport Et Service avait une activité réelle plus d’un an avant la rupture du contrat de M. [N], ce qui n’est pas en faveur de la théorie de M. [N] selon laquelle la société All Transport Et Service aurait été créée dans le but de reprendre l’activité de la société Adamy Transport.
L’AGS retient qu’aucun élément du dossier ne permet d’affirmer que la société All Transport Et Service aurait repris des éléments corporels ou incorporels de la société Adamy Transport (matériel, fichier client, salariés etc.), qu’il n’est donc pas démontré que le contrat de travail de M. [N] aurait dû être transféré à cette société, ni que le licenciement de ce dernier procède d’une fraude de M. [J].
Sur les embauches successives de M. [N], l’AGS observe que la société AVS Transport Et Service qui a embauché le salarié le 1er juillet 2011, n’était pas dirigée par M. [J], que son siège social était situé [Adresse 2], et que cette seule succession d’embauches (3 en 7 ans) ne saurait caractériser une intention frauduleuse concertée de M. [J] et M. [Y].
Sur l’ancienneté de M. [N], qui prétend qu’il aurait « subi de nombreux transferts de contrat de travail au profit de sociétés qui succédaient aux entreprises précédentes » et qui revendique l’application des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail en prétendant à une ancienneté remontant au 1er mai 2009, l’AGS oppose deux moyens :
– le premier tiré de la prescription de la demande de M. [N] :
L’AGS rappelle que le délai de prescription en matière d’exécution du contrat de travail est de deux ans et débute à compter du jour où le demandeur a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant d’exercer son droit ; or M. [N] savait parfaitement, au moment de son embauche par la SAS Adamy Transport, qu’aucune reprise d’ancienneté n’était prévue et il a d’ailleurs saisi la formation de référé du conseil de prud’hommes pour obtenir la reprise de jours de congés payés mais pas de son ancienneté.
L’organisme de garantie observe que la motivation de l’ordonnance de référé – qui a été rendue alors que la société employeur n’était ni comparante, ni représentée à l’audience – ne permet pas de comprendre ce qui a poussé le conseil à considérer qu’il y aurait éventuellement eu transfert de contrat de travail.
– subsidiairement, l’AGS soutient que rien ne permet d’affirmer que le contrat de travail de M. [N] aurait dû être transféré.
L’AGS évoque le premier transfert de contrat revendiqué par M. [N] entre la société Adc Express et Avs Service en 2011, et souligne que ces sociétés ont été gérées par deux personnes différentes, et que leurs sièges sociaux n’étaient pas identiques.
S’agissant du second transfert entre la société Avs Service et Adamy Transport en 2016, l’AGS rappelle que la reprise d’ancienneté sollicitée par M. [N] exige que soit rapportée la preuve d’une fraude concertée entre les sociétés Adc Express, Avs Service, Adamy Transport et All Transport Et Service et leurs dirigeants Messieurs [J] et [Y].
Sur les rappels de salaire sollicités, en ce qui concerne les heures supplémentaires, l’AGS indique que M. [N] se prévalait en premier ressort de quelques tableaux de pointage, et déclinait des heures effectuées en se produisant des tableaux concernant les mois de novembre 2016, décembre 2016, janvier 2017, mai 2017, et juin 2016, et qui ne sont ni signés par l’employeur ni référencés comme des documents de la société Adamy Transport.
A l’appui de son appel l’AGS observe d’une part que la demande au titre du mois de juin 2016 est nécessairement prescrite, dans la mesure où le contrat de M. [N] a été rompu en novembre 2019 et que ce dernier a saisi le conseil de prud’hommes en décembre 2019, et de seconde part que M. [N] ne fait référence qu’à une retenue de 15 heures sur son bulletin de paie de juin 2019 dans son courrier intitulé »heures manquantes ».
En réponse aux arguments de M. [N], qui soutient une prescription à compter du référé, l’AGS observe que le salarié n’a jamais formé de demande de rappel d’heures supplémentaires devant la formation de référé, et que cette procédure n’a donc pas interrompu la prescription triennale concernant le paiement d’heures supplémentaires du mois de juin 2016.
