Téléréalité, violences conjugales et données personnelles

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Le droit à l’information du public peut paralyser le droit au déréférencement des condamnations pénales sur internet. Une ancienne comédienne de téléréalité, condamnée pour violences conjugales, ne peut ainsi pas exercer pleinement son droit au déréférencement sur Google, si elle a elle-même communiqué sur sa vie privée auprès d’organes de presse (People entre autres).

Plainte classée par la CNIL

Eu égard à la nature et au contenu de l’information litigieuse (la condamnation de l’intéressée), aux conditions dans lesquelles elle était traitée (reprise des propos que la comédienne avait elle-même choisi de tenir au sujet de sa condamnation dans une interview au site  » Closer « ), au caractère récent de cette interview et au fait que l’intéressée a acquis une certaine notoriété en jouant l’un des rôles principaux d’une série qui continue d’être programmée sur la chaîne D8, la CNIL a pu légalement estimer, en dépit des répercussions qu’est susceptible d’avoir pour l’intéressée le maintien des liens permettant d’y avoir accès à partir d’une recherche effectuée sur son nom, que le référencement des liens litigieux était strictement nécessaire à l’information du public.

Publication des condamnations pénales

Lorsque des liens mènent vers des pages web contenant des données à caractère personnel relatives à des procédures pénales (article 10 du règlement général sur la protection des données du 27 avril 2016), l’ingérence dans les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel de la personne concernée est susceptible d’être particulièrement grave en raison de la sensibilité de ces données.

Il s’ensuit qu’il appartient en principe à la CNIL, saisie d’une demande tendant à ce qu’elle mette l’exploitant d’un moteur de recherche en demeure de procéder au déréférencement de liens renvoyant vers des pages web, publiées par des tiers et contenant de telles données, de faire droit à cette demande.

Il n’en va autrement que s’il apparaît, compte tenu du droit à la liberté d’information, que l’accès à une telle information à partir d’une recherche portant sur le nom de la personne concernée est strictement nécessaire à l’information du public. Pour apprécier s’il peut être légalement fait échec au droit au déréférencement au motif que l’accès à des données à caractère personnel relatives à une procédure pénale à partir d’une recherche portant sur le nom de la personne concernée est strictement nécessaire à l’information du public, il incombe à la CNIL de tenir notamment compte, d’une part, de la nature des données en cause, de leur contenu, de leur caractère plus ou moins objectif, de leur exactitude, de leur source, des conditions et de la date de leur mise en ligne et des répercussions que leur référencement est susceptible d’avoir pour la personne concernée et, d’autre part, de la notoriété de cette personne, de son rôle dans la vie publique et de sa fonction dans la société. Il lui incombe également de prendre en compte la possibilité d’accéder aux mêmes informations à partir d’une recherche portant sur des mots-clés ne mentionnant pas le nom de la personne concernée.

Actualisation des condamnations pénales



Dans l’hypothèse particulière où le lien mène vers une page web faisant état d’une étape d’une procédure judiciaire ne correspondant plus à la situation judiciaire actuelle de la personne concernée mais qu’il apparaît, au terme de la mise en balance effectuée dans les conditions énoncées au point précédent, que le maintien de son référencement est strictement nécessaire à l’information du public, l’exploitant d’un moteur de recherche est tenu, au plus tard à l’occasion de la demande de déréférencement, d’aménager la liste de résultats de telle sorte que les liens litigieux soient précédés sur cette liste de résultats d’au moins un lien menant vers une ou des pages web comportant des informations à jour, afin que l’image qui en résulte reflète exactement la situation judiciaire actuelle de la personne concernée.

Article 46 de la loi du 6 janvier 1978

En ce qui concerne le  » droit au déréférencement  » de données à caractère personnel relatives à des procédures pénales, l’article 46 de la loi du 6 janvier 1978 pose également que les traitements de données à caractère personnel relatives aux condamnations pénales, aux infractions ou aux mesures de sûreté connexes ne peuvent être effectués que par : i) Les juridictions, les autorités publiques et les personnes morales gérant un service public, agissant dans le cadre de leurs attributions légales ainsi que les personnes morales de droit privé collaborant au service public de la justice et appartenant à des catégories précises, dans la mesure strictement nécessaire à leur mission ; ii) Les auxiliaires de justice, pour les stricts besoins de l’exercice des missions qui leur sont confiées par la loi ; iii) Les personnes physiques ou morales, aux fins de leur permettre de préparer et, le cas échéant, d’exercer et de suivre une action en justice en tant que victime, mise en cause, ou pour le compte de ceux-ci et de faire exécuter la décision rendue, pour une durée strictement proportionnée à ces finalités. La communication à un tiers n’est alors possible que sous les mêmes conditions et dans la mesure strictement nécessaire à la poursuite de ces mêmes finalités ; iv) Les personnes morales mentionnées aux articles L. 321-1 et L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle, agissant au titre des droits dont elles assurent la gestion ou pour le compte des victimes d’atteintes aux droits prévus aux livres Ier, II et III du même code aux fins d’assurer la défense de ces droits ; v) Les réutilisateurs des informations publiques figurant dans les décisions mentionnées à l’article L. 10 du code de justice administrative et à l’article L. 111-13 du code de l’organisation judiciaire, sous réserve que les traitements mis en oeuvre n’aient ni pour objet ni pour effet de permettre la réidentification des personnes concernées.

Position de la CJUE

La CJUE (affaire C-136/17 du 24 septembre 2019) considère que l’interdiction ou les restrictions relatives au traitement des catégories particulières de données à caractère personnel s’appliquent, sous réserve des exceptions prévues par cette directive, également à l’exploitant d’un moteur de recherche dans le cadre de ses responsabilités, de ses compétences et de ses possibilités en tant que responsable du traitement effectué lors de l’activité de ce moteur, à l’occasion d’une vérification opérée par cet exploitant, sous le contrôle des autorités nationales compétentes, à la suite d’une demande introduite par la personne concernée.

L’exploitant d’un moteur de recherche est en principe obligé, sous réserve des exceptions légales, de faire droit aux demandes de déréférencement portant sur des liens menant vers des pages web sur lesquelles figurent des données à caractère personnel qui relèvent des catégories particulières visées par ces dispositions. Le moteur de recherche peut refuser de faire droit à une demande de déréférencement lorsqu’il constate que les liens en cause mènent vers des contenus comportant des données à caractère personnel qui relèvent des catégories particulières mais dont le traitement est couvert par l’exception de droit à l’information. L’inclusion des liens de condamnation dans la liste de résultats, qui est affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir du nom de la personne concernée, doit s’avérer strictement nécessaire pour protéger la liberté d’information des internautes potentiellement intéressés à avoir accès à cette page web au moyen d’une telle recherche. Télécharger la décision


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