Traitement des données personnelles par la sécurité sociale

Notez ce point juridique

Il ne pèse sur la CGSSR ou la DGFIP aucune obligation d’information individualisée de la mise en oeuvre du traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Cotisation spécifique maladie » (calcul et le recouvrement par les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du code de la sécurité sociale de la cotisation spécifique maladie prévue par l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale) ni de la transmission effective des données aux cotisants.

En outre, ce défaut d’information ne saurait être sanctionnée de la nullité de l’appel à cotisation en l’absence de texte invoqué par M. [P] affectant la régularité du recouvrement, le cotisant ayant eu de surcroît la possibilité de contester devant le juge la cotisation réclamée et d’obtenir à cette occasion la communication de l’ensemble des pièces fondant le montant recouvré.


 

AFFAIRE : N° RG N° RG 22/00297 – N° Portalis DBWB-V-B7G-FVJS

Code Aff. :AP

ARRÊT N°

ORIGINE :JUGEMENT du Pole social du TJ de SAINT-DENIS en date du 02 Février 2022, rg n° 20/731

COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS

DE LA RÉUNION

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 29 JUIN 2023

APPELANTE :

Monsieur [G] [P]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentant : Me Christian AUJOULAT, avocat au barreau de LYON, Substitué par Me Cécile MAIRUANO, avocate au barreau de Saint-Denis de la Réunion

INTIMÉ :

Organisme CAISSE GENERALE DE SECURITE SOCIALE prise en la personne de son directeur en exercice

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Philippe BARRE de la SELARL PHILIPPE BARRE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DÉBATS : En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 Avril 2023 en audience publique, devant Aurélie POLICE, conseillère chargé d’instruire l’affaire, assisté de Jean-François BENARD, greffier placé, les parties ne s’y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 29 JUIN 2023;

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Président : Laurent CALBO

Conseiller : Aurélie POLICE

Conseiller : Laurent FRAVETTE

Qui en ont délibéré

ARRÊT : mis à disposition des parties le 29 JUIN 2023

Greffier lors des débats et lors de la mise à disposition : Jean-François BENARD

* *

*

LA COUR :

Exposé du litige’:

Par courrier du 19 décembre 2017, la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion (CGSSR) a notifié à M. [P] un appel à cotisation subsidiaire maladie au titre de la protection universelle maladie (Puma) pour l’année 2016 à hauteur de 59 728 euros.

Par courrier du 12 avril 2018, M. [P] a contesté cet appel de cotisation devant la commission de recours amiable de la caisse, qui a, par décision du 27 août 2020, rejeté le recours et validé l’appel à cotisation.

Par requête expédiée le 28 octobre 2020, M. [P] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion, qui a, par jugement du 2 février 2022′:

– validé l’appel à cotisation subsidiaire maladie d’un montant de 59 728 euros émis par

la CGSSR le 19 décembre 2017 pour l’année 2016,

– débouté M. [P] de l’ensemble de ses demandes,

– condamné M. [P] aux dépens.

M. [P] a interjeté appel du jugement par acte du 9 mars 2022.

Vu les dernières conclusions déposées par M. [P] le 6 février 2023, auxquelles il s’est expressément référé lors de l’audience de plaidoiries du 25 avril 2023′;

Vu les dernières conclusions déposées par la CGSSR le 26 septembre 2022, auxquelles elle s’est expressément référée lors de l’audience de plaidoiries’;

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu’aux développements infra.

Sur ce’:

Sur le caractère tardif de l’appel à cotisation

L’article L. 160-1 du code de sécurité sociale, dans sa version applicable, dispose que toute personne travaillant ou, lorsqu’elle n’exerce pas d’activité professionnelle, résidant en France de manière stable et régulière bénéficie, en cas de maladie ou de maternité, de la prise en charge de ses frais de santé dans les conditions fixées au présent livre.

L’exercice d’une activité professionnelle et les conditions de résidence en France sont appréciées selon les règles prévues, respectivement, aux articles L. 111-2-2 et L. 111-2-3.

Un décret en Conseil d’Etat prévoit les conditions dans lesquelles les personnes qui résident en France et cessent de remplir les autres conditions mentionnées à l’article L. 111-2-3 bénéficient, dans la limite d’un an, d’une prolongation du droit à la prise en charge des frais de santé mentionnée à l’article L. 160-8 et, le cas échéant, à la couverture complémentaire prévue à l’article L. 861-1.

En vertu de l’article L. 380-2 du même code, les personnes mentionnées à l’article L. 160-1 sont redevables d’une cotisation annuelle lorsqu’elles remplissent les conditions suivantes:

1° Leurs revenus tirés, au cours de l’année considérée, d’activités professionnelles exercées en France sont inférieurs à un seuil fixé par décret. En outre, lorsqu’elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, les revenus tirés d’activités professionnelles exercées en France de l’autre membre du couple sont également inférieurs à ce seuil ;

2° Elles n’ont perçu ni pension de retraite, ni rente, ni aucun montant d’allocation de chômage au cours de l’année considérée. Il en est de même, lorsqu’elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, pour l’autre membre du couple.