Dans ses conclusions datées du 16 décembre 2021, M. [C] [N] demande à la cour de statuer comme suit :
»Dire et juger l’appel mal fondé.
En débouter l’Unédic Délégation AGS.
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Condamner l’Unédic Délégation AGS à payer M. [N] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du CPC.
La condamner aux entiers frais et dépens ».
Sur la rupture du contrat de travail, M. [N] soutient que depuis 2009 il a travaillé pour le compte de diverses sociétés gérées par M. [J], qui transférait systématiquement son contrat de travail en raison de la situation obérée de ses entreprises à des sociétés nouvellement créées, auxquelles il transférait l’activité des sociétés précédemment constituées.
M. [N] se prévaut de l’ordonnance de référé du 8 juin 2017 qui a statué sur un rappel de congés payés, et qui a constaté que le contrat de travail avait été transféré de la société Avs Service à la société Adamy Transport.
Il considère que la société All Transport Et Service a été créée par M. [J] avec pour but de reprendre l’ancienne activité de la société Adamy Transport vidée de sa substance.
Au surplus, M. [N] soutient que son contrat de travail a été rompu sans qu’il ne reçoive en son temps une motivation du licenciement.
Au soutien de ses demandes M. [N] émet les observations suivantes :
– le versement de l’indemnité de préavis : ayant accepté le contrat de sécurisation professionnelle, il ne peut en principe prétendre à l’indemnité de préavis versée à Pôle emploi.
Cependant, il a été jugé que lorsqu’un licenciement économique a été déclaré sans cause réelle et sérieuse par défaut de motif économique, le salarié, nonobstant le versement de l’indemnité de préavis à Pôle Emploi, peut prétendre à cette indemnité.
– la revalorisation de l’indemnité de licenciement résulte de l’application des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail. L’ancienneté de M. [N] remonte à la signature du premier contrat, soit au 1er mai 2009, si bien qu’au moment de la rupture du contrat le salarié avait une ancienneté de 10 ans et 6 mois.
– les heures supplémentaires résultent des décomptes, soit 170 heures en juin 2016, 201 heures en novembre 2016, 190 heures en décembre 2016, 170 heures en janvier 2017, 182 heures en mai 2017, et un total de 2 243,28 euros augmenté des congés payés afférents.
M. [N] ajoute que le décompte des heures supplémentaires est précis, alors que l’employeur ne démontre pas qu’il a comptabilisé le temps de travail du salarié, tâche à laquelle il est obligé, et que par voie de conséquence le décompte présenté par le salarié doit être retenu.
La SELARL Gangloff et Nardi, en sa qualité de mandataire liquidateur de la SAS Adamy Transport, n’a pas constitué avocat et n’a donc pas conclu.
L’ordonnance de clôture de la procédure de mise en état a été rendue le 6 avril 2022.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.
MOTIFS
A titre liminaire, la cour rappelle que la partie intimée qui ne conclut pas, en l’occurrence la SELARL Gangloff et Nardi, en sa qualité de mandataire liquidateur de la SAS Adamy Transport, est réputée s’approprier les motifs du jugement conformément aux dispositions du dernier alinéa de l’article 954 du code de procédure civile.
La cour constate que les parties ne contestent pas les dispositions du jugement entrepris relatives au rappel de salaire pour heures de nuit et retenues injustifiées de sorte que ces points sont d’ores et déjà confirmés.
Sur la prescription
L’AGS CGEA de [Localité 7] soutient, dans le corps de ses écritures, la prescription des demandes de M. [N] au titre d’heures supplémentaires effectuées en juin 2016 et au titre de la reprise de son ancienneté.
La partie appelante ne reprend pas cette fin de non-recevoir dans le dispositif de ses conclusions.
Or la cour n’est saisie que des prétentions qui sont visées dans le dispositif des écritures de l’Unédic délégation AGS CGEA de [Localité 7], et la cour ne peut, conformément à l’article 954 du code de procédure civile, que constater qu’elle n’est pas saisie de cette fin de non-recevoir.
Sur les heures supplémentaires
Il résulte de l’article L. 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties, que l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié et que le juge doit se déterminer au vu de ces éléments et de ceux produits par le salarié.
Le salarié étant en demande, il lui appartient néanmoins de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer ses prétentions, tant sur l’existence des heures dont il revendique le paiement que sur leur quantum, éléments suffisamment sérieux et précis pour permettre à l’employeur d’y répondre et de les contester ensuite en produisant ses propres éléments.
En l’espèce, M. [N] produit des relevés de pointage des heures de travail qu’il a réalisées, qui précisent l’heure de prise de service et l’heure de fin de service par jour et pour chaque tâche au cours des mois de juin 2016, de novembre 2016 à janvier 2017 et de mai 2017, et qui laissent apparaître des heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée de travail contractuelle.
Ces éléments sont suffisamment précis pour étayer la demande de M. [N] de rappel d’heures supplémentaires, et pour permettre à l’employeur d’y répondre utilement, les observations de la partie appelante quant à leur valeur probante, (relevés de pointage non contresignés par l’employeur et ne mentionnant pas la société Adamy Transport) et quant au fait que le salarié n’a pas sollicité l’intégralité des heures supplémentaires dans un courrier de réclamation étant parfaitement inopérantes.
L’organisme de garantie ne produit aucun planning, aucun document ou élément justifiant le suivi par l’employeur des heures quotidiennes de travail réellement effectuées par M. [N] et permettant de démontrer que l’employeur a bien rémunéré ce dernier pour l’ensemble des heures de travail réalisées.
Il a lieu en conséquence de faire droit aux prétentions de M. [N], et de fixer sa créance au passif de la procédure collective de la SAS Adamy Transport à la somme réclamée de 2 243,28 euros brut au titre des heures supplémentaires ainsi qu’à la somme 224,32 euros brut au titre des congés payés afférents.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a statué en ce sens.
Sur le transfert du contrat de travail de M. [N]
M. [N] soutient que son contrat de travail a été systématiquement transféré au profit des sociétés nouvellement créées, qui reprenaient l’activité des sociétés précédemment constituées par M. [J]. Il estime d’une part que son ancienneté remonte à la signature de son premier contrat de travail avec la SARL Adc Express, soit au 1er mai 2009, et d’autre part que son licenciement pour motif économique est sans effet.
Sur le premier transfert du contrat de travail de la société Adc Express à la société Avs Transport et Service et sur le second transfert du contrat de travail de la société AVS Transport et service à la société Adamy Transport
Aux termes de l’article L. 1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.
Ces dispositions sont applicables en cas de transfert d’une entité économique autonome, constituée par un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre, qui conserve son identité et dont l’activité est poursuivie.
Dès lors que les conditions ci-avant définies sont remplies, le contrat de travail du salarié se poursuit de plein droit, par le seul effet de la loi, avec le nouvel employeur.
Il incombe en l’espèce à M. [N], qui se prévaut d’une fraude destinée à éluder les dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail, de rapporter la preuve que les conditions d’application de ces dispositions étaient réunies.
Il ressort des données constantes du débat que M. [N] a été employé en qualité de chauffeur par la société Adc Express, spécialisée dans le transport de marchandises, dont le gérant est M. [K] [J] et dont le siège social est situé [Adresse 3], tout d’abord dans le cadre d’une embauche précaire du 1er mai 2009 au 30 juin 2009 puis du 1er juin 2009 au 30 septembre 2009, puis à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2009, et que son lieu de travail était un entrepôt sis [Adresse 4].
M. [N] a ensuite été embauché à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2011 en qualité de chauffeur par la société AvsTransport et Service spécialisée dans le transport de marchandises, dont le gérant est M. [Y] [F] et dont le siège social est situé au [Adresse 2] (domicile personnel de M. [J]), et le salarié a bénéficié des mêmes conditions de rémunération et a travaillé à la même adresse, soit au [Adresse 4].