L’article R. 380-4 I du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-736 du 3 mai 2017, applicable au recouvrement de la cotisation litigieuse, dispose enfin que la cotisation mentionnée à l’article L. 380-2 est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l’année suivant celle au titre de laquelle elle est due. Elle est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée.

M. [P] soutient d’une part que l’appel à cotisation querellé est intervenu le 19 décembre 2017, soit postérieurement au délai de l’article R. 380-4 précité et d’autre part que la CGSSR échoue à démontrer qu’il aurait été bénéficiaire en 2016 de la protection universelle maladie (Puma).

Le non-respect par l’organisme de recouvrement de la date limite mentionnée par ce texte a toutefois pour seul effet de reporter le délai au terme duquel la cotisation devient exigible, en l’absence de disposition en sanctionnant le dépassement.

Il s’ensuit que la circonstance selon laquelle l’appel à cotisation en cause soit intervenu postérieurement au délai prévu par l’article R. 380-4 est sans conséquence sur sa régularité.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté l’exception de la nullité de l’appel de cotisation tirée du non-respect du délai fixé par l’article R.’380-4 précité.

Sur l’absence d’exigibilité de la cotisation

M. [P] indique avoir travaillé en 2015 et obtenu le maintien de ses droits en 2016 sans avoir bénéficié de la prise en charge de frais de santé, ni sollicité le bénéfice de la Puma.

Il en déduit, par application des textes susvisés et de la circulaire interministérielle du 15 novembre 2017, qu’il ne peut lui être réclamé aucune cotisation au titre de l’année 2016.

Or, c’est par une lecture erronée des textes en vigueur et de la circulaire interministérielle, par ailleurs dépourvue de caractère normatif, que M. [P] conditionne l’exigibilité de la cotisation annuelle à la prise en charge de frais de santé au cours de l’année considérée.

En effet, les personnes résidant en France de manière stable et régulière bénéficient de plein droit, en cas de maladie ou de maternité, de la prise en charge de leurs frais de santé, sans qu’il puisse y renoncer ou opposer l’absence de recours à cette protection sociale. En contrepartie, elles sont obligatoirement redevables de la cotisation annuelle prévue à l’article L. 380-2 précité, recouvrée à compter du mois de novembre de l’année N+1 dès lors que leurs revenus sont inférieurs à un plafond ou qu’elles n’ont perçu ni pension de retraite, ni rente, ni aucun montant d’allocation de chômage au cours de cette période.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté l’exception de nullité de l’appel de cotisation tirée de l’absence de bénéfice de la prise en charge de ses frais de santé au cours de l’année 2016.

Sur l’inconstitutionnalité de la cotisation sollicitée

M. [P] expose que le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution les première et dernière phrases du quatrième alinéa de l’article L. 380-2, mais sous une réserve d’interprétation relative à l’absence de plafonnement. Il ajoute qu’une modification des dispositions de l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale est intervenue en 2019 et que l’appel à cotisation pris sur la base du texte ayant fait l’objet d’une réserve d’interprétation doit être annulé, en ce qu’il entraîne une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques.

Le 27 septembre 2018, saisi par une QPC n° 2018-735 sur la constitutionnalité de l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi 2015-1702 du 21 décembre 2015, le Conseil constitutionnel a rendu la décision suivante’:

«’En ce qui concerne la première phrase du 1° et les premières et dernières phrases du quatrième alinéa de l’article L. 380-2′:

14. En premier lieu, les dispositions contestées créent une différence de traitement entre les assurés sociaux redevables de cotisations sociales sur leurs seuls revenus professionnels et ceux qui, dès lors que leur revenu d’activité professionnelle est inférieur au seuil fixé par le pouvoir réglementaire en application du 1° de l’article L. 380-2 et qu’ils n’ont perçu aucun revenu de remplacement, sont redevables d’une cotisation assise sur l’ensemble de leurs revenus du patrimoine.

15. Toutefois, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu faire contribuer à la prise en charge des frais de santé les personnes ne percevant pas de revenus professionnels ou percevant des revenus professionnels insuffisants pour que les cotisations assises sur ces revenus constituent une participation effective à cette prise en charge.

16. Dès lors, en créant une différence de traitement entre les personnes pour la détermination des modalités de leur participation au financement de l’assurance maladie selon le montant de leurs revenus professionnels, le législateur a fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se proposait.

17. En deuxième lieu, d’une part, s’il résulte des dispositions contestées une différence de traitement entre deux assurés sociaux disposant d’un revenu d’activité professionnelle d’un montant proche, selon que ce revenu est inférieur ou supérieur au plafond prévu par le quatrième alinéa de l’article L. 380-2, cette différence est inhérente à l’existence d’un seuil. En outre, en application du cinquième alinéa de l’article L.’380-2, lorsque les revenus d’activité sont inférieurs au seuil en deçà duquel une personne est soumise à la cotisation prévue par l’article L.’380-2 mais supérieure à la moitié de ce seuil, l’assiette de la cotisation assise sur les revenus du patrimoine fait l’objet d’un abattement croissant à proportion des revenus d’activité.