Enfin, M. [N] a été embauché à durée indéterminée en qualité de chauffeur livreur à compter du 3 mars 2016 avec les mêmes conditions et la même indication du lieu de travail ([Adresse 4]) par la société Adamy Transport, spécialisée dans le transport routier de marchandises, dont le gérant est M. [K] [J] et dont le siège social est situé [Adresse 2].
A l’appui des deux transferts de son contrat de travail, M. [N] retient qu’il a été successivement embauché par des sociétés ayant la même activité de transport, ayant les mêmes locaux situés au [Adresse 4], et ayant M. Moussa Daddi comme gérant de droit ou de fait.
Or ces données ne suffisent pas à elles seules à démontrer la réalité d’un transfert d’une entité économique autonome entre lesdites sociétés qui, juridiquement distinctes, pouvaient parfaitement exercer une activité identique, sous le contrôle d’une même personne physique et à partir du même entrepôt stockant les marchandises d’entreprises différentes.
Si M. [N] affirme que la société Adc Express a été vidée de sa substance au profit de la société AVS Transport et Service à l’occasion de sa création, puis que cette dernière a elle-même été vidée de sa substance au profit de la société Adamy Transport, et donc qu’il y a eu un transfert d’éléments d’exploitation corporels et incorporels entre elles, il ne produit néanmoins aucun élément à cet égard.
Il est au contraire avéré que la société Adc Express a poursuivi son activité pendant plusieurs années après l’embauche de M. [N] par la société Avs Transport et Service, et que cette dernière a également poursuivi son activité pendant plusieurs années après l’embauche de M. [N] par la société Adamy Transport.
De surcroît, le compte rendu de l’entretien préalable du 22 décembre 2018 établi et signé par M. [M] [I], conseiller du salarié, indique que M. [J] n’a fait référence à aucun transfert d’activité ou de contrat de travail entre les sociétés précitées et a seulement évoqué un précédent « changement » dans la situation de M. [N] qui n’aurait pas été correctement formalisé par le cabinet d’expertise comptable.
Dès lors, la cour constate qu’aucun transfert d’une entité économique autonome n’est établi par M. [N] entre les sociétés Adc Express, Avs Transport et service et Adamy Transport, étant rappelé que l’ordonnance de référé du 8 juin 2017 n’a pas autorité de la chose jugée au principal d’autant que, comme le souligne avec pertinence l’AGS qui n’était pas partie intervenante dans la procédure de référé, ladite ordonnance ne comporte pas de motivation sur le transfert du contrat de travail entre les sociétés Avs Transport et Service et Adamy Transport.
L’article L.1224-1 du code du travail dont se prévaut M. [N] n’ayant pas à s’appliquer, aucune reprise d’ancienneté n’était obligatoire en l’absence de mention en ce sens dans le contrat de travail du salarié, de sorte que son ancienneté doit être fixée au 3 mars 2016.
Le jugement déféré, qui a retenu que l’ancienneté de M. [N] devait remonter au 15 mai 2009 sera infirmé en ce sens.
Sur le transfert du contrat de travail de M. [N] de la société Adamy Transport à la société All Transport et Service
M. [N] rappelle que la lettre de licenciement qui lui a été adressée par la SAS Adamy Transport le 28 octobre 2019 repose sur la cessation de son activité. Il souligne au soutien du transfert de l’activité de la société Adamy au profit de la société All Transport et Service que cette dernière a le 3 juillet 2018 été immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Metz par M. [J], que ladite société a une activité de transport de marchandises, et que son siège social est situé au [Adresse 4] où est également organisée son activité.
M. [N] se prévaut également du compte rendu de l’entretien préalable du 22 décembre 2018 rédigé par le conseiller du salarié qui l’a assisté (sa pièce 12), qui mentionne : « M. [J] a proposé un nouveau contrat de travail à M. [N] car il transfert l’activité dans une autre société.».
Il résulte de ces données que l’activité de transport de la SAS Adamy Transport a été transférée à la société All Transport et Service nouvellement créée puisque constituée six mois auparavant, et qui a repris les moyens corporels et incorporels significatifs et nécessaires à la poursuite de l’activité de transport de marchandises à partir des mêmes locaux, et auprès d’une clientèle identique dont l’accès lui était ainsi facilité.
Aussi, ces éléments suffisent à caractériser l’existence d’un transfert d’une entité économique autonome qui a conservé son identité, et dont l’activité a été poursuivie au sens de l’article L.1224-1 du code du travail.
Le contrat de travail de M. [N] aurait donc dû être transféré de plein droit à la société All Transport et Service, et il sera fait droit aux prétentions de M. [N] à ce titre.
Sur le licenciement pour motif économique
Le transfert d’une entité économique autonome entraîne, de plein droit, le maintien avec le nouvel employeur du contrat de travail qui y est attaché, et prive par là-même d’effet le licenciement prononcé par le premier employeur pour motif économique, si bien que le licenciement de M. [N] prononcé par la SAS Adamy Transport pour motif économique se trouve privé d’effet.
En conséquence le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a dit que le licenciement du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse, et en ce qu’il a fixé les créances de M. [N] au passif de la procédure collective de la SAS Adamy Transport au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents.
L’article L.1235-3 du code du travail, dans sa version en vigueur depuis le 1er avril 2018, dispose que si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, en cas de refus de la réintégration du salarié dans l’entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par cet article, en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise et du nombre de salariés employés habituellement dans cette entreprise.
M. [N] comptait lors de son licenciement plus de trois ans d’ancienneté dans une entreprise qui employait habituellement au moins 11 salariés, de sorte que le salarié relève du régime d’indemnisation de l’article L.1235-3 alinéa 2 du code du travail dans sa rédaction applicable à la cause qui prévoit une indemnité minimale de trois mois de salaire et une indemnité maximale de quatre mois de salaire.
Compte tenu de l’âge du salarié lors de la rupture de son contrat de travail (42 ans), de son ancienneté (trois ans) ainsi que du montant de son salaire mensuel (1 534,32 euros brut), et alors qu’il ne justifie pas de sa situation personnelle et professionnelle à l’issue de la rupture, il convient fixer la créance de M. [N] au passif de la procédure collective de la SAS Adamy Transport à la somme de 6 000 euros au titre de dommages et intérêts.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.
Enfin, M. [N] sera débouté de sa demande de complément d’indemnité de licenciement à défaut de reprise de l’ancienneté sur laquelle il fonde ses prétentions, et le jugement entrepris sera également infirmé à ce titre.
Sur la garantie de l’AGS-CGEA
Il convient de rappeler que l’Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 7] n’est redevable de sa garantie que dans les limites précises des dispositions légales des articles L.3253-6 et L. 3253-8 du code du travail.
Il sera également rappelé que le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire de la SAS Adamy Transport a fait cesser le cours des intérêts.
Sur les frais et dépens
Le jugement sera confirmé s’agissant des dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et relatives aux dépens.
Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais d’appel.
En revanche, il convient de condamner l’Unédic délégation AGS CGEA de [Localité 7] aux dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi:
Confirme le jugement entrepris sauf dans ses dispositions relatives au montant des dommages et intérêts alloués à M. [N] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et sauf dans ses dispositions relatives à l’octroi à M. [N] d’un complément d’indemnité de licenciement ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :
Déboute M. [C] [N] de sa demande de complément d’indemnité de licenciement.
Fixe la créance de M. [C] [N] au passif de la procédure collective de la SAS Adamy Transport à la somme de 6 000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Dit que l’Unédic, délégation AGS CGEA de [Localité 7] doit sa garantie à titre subsidiaire pour le paiement des créances fixées en application de l’article L. 3253-8 1° du code du travail, y compris les dommages et intérêts liés à la rupture du contrat de travail, selon les conditions et dans les limites prévues par les lois et règlements applicables en matière de garantie des salaires ;
Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d’appel ;
Condamne l’Unédic délégation AGS CGEA de [Localité 7] aux dépens d’appel.
Le Greffier, La Présidente de chambre,