18. D’autre part, la cotisation n’est assise que sur la fraction des revenus du patrimoine dépassant un plafond fixé par décret.

19. Enfin, la seule absence de plafonnement d’une cotisation dont les modalités de détermination de l’assiette ainsi que le taux sont fixés par voie réglementaire n’est pas, en elle-même, constitutive d’une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques. Toutefois, il appartient au pouvoir réglementaire de fixer ce taux et ces modalités de façon à ce que la cotisation n’entraîne pas de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques.

20. En troisième lieu, la cotisation contestée n’entrant pas dans la catégorie des impositions de toutes natures, le grief tiré de ce que son cumul avec des impositions de toutes natures présenterait un caractère confiscatoire prohibé par l’article 13 de la Déclaration de 1789 est inopérant.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la première phrase du 1° et, sous la réserve énoncée au paragraphe 19, les premières et dernières phrases du quatrième alinéa de l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale ne méconnaissent ni le principe d’égalité devant les charges publiques, ni celui d’égalité devant la loi.’».

Le Conseil constitutionnel a ainsi validé l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à l’espèce sous réserve que le pouvoir réglementaire en détermine les modalités afin de satisfaire au principe d’égalité devant les charges publiques.

Or, l’appelant n’explique pas en quoi les articles D. 380-1 et D. 380-2 du code de la sécurité sociale, issus du décret 2016-979 du 19 juillet 2016 applicable au litige, qui fixent le taux de la cotisation et ses modalités de calcul, ne satisfont pas au principe d’égalité devant les charges publiques.

M. [P] ne justifie pas davantage en quoi le recouvrement de cette cotisation, dans les conditions fixées par le dit décret, constitue une rupture d’égalité devant les charges publiques, au regard sa situation personnelle.

Le fait que le législateur soit intervenu à compter de 2019 pour modifier les conditions d’assujettissement à la cotisation, l’assiette et le taux de la cotisation, est sans emport sur la régularité de la cotisation appelée au titre de l’année 2016.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a rejeté l’exception de nullité de l’appel de cotisation tirée de l’inconstitutionnalité de la cotisation litigieuse.

Sur la violation des dispositions applicables en matière de protection des données personnelles

Vu le dernier alinéa de l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige’;

Vu le décret n° 2017-1530 du 3 novembre 2017 ayant autorisé la création par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale d’un traitement de données à caractère personnel dénommé « Cotisation spécifique maladie » pour le calcul et le recouvrement par les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du code de la sécurité sociale de la cotisation spécifique maladie prévue par l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale’;

M. [P] fait valoir qu’en application de la délibération n°2017-279 du 26 octobre’2017, la commission nationale informatique et liberté (CNIL) a rappelé que les cotisants devaient nécessairement être informés par la direction générale des finances publiques (DGFIP) de la transmission des données les concernant à l’URSSAF ou la CGSSR.

Aux termes de l’appel à cotisation du 19 décembre 2017, la CGSSR précise en effet se fonder sur les éléments transmis par la DGFIP.

Cependant, en premier lieu, il résulte des dispositions législatives susvisées que le montant de la cotisation en litige est calculé par l’organisme de sécurité sociale sur la base des éléments communiqués par l’administration fiscale, en sorte que la transmission par la DGFIP à la CGSSR des éléments permettant le calcul de la cotisation litigieuse est expressément prévue par loi.

En second lieu, la publication de la loi ayant institué la cotisation subsidiaire maladie et du décret susvisé instaurant un traitement automatique de données spécifique pour son calcul suffit à justifier de l’information générale des personnes concernées par le traitement automatique de données instauré pour le recouvrement de la cotisation subsidiaire maladie.

En effet, il ne pèse sur la CGSSR ou la DGFIP aucune obligation d’information individualisée de la mise en ‘uvre de ce traitement automatisé de données ni de la transmission effective des données aux cotisants.

En outre, ce défaut d’information ne saurait être sanctionnée de la nullité de l’appel à cotisation en l’absence de texte invoqué par M. [P] affectant la régularité du recouvrement, le cotisant ayant eu de surcroît la possibilité de contester devant le juge la cotisation réclamée et d’obtenir à cette occasion la communication de l’ensemble des pièces fondant le montant recouvré.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté l’exception de nullité de l’appel de cotisation tirée de la violation des dispositions applicables en matière de protection des données personnelles et en ce qu’il a validé l’appel à cotisation subsidiaire maladie du 19 décembre 2017 pour un montant de 59 728 euros pour l’année 2016 et débouté M. [P] de sa demande en remboursement.

PAR CES MOTIFS’:

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement,

Confirme le jugement rendu le 2 février 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion en toutes ses dispositions’;

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [P] à payer à la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion la somme de 2 000 euros au titre des frais non répétibles’;

Déboute M. [P] de sa demande au titre des frais non répétibles’;

Condamne M. [P] aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Laurent CALBO, Conseiller, et par M. Jean-François BENARD, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 

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